République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 22 mars 2007 à 20h30
56e législature - 2e année - 6e session - 27e séance
PL 9676-B et objet(s) lié(s)
Premier débat
La présidente. Nous sommes au point 128 de notre ordre du jour. Nous traitons la première urgence votée tout à l'heure. Je voudrais juste préciser que M. Catelain renonce à son rapport de minorité sur cet objet. Il n'y a donc qu'une rapporteure de minorité, Mme Anne Emery-Torracinta, à qui je passe la parole.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Lors de la dernière session, nous avons entamé le premier débat sur ce projet de loi et il me semble important, sans redonner tous les arguments que j'avais eu l'occasion d'exposer, de revenir sur certains points qui expliquaient pourquoi le groupe socialiste s'opposait à cette loi sur l'aide sociale individuelle.
Nous avions un certain nombre d'arguments, parmi lesquels essentiellement le fait que ce projet de loi marque un retour en arrière par rapport à la conception que notre société se fait de l'assistance, dans le sens où ce que nous appelons et ce que même l'exposé des motifs du projet de loi appelle le droit à l'assistance perd singulièrement de sa force, à partir du moment où l'on entre dans une dynamique qui est celle de l'aide dite au mérite. Ce que nous reprochions à cette loi, c'est le fait qu'il y ait derrière ce principe de l'aide au mérite essentiellement un jugement moral et le sentiment que les personnes abusent de l'aide sociale.
Nous avions vu également combien la responsabilité individuelle, qui est prônée par la majorité, a des limites, qui sont celles que la société met en amont pour prévenir la dépendance à l'aide sociale.
Nous avions aussi relevé combien la mise en place du CASI - contrat d'aide social individuel - risquait d'aboutir à l'arbitraire, voire à des coûts importants pour l'Etat, puisque, si l'on veut évaluer correctement les objectifs mensuels qu'il demande, cela nécessitera certainement un développement et un engagement d'assistants sociaux supplémentaires.
Mais néanmoins, ce qui me paraît essentiel de rappeler en préambule aujourd'hui, c'est que cette loi qui vous est proposée est l'adoption des normes CSIAS, c'est donc la base légale qui permet à Genève la mise en place de ces normes. A plusieurs reprises, le Conseil d'Etat nous a dit qu'elles n'aboutiraient pas à une baisse des prestations. On nous a même dit dans une interpellation urgente, il y a quelques mois, que l'application pleine et entière des normes CSIAS dès le 1er juillet 2006 allait offrir des avantages aux bénéficiaires et ouvrir la voie à un système plus dynamique. Vous retrouvez le même genre d'arguments, Mesdames et Messieurs les députés, dans une interpellation à laquelle le Conseil d'Etat a répondu aujourd'hui.
Qu'en est-il réellement ? Depuis le débat du mois passé, l'Hospice général a bouclé ses comptes et vous avez peut-être lu dans la presse que, pour une fois, les chiffres étaient dans le noir. Concrètement, en ce qui concerne l'aide sociale, le coût moyen d'un dossier pour une personne qui était à l'assistance était de 2252 F en 2005. Je dis «une personne», mais en réalité un dossier couvre en moyenne 1,8 personne. Donc 2252 F en 2005. En 2006, pour les six premiers mois de l'année, avec la suppression du forfait transports et du forfait vêtements, ce coût moyen mensuel par dossier a baissé de 200 F, soit, au bout du compte, une économie pour l'Etat de l'ordre de 8,5 millions de francs.
Avec l'entrée en vigueur des normes CSIAS au 1er juillet, le chiffre est encore descendu, Mesdames et Messieurs les députés. S'il était de 2252 F en 2005, nous en sommes maintenant à 1884 F en moyenne par dossier, soit, en six mois, une économie de près de 16 millions de francs pour l'Etat. Au total, c'est donc près de 24 millions de francs que notre canton a économisé sur le dos des plus démunis de notre population. Et cela, à une époque et dans un contexte où le gouvernement s'est engagé à ne pas baisser les prestations, parallèlement au fait qu'il n'était pas question d'augmentation d'impôts. Eh bien, c'est pour cette raison essentielle, Mesdames et Messieurs les députés, parce que nous avons adhéré au groupe socialiste et à cette idée du ninisme, qu'aujourd'hui je vous dis qu'il n'est pas concevable d'économiser 24 millions de cette façon-là, et donc le groupe socialiste continuera à s'opposer au projet de loi sur la LASI. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Je voudrais simplement revenir sur ce qui a été exposé par la rapporteure de minorité, à savoir les économies qu'aurait faites le Conseil d'Etat. Il me paraît tout à fait logique que, en période de haute conjoncture, où l'économie crée des emplois par centaines voire par milliers, il y ait une répercussion sur l'aide sociale, puisque l'un des buts principaux de celle-ci est de resocialiser et de réintégrer les bénéficiaires sur le marché du travail. Cela figure dans les concepts et normes de la Conférence suisse des institutions d'action sociale et, donc, je ne vois pas en quoi il faudrait avoir mauvaise conscience de ce qu'il y ait, heureusement, un léger mieux au niveau de la prise en charge des bénéficiaires.
Cela étant dit, il serait bien plus honnête, Madame Emery-Torracinta, d'évaluer les coûts de l'aide sociale sur une période beaucoup plus longue et non pas seulement sur un an. En effet, entre 1997 et 2006, le budget que le Conseil d'Etat a consacré à l'aide sociale a doublé. Et nous observons que le nombre de bénéficiaires reste à un niveau particulièrement élevé dans ce canton, et que ceux-ci, par rapport à des normes identiques, sont beaucoup plus nombreux à Genève que dans d'autres cantons.
J'aurais souhaité pour ma part que le Grand Conseil, respectivement la commission sociale, s'inspire des travaux qui ont lieu dans le canton de Zurich sur le même sujet. Et vous auriez constaté que le pouvoir politique et le pouvoir législatif sont allés beaucoup plus loin, ont été beaucoup plus concrets et qu'ils ont posé des exigences par rapport à l'aide sociale, ce que cette commission, c'est-à-dire ce parlement, n'est pas encore prête à faire.
Pour ces motifs - et sachant que, de toute manière, le forfait d'entretien prévoit les transports publics et qu'il n'est en tout cas pas question d'en rajouter une couche, puisque ces normes sont appliquées dans toute la Suisse - je vous invite, Mesdames et Messieurs, à approuver la décision de la commission sociale.
M. Christian Bavarel (Ve). Je ne reviendrai pas sur mon intervention de la dernière fois qui expliquait le côté mouvant des règles et des lois entourant l'aide sociale, ni sur la volonté des Verts d'attendre un peu avant de légiférer à nouveau.
Néanmoins, les Verts voteront en ordre dispersé parce que les points de vue sur ce sujet ne sont pas homogènes et qu'il y a vraiment débat à l'intérieur de notre parti. Cela dit, nous sommes unanimes pour dire au Conseil d'Etat que, pour nous, ce qu'il y a de plus important, c'est que les dispositifs que nous instaurons servent à réinsérer les personnes.
Evidemment, ni les Verts ni personne - j'espère - ne souhaitent que les gens s'installent dans l'aide sociale, ce n'est pas le but, et il est inutile de faire souffrir les gens, cela, nous en sommes persuadés. Mais il est extrêmement important que les dispositifs que nous mettons en place aujourd'hui et ceux de demain soient évalués sur leur capacité de réinsérer des personnes. Cela nous semble être vraiment prioritaire. Monsieur le conseiller d'Etat, nous vous soutiendrons si ces structures permettent réellement de réinsérer.
C'est évidemment essentiel pour les personnes qui sont à l'aide sociale, c'est essentiel pour la dignité humaine de savoir qu'il y a une possibilité de se retrouver dans une société avec un statut, normal, dirai-je, mais c'est aussi malheureusement essentiel pour les finances de notre canton et c'est la position que les Verts soutiendront par rapport à ces différents projets de lois.
M. Pierre Kunz (R). Depuis un demi-siècle, le monde politique, autant pour se donner bonne conscience que par souci de plaire, s'est généralement contenté, sous prétexte d'une solidarité dénaturée, de redistribuer aveuglément et sans mesure les deniers publics. Dès les années 70, ce monde politique s'est mis à confondre, s'agissant du domaine social, revenu minimum et dignité, prestations d'assistance et respect humain, générosité et solidarité.
