République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 3 mai 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 7e session - 32e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 20h30, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, présidente.
Assistent à la séance: MM. Charles Beer, président du Conseil d'Etat, Laurent Moutinot, Robert Cramer, Pierre-François Unger, David Hiler, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. David Amsler, Maurice Clairet, Christiane Favre, Renaud Gautier, Michèle Künzler et Patricia Läser, députés.
La présidente. M. Claude François Wenger, Mme Diana Zehnder et Mme Nathalie Bloch sont assermentés. (Applaudissements.)
La présidente. Mme Daniela Jobin-Chiabudini est assermentée. (Applaudissements.)
Annonces et dépôts
La présidente. On nous annonce le retrait, par leurs auteurs, des deux objets suivants:
Projet de loi de Mmes Christine Sayegh, Micheline Calmy-Rey, Claire Torracinta-Pache modifiant la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève (D 1 9). (PL-7305)
Proposition de motion de Mmes Erica Deuber Ziegler, Alexandra Gobet, Louiza Mottaz pour la réorganisation du travail des gardes de l'aéroport (M-1226)
Par ailleurs, la commission des pétitions nous informe qu'elle désire renvoyer la pétition suivante à la commission des transports :
Pétition demande de détournement du trafic de transit passant de la route de Collex par la «Voie Albert» (P-1619)
La présidente. Monsieur Stauffer, vous aviez demandé la parole à propos de l'un de ces points. Un retrait ? Je vous écoute.
M. Eric Stauffer (MCG). Le 20 juin 2006, le groupe MCG a déposé la proposition de motion suivante:
Proposition de motion de Mme et MM. Eric Stauffer, Roger Golay, Sandra Borgeaud, Thierry Cerutti, Sébastien Brunny, Claude Marcet pour garantir la sécurité et les droits des enfants atteints de cancers, leucémies et autres affections traités en onco-hématologie dans les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) (M-1699)
Ayant obtenu la création de 3,5 postes, cette motion n'a plus lieu d'être et nous la retirons.
Il y a un deuxième point, Madame la présidente: nous avons trouvé sur nos places un texte de loi, mais il ne porte pas de numéro.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Nous passons aux points à traiter en urgence qui sont la motion 1760 et la résolution 526.
Débat
La présidente. En préambule, j'ai une déclaration à vous faire. (La présidente agite la cloche.) A mon insu et à l'insu du Bureau a été distribué sur vos places un communiqué de presse du parti UDC, alors que je n'avais pas donné mon accord. Je considère cette manière de faire comme tout à fait inadmissible et je prie l'UDC de retirer ce communiqué de presse qui n'a rien à faire sur nos tables ! Nous passons maintenant à la motion 1760 et à la résolution 526. Monsieur Leyvraz, vous avez la parole.
M. Eric Leyvraz (UDC). En principe, c'est l'auteur qui a la parole.
La présidente. Monsieur Guy Mettan, vous avez la parole.
M. Guy Mettan (PDC). Je vais essayer d'être sobre parce que beaucoup de choses ont déjà été dites à propos du problème posé par ces affiches que le parti UDC a cru bon de diffuser dans notre ville. Comme cela a été constaté, ces affiches sont discriminatoires sur plusieurs aspects à l'égard d'une minorité. Elles contreviennent notamment à l'article 8 de la Constitution fédérale qui garantit l'égalité de traitement pour tous les citoyens et citoyennes de ce pays. Cet article prohibe toute discrimination à l'égard d'une personne ou d'une minorité. C'est pour cela que nous avons proposé cette résolution. Elle condamne fermement les propos figurant sur cette affiche, que l'on peut voir dans notre ville, et dénonce la discrimination qu'ils impliquent à l'égard de certaines personnes de notre République, des citoyens éminents et des citoyennes éminentes. La résolution invite naturellement les responsables de ce parti à retirer leurs affiches.
Nous avons appris entre-temps que ce parti entendait gommer le mot qui faisait problème. Nous en prenons acte, mais, à nos yeux, cela n'est pas suffisant. Parce que ce qui a été fait dépasse les bornes de l'entendement. Et nous exigeons - nous continuons à exiger - que l'entier de ces affiches ou en tout cas l'entier des propos tenus soit retiré !
Je n'en dirai pas plus pour l'instant, parce que je pense qu'il ne faut pas jeter de l'huile sur le feu. Il peut arriver dans tous les partis que des dérapages se produisent... (Exclamations.) Ça peut arriver dans tous les partis, personne n'est à l'abri ! Je crois qu'il faut être honnête avec soi-même, il faut savoir que cela peut aussi arriver dans d'autres partis que l'UDC ! En l'occurrence, ce qu'a fait l'UDC, je le répète, dépasse ce qui est admissible et c'est pour ça que je vous invite, Mesdames et Messieurs, chers collègues, à voter cette résolution sans hésiter !
La présidente. Je rappelle que nous nous sommes mis d'accord tout à l'heure avec les chefs de groupes: trois minutes de prise de parole par groupe sur les deux objets sont prévues. Vous pouvez bien sûr vous partager ce temps.
M. Jean-Michel Gros (L). Je ne parlerai pour le moment que de la motion. Un de mes collègues, M. Weiss, s'occupera de la résolution.
Alors, «je vous parle d'un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître...», mais je me souviens d'une émission télévisée qui s'intitulait «A armes égales», au cours de laquelle Maurice Clavel s'était levé brusquement et avait quitté le plateau en disant: «Messieurs les censeurs, bonsoir !» Mesdames et Messieurs, je suis contre la censure ! Je suis un démocrate, je suis élu démocratiquement par le peuple de Genève et je suis contre la censure ! Par contre, je l'ai déclaré hier soir sur le plateau de Léman Bleu, lorsque que j'ai découvert cette affiche, j'ai trouvé que cette affiche était dégueulasse ! J'ai employé ce terme: elle est dégueulasse ! Et pourquoi est-elle dégueulasse ? C'est parce que, contrairement aux affiches d'avant-guerre dues au trait puissant de M. Noël Fontanet qui était très virulent, eh bien, là, on ne s'adresse pas aux idées. Cette fois, cette affiche est dégueulasse parce qu'elle est méprisante vis-à-vis des gens. Alors, je maintiens ce terme en ce qui concerne cette affiche.
Mais ce que je pense, c'est que nous sommes en train de faire de la publicité pour cette affiche, maintenant. Je pense que la population doit observer sur les panneaux d'affichage ce que certains partis pensent tout bas et qu'ils dévoilent enfin sur les murs ! Et ça, c'est une très bonne chose ! C'est pourquoi la censure est, à mon avis, un très mauvais moyen, et c'est pour cela que je m'opposerai à la motion de M. Brunier !
La présidente. Je salue à la tribune notre ancienne collègue, Mme Mireille Gossauer-Zürcher. (Applaudissements.) La parole est à Mme la députée Morgane Gauthier.
Mme Morgane Gauthier (Ve). C'est avec consternation que les Verts ont pris connaissance de la dernière campagne d'affichage menée par l'UDC genevoise pour les votations du 20 mai prochain. L'UDC s'illustre une fois de plus par une position surfant sur l'intolérance, en s'en prenant cette fois aux couples homosexuels, après avoir exploité les thèmes des étrangers et des personnes handicapées.
Au-delà de son caractère homophobe, l'affiche de l'UDC joue sur des arguments spécieux et incohérents, donnant à penser que l'UDC se moque de l'électorat genevois. En effet, l'UDC avait en 2004 approuvé la loi sur les successions qui permettait aux couples mariés hétérosexuels d'être entièrement exonérés de taxes sur les successions. En appelant à voter non à l'extension de cette loi aux couples pacsés le 20 mai prochain, l'UDC juge donc implicitement qu'il est légitime que les couples hétérosexuels mariés soient exonérés de toute taxe et que les couples homosexuels pacsés continuent de s'acquitter de cette même taxe !
Cette argumentation trompeuse s'ajoute au caractère profondément discriminatoire et homophobe de cette campagne, ce qui n'est pas surprenant si l'on sait que l'un des fers de lance de la campagne contre le partenariat enregistré est un membre de l'UDC qui siège sur les bancs de notre Grand Conseil. L'UDC avait d'ailleurs été le seul parti genevois à donner une consigne de vote négative concernant cette votation du 5 juin 2005 sur la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe - loi sur le partenariat, LPart). Avec cette nouvelle campagne, les dirigeants de l'UDC démontrent de manière évidente leur homophobie viscérale.
Les Verts voteront donc la résolution qui demande au parti de l'UDC de renoncer à ses affiches qui nuisent à la démocratie et encourage la société civile à s'élever contre ces affiches par la voie du Tribunal administratif.
M. Eric Leyvraz (UDC). Se rendant à leur caucus, lundi soir 1er mai, neuf députés UDC voient pour la première fois et avec stupéfaction l'affiche sur les pacsés inféconds. Le mardi 2 mai, ces mêmes députés envoient au bureau du parti UDC une lettre dont voici un résumé très édulcoré: suite à notre caucus d'hier soir et devant la réaction indignée des députés présents à la vue de la nouvelle affiche, nous tenons à dire ceci: nous sommes profondément choqués par cette affiche. Il y a le fond, sur lequel le parti UDC s'est prononcé: il s'agit d'une décision politique et le parti propose sa vision des choses. C'est la loi du jeu démocratique et le vote est fait pour trancher. Personne ne peut nous contester ce droit ! Et puis il y a la forme. Là, elle est tout simplement inacceptable et lamentable ! Stigmatiser des gens en les traitant d'inféconds, c'est indirectement leur coller une sorte de défaut, une tare, dans le fond les considérer comme des «Untermenschen». Nous n'avons rien à faire avec ce discours vil et débile d'une personne qui n'a pas compris que nous ne vivons plus au XIXe siècle et qui se permet de prendre une décision sans en référer à quiconque, en profitant de la surcharge de travail de tous suite aux élections pour faire passer un message qui ne reflète pas du tout notre manière de voir la vie aujourd'hui, et ce n'est pas ce que pense notre parti !
Nous sommes plusieurs ici à côtoyer régulièrement des collègues politiques ou autres, qui ont choisi librement un mode de vie qui n'est pas le nôtre, mais avec lesquels nous entretenons des rapports d'amitié et de respect mutuel. Nous demandons donc impérativement au bureau du parti de corriger et de changer son affiche. Nous acceptons un discours dur, un discours agressif, un discours qui soit mordant sur les idées, mais nous n'acceptons pas cela quand on parle de l'intégrité des personnes ! Nous avons ressenti devant cette affiche le même malaise que devant les affiches et les photos de nos conseillers fédéraux présentés mutilés.
Vous pouvez constater - bien que nous ayons dû enlever les feuilles de vos places - que le bureau de notre parti a répondu rapidement à notre demande. Je vous rappelle que j'ai envoyé cette lettre mardi matin, après avoir vu cette affiche. (Applaudissements.)
M. Gabriel Barrillier (R). C'est bien un sentiment de tristesse qui m'anime ce soir. Et là, je me tourne vers nos collègues, les élus de l'UDC, suite à ce dérapage inadmissible. A l'écoute de l'intervention de notre collègue Leyvraz, j'ai modifié un peu mon approche, mais j'aimerais quand même vous dire, chers collègues, que ce dérapage - il y en a peut-être d'autres qui surviennent ailleurs, et l'on a cité Fontanet durant les années de l'entre deux guerres - eh bien, ce dérapage, j'ai l'impression qu'il n'est pas tout à fait le fruit du hasard !
Parce que depuis une quinzaine d'années déjà, que ce soit en Suisse ou à Genève, à l'occasion de telle votation ou telle élection, les affiches produites par les graphistes de l'UDC de Zurich expriment déjà une tonalité particulière... Alors, je ne vous fais pas de procès d'intention, parce qu'on vous connaît, vous, et la déclaration d'Eric Leyvraz nous rassure.
Cela dit, on ne peut pas se contenter simplement de cette volonté, de cette réaction positive de vouloir remettre les choses en place. En tant que chef de groupe et comme députation, vous êtes la représentation de votre parti, ici, dans cette enceinte; vous êtes ses porte-parole dans notre canton et, quelle que soit l'organisation du parti, vous portez la responsabilité de ce qui se passe ! Donc, nous avons pris note que vous avez pris des mesures pour qu'on corrige cette situation qui est inadmissible. Vous devez, chers collègues, je vous le dis - et nous ne sommes pas à l'abri d'erreurs nous-mêmes - vous devez nettoyer les écuries d'Augias ! Parce que ce qui s'est passé là, c'est quelque chose qui n'est pas normal ! Et nous, élus de la République, nous avons cette responsabilité, nous sommes les garants d'une morale politique et du respect des minorités. En prenant acte de la déclaration courageuse d'Eric Leyvraz, le parti radical se ralliera à la résolution et vous demande d'aller plus loin et d'obtenir rapidement - demain - le retrait de cette affiche. (Applaudissements.)
La présidente. La parole est à M. le député Pierre Weiss, à qui il reste une minute dix.
M. Pierre Weiss (L). Je prends acte des propos de mon ami Leyvraz que je remercie d'avoir eu le courage de s'exprimer ainsi. Je n'ai d'ailleurs pas entendu autant de clarté dans les propos de son président lors de son intervention sur Léman Bleu, dans une émission qui vient d'être diffusée.
Cette affiche est une erreur et une faute. C'est une erreur, non seulement parce qu'elle est pire que ce qui s'est passé avec l'Union syndicale suisse qui s'est moquée de nos autorités fédérales, mais elle est aussi en contradiction avec la politique fiscale même du parti UDC dans la mesure où celui-ci vise à diminuer le poids de la fiscalité qui pèse trop lourdement sur les épaules de nos concitoyens. Et dans le cas présent, Il faut donc aussi supprimer le mot «aisé» qui figure sur cette affiche !
