République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1689
Proposition de motion de Mme et MM. Jean-Marc Odier, Gabriel Barrillier, Hugues Hiltpold, Frédéric Hohl, Jacques Follonier, Michèle Ducret, Pierre Kunz, Michel Ducret, Louis Serex : Imposition des gains en nature des loteries

Débat

La présidente. Nous passons à la proposition de motion 1689 qui est également classée en catégorie II - trois minutes de parole par groupe. Monsieur le député Jean-Marc Odier, vous avez la parole.

M. Jean-Marc Odier (R). Quelle est l'imposition fiscale sur les gains de loteries, notamment les gains en nature ? Eh bien, jusqu'à maintenant, à Genève, il n'y avait aucune imposition. Tout d'un coup, depuis peu semblerait-il, le département s'est mis à imposer ces gains en nature, de telle sorte qu'ils viennent s'ajouter au revenu.

Pour exemple, si l'on considère un revenu de 80 000 F et un gain en nature qui a été gagné dans une loterie, une voiture par exemple, il faut additionner les deux montants et on arrive à une augmentation de l'imposition de 14 000 F, soit à peu près 35% de la valeur du lot qui a été gagné. Or ces loteries sont souvent organisées par des sociétés communales et des associations, voire des kermesses, dans des buts absolument non lucratifs. Cela veut dire qu'elles permettent à ces associations de financer des activités - souvent des activités pour les jeunes. A contrario, les casinos ne sont de fait pas soumis à ces impositions.

C'est pour cela que nous avons émis cette proposition de motion, parce que nous pensons que ces impositions sont excessives. A l'instar de divers cantons de ce pays, nous demandons au département qu'il adoucisse cette imposition, pour qu'elle ne représente pas 35% du gain et, surtout, nous demandons que l'on puisse avoir une imposition distincte du revenu. Voilà pourquoi je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre et à voter cette proposition de motion.

Mme Michèle Künzler (Ve). Les Verts ne s'opposent pas à ce que l'on étudie cette proposition de motion en commission, mais franchement, il y a des sujets plus importants que de savoir si on va être imposé sur une voiture gagnée à une loterie ! La plupart des loteries ne sont par ailleurs pas organisées par des kermesses à buts sociaux.

Franchement, ce n'est pas très grave de payer un impôt sur quelque chose, qu'on a obtenu gratuitement de surcroît ! On est de toute façon encore en dessous de la valeur du lot. On veut bien étudier cette proposition de motion, mais on se rappelle qu'on prétendait tout à l'heure qu'il n'y avait pas assez d'argent pour payer l'équivalent du 0,7% du produit national brut et financer les projets d'aide au développement parce que l'Etat est à bout... Là, on fait de nouveau une diminution de recettes, on essaie de nouveau de grignoter l'imposition, pour un sujet, ma foi, pas très important ! On étudiera ça et on verra bien ce que nous en ferons.

M. Georges Letellier (Ind.). Je tiens à m'excuser, mais mon intervention concerne uniquement la proposition de motion 1681 - celle d'avant - où vous ne m'avez pas laissé la parole ! Vous ne m'avez pas laissé prendre la parole, alors que ça clignotait pendant bien cinq minutes ! Il y a des témoins ici ! Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que cela arrive. (Brouhaha.) Il me reste une minute de parole !

La présidente. Cette proposition de motion est retirée, Monsieur ! Nous ne sommes plus à ce point de l'ordre du jour !

M. Georges Letellier. Oui, Madame, mais c'est vous qui l'avez voulu ! Comprenez que moi, j'attends comme un idiot ici et vous, chaque fois, vous me faites le coup ! Ça ne va pas ! (Brouhaha. Rires.)

La présidente. Ce n'est pas possible, cette proposition de motion a été retirée !

M. Georges Letellier. Et voilà ! Comme ça, on me boycotte sans arrêt ! Voilà, on y va ! Bravo les Verts ! Chapeau ! Continuez comme ça, je ne sais pas où ira la République, mais elle ira très mal, un de ces jours ! (Commentaires.)