Mesdames et Messieurs, le projet de loi 9676 sur l'aide sociale individuelle qui nous occupe marque enfin la redécouverte de la vraie solidarité sociale, celle qui est fondée, non seulement sur les droits du bénéficiaire, mais aussi sur les devoirs de ce dernier, sur l'exigence réciproque des parties, sur le respect mutuel que se doivent le prestataire et le bénéficiaire, et sur la liberté et la responsabilité de chacun, du fort comme du faible. Le coeur de cette redécouverte, dans ce projet de loi, est le contrat d'aide sociale individuel, contrat qui, entre deux parties se considérant avec confiance et respect, définit leurs exigences réciproques, la prestation et la contre-prestation.
Ceux qui, dans ce parlement, comme la rapporteure de minorité, prétendent que le CASI est injuste, qu'il est trop exigeant, insuffisamment généreux, qu'il est conclu entre des parties inégales, ceux qui, sous ces prétextes, renoncent à l'exigence à l'égard du bénéficiaire, se trompent lourdement, comme ils se sont trompés depuis près d'un demi-siècle.
Ceux qui, sous ces prétextes, dans la logique désastreuse du «toujours plus, jamais assez», exigent des amendements comme ceux qui nous sont soumis ce soir, dégradent en réalité les faibles qu'ils prétendent soutenir et, en les déresponsabilisant toujours davantage, ils contribuent à la désagrégation de ce qu'un philosophe a appelé notre «capital social».
Mesdames et Messieurs, répétons-le, la vraie solidarité ne consiste pas en une générosité unilatérale - qui ne ressemble à rien d'autre finalement qu'à de la charité, que vous avez toujours contestée - elle se fonde sur le partage des tâches, sur les engagements réciproques et sur les efforts partagés.
Quant à ceux qui, comme nos collègues de l'UDC, prétendent que le projet de loi 9676 sera difficile à appliquer, qu'il ouvre la voie à un certain arbitraire, ou qu'il manque de rigueur, il convient de leur rappeler qu'en politique, malheureusement, nous ne sommes jamais appelés à choisir entre la bonne et la mauvaise solution, mais toujours la moins mauvaise des solutions qui nous sont offertes.
La nouvelle loi est en effet loin d'être parfaite, mais elle marque de tels progrès, dans son esprit déjà, par rapport à ce que nous avons connu jusqu'à présent, que nous devons absolument la soutenir, et c'est ce que feront les radicaux - qui vous engagent à agir semblablement - mais, bien entendu, sans égard pour les amendements qui nous sont proposés par le parti socialiste.
M. Maurice Clairet (MCG). Mesdames et Messieurs les députés, le Mouvement Citoyens Genevois est défavorable au projet de loi 9676 et votera non. J'invite tous les députés à suivre le groupe MCG. Je serai bref, donc c'est tout !
Mme Gabrielle Falquet (S). L'aide sociale, comme chacune et chacun aime à dire ou à penser, est un devoir de notre société. La question ne devrait-elle pas se poser différemment, à savoir: comment faire pour que l'on n'ait plus besoin d'aide sociale ? Malheureusement, la situation économique ne profite pas à tout le monde et l'on a besoin d'une loi qui garantisse que l'Etat s'occupe des laissés pour compte de notre société.
Or, cette loi qui nous est proposée aujourd'hui n'est pour nous, socialistes, pas encore très adéquate. Il y a un point qui nous fâche énormément, c'est celui du contrat. Un contrat, oui, qui permette aux gens de voir ce qu'ils doivent faire, qui permette une réinsertion individuelle, en tenant compte du parcours personnel, mais pas un contrat au mérite comme il nous est proposé aujourd'hui, avec des menaces et des punitions financières ! Comment, Mesdames et Messieurs les députés, pouvons-nous imaginer que les professionnels qui doivent, par leur travail, entourer des personnes en difficulté le fassent dans de bonnes conditions ? Comment établir un rapport de confiance, un lien très important entre les différents partenaires, lorsque vous avez une épée de Damoclès sur la tête, et pas des moindres, puisque c'est une «épée de sanctions financières» ? Comment peut-on imaginer qu'une personne à l'assistance puisse retrouver sa dignité en sachant que, si elle ne peut pas atteindre ses objectifs, elle sera punie financièrement ? Comment peut-on imaginer qu'un Etat qui souhaite se doter d'une loi sur l'aide sociale puisse être si convaincu que le mérite est la base de la réinsertion ? Non, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne pouvons accepter que le droit à l'aide sociale individuelle soit lié simplement à un contrat au mérite.
C'est pour cela que je vous invite à refuser l'entrée en matière de ce projet. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Pour une fois, j'aimerais que la droite soit cohérente avec sa politique ! Vous prônez l'ouverture totale et sans condition au flux de travailleurs européens, et pourtant vous savez que ça crée des problèmes au niveau des résidents genevois, qui ont de plus en plus de peine dans certaines professions à retrouver un emploi et qui, lorsqu'ils ont épuisé tout leurs droits au chômage, en particulier les gens au-dessus de 45 ou 50 ans, finissent malheureusement à l'assistance publique.
Alors j'aimerais, Mesdames et Messieurs, que vous soyez cohérents avec votre politique, parce qu'on ne peut pas d'un côté prôner l'ouverture à outrance au détriment de tous les résidents genevois et de l'autre, vouloir en faire des pauvres et des exclus de la société ! Donc, il faut les aider, en essayant de les réinsérer le plus vite possible sur le marché du travail.
C'est la raison pour laquelle, comme vous l'a dit notre collègue Maurice Clairet, nous allons refuser ce projet de loi, car il n'est simplement pas concevable, ainsi que la députée socialiste l'a dit aussi, de laisser une épée de Damoclès au-dessus des têtes et de fustiger les plus faibles d'entre nous. Et une bonne démocratie se mesure à la qualité de vie des plus démunis.
Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à refuser l'entrée en matière de ce projet de loi.
Mme Lydia Schneider Hausser (S). Voyez-vous, si la Genève économique offrait une plus grande place aux personnes vulnérables dans le marché de l'emploi, nous ne serions pas en train de voter cette LASI nouvelle. Dans cette loi, il est inscrit une stimulation, une récompense pour les personnes à l'assistance qui bougent, qui montrent non seulement leur désir mais également leurs actes pour se réinsérer. Une partie des bénéficiaires de l'assistance pourront certainement entrer dans cette vue, mais j'aimerais dire ici et répéter que toutes les personnes qui se trouvent à l'assistance ne le sont pas de gaieté de coeur.
Dans les discours, il est souvent mis en avant une responsabilité individuelle à la non-intégration... Mais cela n'est qu'une vue extrêmement partielle, voire fausse. L'individu à l'assistance pense également souvent que sa situation est due à un problème personnel, qu'il est coupable, alors que c'est un défaut du système qui n'admet plus que des personnes puissent trouver un travail sans être formées ou sans être «super-hyper-performantes», surtout lorsqu'elles connaissent des conditions de grande précarité.
Ce que les personnes à l'assistance vivent et ressentent, Mesdames et Messieurs, c'est de la honte, de la colère, de la solitude, de l'exclusion ! Mais heureusement aussi, quelquefois - et peut-être même souvent - elles trouvent auprès de l'aide sociale de la reconnaissance quant à leurs compétences et de la compréhension de la part des assistants sociaux. Outre d'importantes atteintes à la santé physique et psychique dont souvent ces gens souffrent durant cette attente d'intégration, cette précarité induit aussi chez eux un état de santé psychosocial souvent grave, voire du désespoir. C'est pourquoi le problème de la santé au sens large et de la réinsertion de la personne ne peut se résumer à un CASI. A force de vouloir rationaliser - «efficientiser», pourrait-on dire - le fondement de l'état de droit risque bien d'être amoindri. Et si cet état de droit s'affaiblit voire disparaît, cela fera peut-être aussi courir un risque pour notre démocratie.
Voilà pourquoi je vous demanderai de suivre l'avis du parti socialiste et de refuser l'entrée en matière. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). L'avantage de ce projet de loi, c'est qu'il nous permet de considérer la question de l'aide sociale sous ses aspects les plus fondamentaux. Et effectivement, ce soir, il y a deux visions de la société qui s'affrontent: l'une qui croit en l'homme, en sa responsabilité, en ses qualités et son mérite, vision qui est fondamentalement libérale, et l'autre, dans laquelle l'homme est le jouet des événements, de la société, où il est sa victime, et ces deux visions sont irréconciliables.