En fait, il faut supprimer l'affiche car c'est une faute ! C'est une faute parce que cette affiche, dans sa conception même, s'oppose aux valeurs qui fondent notre société, des valeurs qui transcendent nos groupes, qui transcendent les philosophies politiques qui nous animent: des valeurs qui ont fait qu'il y a non seulement la démocratie, mais qu'il y a également le respect des droits de l'Homme, et c'est au nom du respect des droits de l'Homme que ce soir l'on peut s'insurger contre ceux qui ont oublié ces valeurs ! C'est pour cette raison que le parti libéral condamne très fortement ce qui est pire qu'un dérapage, un déviationnisme...
La présidente. Il vous faudra conclure, Monsieur le député.
M. Pierre Weiss. ...et c'est aussi pour cette raison que le parti libéral se prononcera uniquement en faveur de l'instrument qui est proposé par le groupe démocrate-chrétien. Il en appelle, pour la poursuite du dialogue démocratique, à un retour à des moeurs civilisées et démocratiques. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le député. La parole est à M. le député Yves Nidegger, à qui il reste dix-huit secondes.
M. Yves Nidegger (UDC). Madame la présidente, merci pour les dix-huit secondes ! Apparemment, l'UDC est parvenue à ressouder l'Entente, ce qui est toujours une bonne chose. Sur la forme et le fond: à ceux qui estiment qu'à la forme le terme «infécond» est inutilement blessant et déplacé, nous disons qu'ils ont raison de le penser. Nous l'avons pensé aussi, nous avons pris les mesures qu'il fallait pour le corriger. A ceux, en revanche, qui estiment discriminatoire d'oser avoir une position pour le non dans un cas où tout le monde veut dire oui, nous disons que le débat commence et qu'il n'est évidemment pas question de considérer comme discriminatoire le seul fait d'avoir une opinion - ou alors nous ne sommes plus en démocratie !
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Yves Nidegger. S'agissant de l'interdiction immédiate demandée par M. Brunier, il n'existe aucune base légale pour ce faire, il faudra donc rejeter la motion. S'agissant de la résolution, condamnez si ça vous amuse ! Mais inviter les responsables de l'UDC à quelque chose qu'ils ont déjà entrepris de faire et pour lequel ils ont déjà pris des contacts avec la Société générale d'affichage afin que cela soit possible - évidemment qu'il y a des questions pratiques et que tout n'est pas possible instantanément - me paraît inutile !
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Yves Nidegger. En d'autres termes, je vous recommanderai de considérer comme sans objet la résolution... (Brouhaha.)
La présidente. Conclusion !
M. Yves Nidegger. ...et de rejeter la motion !
La présidente. La parole est à Mme la députée Ariane Wisard-Blum, à qui il reste une minute huit.
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). L'affiche de l'UDC est nauséabonde ! Elle est indigne de notre démocratie ! Elle est contraire à tous les principes qui doivent animer une campagne de votation. Une enquête conduite par l'association Dialogai demandait quelles actions les homosexuels jugeaient prioritaires pour faire évoluer la société. Après l'action menée dans les écoles, ses membres souhaitaient des actions de la part du monde politique au travers de lois et d'engagements publics pour lutter contre l'homophobie. Nous avons l'occasion ce soir de répondre à cette attente. Cette affiche est une caution et un encouragement à l'homophobie, une banalisation de propos discriminatoires.
Nous devons, certes, être fermes dans notre indignation mais aller plus loin en demandant que cette affiche soit retirée et que ce genre d'affiches ne souillent plus jamais nos murs. Et quand j'entends certains défendre envers et contre tout la liberté d'expression, je leur réponds que cette dernière ne vaut pas grand chose si elle est utilisée au détriment de la dignité humaine ! (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Il faut resituer le contexte dans lequel on discute ce soir. Ce n'est pas une poignée d'extrémistes qui ont voulu le partenariat enregistré, c'est le peuple suisse qui, le 5 juin 2005, a voté pour ce que certains appellent «le pacs fédéral». Depuis le 1er janvier, cette loi est en vigueur en Suisse et on peut être fier de cette loi. Le parlement genevois, très naturellement, a décidé de moderniser la législation cantonale en matière de fiscalité pour les droits de succession et pour les droits d'enregistrement, afin que les couples pacsés aient les mêmes droits que les couples mariés. C'est l'évolution de la société, c'est l'évolution de la famille; je crois qu'on «colle» simplement aux préoccupations de la population.
Dans ce contexte, puisqu'on touche des lois fiscales, le peuple genevois va devoir voter le 20 mai; et l'on a beaucoup parlé de l'affiche mais personne n'a lu le texte. Je rappelle qu'elle dit: «Non à un bonus fiscal pour des pacsés inféconds et aisés !» (Commentaires.) S'il vous plaît, Monsieur Catelain, l'UDC a eu son temps de parole, laissez vos adversaires s'exprimer !
L'UDC a atteint ce que certains appellent dans le pays voisin «le summum de l'immoralité politique»... A travers cette affiche, on est en train de stigmatiser la population homosexuelle principalement, il faut le dire. Il s'agit d'une population qui est déjà une population extrêmement stigmatisée dans la société - même s'il y a évolution des moeurs. Il suffit, par exemple, de regarder les statistiques en matière de suicide. Aujourd'hui, «Stop suicide» publie des statistiques indiquant que c'est dans la population homosexuelle qu'il y a le plus de suicides par rapport au reste de la population, et ce n'est pas un hasard. Il y a aussi des statistiques qui montrent qu'il y a encore bon nombre d'agressions contre les homosexuels dans une société qui se dit pourtant moderne ! Toute affiche de ce genre stigmatise donc encore plus cette population et pousse encore plus aux excès !
Le parti socialiste soutient donc la résolution condamnant cette affiche, résolution qui a été élaborée par le PDC et que nous avons cosignée.
C'est vrai que le parti socialiste va plus loin en demandant l'interdiction de l'affiche. Certains disent que c'est un excès, que c'est de la censure - je l'ai entendu. Je rappelle tout de même que le Grand Conseil et le Conseil d'Etat sont garants de la liberté démocratique ! Bien que ce soit une valeur extrêmement importante pour notre société, et si nous sommes une grande majorité de personnes qui défendent la liberté dans ce parlement...
La présidente. Il va falloir conclure !
M. Christian Brunier. Je vais conclure ! Eh bien, parfois il faut fixer des limites ! L'UDC nous dit que ce n'est pas légal d'interdire... Mais je rappelle quand même qu'il y a déjà des affiches qui ont été interdites à Genève, notamment lorsqu'elles attentaient à l'honneur des femmes. Et aujourd'hui je crois que vous êtes en train de stigmatiser une population...
La présidente. Il vous faut conclure, Monsieur le député !
M. Christian Brunier. Je suis en train de conclure ! Nous devons aller - malheureusement - jusqu'à l'interdiction de cette affiche !
Pour conclure, j'aimerais juste féliciter M. Leyvraz pour son courage politique. Je crois qu'on ne peut pas mettre tout le monde dans le même sac, à l'UDC. Je crois qu'il y a de réels démocrates dans les rangs de l'UDC, qui se battent pour des valeurs - qui se battent pour des valeurs différentes des miennes - mais je crois que le parti socialiste a du respect pour un certain nombre de députés de l'UDC. Or malheureusement, depuis un certain temps, il y a une dérive vers l'extrême droite de l'UDC.
La présidente. Il faut conclure, Monsieur le député, il faut conclure !
M. Christian Brunier. J'espère que ce dérapage permettra à l'UDC de faire aussi le ménage dans ses rangs ! (Applaudissements.)
M. Roger Golay (MCG). L'UDC a dépassé les bornes par rapport au slogan de cette affiche. De ce fait, le MCG condamne vigoureusement ce slogan et demande - exige même - le retrait de ces affiches ! Je vous remercie.
M. Eric Stauffer (MCG). Ce soir, nos collègues de l'UDC ont insulté une grande partie de la population en Suisse, ils n'ont pas respecté la volonté populaire exprimée en votation fédérale. Je demanderai, pour compléter les propos de mon collègue Roger Golay, que l'UDC s'excuse auprès de cette population qu'elle vient d'insulter et je pense que la boucle sera bouclée. La grande différence, Messieurs de l'UDC, c'est que vous, vous créez des zones d'exclusion de citoyens. Et ce qui nous différencie d'avec vous, c'est que nous, nous prônons la protection de tous les résidents genevois ! Et aujourd'hui, si quelqu'un en manifeste l'envie dans ce parlement, qu'il propose une résolution, parce que nous n'avons plus rien à faire à la gauche de l'UDC, et la preuve vous en a été donnée ce soir !
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Historiquement, les homosexuels ont connu un sort terrible, depuis la condamnation d'Oscar Wilde puis ensuite pendant la Seconde Guerre mondiale, durant laquelle ils ont péri en grand nombre dans les camps d'extermination. Heureusement, ces derniers temps, un certain nombre de signes positifs nous étaient parvenus: le maire de Paris revendique son homosexualité, l'ancien président du Conseil national, M. Claude Janiak, également. L'affiche de l'UDC nous replonge, par son idéologie, par ses mots, dans des époques tragiques. Sur le plan strictement juridique, l'article 8, alinéa 2 de la Constitution fédérale fait défense de toute discrimination fondée sur l'origine, la race, le sexe, l'âge, la langue, la fortune et le statut social. Par cette affiche, l'UDC viole la Constitution fédérale.
Faut-il pour autant censurer cette affiche ? La réponse est non. Il faut l'interdire, mais pas la censurer. Parce que le mot «interdiction», au-delà de son sens administratif, son sens étymologique «interdire» c'est mettre une parole en travers de ce qui ne doit pas être. Et c'est ce que vous avez fait ce soir, Mesdames et Messieurs les députés.
J'ajouterai une remarque tout à fait personnelle. J'ai été frappé pendant mon adolescence par l'attitude de Pierre Mendès France lors de son procès devant les tribunaux de Vichy. Vous situez le cadre historique. Pierre Mendès France est venu y dire: «Je suis juif, je suis socialiste, je suis franc-maçon, mais je ne suis pas un traître.» J'ai compris ce jour-là que les étiquettes étaient détestables. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais donc faire voter la motion. Ensuite nous voterons la résolution.
Mise aux voix, la proposition de motion 1760 est rejetée par 55 non contre 23 oui et 7 abstentions.
Mise aux voix, la résolution 526 est adoptée par 78 oui contre 2 non et 4 abstentions.
Débat
La présidente. Nous sommes au point urgent 115bis de notre ordre du jour, rapport M 1712-A. Nous avons convenu que chaque groupe disposerait de cinq minutes pour s'exprimer. Monsieur Gabriel Barrillier, vous avez la parole.
M. Gabriel Barrillier (R). Je n'ai pas le texte ! (Rires.) A priori, cette motion n'aurait pas nécessité même un bref débat, mais il s'agit d'une problématique qui met en train une certaine politique dans l'affectation des ressources publiques. (Brouhaha.) Depuis des années, ce Grand Conseil parle de l'Agenda 21, du développement durable, de la formation professionnelle, de la revalorisation des métiers, et, chaque fois que nous votons des crédits pour la construction, pour la réalisation d'ouvrages plus ou moins importants, se pose la question, soit ici, soit en commission des travaux, du coût des travaux et de la politique de soumission et d'adjudication. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
Par cette motion, nous avons voulu, chers collègues, clarifier la politique de soumission et d'adjudication de ce canton et établir clairement des critères qui tiennent compte de la proximité et de l'existence d'entreprises, d'artisans, d'acteurs économiques, ici, à Genève.
Cette motion a donné lieu à des travaux très approfondis de la commission des travaux. Nous avons auditionné une multitude d'acteurs et nous nous sommes renseignés sur la politique appliquée dans les autres cantons. (Brouhaha.) Pourquoi est-ce important ? On nous reproche toujours d'être protectionnistes et que c'est trop cher parce que nous adjugeons les travaux à des entreprises d'ici, à Genève... Et pourquoi est-ce trop cher ? On croit toujours, on a l'impression que les entreprises et les acteurs économiques ne se comportent pas de façon rationnelle... Nous avons voulu en avoir le coeur net.
Comme cela ressort de l'excellent rapport de notre collègue Mario Cavaleri, malgré la difficulté du sujet, cette motion a été accueillie très favorablement pendant les travaux de la commission par le chef du département des constructions et des technologies de l'information, M. Mark Muller. Donc, pendant ces travaux, nous nous sommes aperçus et avons été convaincus - tous partis confondus, je le souligne - qu'il était tout à fait admissible, dans le cadre d'une utilisation rationnelle des ressources publiques, d'accorder une importance particulière aux entreprises respectueuses du développement durable, de la protection de l'environnement et des pôles sociaux - conventions collectives, etc. - et économiques au moment de choisir une entreprise pour l'attribution d'un marché. En plus, nous avons voué une attention particulière au rôle que jouent les entreprises dans le cadre de la formation professionnelle et de la formation continue, en estimant, comme dans d'autres cantons, comme dans le canton de Vaud qui applique déjà cette politique, qu'à valeur égale l'entreprise genevoise qui forme les apprentis, qui offre des places d'apprentissage doit avoir priorité ! Et ce principe n'est pas contraire à la politique de l'Organisation mondiale du commerce, à la politique d'une utilisation rationnelle des ressources.
En tant qu'auteur et coauteur de cette motion, qui n'est pas corporatiste - je le répète, n'en déplaise à certains - je constate que ce message a passé et que la commission, à l'unanimité, a accepté cette motion en ayant l'assurance que le chef du département et le Conseil d'Etat en tiendraient compte dans l'application du règlement de soumissions et d'adjudications.