M. Pascal Pétroz (PDC). Je dois vous dire que j'ai un petit peu de peine à suivre ce qui vient de se passer. J'ai vu des grands moulinets dans la salle et entendu des vociférations. Je n'ai pas tout à fait compris quelle était la position de mon préopinant. Cela étant, pour revenir au sujet qui nous concerne, le parti démocrate-chrétien ne s'opposera pas au renvoi en commission de cette motion proposée par nos amis et cousins radicaux, même si nous devons d'ores et déjà, chers amis radicaux, vous faire part d'un certain nombre de réserves. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)

Peut-être arriverez-vous à nous convaincre en commission, mais nous avons un certain nombre de réserves. En réalité, si vous proposez une motion qui vise à empêcher de prétériter les loteries villageoises, je n'imagine pas que dans la situation actuelle, le panier garni et le saucisson que l'on peut gagner dans le cadre d'une loterie villageoise puissent être imposés si lourdement que le gagnant doive couper le saucisson en deux pour en donner une moitié à l'administration fiscale afin de garder l'autre moitié.

Une voix. Avec la ficelle !

M. Pascal Pétroz. Cela étant, il me semble que les loteries villageoises devraient être préservées dans leur forme actuelle pour deux raisons. Elles méritent de l'être parce que les loteries villageoises sont le coeur et le poumon d'un village et parce que c'est bien sympathique d'y participer.

Pour être un petit peu plus sérieux, nous avons quelques réserves - mais encore une fois, nous ne demandons qu'à être convaincus en commission - sur un impôt spécial dont bénéficierait quelqu'un qui a reçu quelque chose. Alors que quelqu'un qui travaille pour augmenter son revenu ou sa fortune paie un impôt, pourquoi quelqu'un qui fait un gain dans une loterie devrait-il être imposé différemment ? Ce système-là nous paraît être une loi d'exception et cette loi d'exception nous pose problème. Nous nous réjouissons d'entendre en commission vos arguments qui ne manqueront pas de nous convaincre, j'imagine et je l'espère, sinon tant pis.

M. Christian Brunier (S). Mesdames et Messieurs les députés, je crois que Pascal Pétroz vient de le dire très justement: quelqu'un qui travaille et qui gagne d'un seul coup 80 000 F est taxé. Par contre, s'il gagne à la loterie, dans une kermesse, on ne devrait pas le taxer ? Cela veut dire que vous privilégiez la loterie par rapport au travail; ce n'est pas notre conception de la société ! (Commentaires.) Nous pensons véritablement qu'il y a d'autres choses à faire en commission fiscale - qui est une commission surchargée - que d'étudier des projets de motion de ce style !

Vous faites une comparaison avec les gains réalisés dans les casinos. Je vous rappelle que les casinos paient des taxes. Heureusement ! C'est bien la moindre des choses ! Vous savez très bien que la plupart des gains des casinos aujourd'hui se font par le biais des machines à sous. Il est clair que, fiscalement, il serait terrible de contrôler toutes les sommes perdues ou gagnées dans les machines à sous. Nous n'avons jamais été très favorables au développement des casinos. Néanmoins, vous ne pouvez pas faire cette comparaison. Vous pouvez éventuellement faire cette comparaison avec la loterie à numéros où les gens sont taxés et où il y a en plus un impôt anticipé.

Nous devons donc garantir l'équité au niveau fiscal. Les gens paient des impôts quand ils travaillent, ils paient quand ils gagnent à la loterie à numéros, ils doivent payer des impôts quand ils gagnent une voiture ! Franchement, quand on gagne une voiture d'une valeur de 100 000 F, payer 15 000 F ou 20 000 F d'impôts, ce n'est pas un luxe et si les gens ont envie de vendre leur voiture, ils feront quand même un gain de 85 000 F, ce qui est considérable. Ne perdons donc pas de temps ! Nous vous proposons ce soir de voter contre cette proposition de motion et de ne pas alourdir la commission fiscale qui travaille aujourd'hui sur des sujets nettement prioritaires par rapport à cette proposition de motion-là.

M. Jean-Michel Gros (L). Dans ce débat fort sérieux, je ne vais pas faire comme mon collègue Brunier qui, à l'image de sa coreligionnaire française, perd son sang-froid. C'est vrai que c'est un sujet important. L'important, c'est que nous partagions le sens des priorités. Nous acceptons le renvoi à la commission fiscale de ce projet, parce que, comme M. le conseiller d'Etat Hiler le sait, la commission fiscale est assez libre ces temps-ci.

La présidente. Je vais donc vous faire voter le renvoi de cette proposition de motion à la commission fiscale.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1689 à la commission fiscale est adopté par 45 oui contre 22 non et 5 abstentions.