Il suffit, de ce point de vue-là, de considérer le rapport de minorité de Mme Anne Emery-Torracinta pour se rendre compte que nous ne pouvons pas adhérer à la vision qu'elle propose. Parce que, fondamentalement, ce que nous souhaitons, c'est la restauration d'un contrat social qui lie l'individu à la société et qui le responsabilise aussi dans ses devoirs vis-à-vis de cette société qui l'aide à surmonter des phases difficiles et à se réinsérer. C'est d'ailleurs là un deuxième point, très positif, de ce projet de loi.
Ce dernier marque aussi un retour à la «suissitude». Parce que, contrairement à ce que souhaiteraient les socialistes, avec la conservation ad aeternam des déviations des «Genfereien» qui nous caractérisent, au grand dam de la Berne fédérale, eh bien, ce projet de loi s'inscrit dans le mouvement de l'application des normes CSIAS, qui sont communes de Chancy à Romanshorn, ou en tout cas qui sont très semblables, et sans les déviations aussi fortes que celles que l'on pouvait avoir à Genève !
Il y a ensuite un point très important: ce projet de loi fait confiance, non seulement aux individus dont il veut qu'ils adhèrent à un contrat social comme individuel, mais aussi aux professionnels de l'action sociale. De ce point de vue-là, j'ai quelque peine, je vous l'avoue - et même plus que de la peine - à partager le scepticisme, la reluctance, voire l'opposition des milieux de l'aide sociale, qu'on peut voir notamment dans la pétition, à entrer dans cette nouvelle façon de penser. Il y a là comme une attitude de divorce entre ceux qui sont payés par l'Etat pour appliquer la politique de celui-ci et l'Etat lui-même. Or, le contrat social doit non seulement lier l'individu à la société mais aussi le serviteur de l'Etat à l'Etat.
Il y a encore deux points par lesquels j'aimerais terminer. C'est d'abord l'importance qui est mise sur le mérite. Ce n'est pas le mérite au sens où certains entendraient souvent le disqualifier, le mérite qui pourrait permettre, par des jugements moraux, de distinguer celui qui est bon de celui qui est mauvais. Non ! Ce sont les mérites des individus, ce sont les qualités dont ceux-ci réussissent à faire preuve, qualités qui peuvent être aussi élémentaires que la faculté de se lever, d'assumer ses soins quotidiens, jusqu'aux plus élevées d'entre elles, à savoir celles permettant de sortir de l'aide sociale, puisque finalement le but de cette loi, comme d'ailleurs le but de la loi sur l'invalidité sur le plan suisse, ce n'est pas de maintenir dans un dispositif prisonnier d'une trappe les personnes qui bénéficient des allocations de l'Etat, mais c'est au contraire de leur permettre de regagner en autonomie.
Et c'est par là que je conclurai, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés. Si nous adoptons ce projet de loi, si en tout cas, déjà, nous entrons en matière au terme de ce débat, nous aurons indiqué à la population et aux bénéficiaires de cette loi que nous avons confiance en eux, en les professionnels qui s'occupent de l'aide sociale, mais surtout en l'homme, qui n'est pas le jouet des événements mais le sujet de sa propre histoire.
M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera l'entrée en matière de ce projet de loi avec un enthousiasme certain. Avant de faire des grandes théories et de déclamer des contrevérités à propos d'un projet de loi, on doit d'abord se demander comment on voit l'avenir, indépendamment de celui-ci. On doit raisonner un peu en termes de principes.
La première question qu'il faut se poser est la suivante: est-ce que nous voulons une aide sociale ? Et je crois que ce projet de loi répond clairement à une volonté de continuer à veiller à ce que les plus démunis ne soient jamais laissés au bord du chemin. Et cela est bien l'essentiel, n'en déplaise.... (Remarques. Brouhaha.) Oui, mais parce que vous, pour des motifs électoralistes, vous ne pouvez pas admettre cela, on l'a bien compris, mais la réalité est que l'aide aux plus démunis est assurée et le sera encore demain. Ça, c'est la première chose.
La deuxième question qu'il faut se poser, c'est de savoir si nous voulons une aide sociale qui conforte les gens dans la précarité ou qui les aide à en sortir. Et c'est bien dans cette deuxième alternative, sans mauvais jeu de mots, que nous nous trouvons ce soir.
Ce projet de loi implique une chose toute simple, il instaure ce fameux contrat d'aide sociale. Mais ce contrat, c'est quoi ? Ce n'est pas quelque chose d'excessivement compliqué, c'est juste dire à quelqu'un qui est à l'assistance sociale: «Je vais vous aider. Mettons-nous autour d'une table et essayons de trouver des solutions ensemble, pour que vous sortiez de la situation dans laquelle vous vous trouvez.» C'est ça, l'enjeu du CASI ! C'est ça, l'enjeu de ce projet de loi ! Et très honnêtement, ce contrat d'aide sociale individuel répond à un tel bon sens que j'ai un peu de peine à comprendre pourquoi il rencontre une si grande opposition.
Maintenant, j'aimerais tout de même vous dire que, s'agissant de l'opposition d'un certain parti dont on ne sait pas vraiment s'il est à gauche ou à droite de l'échiquier politique, parce qu'il se défend de toute étiquette, j'ai un peu de peine à comprendre son argumentation. Grosso modo, on nous dit que, parce que les Genevois sont prétérités au profit des étrangers, on ne devrait pas voter ce projet de loi... Très honnêtement, c'est un argument qui ne porte pas, parce qu'il ne concerne absolument pas le projet de loi qui nous est soumis. Celui-ci vise à faire entrer l'aide sociale genevoise dans la modernité, dans le XXIe siècle, et il convient de le soutenir avec force et vigueur !
Mme Sandra Borgeaud (Ind.). Ce projet de loi, pour être une ancienne commissaire des affaires sociales, je l'ai relu avec attention. Pour ma part, dès le début, je l'avais soutenu, donc je ne vais pas changer d'avis aujourd'hui.
En ce qui concerne les amendements qui ont été proposés par la gauche, je les accepterai, car ce ne sont pas des enfants entre 13 et 15 ans qui vont nous coûter le plus cher si on l'accepte de leur redonner un abonnement TPG de 70 F - puisque cette mesure avait été complètement supprimée.
Par rapport aux nombreuses personnes qui se retrouvent dans ces situations-là, il faut comprendre une chose: quand vous arrivez au chômage, c'est déjà un échec; mais quand votre conseiller en placement vous dit: «Ce n'est pas dramatique, si vous ne pouvez plus toucher le chômage, vous aurez de toute façon droit à l'Hospice général»... Ça, c'est une phrase qu'on ne devrait pas avoir à prononcer ! Donc, je compte en tout cas sur le Conseil d'Etat pour que, réellement, des mesures soient prises par l'Hospice général et le chômage, de façon que l'aide sociale ne soit pas un dû, qu'elle soit là pour aider les gens à s'en sortir, mais certainement pas pour qu'elle les confine dans une situation où ils doivent toucher de l'argent à vie.
Ce n'est pas du tout un honneur de se retrouver à l'assistance sociale avec trois fois rien: on perd dignité, confiance en soi, on devient angoissé et on a l'impression qu'on ne retrouvera plus jamais un travail. Et cela, ce n'est pas le but recherché ! Il faut que les gens qui se trouvent au chômage aujourd'hui ou qui, parce qu'ils sont malheureusement en fin de droit, se retrouvent à l'Hospice général, aient la priorité absolue pour retrouver un emploi ! Ce sont ces gens-là qu'on doit vraiment aider de toute urgence. Et on devrait même faire en sorte que ces gens n'arrivent pas en fin de droit mais qu'ils puissent avoir la possibilité de retrouver un emploi avant d'atteindre ces extrêmes.
Il faut donc accepter ce projet de loi. Nous ne sommes pas là pour fermer les robinets qui ont malheureusement été ouverts à grande eau à l'époque; il est très difficile de revenir en arrière quand de nombreuses prestations sociales ont été accordées, mais il faut que les gens comprennent que ce n'est pas une vie, qu'il n'y a pas là de dignité et qu'il faut à tout prix s'en sortir. Et là, c'est le devoir du chômage, le devoir de l'Hospice général, de leur faire comprendre qu'il faut reprendre confiance, avoir une formation, et accepter aussi certaines choses qui ne font peut-être pas plaisir au départ - mais il faut faire des concessions. La vie fonctionne ainsi, et cela dans tous les domaines.