Nous exprimons donc, et le parti radical par ma voix, notre satisfaction sur le travail sérieux qui a été accompli dans la commission et sur l'issue, heureuse, de ce débat. C'est la raison pour laquelle j'invite l'ensemble de ce parlement à voter ce rapport et cette motion.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Je vous passe la parole, Monsieur le rapporteur, j'aurais dû le faire précédemment.
M. Mario Cavaleri (PDC), rapporteur. Sans reprendre les propos de notre cher collègue M. Barrillier, je voulais quand même rappeler deux ou trois éléments pour celles et ceux qui n'auraient pas eu le temps de parcourir ce rapport. Tout d'abord, il faut savoir que les entreprises genevoises forment, bon an mal an, plus de mille apprentis. Et je crois que c'est aussi une forme de reconnaissance que la commission des travaux a voulu donner au travers des invites nouvelles qui ont été acceptées à l'unanimité: donner cette reconnaissance pour les efforts qui sont faits.
Comme l'a dit M. Barrillier, il n'est pas question ici de favoriser les entreprises genevoises au détriment des autres entreprises qui viennent de l'extérieur. Ce n'est pas ça ! C'est qu'aujourd'hui nous avons affaire à deux sujets importants: la formation - j'ai déjà relevé cela - et la notion de développement durable dans ses trois composantes: la composante sociale, la composante économique et la composante environnementale. Cela a déjà été dit, mais j'insiste là-dessus ! Voyez-vous, lorsqu'une entreprise vient de Bulle avec ses employés, eh bien, ces travailleurs passent d'abord le début de leur journée dans un véhicule, avec tous les risques que cela comporte sur la route; ensuite, cela allonge bien entendu la journée de travail: le matin, le chemin pour aller sur le chantier, et le soir pour revenir au foyer. Alors, si l'on appelle ça une politique sociale et qu'on fait fi de ce type de remarques, je trouve qu'on n'a alors pas à appuyer dans le sens des AIMP et qu'on devrait être extrêmement critique à cet égard !
Je rappelle également - et ce n'est certainement pas un hasard - que les entreprises qui viennent de l'extérieur ont un taux de sinistralité, au niveau des accidents de chantier, plus élevé que les entreprises locales. C'est un argument social qu'il convient de mentionner aussi. (Brouhaha.)
Je dirai deux choses à propos des nouvelles invites de cette motion. Pour nous, il est essentiel - et vous l'aviez déjà largement reconnu lorsque nous avions discuté, le 22 septembre de l'année dernière, de la motion 1706 qui demandait au Conseil d'Etat de développer toutes les pistes possibles - de valoriser la filière de formation professionnelle. Aujourd'hui, au travers de la motion qui vous est soumise, c'est une nouvelle fois l'occasion de répéter qu'il faut absolument valoriser ces filières ! Nous avons d'ailleurs été extrêmement heureux, le président de la commission et ses membres, à l'unanimité, d'obtenir l'engagement de M. le conseiller d'Etat Mark Muller sur le fait qu'il allait intégrer les éléments qui ont été largement discutés et qui ont tous été favorablement accueillis par toutes les personnes et institutions où associations et organisations auditionnées. Sur cet engagement-là, nous attendons maintenant que l'essai soit transformé - comme en rugby - et que vous, Monsieur le conseiller d'Etat, fassiez publier prochainement la nouvelle mouture du règlement d'application s'attachant aux Accords intercantonaux sur les marchés publics.
Une dernière chose: nous sommes conscients que certaines collectivités publiques n'ont pas les moyens, à l'intérieur de leur administration de faire tout le travail -qui est assez complexe, il faut bien le reconnaître, dans le cadre d'adjudications de marchés publics. (Brouhaha.) C'est la raison pour laquelle nous incitons le Conseil d'Etat à mettre en place un outil et une logistique, de manière que des petites communes qui ne sont pas équipées puissent effectuer le même travail qui celles qui sont organisées pour pouvoir assumer une tâche de sélection qui soit conforme aux attentes qui relèvent du rapport.
M. René Desbaillets (L). En tant que coauteur de cette motion, lorsque nous avons présenté cette motion, j'ai au départ été un peu surpris par le scepticisme de cette assemblée. Au fur et à mesure des auditions de commission en rapport avec cette motion, les commissaires, à l'unanimité, ont pu s'apercevoir combien le maintien d'un certain savoir-faire à Genève était en péril.
Ce savoir-faire, c'est, notamment dans les branches du bâtiment, celui d'un constructeur métallique que nous avons auditionné et qui a dit qu'il est le seul à Genève, à l'heure actuelle, encore capable de construire un hangar métallique, autrement il faut faire venir des entreprises du reste de la Suisse. Il y a encore le cas des vitriers. Et il y a beaucoup de petites entreprises à Genève qui, faute de travail, ne peuvent pas former des apprentis et risquent à moyen terme de devoir tout réaliser à l'extérieur, avec tous les problèmes environnementaux et de transports que cela posera.
Une autre question a été évoquée: l'apport des petites et moyennes entreprises dans le sponsoring de toutes sortes d'activités, de loisirs, sportives, culturelles, etc., sur la place de Genève. Je peux vous dire qu'à l'heure actuelle, s'il n'y avait pas une multitude de PME - qui vont du bistroquet aux banques, qui sont des grosses PME - pour financer toutes ces activités sociales, comme les courses de vélo et les tournois de football, eh bien, ces dernières n'auraient pas lieu !
Il faut donc que l'apport de ces entreprises en faveur de la collectivité puisse être pris en compte lors d'adjudication par les responsables des communes.
M. Damien Sidler (Ve). Les Verts soutiennent bien évidemment cette motion. Cela fait longtemps que nous parlons d'inclure les principes du développement durable dans la conception des projets que mène le DCTI. Il est évident que nous sommes aussi pour l'intégration de ces critères lorsqu'il faut choisir des entreprises, il n'y a aucun problème là-dessus.
Par contre, nous nous permettrons de relever quelque chose que nous trouvons quand même un peu piquant. Quelques mois après avoir ratifié les accords AIMP, qui prévoient justement la possibilité d'inviter des entreprises n'étant pas de la région à soumissionner à nos appels d'offres, un vent de panique souffle et l'on cherche par tous les moyens à bloquer ces marchés. Et cela nous semble quand même un peu bizarre de travailler ainsi.
Nous sommes tout à fait favorables à l'introduction de ces critères environnementaux et sociaux. Il est évident qu'il ne doit pas y avoir que des critères financiers lorsque l'on attribue un marché, mais nous pensons aussi que cela ne veut pas dire qu'une entreprise, simplement parce qu'elle est genevoise, sera garante d'être la meilleure au niveau social et au niveau environnemental. Sur ce plan-là, nous ne marchons pas dans la combine ! Je crois qu'il faut que ce soit bien clair. Là, je me tourne vers le conseiller d'Etat Mark Muller et je lui demande, lorsqu'il mettra cela en application, de trouver les critères qui pourront vraiment être appliqués et simplement de laisser le marché ouvert. Je m'étonne que le parti libéral et d'autres aient eu en commission une attitude tellement protectionniste, alors que les libéraux sont les premiers à parler de mondialisation et d'autres sujets analogues. (Brouhaha.) Oui, il faut que les critères environnementaux et sociaux soient pris en compte pour les marchés publics, mais pas uniquement parce qu'une entreprise présenterait une carte montrant qu'elle est établie à Genève !
En ce qui concerne le sponsoring, effectivement, beaucoup d'entreprises genevoises sponsorisent des manifestations à Genève. Cela ne veut pas dire que les organisateurs de la Course de l'Escalade ne puissent pas demain se tourner vers les entreprises vaudoises ou fribourgeoises pour financer cet événement. Cela ne nous semble pas complètement impossible.
Nous aimerions encore insister sur le problème de la sous-traitance. Il ne faut pas non plus que ces critères soient appliqués uniquement pour les entreprises qui soumissionnent vis-à-vis de l'Etat de Genève; il faut bien que l'on puisse s'assurer que les sous-traitants soient soumis aux mêmes critères environnementaux, sinon cela ne servira à rien !
Voilà, je vous invite donc à soutenir cette motion, avec les nouvelles réserves que j'ai formulées: il ne faut pas qu'elle de nouvel outil du protectionnisme genevois.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Pour nous, socialistes, ce qui ressort globalement de cette motion, c'est que la libre-entreprise ne doit pas être synonyme d'une ultralibéralisation basée uniquement sur l'argent, le revenu d'une entreprise et le revenu de ses actions. En termes d'appels d'offres, nous apparenterions cette ultralibéralisation à l'offre la moins-disante, c'est-à-dire celle qui a comme unique indice d'adjudication le coût le moins élevé.
Lors des travaux autour de cette proposition de motion, c'est vrai que nous avons été surpris positivement en constatant que même des partis de droite commencent à voir l'impasse dans laquelle nous mettent cette philosophie amenée par l'OMC et les adjudications telles que nous les avons votées. Effectivement, pour nous, une entreprise digne de ce nom, si elle veut durer, doit avoir normalement être en lien avec un territoire; elle doit pouvoir thésauriser des connaissances professionnelles et des savoirs; elle doit remplir un rôle au niveau de l'environnement, du maintien et de la création de postes de travail, de la sécurité de son personnel, et surtout, bien sûr, de la formation des ses employés et de ceux de la branche d'activité.
Lors des travaux en commission, nous voulions ajouter une invite demandant des moyens pour la mise en application et le suivi des critères d'adjudication demandés par la motion. Malheureusement, nous n'avons pas été suivis et c'est vrai que cette motion conserve un caractère général. Cependant, pour le développement durable et en particulier, je le répète, pour la formation professionnelle des jeunes et des moins jeunes, pour la protection de l'environnement, pour les conditions de travail, pour la sécurité acceptable et pour la participation à la vie locale, nous, socialistes, allons soutenir cette motion.
M. Eric Stauffer (MCG). Enfin, nous sommes arrivés à nous poser la question du dumping salarial, que ce soit sur le marché intérieur ou que ce soit sur le marché de nos voisins ! Parce que le problème est là: si des enchères sur le marché intérieur sont octroyées à des entreprises qui sont moins chères que les entreprises genevoises, c'est que les salaires sont moins élevés dans des cantons comme Fribourg, le Valais ou le canton de Vaud. On connaît le niveau des salaires à Genève, et ça, évidemment, Mesdames et Messieurs les députés, ça crée quelques problèmes ! C'est la raison pour laquelle le groupe MCG va soutenir ce texte, comme vous avez pu le voir dans le rapport de commission.
Partant de ce principe-là, il faut aussi parler des appels d'offres internationaux, puisque Genève octroie relativement facilement quelques chantiers à quelques entreprises chez nos voisins, vu les conditions économiques; mais la réciproque n'existe pas. J'en conclus qu'il faut effectivement protéger notre marché local. Il faut protéger nos entreprises locales ! Ça, c'est l'avenir de Genève, et c'est comme ça que nous développerons notre économie locale.
M. Alain Meylan (L). Je crois qu'on peut féliciter la commission qui a planché sur cette motion parce que cette dernière pouvait effectivement inquiéter certains députés ou groupes. Madame Schneider Hausser, peut-être n'avez vous pas lu les noms à l'origine de cette motion ? Je vous le rappelle, ils sont originaires de nos partis. On s'inquiète de la santé de nos PME, et surtout de nos PME sur le marché local puisqu'elles sont concernées plus directement par cette motion.
Je crois que les travaux de la commission ont permis de prouver que des moyens existaient, de façon à permettre aux entreprises locales de soumissionner, dans les règles convenues par l'Accord intercantonal sur les marchés publics, à armes égales et avec des critères qui sont pondérés - mais vraiment pondérés avec justesse. Les entreprises ont désormais la possibilité d'obtenir des marchés dans ce cadre et dans le cadre législatif dans lequel Genève s'est inscrit.
Je suis un peu concerné par la question de la formation professionnelle, par l'intermédiaire d'associations professionnelles que je connais... Dans la période actuelle où beaucoup de jeunes cherchent un apprentissage mais restent malheureusement un peu sur le côté de la route, il est vrai que des employés de l'Etat me téléphonent en me demandant de trouver des places d'apprentissage. On essaie, mais je crois que pour avoir un apprenti il faut avoir du travail. Or le travail passe aussi par les marchés publics, et il faut absolument que les entreprises genevoises aient cette possibilité.
Je ferai encore deux petites remarques sur la compétitivité des PME. Récemment, notre ministre des finances s'est félicité de la santé de l'économie, respectivement des entreprises, puisque c'est grâce à elles qu'on a pu réaliser 200 millions de francs de bénéfice en 2006. Je crois qu'il ne faut pas l'oublier lorsqu'il s'agit d'octroyer des marchés publics à des entreprises. Elles sont là aussi pour permettre à l'Etat de fonctionner et de développer son rôle social.
J'évoquerai encore la situation paradoxale - et ancestrale, puisqu'elle date bientôt d'il y a 200 ans - que l'on connaît à Genève avec la taxe professionnelle payée par les entreprises et qui permet à certaines communes de bien vivre.
Tous ces éléments doivent donc encourager les PME à obtenir des marchés et à jouer leur rôle d'entreprises civiques et citoyennes, de façon à pouvoir accomplir de la formation professionnelle et à ramener de la plus-value à Genève.
M. Alberto Velasco (S). Tout d'abord, je tiens à rendre hommage au rapporteur de cette motion parce que c'était un travail difficile. Il y a eu beaucoup d'auditions, et des auditions de qualité. Une des questions que je me posais, c'était de savoir si ces auditions de qualité allaient être retranscrites dans le rapport. Mesdames et Messieurs les députés, pour celles et ceux qui l'ont lu, elles et ils ont pu constater que ces auditions étaient de qualité. Et c'est très important parce que cela permettrait au département de voir que tout un ensemble de corps de métiers a adhéré à cette motion.
Ceci dit, Mesdames et Messieurs les députés, il y a des réalités qui nous dépassent, et il ne s'agit ici que d'une motion. Au-dessus de cette motion, il y a des accords de l'OMC qui ont été signés par la Confédération et, en dessous de ces accords de l'OMC signés par la Confédération, il y a les AIMP: le premier AIMP auquel les cantons avaient d'abord adhéré et le deuxième AIMP révisé sur lequel nous avons voté dernièrement. Ce que nous avons donc voté, il y a quelques semaines, c'est une loi. Ici, il s'agit d'une motion. Ce que je veux dire par là, Monsieur le conseiller d'Etat, c'est que vous avez maintenant des accords... (Commentaires.) Ce que je veux dire, Monsieur le président, c'est qu'en réalité des accords ont été signés et votés sous forme de projets de lois, qui sont contraignants pour vous et pour les autres cantons, et nous avons ici une motion qui elle ne l'est pas ! Et j'aimerais bien, chers collègues, que ce qui figure dans la motion puisse faire partie des futurs accords. Je ne sais pas comment le Conseil d'Etat va procéder, comment il va le négocier, mais cela ne sera pas évident !
De toute façon, je tiens à vous dire que je suis extrêmement heureux - je dis bien «heureux», et je pèse mes mots... (Exclamations.) Oui, je le répète: je suis heureux parce qu'on peut être dans un marché libéralisé. Mais il ne faut pas oublier les critères sociaux, il ne faut pas oublier les critères environnementaux et il ne faut pas oublier l'économie locale. C'est pour cela, Monsieur le président, qu'il faut mettre des seuils ! Parce que les petites entreprises ne peuvent pas aller au-delà de certains seuils, cela leur coûte beaucoup trop ! C'est la raison pour laquelle nous étions intervenus à l'époque.
La présidente. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Oui, tout de suite ! Je m'étais aussi abstenu pour une raison simple, Mesdames et Messieurs les députés: parce que je voulais, avec cette proposition, que le département se donne les moyens pour appliquer réellement ces accords. Mais il est évident aujourd'hui, Mesdames et Messieurs les députés, que je voterai la motion avec vous tous.
M. Pascal Pétroz (PDC). J'aimerais dire à mon collègue Alberto Velasco que nous avons ce soir deux points en commun sur cet objet. Le premier est que je suis, comme lui, un homme heureux et le deuxième est que le parti démocrate-chrétien, comme le parti socialiste, votera cette motion avec - en tout cas en ce qui nous concerne - beaucoup d'enthousiasme et de ferveur !
Rappelez-vous, il y a quelques mois, lors du débat de préconsultation de cette motion, qui a précédé son renvoi en commission des travaux, notre groupe, le groupe démocrate-chrétien, s'était exprimé en disant deux choses. Première chose, le groupe démocrate-chrétien avait réaffirmé son soutien aux règles relatives aux marchés publics en expliquant qu'elles permettent d'instaurer une saine concurrence: elles permettent aux collectivités publiques d'avoir les meilleurs prix, ce dont tous les contribuables profitent puisque, évidemment, si cela coûte moins cher de construire quelque chose, cela coûte moins à l'Etat et, par conséquent, cela coûte moins au contribuable.
Et nous avions dit que de l'autre côté des règles sur le marché public, il fallait aussi y penser aux entreprises de construction de ce canton, entreprises qui sont emmenées par des gens compétents, qui se battent, et dont les actions sur le plan collectif méritent d'être valorisées. J'avais dit à l'occasion du débat de préconsultation qu'il s'agissait d'essayer de trouver un compromis entre un intérêt général à la baisse des prix et une valorisation des actions positives réalisées par les entreprises genevoises.
Je vous avais également dit, Mesdames et Messieurs les députés, que la motion, telle qu'elle vous était proposée à l'époque, posait un certain nombre de problèmes dans sa rédaction, même si elle était extrêmement positive et pertinente quant à son principe. Et aujourd'hui, Monsieur Velasco, moi aussi, je suis un homme heureux. Parce que mes inquiétudes ont été levées par les amendements qui ont été proposés et votés par la commission des travaux.
La motion telle qu'elle est rédigée aujourd'hui est totalement acceptable et il convient de la soutenir avec force: elle prône, cela a été dit tout à l'heure, une valorisation de la formation professionnelle, une valorisation de critères écologiques et environnementaux, critères chers à bien des entreprises de ce canton et qui méritent d'être valorisés.
Pour répondre à votre remarque, Monsieur Velasco, vous disiez tout à l'heure que cette motion était en réalité un texte qui n'était pas contraignant pour le Conseil d'Etat et qu'on ne savait pas bien ce qui allait arriver: je vais vous répondre. La législation applicable en matière de marchés publics prévoit d'ores et déjà la prise en compte des critères de la formation professionnelle et des critères environnementaux. Choix est laissé à l'autorité adjudicatrice de savoir comment elle pondère ces critères.
Donc, cette motion, ce qu'elle veut dire, c'est qu'on a une loi qui nous permet de tenir compte de ces critères. Nous, députés, souhaitons que ces critères, parce que nous considérons que tel n'a pas été le cas de par le passé, soient pris en compte à leur juste valeur. Et nous affirmons - nous réaffirmons - l'importance des critères environnementaux liés à la formation professionnelle dans l'adjudication de marchés publics. Ceci est bon pour Genève, ceci est bon pour nos entreprises et ceci doit être soutenu !
M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Si j'en crois les dernières déclarations, j'ai devant moi des députés heureux; et lorsque les députés sont heureux, le Conseil d'Etat est heureux aussi ! (Exclamations.) Je suis d'autant plus heureux ou satisfait que la commission des travaux a trouvé un consensus autour de cette motion qui prêtait à contestation lors du débat de préconsultation et que cette motion, pour finir, a pu être votée à l'unanimité. Il va sans dire que le Conseil d'Etat l'appliquera et la respectera, ainsi qu'il s'y est engagé en commission.
Le développement durable, critère que votre commission et votre Grand Conseil appellent de leurs voeux dans le cadre de l'adjudication de marchés publics, est déjà un des critères appliqués aujourd'hui par l'administration. C'est un critère qui est prévu par le règlement cantonal sur la passation des marchés publics.
Comme l'a dit justement M. le député Pétroz, c'est une question de pondération: la question est de savoir quel est le poids que nous allons donner à ces critères dans les procédures d'adjudication par rapport à d'autres critères comme notamment celui du prix. Je crois qu'il faut être honnête et dire que le critère du prix demeurera, malgré tout de façon assez nette, le critère principal. Ce qui ne nous empêchera pas, bien sûr, de travailler à l'application de cette motion et à revaloriser le critère du développement durable, notamment celui de la formation professionnelle cher à tous ici.
Je voudrais ajouter un point, qui s'écarte un peu de cette motion. Un certain nombre de réformes sont en cours actuellement dans l'administration, comme vous le savez, et l'un des soucis du Conseil d'Etat est de simplifier les procédures. Vous savez que dans le cadre de la passation des marchés publics les choses sont extrêmement complexes; il y a dans la salle un certain nombre de mandataires, d'entrepreneurs, de professionnels du bâtiment, qui savent à quel point il est compliqué, long, coûteux et douloureux de remplir des soumissions. Le Conseil d'Etat, par l'entremise du département dont j'ai la charge, s'attache à simplifier ces procédures et, en particulier, à simplifier le processus de soumission. Et je souhaite que l'unanimité qui se fait ce soir autour du critère du développement durable puisse également se former autour du souci de simplification des procédures.
Mise aux voix, la motion 1712 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 57 oui et 1 abstention.
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Nous avons affaire à un projet de loi qui a été déposé il y a plusieurs années - en 2001 pour être exact - par toute une série de députés de l'Entente. De quoi s'agissait-il ? Ce projet de loi proposait une diminution de l'impôt sur le capital des personnes morales par le biais de la suppression des centimes additionnels qui s'ajoutent à l'impôt ordinaire sur le capital des entreprises.
Pourquoi cette proposition ? Parce que depuis 1998, trois ans avant le dépôt du projet de loi, cette imposition du capital est devenue une absurdité en raison d'une modification de la législation fédérale, modification ayant pour effet de remplacer l'imposition progressive du bénéfice des sociétés par une imposition proportionnelle. En quelque sorte, précédemment, l'impôt sur le capital avait pour résultat de corriger les disparités de l'imposition sur le bénéfice. A partir de 1998, ce n'était plus nécessaire et la Confédération, dans sa grande sagesse, a purement et simplement supprimé l'impôt sur le capital. Néanmoins, la loi d'harmonisation - celle qui s'impose aux cantons - oblige ces derniers à continuer à prélever un impôt sur le capital, d'où ce projet de loi visant à diminuer cet impôt.
A Genève, cet impôt est particulièrement absurde, non seulement parce qu'il est élevé, mais parce qu'il a même pour effet d'être plus élevé pour les entreprises qui ne font pas de bénéfice, qui sont taxées au taux de 2 pour mille, alors que celles qui font du bénéfice sont taxées à un taux inférieur de 1,8 pour mille. Ce projet de loi aurait supprimé des recettes fiscales, à raison d'environ une septantaine de millions de francs, ce qui a donné lieu en commission fiscale à de très longs débats qui se sont étendus sur plusieurs années. Le projet a été ajourné, pour quelques mois initialement; finalement, deux années se sont écoulées avant que le sujet ne soit repris. (Brouhaha.)
Au cours des débats de cette deuxième phase, lorsque le projet a été repris au cours de la présente législature, un amendement a été formulé pour ne pas supprimer purement et simplement les centimes additionnels et pour limiter les effets de cette suppression dans le temps, dans l'idée que ce qui était essentiel, c'était de donner un signal fort aux nouvelles entreprises. «Nouvelles entreprises» signifiant aussi bien celles qui sont créées que celles qui arrivent dans notre canton. Parce qu'aujourd'hui, lorsque vous créez une entreprise, vous pouvez pendant plusieurs années ne générer strictement aucun bénéfice et néanmoins devoir dès la première minute de votre existence payer un impôt sur le capital. C'est évidemment tout à fait absurde, dès lors que les PME, les start-up notamment, qui se créent sont les emplois de demain.
En définitive, ce projet de loi a une vocation symbolique extrêmement forte. Bien sûr, il ne va pas aussi loin que les propositions des cantons alémaniques qui ont annoncé récemment des baisses d'impôts massives en faveur de leurs entreprises. Il ne va pas aussi loin non plus que ce canton qui, sur le modèle de la Confédération, a annoncé qu'il souhaitait désormais un impôt sur le capital, qui s'impute sur l'impôt sur le bénéfice de telle manière qu'il n'y ait pas une double imposition.
Alors, le rapporteur de minorité et votre serviteur ont rivalisé de citations diverses et variées et se sont accordés sur une métaphore commune, celle de la souris dont accouche la célèbre montagne, et il est vrai que dans le rapport de minorité la question de cette baisse d'impôt est traitée avec beaucoup d'ironie. On peut se poser la question aujourd'hui de savoir s'il faut rire ou pleurer en constatant que ce projet de loi, suite à un amendement de dernière minute, a pour seul effet de supprimer le centime additionnel pendant trois ans après la création ou l'arrivée d'une nouvelle entreprise à Genève.
On peut s'interroger sur le fait de savoir si, en définitive, nous avons affaire à quelque chose de suffisant ou si nous avons affaire à quelque chose d'infiniment trop léger. Pour la majorité de la commission, c'est le symbole qui est important, le symbole fort en faveur des entreprises, le symbole fort en faveur des PME, et c'est la raison pour laquelle la majorité de la commission vous recommande d'approuver ce projet de loi.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. En tant que rapporteur de minorité, je vais évidemment soutenir le point de vue inverse. Il ne faut surtout pas soutenir ce projet de loi, même s'il a pris une portée tout à fait symbolique aujourd'hui. On ne peut en tout cas pas avancer qu'il s'agisse d'un signal fort en faveur des entreprises ! C'est effectivement de la cosmétique pour faire joli dans un programme électoral, mais l'impact est totalement nul ! Dans mon rapport de minorité, je me suis amusé à faire un petit calcul. Pour une entreprise qui aurait un capital-actions de 2 millions de francs, la baisse d'impôts représenterait 2826 F par an, en gros 250 F par mois, soit l'équivalent de la place de parking d'un cadre d'entreprise - ou quelques cafés, vous avez raison, Monsieur Gros !
Si l'on veut attirer des entreprises au capital de 2 millions de francs en baissant leur fiscalité de 2826 F par an, je suis désolé, mais c'est franchement totalement ridicule ! Dans ce sens, le projet de loi rate complètement son but ! On peut imaginer que l'objectif premier était d'une certaine façon cohérent: on supprime l'impôt sur le capital des entreprises parce qu'on estime que ce n'est pas le capital qui doit être taxé mais plutôt le bénéfice, et quand il n'y a pas de bénéfice on ne taxe rien. En même temps - tout le monde le sait, tous les entrepreneurs le savent, Monsieur Letellier comme les autres - le bénéfice est un des aspects seulement de la situation d'une entreprise, et une comptabilité ça sert justement à faire des investissements au bon moment pour dégager ou pas des bénéfices, parce qu'il y a des actionnaires à satisfaire ou parce qu'il y a des impôts à payer.