Pour ces raisons, je vous propose d'accepter ce projet de loi, et éventuellement les amendements qui ont été proposés par la gauche et qui ne vont pas causer un tort énorme à ce dernier. Je maintiens donc la position qui était la mienne lorsque j'étais encore aux affaires sociales et vous suggère d'entrer en matière sur ce projet de loi.
Mme Gabrielle Falquet (S). Concernant les accusations de M. Weiss à l'encontre du parti socialiste, je voudrais relever que nous n'avons jamais été contre le contrat social, bien au contraire ! Simplement, nous ne sommes pas d'accord avec l'effet punitif lié à l'argent ! Comment voulez-vous qu'une personne qui est - comme l'a expliqué clairement Mme Borgeaud - en situation de précarité et de manque de dignité... Peut-être que vous n'en connaissez pas, peut-être que vous n'avez pas eu l'occasion d'en rencontrer ! Mais j'aimerais juste vous dire que personne - je dis bien «personne» - ne doit être encouragé dans sa précarité ! Cela va à l'encontre de la dignité humaine !
Simplement, pour vous, peut-être que le fait de punir les gens avec un manque à gagner qui les prétérite au niveau même de la nourriture pour leurs propres enfants, a un lien avec vos grands débats sur les notes, sur l'école, où il faut doubler parce que les gens ne sont pas assez intelligents...
Je voudrais répéter que nous n'avons jamais été - et ça, je ne peux pas accepter de l'entendre - contre le contrat social ! Nous n'avons jamais été contre l'aide sociale ! Bien au contraire ! Et vous le savez ! Mais nous ne pouvons pas accepter que le projet de loi du Conseil d'Etat.... C'est un bon projet, à part le fait qu'il implique cette épée de Damoclès au-dessus des gens, qui, s'ils ne respectent pas leur contrat et des objectifs - et on ne sait pas comment ces objectifs sont déterminés - se voient couper des moyens qui leur permettent tout simplement, Mesdames et Messieurs, de manger ou de donner le moindre effet personnel à leur enfant pour aller à l'école. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Christian Bavarel (Ve). Nous venons d'entendre dans la bouche d'un député libéral des propos qui sont quelque peu surprenants. Oublie-t-il totalement que certaines personnes ne sont pas elles-mêmes à l'origine de leurs mérites et de leur situation, mais qu'elles les doivent à leurs ascendants ? Nous sommes dans un pays où la fortune des parents et des grands-parents compte énormément... Quand vous ratez le collège et que vous avez des parents qui peuvent vous permettre de faire une petite «jointure» par une école privée, afin d'obtenir une maturité puis d'entrer à l'université, ce n'est pas tout à fait la même situation que pour d'autres personnes ! Lorsque vous rencontrez des difficultés avec votre entreprise et que vous avez des ascendants qui peuvent vous donner un petit coup de pouce, tout le mérite ne vous revient pas !
Certes, une plus grande responsabilité individuelle et le fait d'aider les gens à s'en sortir me paraissent importants, mais votre discours semble parfaitement oublier la situation des différentes personnes. Vous ne pouvez pas généraliser de cette manière et nous faire croire que certaines personnes nées avec une cuillère en argent dans la bouche portent à elles seules tout le mérite de leur réussite ! Nous ne pouvons pas l'entendre ! L'argent que vous avez n'est pas forcément le fruit de votre travail, mais peut, dans notre pays, provenir de celui de vos ancêtres.
L'Etat, pour nous, a un rôle de redistribution et de régulation. Nous voulons bien évidemment pousser les gens à être le plus autonomes possible, les aider à s'en sortir de la manière la plus digne qui soit et faire en sorte qu'ils aient des chances, mais les règles de notre société ne sont pas totalement ainsi. Dans ma vie, j'ai eu la chance pour la Croix-Rouge genevoise à l'ouverture des wagons au profit des personnes sans-abri: je vous promets que les conditions de départ des uns et des autres ne sont pas les mêmes et que vous ne pouvez pas, de cette manière-là, avoir un discours aussi méprisant vis-à-vis des personnes qui connaissent un échec, comme si elles en étaient dans tous les cas à 100% responsables ! Certes, il y a toujours une part de responsabilité individuelle, mais les circonstances de l'existence sont plus ou moins difficiles pour chacun. (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC). J'espère que mon discours ne paraîtra pas méprisant par le simple fait que l'UDC reste très critique vis-à-vis de ce projet de loi. Divers aspects de l'aide sociale ont été abordés par notre rapport de deuxième minorité dans le PL 9676-A, expliquant nos réticences devant ce projet. Permettez-moi de relever plus particulièrement l'un de ces aspects, celui des projections des dépenses sociales qui ont été faites au niveau fédéral et qui nous permettent de voir avec une certaine précision la direction que prennent, non seulement en Suisse mais aussi à Genève, les dépenses sociales.
Si je me réfère à l'analyse globale d'«économiesuisse» en matière de dépenses fédérales, parue dans plusieurs de ses publications, l'évolution des dépenses fédérales démontre qu'entre 2006 et 2015, c'est-à-dire dans moins de dix ans, les dépenses pourraient exploser de quelques 25 milliards de francs. Cette projection est un avertissement qu'il nous faut prendre au sérieux. La progression des dépenses n'a nulle part été aussi forte que dans le domaine de la prévoyance sociale entre 1990 et 2000, passant de 32 à 55 milliards de francs, soit une augmentation de 58%, ou encore une croissance annuelle moyenne de 5,4%. Après le Portugal, la Suisse est le pays de l'OCDE où le rapport entre les dépenses sociales et le PIB a le plus fortement augmenté. Tous les graphiques de l'évolution des dépenses de la prévoyance sociale indiquent pour celle-ci une augmentation de 70% entre 2008 et 2015. Et compte tenu des déficits abyssaux de l'AI, de l'assurance-chômage et du découvert de l'AVS, dès 2009, les besoins financiers nécessaires pourraient s'élever à quelque 40 milliards de francs par an à l'horizon 2030. Voilà les chiffres qui nous sont donnés par Berne.
A Genève, nous ne disposons pas de projections. Mais un rapide regard sur les statistiques genevoises montrent que, de 1997 à 2004, le nombre de personnes qui ont demandé l'assistance de l'Hospice général a passé de 8000 à 14 000 personnes, soit une progression de 75%. Les subventions allouées à l'Hospice général depuis 1994 ont grimpé de 70 à 208 millions de francs en 2005, soit une hausse de 278% ! Ce qui signifie en clair que, en moins de quinze ans, elles ont triplé.
Ces chiffres sont beaucoup plus conséquents que ceux qui ont été présentés au niveau fédéral. Il y a fort à parier que si nous nous donnions la peine de nous pencher sur des projections cantonales, les chiffres seraient encore plus impressionnants. A combien estimons-nous le budget de l'aide sociale à un terme de dix ou de quinze ans ?
Avec la révision de la loi sur l'aide sociale individuelle qui nous est proposée, a-t-on l'impression que Genève tient compte, non seulement de ses disponibilités financières actuelles et de sa dette, mais également des engagements que nous mettons sur le dos des générations à venir ? Nous avons, sur cet aspect de l'aide sociale, raté un rendez-vous important. Ce manque de prévoyance, cet autisme, ce refus de vouloir relever la situation périlleuse d'une aide sociale tellement généreuse qu'elle en devient attractive - ainsi que l'explique en détail le rapport de minorité de l'UDC - nous a décidé à refuser ce projet de loi. Nous le regrettons, car notre parti est conscient des difficultés que rencontrent de nombreuses personnes. Mais l'UDC reste persuadée que ce n'est pas dans un concept d'aide sociale aujourd'hui dépassée, telle qu'elle se pratiquait lorsque le marché du travail absorbait toutes les forces vives de la République et que les caisses de l'Etat se portaient bien, que l'on trouvera les réponses adéquates pour aider les citoyens et les citoyennes de ce canton dans leurs difficultés. Les temps changent, ce ne sont plus dans les vieilles marmites sociales que l'on prépare les meilleures soupes populaires. (Protestations.)
Reste que, malgré toutes nos critiques, le projet que l'on nous présente est tout de même meilleur que le précédent. C'est la raison pour laquelle, personnellement, je me suis abstenu en commission, que je m'abstiendrai lors de ce vote, et que certains commissaires UDC en feront autant.