Donc, la réalité fiscale de l'entreprise ne se mesure pas uniquement par le bénéfice, elle se mesure aussi par son capital ! Dans ce sens, on peut dire que la partie «capital» peut aussi être taxée. D'ailleurs, on peut imaginer qu'à l'époque la disposition qui visait à taxer davantage une entreprise déficitaire cherchait peut-être à corriger cet effet. (Brouhaha.) C'est que certaines entreprises, par des astuces et techniques comptables - tout à fait légales d'ailleurs - n'avaient pas de bénéfices, mais elles avaient un capital. On pouvait donc, quelque part, quand même taxer partiellement leur valeur économique, même si elles ne faisaient pas de bénéfice.
Le projet initial coûtait 70 millions de francs par année. En commission, on a évoqué 50 millions. A l'époque, Mme Brunschwig Graf avait relevé le fait que l'on parlait de 50 millions et que ce n'était pas rien pour les finances du canton de Genève. Et dire que ce n'était rien n'était évidemment pas du tout correct ! L'impact fiscal d'une telle mesure était important et, en plus, il est complètement aberrant parce qu'il touche toutes les entreprises, qu'elles soient petites ou grandes, et la situation d'entreprises telles que Rolex ou l'UBS n'est pas la même que celle d'une PME au capital modeste, parce qu'on peut aussi se dire que ce qu'on essaie de viser, c'est de ne pas taxer les petites entreprises. Or le dispositif est tous azimuts !
Et aujourd'hui, dans le nouveau dispositif - qui vise donc uniquement les nouvelles entreprises - on parle de start-up alors qu'il ne s'agit pas de start-up mais de toutes les nouvelles entreprises pendant leurs trois premières années d'existence dont on ne taxerait pas le capital. Alors, comme je l'ai dit, cela représente 2800 F par année pour une entreprise qui a 2 millions de Francs de capital. On ne fait pas de différence entre une start-up que créerait M. Bertarelli ou une entreprise comme Google, si elle venait s'installer à Genève, et un entrepreneur qui n'a peut-être pas de moyens, mais qui essaie de lancer son entreprise !
Ici, on propose donc des baisses d'impôts extrêmement modestes, sans aucune garantie de résultat. Ce ne sont pas 2800 F d'impôt en moins ou en plus sur un capital de 2 millions de francs qui vont garantir ou non la survie d'une entreprise.
En plus, le problème est que ces recettes fiscales ne seront plus là ! Ici, dans le projet de loi actuel, nous allons avoir une baisse de recettes fiscales de l'ordre de 10 millions de francs. Je tiens d'ailleurs à relever le fait que l'administration fiscale est très douée pour nous communiquer des tableaux de répartition en cas d'arrivée en cours d'année ou en cas de changement de raison sociale, etc.; par contre, pour ce qui est d'établir fiscalement le coût de cette mesure sur une année ou deux ou trois, l'administration fiscale est incapable de nous donner des chiffres. Donc, ici, le projet de loi vous fait voter un principe, sans connaître les chiffres ! Et je pense qu'en période de rigueur budgétaire où l'on s'intéresse à chaque centime dépensé, ce n'est franchement pas un projet raisonnable.
Pour ces raisons, je vous invite à refuser ce projet de loi, même si sa portée est extrêmement symbolique ! On peut dire que cet argent serait bien plus efficace dans une fondation d'aide aux entreprises, qui aiderait uniquement les entreprises qui en ont besoin. Parce qu'il faut mettre de l'argent là où on en a besoin, là où les personnes font des demandes et ne pas disperser tous azimuts 100 F de moins par-là, 200 F de moins par-là. Cela ne change rien à la vie des entreprises et j'en sais quelque chose: je suis petit patron. Ce n'est pas comme cela qu'on aidera l'économie genevoise !
Mme Mathilde Captyn (Ve). Les Verts sont fermement opposés à toute proposition de baisse d'impôts dans le contexte actuel des finances publiques, aussi petite soit-elle, d'ailleurs. Or, ce projet de loi vise justement à diminuer l'impôt sur le capital, équivalant à 0,18% et 0,2% pour les sociétés qui présentent des pertes.
Nous reconnaissons que c'est un impôt qui devrait être adapté à la logique économique. Nous aurions d'ailleurs été d'accord d'entrer en matière sur un projet de loi prévoyant une compensation des pertes fiscales pour l'Etat. Là n'était pas l'objectif des signataires, qui défendent au contraire systématiquement - oserais-je dire de manière presque névrosée ou monomaniaque - la baisse de tous types d'impôts confondus.
Bien que les travaux de la commission aient permis de réduire cette baisse d'impôt pour en faire une exonération d'impôt sur le capital pendant une période de trois ans à dater de la création ou l'arrivée d'une personne morale dans le canton, nous restons opposés à ce nouveau cadeau fiscal pour les entreprises.
Nous vous engageons donc, Mesdames et Messieurs les députés, à voter contre ce projet de loi.
Mme Michèle Ducret (R). L'impôt sur le capital des personnes morales est un impôt que j'ai toujours jugé inique, soit en tant que représentante des associations professionnelles, soit en tant que représentante du groupe radical, parce qu'il pressure inutilement les personnes morales et que, quelquefois, certaines personnes doivent réaliser une partie de leurs biens pour payer cet impôt, ce qui est quand même un comble !
Par conséquent, je salue ici la sagesse et le bon sens du groupe libéral qui a renoncé à ses prétentions initiales et les a considérablement réduites, estimant que la loi fédérale lui interdisait de toute manière de supprimer l'impôt sur le capital dans le canton de Genève et dans les autres cantons.
Nous soutiendrons donc le projet de loi tel qu'il est ressorti des travaux de la commission, et j'ai bien dit: «tel qu'il est ressorti des travaux de la commission».
Mme Véronique Schmied (PDC). Nous avons donc en vigueur un impôt qui n'a qu'une justification historique, un impôt qui n'a pas de liens avec le chiffre d'affaires de l'entreprise, qui est moins élevé pour les entreprises bénéficiaires et inversement plus élevé pour les entreprises déficitaires. Il s'agit d'un impôt qui défavorise le canton de Genève par rapport à d'autres cantons quant à son attractivité - je le sais, moi qui, à Versoix, vois passer les entreprises qui vont s'installer à quelques kilomètres de là, entre Coppet et Nyon. Il faut se rappeler que notre voisin le canton de Vaud a un taux global effectif d'imposition de 30 à 40 fois inférieur au taux genevois.
Cet impôt incite aussi les entreprises à distribuer leurs bénéfices au lieu de les inciter à constituer des réserves; certaines entreprises sont parfois même poussées à s'endetter pour payer l'impôt, puisqu'elles n'ont pas de bénéfice et que l'impôt leur est tout de même «imposé» - c'est le cas de le dire. Bref, c'est un impôt qui est néfaste aux PME et aux PMI.
Ces mêmes entreprises offrent tout de même à peu près les trois quarts des emplois dans le canton de Genève. Donc, se préoccuper de leur survie et de leur confort, surtout lorsqu'elles sont nouvelles, n'est pas un vain combat. L'idéal serait bien sûr d'abolir cet impôt, mais la commission a bien constaté qu'il y aurait effectivement un manque à gagner non négligeable en termes de recettes fiscales et que ce n'était pas le moment d'imposer cette restriction au canton. (Brouhaha.)
Donc, le groupe démocrate-chrétien soutiendra cette proposition de projet de loi, notamment l'alinéa 2 qui préconise l'exonération du paiement de l'impôt pendant les trois premières années pour les nouvelles entreprises, afin de les aider à passer le cap difficile de la jeunesse, parlant des start-up. Cela permettra de limiter les dégâts fiscaux, tout en atténuant la charge qui pèse sur les petites et moyennes entreprises et industries.
M. Jean-Michel Gros (L). Lorsqu'un des névrosés cités par Mme Captyn lit le rapport de M. Deneys, il se pose des sérieuses questions, et le groupe libéral avec lui. Et la première d'entre elles est celle-ci: vaut-il encore la peine de céder à des compromis dans les travaux de commission ? Car voici que d'une franche diminution d'un impôt injuste - injustice fort bien exposée dans le rapport de M. Jornot - la majorité de la commission a consenti à cibler cette diminution sur les nouvelles entreprises, qu'elles soient nouvellement créées ou qu'elles s'implantent sur notre territoire. Tout ceci pour éviter à l'Etat des pertes fiscales de 71 millions de Francs. Il s'agit, comme le dit M. Jornot, d'un choix responsable.
Or, voilà que M. Deneys nous dit que ce projet rate sa cible, qu'il n'aura aucun effet. Bref, que c'est la montagne qui a accouché d'une souris. Alors, Monsieur Deneys, je vous avoue que si j'ai un faible pour les gens qui affrontent et escaladent les montagnes, j'ai moins de sympathie pour ceux qui combattent les souris.
Le groupe libéral concède que le projet de loi, tel qu'issu des travaux de la commission, constitue une attractivité moins grande au canton que le projet initial. C'est une pesée des intérêts, entre le besoin de recettes fiscales de l'Etat et le souci de rendre Genève plus attractive pour la création et l'implantation de nouvelles entreprises, qui a guidé le choix de la majorité de la commission. D'autres cantons ont été beaucoup plus audacieux dans ce domaine, et cela encore tout récemment ! Argovie a ainsi diminué l'imposition sur le bénéfice des entreprises et diminué de moitié l'impôt sur le capital. Zoug et Uri se lancent aussi dans une semblable diminution. Sachant que Genève est à l'avant-dernier rang en ce qui concerne la charge fiscale des entreprises en Suisse, vous admettrez qu'il y a quelque chose à faire ! (Brouhaha.)
Ce projet de loi est un petit pas, trop petit certes, qui ne permettra sans doute pas de modifier le classement calamiteux du canton de Genève. Le groupe libéral note que cette politique des petits pas en faveur de l'attractivité de notre canton ne convient pas aux députés de l'Alternative. Nous en prenons note et nous nous en souviendrons. Nous en tirerons les conséquences lors des prochains travaux de la commission fiscale, sachant qu'il est inutile de chercher des consensus ou des compromis, étant donné que de toute façon nous nous heurterons à un refus de l'Alternative.
Pour le moment, nous vous demandons d'accepter ce projet de loi car il constitue un début de réponse pour les nouvelles entreprises, pour les emplois qu'elles sont susceptibles de créer et pour que Genève, faute d'être un paradis, sorte de l'enfer fiscal pour au moins atteindre le purgatoire ! Mais maintenant, si M. Deneys trouve vraiment que ces économies d'impôts sont trop modestes pour être efficaces, il aura peut-être l'occasion en deuxième débat de revenir au projet initial !
M. Roger Deneys. Mais certainement !
M. Alberto Velasco (S). Si je me souviens bien, en tant que député ayant siégé ici pendant quelques années, ce débat a déjà eu lieu. Il est vrai qu'en réalité le capital favorise plutôt les grandes entreprises que les petites. Les petites sociétés sont moins capitalisées que les grandes sociétés. Ce qui avait été constaté à l'époque, c'est que ces grandes sociétés déclaraient peu de bénéfice et qu'elles étaient très capitalisées. C'est la raison pour laquelle, justement, il avait été décidé dans le débat de maintenir cet impôt sur le capital. Si je me souviens, cela se passait à l'époque de Mme Calmy-Rey.
Comme le dit M. Gros, le projet qui sort de la commission est un pis-aller par rapport à l'objectif logique que le groupe libéral s'était donné de défiscaliser le capital des grandes entreprises, je suis d'accord avec vous. C'est logique et ce qui sort ici n'a rien à voir avec les objectifs établis au départ.
Toutefois, voyez-vous, comme M. Deneys le dit, le but n'est pas atteint pour les petites et moyennes entreprises. Je le comprends, parce personnellement, en tant que socialiste, j'aurais été d'accord que les petites entreprises soient défiscalisées si un montant équivalent à la défiscalisation était investi dans la recherche ou dans la création d'emplois par ces entreprises. Il serait intéressant, et je serais d'accord, d'aider ces petites et moyennes entreprises qui font justement un réinvestissement de ce genre de capital, c'est-à-dire la recherche, la formation, l'emploi. C'est d'autant plus intéressant que cela participe à la relance de l'économie.
Par contre, en défiscalisant le capital des petites sociétés comme vous l'avez fait, nul ne peut mesurer les conséquences économiques, Mesdames et Messieurs ! Moi, je ne les devine pas ! C'est la raison pour laquelle je comprends mon collègue Deneys quand il dit que cela ne vaut même pas la peine de voter le projet de loi que vous avez accepté en commission.
Ceci dit, Mesdames et Messieurs les libéraux, il faut être cohérent ! En commission, semaines après semaines, vous nous tenez un langage comme quoi il faut réduire la dette et qu'il faut faire des économies partout... Je comprends mal, dès lors, que vous arriviez avec un tel projet de loi, qui ne sert même pas à relancer les petites et moyennes entreprises.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de majorité. Tout à l'heure, j'ai omis de vous citer quelques paroles historiques mais fort bien senties de M. le député Hiler, lorsqu'il s'était prononcé dans le débat de préconsultation sur ce sujet. Il est abondamment cité par le rapport de minorité. M. Hiler nous disait à l'époque qu'il y avait effectivement quelque chose de pourri dans le royaume de l'imposition du capital et qu'il y avait quelque chose à changer. Il nous disait en conclusion que «nous pourrions entreprendre une réforme plus technique, pour autant que la majorité le souhaite. Si elle souhaitait faire autre chose, nous nous affronterons.» Ces paroles prophétiques n'ont malheureusement pas été suivies de grand-chose de concret dans les travaux de la commission fiscale.
Pendant les nombreuses années où ce projet a stagné en commission fiscale, personne ne s'est avisé de proposer des contrevariantes, de faire des propositions d'amendements, tant et si bien qu'il a fallu que ce soient les auteurs eux-mêmes qui fassent des propositions d'amendements à leur propre projet. Je regrette que ni le Conseil d'Etat, ni l'opposition, en commission fiscale, n'aient jugé utile de faire la moindre proposition d'amendement et se soient bornés à dire que c'était un cadeau aux entreprises et que c'était moralement scandaleux. D'ailleurs, il y a le mot «capital», donc c'est forcément épouvantable ! J'en passe et des meilleures, je le regrette !
Il ne s'agit pas ici, Mesdames et Messieurs les députés, d'une baisse d'impôts qui aurait pour objectif d'assécher l'Etat et de l'obliger à se réformer: on parle en l'état du projet tel qu'il est sorti des travaux de la commission, un projet avec un impact fiscal de moins de 10 millions de francs. C'est bien inférieur à la marge d'appréciation du département des finances et c'est inférieur au correctif que celui-ci applique sur les recettes des années précédentes: la diminution des recettes est véritablement insignifiante.
Ce qui est en cause, en revanche, c'est l'attitude que nous voulons avoir vis-à-vis de nos entreprises. Ce qui est en cause, c'est le fait que tous les autres cantons de Suisse prennent des mesures massives en faveur des entreprises alors qu'à Genève on se contente de regarder notre classement en la matière, qui n'est pas très bon, et on ne prend pas de mesures pour apporter des améliorations massives ! Ce projet de loi a pour objectif de montrer qu'à Genève aussi nous sommes sensibles aux entreprises, qu'à Genève aussi nous sommes sensibles, en particulier, aux entreprises qui se créent ainsi qu'à celles qui arrivent dans notre canton, et ces deux types d'entreprises sont concernées par ce projet de loi.
A M. Deneys, je voudrais dire que si Google ou M. Bertarelli doivent créer des sociétés à Genève, il est bon que nous leur octroyions des avantages fiscaux, même s'ils sont modestes, parce qu'au final, demain, les emplois créés et les recettes fiscales compenseront très largement le cadeau que nous pourrions leur faire aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite donc à entrer en matière sur ce projet de loi.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à M. le rapporteur de minorité Roger Deneys.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Au rapporteur de majorité et à l'Entente qui soutiennent ce projet de loi j'aimerais dire que, avec le résultat issu de la commission, la sensibilité genevoise au développement des entreprises va se mesurer au microscope électronique ! Et ce n'est même pas dit que l'on puisse l'observer au microscope électronique ! Parce que pour une entreprise qui se crée en société anonyme avec un capital de 100 000 F, la baisse d'impôts sera équivalente à 140 F par année !
Vous allez me dire comment vous créez de l'emploi en accordant une baisse fiscale de 140 F par année ! Je suis désolé, mais ce n'est pas sérieux ! En l'occurrence, Genève ne donne pas du tout un signal significatif au monde des entreprises en faisant ce genre de réformes ! C'est ridicule ! Ce sont des réformes de guignol ! Alors, autant renoncer à ce projet de loi et remettre le métier sur l'ouvrage depuis le début. On peut réformer la fiscalité des entreprises, on peut taxer le capital, il y a des bonnes raisons de le faire ! Comme je l'ai dit tout à l'heure, le capital de l'entreprise permet aussi de jongler entre le bénéfice et le capital. Il n'y a donc pas de raisons de ne pas le taxer ! Maintenant, on peut augmenter l'impôt sur le bénéfice, en compensation, si l'on veut taxer moins le capital, mais, fondamentalement, ce n'est pas comme ça qu'on aidera qui que ce soit. En plus, on vise toutes les entreprises, ce qui est inefficace !
Comme je l'ai dit dans mon rapport, c'est digne d'un plan quinquennal soviétique ! Cela m'étonne beaucoup de la part des libéraux et j'ai bien entendu que M. Gros en est conscient.
C'est vrai que, comme ça, on pourrait dire que Genève a symboliquement fait quelque chose, mais ce quelque chose est totalement ridicule ! C'est bien cela qui est grave. Et même la proposition d'amendement de M. Halpérin, même fort sympathique, ne change rien à la donne !
J'aimerais insister sur une autre chose: aider une entreprise en la faisant échapper pendant un certain temps à la fiscalité normale des entreprises, ce n'est pas l'aider ! Parce qu'aider, c'est plutôt fournir une aide concrète pour des raisons précises parce qu'il y a des besoins; ce n'est pas fausser la donne économique de l'entreprise pendant cinq ans ou pendant trois ans. Parce que c'est ça le résultat des courses: pendant trois ou cinq ans, l'entreprise qui s'installe ne vit pas avec une fiscalité identique à celle des autres entreprises genevoises. Vous ne l'aidez donc pas, vous reportez seulement une échéance de quelques années. Et après ce délai, elle est confrontée d'un coup à la réalité ! Je suis désolé, mais cette aide, visible au microscope électronique seulement, est absolument ridicule !
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, l'objet ne vaut en réalité pas qu'on lui accorde de longs débats, mais le contexte nécessiterait quand même une discussion. Ce qui m'inquiète, ce n'est pas tant, finalement, que ce projet soit accepté ou refusé ! Ce qui m'étonne un peu, ce sont des propos tenus de part et d'autres, que je qualifierai d'excessifs, et témoignant d'une assez mauvaise connaissance de la réalité.
Alors, commençons par le rappel de M. Jornot. Oui, je pense toujours que la fiscalité sur le capital n'est pas une bonne fiscalité, parce qu'elle atteint l'appareil productif et que, évidemment, plus cet appareil productif est lourd, plus l'impôt l'est aussi. Elle atteint l'entreprise, y compris lorsque celle-ci est dans une période où elle fait des pertes, ce qui arrive malgré tout, notamment dans les secteurs qui font des gros investissements. Vous l'avez noté à juste titre, nous sommes quand même quelque peu limités par le droit fédéral. Toutefois, nous ne sommes pas ligotés: nous sommes limités. Il faudra donc sans doute revenir sur cette question et je dois dire que j'ai trouvé quelque peu paradoxal l'argumentation de certains concernant capital et bénéfice.
Parce qu'en somme une entreprise qui privilégie le bénéfice et généralement la distribution de ses bénéfices - c'est de qu'il s'agit - est une entreprise qui a moins de chances de rester pérenne qu'une entreprise qui, ma foi, n'entend pas distribuer trop de bénéfices et s'arrange pour se créer des réserves. Or, Mesdames et Messieurs, il me paraît difficile de condamner la dictature des actionnaires sur les entreprises et le risque qu'ils font peser en demandant des pay-out ratio de plus en plus élevés et vouloir en même temps taxer le capital au motif que l'entreprise cacherait le bénéfice. Là, je crains qu'il n'y ait au moins une contradiction, en tout cas pour les grandes sociétés.
Une deuxième chose qui m'inquiète, c'est de proclamer haut et fort que notre fiscalité n'est pas attractive. Et là, je pense qu'il faut commencer à dire les choses telles qu'elles sont: ça dépend pour qui ! Si en l'an 2005 et en l'an 2006 nous avons perçu un milliard de francs sur les personnes morales, c'est bien parce qu'il y a des domaines où nous sommes compétitifs ! Ce montant représente 20% de nos recettes fiscales, ce qui est un cas exceptionnel en Suisse. D'une certaine manière, nous devrions aujourd'hui tous remercier Mme Calmy-Rey d'avoir initié une politique particulièrement agressive pour faire venir des entreprises à Genève ! Parce que ces entreprises sortent aujourd'hui des allègements dont elles bénéficiaient et certaines sont considérablement bénéficiaires.
Mais ce n'est pas tout ! Nous pourrions aussi remercier, cette fois-ci, les deux personnes qui m'ont précédé à ce poste d'avoir construit des statuts pour les sociétés qui souhaitaient s'implanter à Genève, qui nous rendent concurrentiels à l'échelle européenne, que ces sociétés soient principales et commissionnaires, mixtes ou auxiliaires. Certains arrangements sont vraisemblablement discutables, d'autres existent dans tous les pays, mais c'est là que je voulais en venir. Peut-être ne devrions-nous pas oublier que dans ce domaine, comme dans celui des allégements fiscaux proprement dits limités, cette fiscalité allégée ne concerne que ceux qui travaillent pour le marché international. Autrement, nous serions très clairement dans une distorsion de concurrence pour l'économie locale.
Toutefois, en même temps - c'est ce qui va peut-être retarder un tout petit peu la réflexion sur le point «capital/bénéfice», Monsieur Jornot - nous devons tout de même nous préparer à des jours peut-être un peu difficiles à moyen terme par rapport à la fiscalité de nos entreprises. Non pas que je souscrive d'une quelconque manière à la querelle lancée par M. Montebourg contre des actes de Mme Calmy-Rey quand elle était ministre ici - puisque c'est toujours la même affaire qui est mise en avant - mais parce qu'il est effectivement possible que l'Union européenne mette de l'ordre chez elle et que, dans ce cas-là, nous devrons clairement avoir des politiques en faveur des entreprises, un peu différentes de celles d'aujourd'hui. Pas pour avoir plus, mais simplement pour respecter un certain nombre de règles.
Cette question devrait donc aussi nous amener à imaginer une fiscalité qui soit, disons, plus attractive pour tous, globalement. C'est-à-dire aussi pour les entreprises qui travaillent pour le marché local, et ceci si possible en ne perdant pas de recettes mais en redistribuant quelque peu les cartes en fonction de la dynamique internationale et de la dynamique suisse. C'est ce sur quoi nous allons travailler - avec l'administration fédérale, bien sûr.
Mesdames et Messieurs les députés, je tiens vraiment à insister sur un point. Rappelez-vous que nous touchons un milliard de francs de recettes sur les personnes morales; c'est un chiffre colossal en lui-même et il représente 20% de nos recettes fiscales. Ces recettes sont en partie contestées - et de façon violente - à l'échelle de l'Union européenne. Je tiens quand même à vous dire que si celle-ci l'emportait, c'est notre canton qui y perdrait le plus, et j'insiste là-dessus ! Cela m'incite simplement à vous dire que le Conseil d'Etat peut parfaitement vivre avec le projet qui a été déposé, mais cela m'incite aussi à vous dire que, sur ces questions, il faudrait peut-être entreprendre un examen un petit peu moins superficiel de la question, un peu moins ironique, et un peu moins léger en dernière analyse, parce que ce qui va se passer dans les dix prochaines années sur ce plan est susceptible de conditionner très largement les possibilités d'action de l'Etat de Genève.
Pour l'heure, la politique du Conseil d'Etat est d'appliquer les statuts qui ont été créés. Nous continuons avec des objectifs stratégiques clairs à encourager par des exonérations l'établissement et l'agrandissement d'entreprises. En réalité, nous regrettons qu'aujourd'hui nous n'ayons pas encore la solution pour que des entreprises travaillant sur le marché local - qu'elles soient anciennes ou nouvelles - soient taxées globalement quand elles font des pertes. Ça, c'est véritablement quelque chose que les entreprises détestent ! Au niveau psychologique, cela, on peut le concevoir. Toutefois, là n'est pas la question de demain. La question de demain, c'est: serons-nous encore attractifs pour les sociétés qui payent, sitôt qu'elles payent bon an mal an au moins le tiers des impôts perçus sur les personnes morales, après exonérations ? Je pense que, là, M. Walpen voit que je parle des sociétés mixtes. Je veux dire que ce ne sont pas les sociétés holdings qui rapportent à Genève, ce sont les sociétés mixtes !
Gardons-nous donc de dire que nous sommes un enfer fiscal pour les entreprises. Ce n'est pas vrai, et elles le savent ! Gardons-nous de dire aussi qu'il faut simplement les faire payer plus parce que ceux qui ont pratiqué ce genre de politique ont, au final, plutôt moins de recettes que plus de recettes ! Messieurs Jornot et Deneys, je vous donne rendez-vous pour un débat qui devra avoir lieu sur la base d'une proposition du Conseil d'Etat, je l'entends bien, aussitôt que nous aurons réglé avec intelligence les questions liées à la loi sur l'imposition des personnes physiques - où nous sommes tout simplement en dehors du droit fédéral - et à la loi sur la perception, sans laquelle nous finirons par ne plus percevoir d'impôts parce que celle-ci est singulièrement fragile quant à sa base légale.
Voilà ce que je tenais à vous dire au nom du Conseil d'Etat et je tiens encore à signaler à M. Deneys que nous ne sommes évidemment pas capables de calculer combien ceci pourrait nous faire perdre dans les cinq prochaines années, dans la mesure où il n'y a pas encore de devins à l'administration fiscale et que nos boules de cristal valent celles des autres, c'est-à-dire qu'elles sont nulles, et que personne ne sait quelles entreprises se créeront les cinq prochaines années, ni quel capital elles auront. Raison pour laquelle je ne suis même pas sûr qu'en réalité nous perdions ce que vous indiquez.
Il y a un signe, il y a le début d'une discussion. Cela commence parfois comme ça. Il faudra en tout cas que nous fassions mieux à l'avenir, en termes de stratégie fiscale, pour assurer l'avenir de Genève, tout simplement !
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais donc vous faire voter l'entrée en matière du projet de loi 8641 modifiant la loi générale sur les contributions publiques, D 3 05.
Mis aux voix, le projet de loi 8641 est adopté en premier débat par 43 oui contre 33 non.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'alinéa 1 de l'article 289.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 289, alinéa 2. Monsieur le député Michel Halpérin, vous avez la parole.