M. Eric Stauffer (MCG). Après avoir entendu vos propos de ce soir, j'aimerais quand même rappeler ici quelques principes. Nous nous devons, en tant qu'élus du peuple, de faire en sorte que la qualité de vie de nos concitoyens soit la meilleure possible. Je n'invente rien, puisque mon prédécesseur vient de le dire: les bénéficiaires de l'aide sociale sont passés de 8000 à 14 000 personnes. Mais alors, dites-moi, Mesdames et Messieurs les députés, ces 14 000 personnes, ce sont des gens qui ne travaillent pas ? Evidemment, puisqu'ils sont à l'assistance publique ! Il conviendrait donc que, dans les statistiques dont nous abreuvent certains gouvernants de ce canton, on les rajoute aux 17 000 chômeurs ! Et nous sommes ainsi à 31 000 demandeurs d'emploi !
Et je vous pose la question, Mesdames et Messieurs les députés, qu'adviendra-t-il, comme l'a dit M. Bertinat, dans dix ans ? Eh bien, continuez encore à ne pas vouloir protéger les résidents de ce canton... (Protestations.) ... les plus démunis, je dirai «les moins instruits» , entre guillemets. Parce que, évidemment, ceux qui finiront à l'assistance publique, ce ne sont pas les éminents avocats de la droite, les banquiers, les instituteurs...
Des voix. Ah !
M. Eric Stauffer. ...ou les professeurs d'université ! Mais c'est le peuple qui a construit Genève, Mesdames et Messieurs ! Ce peuple dans lequel, aujourd'hui, lorsqu'un citoyen a dépassé cinquante ans, il est condamné à finir tôt ou tard à l'assistance publique !
Alors, vous n'avez pas le droit de montrer tant d'arrogance et de rire de ces propos ! Et j'espère qu'en cette période électorale beaucoup de gens voient ce soir votre attitude arrogante et méprisante à l'égard d'une très grande partie de la population ! (Remarque.) Nous, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes pas comme cette droite qui veut établir un contrat antisocial ! Nous sommes pour un renouveau du contrat social; nous l'avions dit en campagne, il n'y a pas si longtemps que cela.
Et je conclurai, Madame la présidente, en disant qu'au Mouvement Citoyens Genevois nous mettons en adéquation nos principes et que, contrairement à certains députés qui se sont prononcés avant moi, nous, nous résidons à Genève, auprès des Genevois, et nous ne résidons pas en France, en tant que députés - comme deux députés de l'UDC, il faut que les gens le sachent ! Merci. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. Renaud Gautier (L). En règle générale, je dois parler après Pierre Weiss, ce qui n'est déjà pas facile, mais évidemment, après mon préopinant, c'est encore plus difficile ! Ce que je voulais dire, c'est que, dans le banquet philosophique de ce soir, on a vu s'affronter d'un côté Rousseau, de l'autre Zola, et j'ai cru un instant qu'on allait aussi reproduire «Le dîner de cons», mais je vois que ce n'est heureusement pas le cas.
Je voudrais juste rappeler quand même deux ou trois points qui me semblent relever du bon sens et qui devraient guider l'acceptation ou non de ce projet de loi.
Premièrement, il faut que ce parlement se garde d'une certaine forme d'angélisme de mauvais aloi qui consiste à toujours confondre chômage et assistance sociale. Ce n'est pas forcément la même chose et il est bon ici de le rappeler. Il s'agit de deux types de problèmes qui parfois se suivent, mais ce n'est pas toujours le cas, et ils doivent donc être réglés d'une manière différenciée.
Ensuite, ce qu'il me paraît particulièrement important de rappeler, si nous devons mettre en place des instruments d'économie favorisant effectivement l'emploi, donc de diminuer le chômage, c'est que Genève - et c'est une évidence historique dont le MCG, qui est le petit dernier dans ce parlement, devrait quand même se souvenir - vit depuis de nombreux siècles relativement bien la mise en place d'une structure sociale permettant à ceux d'entre nous qui se trouvent sur le bas-côté de la route de ne pas y rester ou, du moins, d'y rester le moins longtemps possible. Ça, c'est le but de l'aide sociale. En elle-même, celle-ci, comme il est marqué à l'article 1 - mais il serait peut-être bon de rappeler - «a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement sociale et professionnel.» Voilà le but de la loi dans son article 1. Il n'est pas mentionné que cela doit forcément concerner certains plus que d'autres, qu'ils habitent à Genève ou de l'autre côté de la frontière, qu'ils résident à un endroit ou à un autre; il s'agit simplement d'éviter que des gens se trouvent sur le bas-côté de la route.
Il faut donc rester dans cette logique-là, et ne pas en sortir sous prétexte qu'il faut trouver un amendement qui permette, d'une manière satisfaisante pour tous, le transport des enfants qui sont en âge scolaire, ce qui n'a, à mon sens, pas grand-chose à voir avec l'aide sociale en tant que telle. Il convient juste d'essayer d'arriver le mieux possible à remettre en selle une partie de la population qui, à un moment donné, en a besoin. Ça, c'est le but et le sens de cette loi ! Ce n'est rien d'autre que cela, mais c'est déjà beaucoup, et nous avons la chance à Genève de pouvoir le faire de la bonne façon. Restons-en donc là et ne mélangeons pas perpétuellement les problèmes qui relèvent du champ de l'économie avec ceux du social !
M. Pierre Weiss (L). Je crois qu'il faut rendre à César ce qui revient à César et au parti socialiste le fait d'être le défenseur d'un type de contrat social. Mais qui n'est pas le nôtre ! Nous pouvons avoir une autre conception de ce contrat ! Et c'est précisément ce que propose aujourd'hui ce projet de loi.
Nous sommes donc en opposition sur la vision des relations de l'Etat et de la responsabilité des uns et des autres, que nous plaidons pour qu'il y ait, vu l'autonomie du sujet, même partielle, une responsabilité en tout cas partielle de celui qui est au bénéfice de l'aide sociale.
Et puis, il y a quelque chose qui, alors, est complètement faux dans ce qui a été dit. Et là, j'insiste: complètement faux, parce que c'est de la désinformation. Ce projet de loi n'instaure pas un système de bonus/malus ! Il y a un système de plus ou moins grand bonus ! Parce qu'il n'y a en aucun cas un seuil au-dessous duquel on descendrait et qui priverait les individus de la possibilité d'une vie normale, même assistée par l'Etat. Il y a en revanche la possibilité pour eux d'avoir des compléments au-dessus de ce minimum !
Un autre point qui doit être rétabli, c'est la vision à la Zola qui a été, comme l'a dit très justement mon collègue Renaud Gautier, rappelée par l'un d'entre nous - plus exactement l'un d'entre vous, Verts - lorsqu'il a parlé de cette division de la société entre ceux qui auraient tout et qui naîtraient par un mécanisme génétiquement modifié avec une cuillère en argent dans la bouche et les autres... Il a jeté la suspicion sur les qualités de l'école publique ! De celle où l'on entre gratuitement et d'où l'on sort gratuitement, et qui, par les mérites de l'individu, permet précisément une insertion et une mobilité professionnelle. Je ne fais pas de procès d'intention, mais je trouve qu'il est pour le moins curieux de considérer que seule l'école privée pourrait aider un individu à se sortir d'une situation difficile, quand on considère les efforts que mène cette République, et en particulier les différents types d'encadrements qu'elle offre aux élèves en difficulté. Alors non, Mesdames et Messieurs les députés, ce discrédit qui a été porté sur l'école de la République n'est pas admissible, notamment dans la bouche d'un Vert !
C'est dire qu'il n'y avait dans ma première intervention non seulement aucun mépris pour ceux qui sont au bénéfice - au bénéfice ! - de l'aide sociale, mais qu'il y a, au contraire, une immense considération, précisément parce que nous voulons l'établissement d'un contrat social avec eux !
J'aimerais terminer par un mot à l'intention de nos collègues de l'UDC. Ce soir, nous avons ici les uns et les autres une grande responsabilité à prendre quant au sort que nous donnerons à ce projet de loi. Certains voudraient moins, voudraient en réalité rien, voudraient l'immobilisme; d'autres voudraient plus ! Le mieux est parfois l'ennemi du bien !
Ce soir, nous avons un projet de loi qui est porté en fait par... J'allais dire «par deux pairs» - l'excellent Père Unger et l'excellent Père Longchamp ! (Exclamations.) L'un et l'autre proposent une réforme du système d'aide sociale. On pourrait faire mieux, certes. On pourrait aller plus loin, nous avons nous-mêmes un certain nombre de réserves. Mais entre un refus d'entrée en matière parce que nous n'allons pas assez loin, et ce même refus parce que nous allons trop loin, il y a le risque de ne rien faire.
Madame et Messieurs les députés de l'UDC, de grâce, entrez en matière sur ce projet de loi, quitte à proposer des améliorations, mais ne vous unissez pas aux forces du conservatisme, qui veulent l'immobilisme pour notre société ! C'est ce choix que vous pouvez faire ce soir. Ne répétez pas celui qui a été fait cette semaine, à Berne, par certains partis présents au Parlement fédéral, et qui conduit précisément à l'immobilisme ! Nous avons ici aussi, à notre niveau, une responsabilité. Nous devons en être dignes, nous le devons à nos électeurs.
M. Roger Deneys (S). Sans être un grand spécialiste des questions sociales, j'aimerais quand même revenir sur ce qui a été dit tout à l'heure par des députés libéraux, notamment MM. Gautier et Weiss. Affirmer qu'il y a deux problèmes distincts, l'un en rapport avec le social, l'autre avec le travail et que ce sont deux choses différentes, c'est oublier que, justement, cette loi vise une réinsertion et sociale et professionnelle. On fait donc bien le lien entre les deux problématiques dans ce projet de loi.
Je suis particulièrement choqué par les propos qu'a tenus M. Weiss tout à l'heure, faisant une sorte d'apologie du mythe de la liberté individuelle qui impliquerait qu'une personne choisit ou non d'être à l'assistance sociale, décide un jour de travailler ou non, comme si elle avait le choix, comme si c'était du libre arbitre.
Aujourd'hui, et c'est bien ça le problème, les libéraux font preuve d'un déni de réalité invraisemblable dans notre société ! C'est complètement absurde d'imaginer que quelqu'un choisit de travailler ou de ne plus exercer d'activité et puis, après une pause de quelques mois à l'assistance sociale, reviendrait au travail.
Mesdames et Messieurs les députés libéraux, les milieux économiques, que font-ils aujourd'hui ? Ils engagent des travailleurs qui sont opérationnels, fonctionnels, surqualifiés etc., et ce sont les mêmes entreprises genevoises que vous représentez qui vont chercher des travailleurs toujours plus loin parce qu'ils sont opérationnels et travaillent ! Même si c'est en France voisine, en Pologne ou au Japon, ils les engagent parce qu'ils travaillent ! Alors qu'un chômeur, dès qu'il a passé quelques mois sans travail, sans occupation professionnelle, on ne l'embauche plus ! Alors le modèle social, le contrat social proposé par M. Weiss et par les libéraux, c'est de la poudre aux yeux, c'est du vent, parce que ça ne peut fonctionner que dans une économie en plein emploi et ce n'est pas le cas aujourd'hui !
Donc nous, socialistes, sommes pour un nouveau modèle de contrat social. Nous sommes prêts à entrer en matière sur un projet de loi comme celui-là, mais sans pénalisation excessive des plus démunis ! Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
Mme Christiane Favre (L), rapporteuse de majorité. La majorité de la commission a soutenu ce projet de loi parce qu'il introduit, comme l'indique l'exposé des motifs et comme l'ont rappelé certains de mes collègues, une aide sociale dynamique et moderne, qui permet à ses bénéficiaires de renforcer leurs ressources et de retrouver ainsi leur autonomie.
La minorité de la commission n'est pas convaincue que ce projet atteigne ces objectifs. Elle pense en effet qu'il remet en question le principe de la solidarité au profit exclusif de la responsabilité individuelle et que certaines pratiques pourraient être stigmatisantes, parce qu'on reviendrait ainsi à une forme d'aide qui relève plus de la pitié que du droit.
Non seulement la majorité n'a pas suivi ce raisonnement, mais elle a considéré au contraire que, en ne reconnaissant pas aux individus la moindre capacité de se sortir d'une situation difficile, on n'affiche précisément que de la compassion et de la pitié. Et c'est une attitude qui est lourde de conséquences. Je vous encourage donc, Mesdames et Messieurs les députés, à suivre l'avis de cette majorité et à voter ce projet de loi.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. J'aimerais répondre à quelques-uns des intervenants de ce soir. Tout d'abord, à MM. Catelain et Bertinat, au sujet de leur inquiétude par rapport à l'augmentation du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale. Bien sûr, Messieurs, nous sommes d'accord avec vous que c'est inquiétant de voir autant de gens qui se trouvent à l'aide sociale ! Mais encore faudrait-il savoir pourquoi ! Ce n'est pas le parti socialiste qui vous parle maintenant, mais quand vous regardez la Statistique suisse de l'aide sociale, que vous lisez la première grande étude qui est sortie à ce propos, vous trouvez un certain nombre d'indications; et si l'on constate bien qu'il y a davantage de personnes bénéficiant de cette aide, c'est pour des raisons qui sont peut-être liées à la situation économique, mais qui peuvent aussi l'être pour des motifs de type sociologique. On sait, par exemple, que l'augmentation des divorces va amener des personnes à se trouver en grande difficulté. On sait aussi que le fait que l'assurance-invalidité refuse toujours plus de gens conduit, au bout du compte, la Confédération à se décharger sur les cantons, et ces personnes à se retrouver à l'aide sociale. Il y a donc un certain nombre de phénomènes complexes qui expliquent cette augmentation. Et ce que nous avons voulu dire, nous, et qui nous dérangeait profondément, c'est que, sous prétexte qu'il y a globalement plus de problèmes et plus de gens à l'aide sociale, on baisse les prestations pour chacune des personnes intéressées.
Ma deuxième remarque concerne ce qu'a dit M. Pétroz à propos du contrat. Jamais le groupe socialiste n'a dit qu'il était contre le principe d'un contrat ! Sur le fond, l'idée qu'on mette par écrit les choses et qu'on demande à chacun de s'engager, c'est très bien. Ce qui nous dérange, comme l'a d'ailleurs rappelé Mme Falquet, c'est que, derrière ce contrat, il y a l'idée d'une certaine somme d'argent qui va être versée. Il est bien là, le problème ! D'autant plus que, même lorsque les gens jouent le jeu, même lorsqu'on a affaire à des personnes qui rentrent parfaitement dans le créneau de l'aide au mérite, on sait très bien que, tant que le CASI n'est pas signé, il n'y a pas de supplément d'intégration. Ensuite, à la signature du contrat, le bénéficiaire perçoit cent francs de plus, mais il lui faudra attendre - et ça peut prendre plusieurs mois - l'atteinte d'un objectif pour obtenir ces fameux trois cents francs, maximum de supplément d'intégration. C'est cela qui nous gêne ! Ce n'est pas le principe du contrat, c'est l'aspect financier qui y est lié.
Ma troisième remarque s'adresse à M. Kunz. Il a parlé d'efforts partagés, mais là aussi, nous sommes d'accord ! Le grand problème, c'est que, justement, avec ce projet de loi, les efforts ne le sont pas ! Lorsqu'on baisse, en moyenne, les prestations de l'ordre de 16 à 17% par personne, et que, d'un autre côté, on ne demande pas une plus grande participation à ceux qui ont davantage de moyens, par le biais des impôts par exemple, j'estime, quant à moi, qu'il n'y a pas de symétrie des sacrifices et que les efforts ne sont donc pas partagés.
Ma dernière remarque est destinée à M. Weiss et à ceux qui ont parlé des deux visions de la société que révélait ce projet de loi. Si vous avez lu le rapport de minorité que j'avais fait préalablement, lors de la session précédente, vous avez dû voir que je l'avais justement commencé avec une citation d'un historien polonais, spécialiste de la pauvreté, qui parlait de ces deux visons du monde. Et je crois que, là, on est parfaitement dans deux, voire trois visions de la société, visions de ce que doivent être la pauvreté, l'aide aux plus démunis etc.
Toute la question qui se pose n'est pas qu'il n'y ait pas d'unanimité ou de vision unique, parce qu'au fond on est dans une démocratie, et je crois que ce qui fait sa richesse, c'est justement la pluralité des opinions, mais le problème vient du fait, Mesdames et Messieurs les députés, que, pour beaucoup d'entre vous, et je le crois très sincèrement, vous manquez de courage politique. Osez maintenant avoir le courage d'assumer les conséquences de vos décisions ! Osez affirmer que vous avez baissé les prestations ! Osez reconnaître que ce que vous nous proposez n'est pas moderne mais marque au fond un retour en arrière, à une vision d'un état social qui est plus proche de celle du XIXe siècle que celle des démocrates du XXe qui ont cherché à amener l'idée de la sécurité sociale et du risque partagé par tous. Osez donc admettre ceci, et je crois que nous serons en position de discuter de manière tout à fait sereine.