M. Michel Halpérin (L). Tout à l'heure, il a été fait référence aux travaux de la commission. Je n'y reviendrai pas vraiment, si ce n'est pour dire que nous sommes aujourd'hui en face d'une proposition qui par sa nature - et M. Deneys a bien fait de le souligner - est très différente du projet initial dont je vais essayer ici de rappeler en quoi il consistait, très brièvement.
L'intention des auteurs du projet de loi 8641 s'inscrivait dans une vision fiscale globale, que défendait le groupe libéral en particulier, qui consistait à dire à l'époque de son dépôt qu'il fallait revoir la fiscalité des personnes physiques phase par phase - nous avions commencé à le faire - puis celle des personnes morales. Tout le monde convenait en gros dans cette salle, même ceux qui n'étaient pas favorables aux baisses d'impôts, que le régime de l'imposition sur le capital posait aux entreprises des problèmes que le conseiller d'Etat Hiler vient de rappeler avec sa pertinence coutumière.
Notre projet ne visait pas à autre chose qu'à entraîner un commencement de révision de cet impôt sur le capital des personnes morales, qui est comme on l'a dit et répété, à la fois injuste et pénalisant pour les entreprises quand elles font des pertes. On aboutit à ce résultat paradoxal qui incite les entreprises à distribuer leurs bénéfices au lieu de les réinvestir. Je sais bien, Monsieur le conseiller d'Etat, que nous sommes aujourd'hui dans une période où les actionnaires préfèrent en général une distribution des dividendes, mais ce n'était pas encore le cas au moment du dépôt de projet de loi. En tout cas, les politiques d'incitation à l'investissement dans l'outil de travail sont généralement meilleures que les politiques de distribution à tout-va. Voilà l'intention initiale.
La commission - le rapporteur de majorité l'a rappelé - s'est trouvée dans une situation paradoxale. Apparemment, plus personne ou presque ne voulait de ce projet et voilà que les libéraux eux-mêmes, pourtant à l'origine du projet, s'ingénient à trouver les amendements qui seraient susceptibles de rassembler le plus grand nombre, dans une perception et un désir de rapprochement et de cohésion autour de la table. Le résultat final, c'est un moignon de loi, puisqu'elle ne s'adresse plus à toutes les entreprises constituées en personne morale mais seulement aux nouvelles entreprises et pas d'une manière durable, seulement pour quelques années. C'est donc un projet littéralement dénaturé et, comble de sarcasme, par ses auteurs eux-mêmes. Et c'est ce projet qui est adopté par la commission qui vous revient aujourd'hui.
Ma proposition première, Mesdames et Messieurs les députés - c'est le plus long des deux amendements - c'est de revenir au texte initial. C'est-à-dire de revenir à la cohérence, qui vise non pas à favoriser les entreprises qui s'installent, parce que ce n'était pas notre but initial, mais à diminuer l'impact de cet impôt sur le capital, sur l'ensemble des personnes morales genevoises. C'est ma première proposition d'amendement; il y manque les deux mots «sur l'impôt». J'étais si ému de reprendre la parole parmi vous que je les ai oubliés, dans ma précipitation à écrire. Il faudra donc les ajouter. Voici l'amendement: «Il n'est pas prélevé de centimes additionnels cantonaux sur l'impôt sur le capital des personnes morales.» Le deuxième alinéa qui va avec, ou plutôt le troisième, c'est la reprise de l'ancien texte.
Maintenant, comme on me dit que, comme d'habitude, je manque de lucidité et que je m'imagine que cette assemblée pourrait m'emboîter le pas, notamment parce que tous, autour de cette table, nous sommes convaincus qu'il faut agir pour les entreprises, j'ai proposé moi-même un sous-amendement à mon propre amendement - c'est vous dire à quel point je suis devenu humble, avec le temps. Il s'agit donc du deuxième amendement, le plus modeste des deux textes qui propose de revenir à un allègement s'étendant sur une durée de cinq ans au lieu de trois ans qui avait été la première optique de notre commission. Là-dessus, M. Brunier, M. Charbonnier et M. Velasco ont imaginé de sous-amender mon sous-amendement: ça enrichira notre débat de tout à l'heure. Ils veulent bien des cinq ans si nous les adoptons, mais à condition qu'il y ait au moins 5% d'emplois supplémentaires durant cette période. Cela amusera l'administration de procéder à ces calculs !
Quoi qu'il en soit, Mesdames et Messieurs les députés, pour des raisons de politique vis-à-vis de nos entreprises, de cohérence et de logique, je vous invite surtout à soutenir le premier amendement et je prendrai la liberté, Madame la présidente de demander l'appel nominal sur ce premier amendement, qui nous permettra de savoir quelles sont les forces favorables à l'économie dans ce canton. (Applaudissements.)
M. Antonio Hodgers (Ve). A la lecture de ces amendements, j'aimerais poser une question formelle à ce parlement et en particulier au Bureau. Nous avons tous lu, sous la présidence de M. Halpérin, cette recommandation qui stipulait que chaque projet déposé par les députés et qui provoquait un manque à gagner - une différence négative - devait s'accompagner d'une couverture financière. J'imagine que cela s'applique aussi à chaque amendement.
Or aujourd'hui, la commission nous présente un projet de loi qui, ma foi, ne recueille pas notre avis... Alors, M. Jornot a expliqué dans quelle dimension cette perte pourrait se situer, et là M. Halpérin arrive avec toute une série d'amendements qui, à vue de nez, pourraient coûter très cher... Dont on n'a aucune idée de coût... (L'orateur est interpellé.) On n'a aucune idée de l'impact budgétaire de ces amendements, de la perte budgétaire que cela entraînerait pour l'Etat, même si vous avez raison d'un point de vue technique ! Ce n'est pas une dépense, mais ces amendements auront, bien sûr, pour conséquence une perte financière plus élevée que celle qui a été prévue aujourd'hui par le Conseil d'Etat.
Cette attitude me semble peu responsable, notamment de la part d'un président qui a rappelé à l'ordre les députés pendant une année sur le sujet. Dès lors, je m'interroge sur nos réelles possibilités de voter cet amendement, considérant que nous n'avons aucune indication sur ses conséquences financières pour l'Etat.
M. Christian Brunier (S). Vous aurez compris que M. Halpérin nous dit que le parti socialiste soutient plus ou moins son amendement en l'amendant un petit peu... Bien entendu, ce n'est pas la réalité ! Nous sommes totalement opposés à votre amendement ! Nous essayons juste d'en atténuer les dégâts ! C'est-à-dire que si d'un seul coup une majorité prise dans une dynamique qui serait néfaste pour Genève votait votre amendement, nous l'amenderions ensuite pour, au moins, conditionner votre cadeau fiscal à de la création d'emplois.
M. Weiss disait que l'on était en train de créer de la valeur... Je ne sais pas où vous allez chercher vos références. Il y a de nombreux pays d'Europe, sous des majorités de droite proches de votre idéologie, qui ont fait des cadeaux fiscaux aux entreprises pour prétendument créer de la valeur, relancer l'économie, créer de l'emploi, et cela été une débâcle ! Ça a été un cadeau aux actionnaires de ces entreprises, vous le savez très bien ! La France en a fait l'expérience, il y a peu de temps: les actionnaires s'en sont mis plein les poches, il n'y a pas eu de création d'emplois et l'Etat a vu ses rentrées fiscales diminuer ! C'est-à-dire que ce sont les personnes les plus défavorisés de la société qui ont à nouveau subi les cadeaux que vous avez faits à vos petits copains.
Vous voulez refaire la même politique, dites-le honnêtement ! Dites-nous que vous êtes en train de favoriser vos amis ! Ne dites pas que vous êtes en train de relancer l'économie genevoise, plus personne ne vous croit ! Vous avez déjà vidé les caisses de l'Etat en disant que vous alliez relancer l'économie. Vous avez échoué complètement ! (Commentaires.) Aujourd'hui, avouez votre politique: vous êtes là pour favoriser vos amis ! (Commentaires.) Nous sommes contre cet amendement, et s'il passe, eh bien, nous le conditionnerons à un minimum ! C'est que les entreprises auront leur cadeau, mais il faudra quand même qu'elles créent de l'emploi ! (Applaudissements.)
Mme Michèle Ducret (R). Nous avons dû traiter ce projet, nous et nos prédécesseurs, pendant sept séances. Nous avons fait, je crois, le tour de la question. Je saluais tout à l'heure le courage, le sens des responsabilités et le sens de l'Etat des libéraux - pour une fois ! - en disant qu'ils avaient bien rabattu leurs prétentions en pensant aux finances de l'Etat. C'est la raison pour laquelle nous refuserons cet amendement de cinq ans, comme nous l'avions refusé en commission. Je suis désolée !
Nous refuserons aussi le sous-amendement présenté par certains députés socialistes. Je dois dire que je trouve assez admirable d'entendre des gens qui n'ont jamais dirigé d'entreprises parler de créer des emplois. (Exclamations.) Je crois que c'est assez comique ! Si vous saviez la difficulté que cela représente, peut-être ne diriez-vous pas cela. De toute façon, il s'agissait d'un amendement destiné à torpiller l'amendement libéral. En ce qui nous concerne, nous refuserons l'un et l'autre.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Avant de parler de l'amendement de M. Halpérin, j'aimerais quand même revenir sur les propos du conseiller d'Etat Hiler concernant les chiffres et sur le fait que l'administration fiscale ne dispose pas d'une boule de cristal. Ça, c'est certain ! Il n'empêche qu'il y a fondamentalement un problème avec ce projet de loi, c'est que nous ne disposons pas de données statistiques sur les cinq dernières années, ni sur les dix dernières, évidemment, concernant le nombre d'entreprises créées, leur capital et le montant de l'impôt qu'elles ont payé en fonction de la répartition capital et bénéfice. Nous n'avons pas ces chiffres !
Evidemment, la conjoncture économique change chaque année, le nombre d'entreprises créées va changer chaque année. Toutefois, fondamentalement, on pourrait au moins faire une extrapolation et obtenir un ordre de grandeur pour se dire que cela représentera telle ou telle masse, mais ne peut même pas faire cela !
C'est dans ce sens que je regrettais le fait que l'administration - fiscale en l'occurrence - soit sous-dotée en outils informatiques pour nous donner des éléments de réponses. Même s'il y a des incertitudes et que cela dépend aussi de la conjoncture internationale, ce n'est pas une raison suffisante pour être complètement dans le brouillard. Et c'est cela que je déplore !
Pour le reste, j'aimerais quand même relever aussi que dans l'amendement de M. Halpérin, outre le fait qu'il revient à la proposition de départ qui consiste à enlever 70 millions de recettes fiscales par année au canton de Genève, que ce projet de loi sera soumis au vote populaire - on ne lui donne donc fondamentalement pas tellement de chances d'aboutir, c'est dommage, parce que cela se fait au détriment des entreprises - on ferait mieux de cibler davantage, de repérer les entreprises qui en ont besoin, et de se poser la question de savoir si c'est bien par une baisse de l'impôt sur le capital des personnes morales qu'on y arriverait. Parce que votre démonstration de tout à l'heure ne tient pas ! Une entreprise qui ferait du bénéfice au détriment de l'investissement paiera aussi un impôt, puisqu'elle paie l'impôt sur le bénéfice. Donc, dans tous les cas, elle est soumise à un impôt, et c'est bien cela le problème. Contrairement à ce que dit M. Hiler, je suis désolé, l'impôt sur le capital n'est pas injuste ! Que se passe-t-il quand un entrepreneur qui a un capital de 100 000 F fait un bénéfice de 10 000 F en fin d'année et décide, en chef d'entreprise moderne, d'acquérir une voiture hybride qui coûte 55 000 F ? Il va faire des amortissements pour cet achat et il va faire une perte ! Ça prouve quoi ?! Ça prouve juste qu'on a là un chef d'entreprise intelligent, qui essaie de répartir ses investissements au bon moment, mais ça ne prouve rien du tout sur l'état réel de l'entreprise et le déficit ne veut rien dire du tout. On ne peut donc pas juger simplement le capital et le bénéfice en disant que l'un est bon et l'autre pas !
Je suis désolé, mais on ne peut pas considérer sérieusement des amendements proposés en plénière à 22h33, quand il y a 80 personnes dans la salle ! On ne peut pas travailler sérieusement comme ça, à cette heure, et avec autant de monde ! (Quelques applaudissements.)
M. David Hiler, conseiller d'Etat. J'ai, comme vous le savez, un certain âge et j'ai été député longtemps. Je me méfie donc toujours infiniment quand on évoque l'heure avancée, lorsque l'ego des uns a été maltraité ou qu'on commence à dire qu'il faut enlever 70 millions de francs de recettes à l'Etat de Genève pour punir les uns et les autres de leur insolence. Je crois que c'est un peu risqué ! Ensuite, on peut discuter de savoir si c'est l'insolent ou celui qui applique la loi qui est responsable de la situation.
A ce stade, je compte sur tous les partis de ce parlement - pas seulement ceux de la majorité gouvernementale - pour savoir garder raison, comme l'a suggéré fort à propos Mme Favre, pour le groupe radical. Parce qu'effectivement il est tout à fait possible d'entrer en matière sur l'impôt sur le capital dans le cas où l'on compense cela en augmentant l'impôt sur le bénéfice, bien sûr.
Monsieur Deneys, je dois vous dire que si l'on peut trouver des exemples de petites structures qui vont dans votre sens, je ne suis même pas certain de les voir dans les comptes, parce qu'on arrondit généralement au million, et je ne suis même pas sûr que ces petites structures versent ensemble un million de francs d'impôt sur le bénéfice.