Enfin, pour terminer, puisqu'on a parlé des visions différentes de la société, et que M. Weiss a défendu la sienne, j'aimerais vous lire une citation à propos de la vision libérale de l'Etat social. Elle dit ceci: «Le libéralisme trouve une réponse dans un système d'assistance sociale privilégiant l'examen des ressources du bénéficiaire. Elle s'appuie sur des besoins absolus et démontrables, précédée d'une enquête sur la situation de fortune, parfois stigmatisante ou humiliante.» Cette citation, Mesdames et Messieurs les députés, je l'ai trouvée dans le journal «Le Temps», elle date d'octobre 1999 et l'auteur de l'article auteur n'était autre qu'un certain François Longchamp. (Applaudissements.)
Des voix. Bravo !
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, tout en constatant que certains d'entre vous ont d'excellentes références... (Rires.) ... vous me permettrez de rappeler quelques principes et effets que consacre ce projet de loi.
En effet, il touche au coeur même des valeurs sur lesquelles se fonde une société humaine et fixe les principes sur lesquels s'exprime la solidarité collective.
Mesdames et Messieurs les députés, une politique sociale ne se mesure pas au nombre de personnes qui touchent une prestation sociale mais, au contraire, au nombre de celles qui n'en ont plus besoin. Une communauté est vulnérable si elle ne permet pas à chacun d'y trouver sa place. Notre société doit donc permettre de donner sa chance à tous, à condition que chacun veuille bien et puisse la saisir. Cela s'appelle l'égalité des chances. Elle suppose que nous réaffirmions des valeurs de justice sociale et de solidarité, et aussi que nous consacrions, plus que nous ne le faisons, le goût de l'effort et du travail.
C'est ce que fait ce projet de loi. Il réaffirme d'abord des principes de solidarité et fixe des dispositifs de réinsertion qui sont plus dynamiques, justes et entreprenants. Puis, il imprime un certain nombre de mesures qui sont incitatives, en consacrant l'existence d'un supplément d'intégration pour celles et ceux qui peuvent et veulent atteindre des objectifs. Ce supplément d'intégration n'a pas pour but de punir, comme on a pu le dire ici, mais bien de récompenser l'effort, selon un principe républicain très fort: «chacun selon ses possibilités.» Il fixe aussi des principes qui offrent la possibilité d'instaurer des franchises sur le revenu, pour celles et ceux qui, à l'aide sociale, peuvent, par une petite activité, bénéficier de certains revenus propres.
J'ai entendu dans cette salle, à de multiples reprises, ainsi que dans les programmes de la totalité de vos partis politiques, dénoncer les effets de seuil de la politique sociale. Cette loi, précisément, supprime les effets de seuil dans le domaine de l'aide sociale.
Ensuite, cela a été dit, ces principes s'expriment dans tous les cantons de la même manière. Ces normes sont intercantonales et ont cours dans tous les cantons suisses, que ce soit en Suisse alémanique, en Suisse romande, dans les villes ou dans les campagnes. Elles possèdent cependant un certain nombre de particularités. Par exemple, le montant des loyers est calculé selon la réalité du marché de l'immobilier et celui des primes maladie, bien évidemment, en fonction de l'ampleur des coûts dans les cantons respectifs.
Enfin, j'aimerais rappeler que l'Hospice général a connu ces douze dernières années une augmentation par cinq de sa subvention. Je voudrais répéter ici que le Conseil d'Etat ne pourra mener aucune politique, dans aucun domaine, que ce soit la formation, le logement ou les investissements nécessaires aux Genevoises et aux Genevois, si nous consacrons la totalité des moyens financiers supplémentaires dont dispose l'Etat à étancher des augmentations de budgets sociaux. C'est ce qui s'est passé ces dernières années et c'est ce qui, aujourd'hui, est en train d'être corrigé. Nous devons nous garder une marge de manoeuvre politique pour permettre à notre canton de faire autre chose que d'alimenter un système qui est en train de tourner à vide.
Je suis heureux que l'Hospice général ait pu retrouver les chiffres noirs, mais nous sommes sur le fil d'un rasoir. Les choses sont loin d'être gagnées. Les efforts seront importants, et, contrairement à ce qui a été dit, si l'Hospice général a recouvré les chiffres noirs, ce n'est pas parce que nous avons baissé les barèmes. En effet, contrairement aussi à ce qui a été dit, Madame la rapporteure de minorité, si les cas que vous avez cités permettent effectivement de démontrer que, pour un certain nombre de gens, les barèmes ont baissé, j'ai prouvé en commission que, dans de nombreux autres cas, il y avait des gens qui se trouvaient en réalité avec plus de moyens que sous l'ancienne loi. Un certain nombre de personnes qui n'étaient pas en mesure d'accéder à l'aide sociale le peuvent aujourd'hui, précisément par la suppression des effets de seuil.
Il est donc faux d'affirmer que le but de ces normes CSIAS était de diminuer l'aide sociale et de dire que si l'Hospice général a recouvré les chiffres noirs, c'est pour cette unique raison. Nous aurons l'occasion de le dire et de l'examiner, lorsque l'Hospice général viendra présenter ses comptes devant la commission des finances.
Mesdames et Messieurs, la politique sociale que nous vous proposons se mesurera à la capacité que nous aurons à réinsérer un certain nombre de personnes. Elle se couplera à d'autres mesures que le Conseil d'Etat entend prendre ou vous a déjà proposées, notamment dans le domaine de la lutte contre le chômage, pour précisément éviter que des gens qui se trouvent éloignés trop longtemps du marché du travail finissent immanquablement à l'aide sociale, ce qui n'est bon, ni pour l'Etat, ni pour la société, ni pour les individus.
Je vous invite donc à soutenir avec ardeur ce projet de loi qui consacre un progrès dans l'aide sociale et à refuser les amendements qui vous sont proposés, sous réserve de celui, purement technique, dû à une erreur de plume, qui vous est soumis par le Conseil d'Etat sur un article mineur. (Applaudissements.)
La présidente. Nous allons procéder au vote...
Une voix. Vote nominal !
La présidente. Etes-vous soutenu, Monsieur le député ? Vous l'êtes.
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 9676 est adopté en premier débat par 57 oui contre 26 non et 7 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 18.
La présidente. A l'article 19, nous sommes saisis d'un amendement. Madame la députée Anne Emery-Torracinta, vous avez la parole.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Maintenant que l'entrée en matière de ce projet de loi a été votée, nous allons essayer, de notre côté, de l'améliorer et d'aller dans le sens de ce que propose la Conférence suisse des institutions d'actions sociales, la CSIAS. Parce qu'il faut savoir que ce que la CSIAS propose, comme l'a dit M. le conseiller d'Etat Longchamp, c'est une aide sociale qu'elle souhaiterait dynamique, c'est-à-dire qui permette de réinsérer les gens.
Toute la problématique va être de savoir quels moyens on se donne pour cette réinsertion. Et c'est pour cela que, en commission, le groupe socialiste a proposé le rajout d'un article 19 qui n'existait pas du tout dans le projet de loi et qui concerne donc les mesures d'intégration sociale et d'insertion professionnelle. Cet article a été accepté par la commission, mais avec toutefois un petit bémol, et c'est pour cela que je reviens maintenant devant vous avec un projet d'amendement.
A l'alinéa 1, il est dit: «Le bénéficiaire de l'aide sociale bénéficie des mesures d'intégration sociale et/ou d'insertion professionnelle mises en place par l'Etat dans le cadre des dispositifs prévus par la loi en matière de chômage.» A notre sens, rajouter, par rapport à ce que nous avions proposé en commission, la fin de la phrase, c'est-à-dire lier ces mesures d'insertion à l'adoption d'une loi qui n'est pas encore entrée en vigueur - et dont on sait qu'elle n'est peut-être pas près de l'être ou que ce ne sera pas forcément simple de la faire entrer en vigueur - est particulièrement délicat.
D'autre part, on peut aussi imaginer des mesures d'insertion qui entrent dans un autre cadre que celles qui seraient prises par cette loi sur le chômage. Pour mémoire, nous avons, sauf erreur, lors de la dernière session, renvoyé en commission une proposition de motion du PDC parlant d'une maison «Re-Integra» qui avait pour but de réintégrer les chômeurs. Eh bien, c'est quelque chose qui n'est pas prévu par la loi sur le chômage.