En revanche, ce que je tiens à vous dire - je ne crois pas qu'il faut le nier - c'est que la tendance qu'on connaît depuis dix ou vingt ans, visant à empêcher les entreprises de créer des réserves latentes, a un effet déstabilisant. Vous pouvez trouver que c'est bien, mais rappelez-vous pour qui cela a été fait: cela a été fait pour que l'entreprise ne prospère pas trop sur le dos des actionnaires ! Ça a été une réponse des actionnaires, or cela a clairement un effet déstabilisant, parce que les réserves latentes ont du bon et je vais d'ailleurs vous démontrer en quoi.
En réalité, plus personne n'a vraiment le droit de faire des réserves latentes, dans le monde économique d'un certain niveau, parce qu'on utilise les Swiss GAAP RPC - recommandations relatives à la présentation des comptes - ou les normes IAS - International Accounting Standards - qui précisément traquent ce genre de choses. Sauf ? Sauf ?! Monsieur Deneys, quelles sont les seules sociétés qui ne respectent pas ce genre de règles ? Les banques, bien sûr ! Parce que cela serait beaucoup trop dangereux ! Donc, elles ont bel et bien le droit de créer des réserves latentes; ce sont les dernières à pouvoir le faire. Elles sont cotées en bourse et peuvent créer des réserves latentes, ce qui est tout de même intéressant par rapport au reste de l'économie.
Je vous le redis donc, vous n'allez pas improviser ! Je suis sûr que le parti libéral n'a pas du tout l'intérêt et l'intention de faire perdre 70 millions au canton de Genève, huit mois avant les 150 millions que la RPT coûtera au canton de Genève ! Je suis persuadé que votre parlement refusera de toute façon, le cas échéant, que l'administration fiscale contrôle si toutes les entreprises ont fait 5% ou non.
Monsieur Deneys, avec tout le respect que je vous dois, je dois quand même vous rappeler que le rôle fondamental du fisc est, à ce jour, de taxer correctement les contribuables et de récolter rapidement l'argent, ce dont il s'est assez bien acquitté. A vrai dire, aussitôt que l'affaire du retour à l'équilibre sera réglée, nous pourrons sans doute distraire un certain nombre de postes des tâches de perception et de taxation pour faire des statistiques complexes, même si, à mon avis, leur établissement n'est pas la fonction première de l'administration fiscale cantonale.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je vais faire voter... Monsieur Weiss, vous aviez quelque chose à ajouter ?
M. Pierre Weiss. Sur le renvoi en commission !
La présidente. Je vais faire voter le renvoi en commission, puisqu'il a été demandé.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 8641 à la commission fiscale est rejeté par 60 non contre 18 oui et 1 abstention.
La présidente. Je vais vous soumettre le premier amendement présenté par M. Halpérin à l'article 289, alinéa 2. Je vous le rappelle: «Il n'est pas prélevé de centimes additionnels cantonaux sur l'impôt sur le capital des personnes morales...».
Le vote nominal a été demandé. Est-il soutenu ?
Des voix. Oui !
La présidente. Oui, disons qu'il l'est.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 50 non contre 24 oui et 1 abstention.
La présidente. Je passe la parole à M. Michel Halpérin pour qu'il présente son amendement subsidiaire.
M. Michel Halpérin (L). Madame la présidente, je vous remercie. Ce sera très vite fait. Mon amendement subsidiaire consiste donc à porter de trois à cinq ans le modeste avantage consenti aux entreprises qui s'installent. Je pense que la durée de cinq ans, qui avait d'ailleurs été adoptée au cours d'une première partie des travaux de la commission, est un peu plus tentante que celle de trois ans. Nous avons entendu tout à l'heure les raisons pour lesquelles M. Deneys marquait de la commisération pour la modestie des propositions qui vous sont soumises. Je ne doute pas, par conséquent, qu'il abonde dans mon sens pour que cette modestie soit un peu moins misérable.
M. Pierre Weiss (L). Nous avons vu que nous n'étions pas une majorité à aimer énormément les entreprises. J'aimerais que nous votions aussi à l'appel nominal pour voir qui aime beaucoup les entreprises parmi nous !
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Juste pour dire que la proposition d'amendement consiste à faire un rabais de 900 F sur cinq ans pour une entreprise qui a un capital de 100 000 F. Je vous laisse donc mesurer l'ampleur de la mesure et la pertinence de la proposition d'amendement. On peut l'accepter, on peut la refuser, mais franchement c'est assez ridicule !
La présidente. Nous nous prononçons sur ce deuxième amendement qui propose une durée d'allègement de cinq ans au lieu de trois. L'appel nominal est-il soutenu ? (Appuyé.)
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 51 non contre 23 oui et 5 abstentions.
Mis aux voix, l'alinéa 2 de l'article 289 est adopté par 38 oui contre 36 non et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'alinéa 3 de l'article 289 est adopté par 43 oui contre 36 non.
Mis aux voix, l'article 289 (nouvelle teneur) est adopté par 43 oui contre 36 non.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 8641 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 8641 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 45 oui contre 37 non.
Mis aux voix, le projet de loi 9098 est rejeté en premier débat par 43 non contre 8 oui et 18 abstentions.
Premier débat
M. Jean-Marc Odier (R), rapporteur de majorité. Ce projet de loi a simplement pour but d'apporter de la transparence dans les comptes de l'Etat et dans ceux de l'Hospice général et des établissements publics médicaux en général. Jusqu'à maintenant la loi cantonale prévoyait d'attribuer le produit des successions en déshérence à l'Hospice général et aux hôpitaux. (Brouhaha.) Le projet de loi demande simplement que l'on attribue ces montants non plus à ces établissements mais directement aux comptes de l'Etat.
Différentes propositions ont été étudiées en commission: fallait-il attribuer directement ces montants via la trésorerie ou alors les attribuer à la réserve conjoncturelle ? Techniquement, lors des travaux de la commission, nous nous sommes rendu compte qu'il n'y avait pas d'autre possibilité que de faire passer ces montants par le compte de fonctionnement.
Le Conseil d'Etat est favorable à cette option, qui vise à ne pas attribuer ces montants à des tâches spécifiques. La commission y est tout à fait favorable pour des raisons identiques. Le principal argument dans tout cela a trait à la transparence uniquement; les comptes de l'Hospice général, ceux des établissements médicaux et ceux de l'Etat ne seront pas modifiés et le financement de l'Hospice général n'en sera pas non plus péjoré puisque, de toute manière, le financement par l'Etat de Genève du déficit de ces établissements est garanti par la constitution genevoise. C'est la raison pour laquelle la commission vous invite, Mesdames et Messieurs, à voter ce projet de loi.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. En réalité, ce n'est pas tel que le dit le rapporteur de majorité, que ça ne changera rien ! Jusqu'à aujourd'hui, le produit de ces successions allait donc à l'Hospice général qui les affectait à des projets concrets, comme on m'en avait informé à l'époque. Eh bien, ces produits n'iront plus à l'Hospice général. Et il est vrai, Monsieur le rapporteur de majorité, que la loi oblige le Conseil d'Etat à couvrir les déficits de l'Hospice général. Mais c'est quand même un peu paradoxal, parce que, voyez-vous, si l'on avait accepté la proposition du parti socialiste, qui consistait à dire qu'on réintègre l'Hospice général dans l'Etat, à ce moment-là, je suis d'accord avec vous, l'Hospice général devient un service comme un autre, il émarge au budget de l'Etat comme un service quelconque et les produits des successions sont totalement reversés au Trésor public.
Seulement, vous avez voulu créer un établissement public autonome avec un conseil d'administration qui est appelé à gérer ses dépenses et ses recettes, s'il y en a. Alors voilà, des recettes lui revenaient par le biais du système de l'attribution des successions, qui avait justement été introduit dans l'idée d'affecter le produit de ces dernières à des projets sociaux. Et aujourd'hui, on nous dit qu'il vaut mieux affecter ces montants au paiement de la dette. (Brouhaha.)
C'est quand même un peu gênant de détourner des fonds qui étaient, à l'origine, utilisés par l'Hospice général, hors budget, pour des actions concrètes, en plus de son budget de fonctionnement. Je dis bien: «hors budget», comme un fonds d'investissement séparé - cela apparaissait d'ailleurs au bilan.
On peut être d'accord avec vous, Monsieur Odier... La différence, avec cette proposition, c'est que dès aujourd'hui l'Hospice général ne pourra plus présenter et financer les activités pour lesquelles il utilisait ce fonds. Dorénavant, il sera demandé à l'Hospice général de se limiter stricto sensu à la mission qui lui est confiée par le Conseil d'Etat. Et vous savez très bien que, lorsqu'un déficit est survenu à l'Hospice général, le Conseil d'Etat lui a proposé de faire un échange: le recouvrement du déficit contre le transfert de certains actifs de l'Hospice général à l'Etat. Les choses ne sont donc pas aussi indolores et inodores que vous le prétendez !
Je trouve qu'il aurait fallu conserver l'affectation de ces fonds à l'Hospice général pour les projets menés par celui-ci et décidés par son Conseil d'administration, qui est habilité à utiliser ces fonds comme il se doit puisque vous avez doté l'Hospice général d'un conseil d'administration. Je le répète, je vois une contradiction dans le fait de mettre en place un conseil d'administration pour, ensuite, mettre celui-ci sous tutelle en lui enlevant ces fonds, même si, comme vous le dites, cet argent irait à la Caisse centrale et servirait à couvrir les déficits. (Brouhaha.)
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés... (Brouhaha.) Oh! Je sais qu'il n'y a pas beaucoup de chances que l'on m'écoute ! C'est donc pourquoi je demanderai qu'on refuse ce projet de loi et qu'on laisse à l'Hospice général les sommes provenant des successions en déshérence.
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts accepteront le projet de loi tel qu'il est sorti de la commission. Contrairement à ce que dit le titre du projet de loi, les fonds issus des successions ne seront pas affectés n'importe comment, mais ils seront simplement remis dans le porte-monnaie général de l'Etat. Cela revient à dire que, lorsqu'il y a des fonds ou des héritages qui reviennent à l'Etat, sans spécification quant à leur attribution, on met tout ça dans le porte-monnaie commun de l'Etat plutôt que de verser ces fonds à l'Hôpital d'un côté et à l'Hospice général de l'autre, en diminuant d'autant leurs subventions respectives. Cela fait une rentrée en plus pour l'Etat et l'argent est ensuite simplement redistribué aux différentes institutions, ce qui permet une plus grande transparence comptable. C'est plus clair et plus transparent.
C'est simplement pour ces raisons que les Verts accepteront ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L). Le précédent projet de loi a permis de donner un signe, certes modeste, aux entreprises; celui-ci permet de donner un signe, certes modeste aussi, en faveur de l'Etat. Il s'agit de contribuer à diminuer sa dette, il s'agit d'améliorer la dotation de l'Etat. Marginalement, très marginalement, nous y contribuons ainsi. Le groupe libéral votera ce projet de loi.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Oui, Mesdames et Messieurs les députés, je dois dire qu'il y a parfois des contradictions qui me frappent. Parce que, d'un côté, il s'est trouvé une unanimité autour de la loi sur les indemnités et aides financières, dont toute la démarche consiste tout de même à stipuler, très clairement et de façon limitative, quelles sont les prestations et quel est le financement qui leur est accordé. D'un autre côté, on dit qu'il y a quand même des recettes de l'Etat qui doivent passer par un autre canal ! Dont acte.
Par ailleurs, Monsieur Velasco, je dois simplement vous dire que les dernières distributions qui ont été faites sur les exercices antérieurs - puisqu'il n'y a pas de rétroactivité des lois - ont aidé l'Hospice général à provisionner correctement pour les avances sur rentes de l'assurance-invalidité. On sait que l'assurance AI est beaucoup plus restrictive dans l'octroi de rentes d'invalidité et cela fait que beaucoup de ces avances versées par l'Hospice général ne lui sont finalement jamais remboursées. Nous n'étions pas dans une situation où nous pouvions faire autre chose, lorsqu'il a fallu augmenter le taux de provisionnement de 30% à 60%.
Donc, à un moment donné, ce parlement - et généralement à l'unanimité - a voté les normes comptables les plus contraignantes qui existent aujourd'hui pour les collectivités publiques et a fixé des règles extraordinairement strictes pour les indemnités et aides financières.
Eh bien, Mesdames et Messieurs, ça y est, le plat est servi ! Il faut le manger. Et évidemment, ceci va parfaitement dans le sens d'une stricte maîtrise de nos recettes, ce qui a quand même une certaine importance, et de la manière dont vous jugerez que vous voudrez les dépenser. Parce qu'en dernière analyse, en matière budgétaire, nous proposons et le parlement dispose !
Il s'agit donc de donner plus de pouvoir au parlement et il faut plus de transparence, par le respect strict de la LIAF et des normes comptables internationales IPSAS. Que voulons-nous donc de plus ?
Pour le reste, et pour ne pas reprendre la parole ultérieurement, je signale que le Conseil d'Etat a déposé un amendement qui ne porte que sur la date d'entrée en vigueur de cette loi, puisque maintenant - le temps ayant évidemment passé - la loi doit prendre effet pour l'année fiscale 2007, soit entrer en vigueur au 1er janvier 2007.
Mis aux voix, le projet de loi 9262 est adopté en premier débat par 56 oui contre 11 non et 4 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3.
La présidente. Comme l'a rappelé M. le conseiller d'Etat Hiler, nous sommes saisis d'un amendement à l'article 4, Entrée en vigueur (nouvelle teneur). Le voici: «La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2007.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 55 oui contre 13 non et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 4 ainsi amendé est adopté.
Troisième débat
La loi 9262 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9262 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 13 non et 2 abstentions.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, il est 22h58 et nous terminons avec une précision toute helvétique ! Je vous retrouve demain à 15h et vous souhaite un très bon retour chez vous.
La séance est levée à 22h58.