Donc ce que nous vous proposons, Mesdames et Messieurs les députés, c'est d'être conséquents avec vous-mêmes, d'être conséquents avec ce que proposent les normes CSIAS, et de biffer la fin de la phrase dès les mots «...dans le cadre...», afin que nos autorités et notre parlement mettent en place des mesures d'insertion qui permettront véritablement de dynamiser l'aide sociale et de réinsérer les personnes.
M. Renaud Gautier (L). Je me réjouis de voir, chère collègue, que, malgré vos propos, nous sommes d'accord ! A savoir que, effectivement, la politique sociale est un tout en soi et qu'elle ne doit pas forcément s'appuyer sur d'autres types de lois comme celle sur le chômage. Donc, en l'occurrence, votre proposition de supprimer la fin de la phrase fait parfaitement sens. Je dis bien cela à titre personnel, parce que j'entends à ma droite quelques gens groumer. Mais je pense que quand vous faites cette proposition-là, vous rejoignez ce que j'ai dit tout à l'heure, à savoir qu'il fallait avoir une politique sociale en tant que telle, et une politique de l'emploi en tant que telle. Ce qui, j'espère, va ainsi conforter...
La présidente. Pouvez-vous parler plus près de votre micro, Monsieur le député? Merci.
Une voix. On ne comprend rien du tout !
M. Renaud Gautier. Pourtant, j'articulais, Madame la présidente, je faisais de gros efforts ce soir !
Je disais donc que je me félicitais de me retrouver... (L'orateur élève la voix et articule exagérément. Exclamations. Applaudissements.) ...dans cet accord avec Mme la rapporteure de minorité, dans la mesure où - comme je le disais tout à l'heure - je trouve qu'il faut séparer les problématiques d'une loi sociale de celles de la loi sur le chômage. Et donc, Pierre, j'ai dit que je trouvais qu'il y avait du sens à ne pas impliquer une loi dans l'autre. Certes, dans un certain nombre de cas, l'une sera conjointe ou subsidiaire à l'autre, mais dans l'article qui nous occupe maintenant, il ne faut pas faire référence à cette loi sur le chômage. Je dirai donc que, en ce qui me concerne, je vous suis, Madame le rapporteur !
Mme Gabrielle Falquet (S). Je voudrais simplement rajouter, par rapport à ce qu'a indiqué Mme Anne Emery-Torracinta, que cette proposition revient à dire, en fin de compte, que la priorité, c'est l'insertion. Essayons de renverser la vapeur, de déclarer qu'il faut d'abord que les gens soient bénéficiaires de toutes les possibilités de réinsertion, de formation, d'aide à la formation, et de soutien en vue de retrouver un nouvel emploi, etc., avant de pouvoir bénéficier de l'aide sociale. C'est ce qui se fait dans le canton du Tessin, et je trouve que c'est une dynamique qui nous permettrait de trouver un certain accord entre nous, en se disant: «La priorité est que les gens retrouvent du travail et une dignité. Donnons-leur la chance de bénéficier de l'ensemble des offres de réinsertion et de formation, et ensuite accordons-leur la possibilité d'obtenir l'aide sociale.» Il est donc vrai que d'associer des mesures d'intégration sociale et d'insertion professionnelle à une loi qui, comme le disait ma collègue, n'est pas encore votée, n'est pas judicieux. Essayons de faire en sorte que cette loi puisse aller de l'avant !
M. Pierre Weiss (L). Mesdames et Messieurs les députés, la proposition d'amendement qui nous a été faite avait déjà été proposée dans le cadre des travaux de la commission. Elle avait été refusée par une majorité des commissaires et je propose que nous nous en tenions là.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Très rapidement, j'aimerais dire aussi que la CSIAS insiste sur la responsabilité des employeurs privés, en disant que, si l'on veut une meilleure réinsertion, il faudra aussi permettre aux employeurs de le faire et peut-être les inciter par un certain nombre de mesures. Et l'on peut très bien imaginer que ces mesures d'incitation à engager des personnes qui sont à l'assistance ne soient pas forcément prises dans le cadre d'une loi sur le chômage.
M. Eric Stauffer (MCG). Je serai très bref. On parle de favoriser la réinsertion... J'aimerais quand même demander à Mesdames et Messieurs les députés libéraux s'ils connaissent des gens qui ont été frappés par le chômage, mais évidemment des personnes appartenant à une couche sociale qui n'est, je dirai, pas du même niveau que celle des avocats ou de personnes qui ont fait des études supérieures, mais bien de gens faisant partie de la population de base... J'aimerais savoir s'ils en connaissent dans leur entourage, parce que ce qui est en train de se passer ici est relativement grave: vous êtes en train de limiter l'Etat dans sa marge de manoeuvre qui a pour but de tout entreprendre pour essayer de réinsérer...
La présidente. Monsieur le député, j'aimerais vous entendre sur l'amendement, s'il vous plaît !
M. Eric Stauffer. Oui, j'y arrive, Madame la présidente ! Donc, vous empêchez l'Etat, par le biais de cet amendement que vous voulez refuser, de tout faire et de tout mettre en oeuvre pour que les résidents genevois retrouvent un travail. Alors, je me pose la question de savoir jusqu'où vous voudrez aller. Puisque, à vous écouter, tout ce qui est en dessous d'un certain niveau de salaire et d'un niveau social ne vous intéresse pas ! Vous n'en avez que faire et cela n'est pas normal !
C'est pourquoi nous allons soutenir l'amendement déposé la gauche.
M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, ce débat a déjà eu lieu en commission. Je crois qu'il faut revenir sur ce qui a été dit au départ. On traite aujourd'hui d'une loi sociale, que l'on doit séparer de la loi sur le chômage traitée actuellement en commission. A mon avis, il ne faut pas vouloir faire ici le procès de cette loi sur le chômage, d'ailleurs elle sera certainement adoptée par la majorité de la commission. La meilleure chose qu'on peut faire, c'est de la soutenir, également s'il y a un référendum.
Je ne vois donc pas de sens à adopter cet amendement, d'autant moins que je ne comprends pas vraiment l'intérêt de cet article 19. Je dirais même qu'il n'est pas bien formulé, parce que, dans la phrase «Le bénéficiaire de l'aide sociale bénéficie...», il y a déjà une répétition. On aurait donc pu trouver une formulation un peu plus harmonieuse.
Mais je reviens quand même au but de la loi. Si l'article 1 de celle-ci avait été formulé tel que la loi zurichoise l'a fait - car il faut dire que cette loi va beaucoup plus loin et frappe plus fort, tout en se basant sur les mêmes prescriptions de la CSIAS. Parce qu'il faut rappeler qu'on est en train de mettre en oeuvre ici, à travers cette loi, les directives de la CSIAS, donc de spécialistes, finalement, qui n'ont pas de légitimité démocratique...
La présidente. Monsieur le député, sur l'amendement, s'il vous plaît !
M. Gilbert Catelain. Sur l'amendement, j'y reviens ! Je vous propose de le refuser, parce que nous avons meilleur temps d'intervenir sur l'article 1. Et la loi zurichoise stipule simplement qu'on exige l'intégration professionnelle ! Pas simplement qu'on favorise, qu'on réintègre, etc. Dans la loi zurichoise, on exige; en se basant sur les mêmes normes que Mme la rapporteuse de minorité a défendues.
Donc, sur cette base-là, nous n'avons aucune raison de soutenir cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 45 non contre 38 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 19 est adopté, de même que l'article 20.
La présidente. A l'article 21, nous sommes saisis d'un amendement concernant l'alinéa 3.
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Il est question d'un amendement extrêmement simple à comprendre, mais peut-être un peu moins simple à faire voter par ce parlement, je le crains. Il s'agit de l'indexation des prestations d'assistance. On est là simplement dans une question d'ordre éthique. A partir du moment où l'on a accepté ce projet de loi, il me paraît aussi logique d'accepter le principe d'une indexation des prestations. Je crains très fortement que, si l'on se contente de «peut indexer», on ne soit pas près de voir ces prestations sociales arriver à une augmentation qui suive celle du coût de la vie. Et quand on sait que ces prestations peuvent dans certains cas être assez basses, voire très basses, qu'elles ont déjà diminué en 2006, et que, cette année, elles n'ont pas été augmentées, ni indexées, quand bien même l'actuelle loi sur l'assistance publique - enfin, pour quelques instants encore - le prévoyait, je crains fort que le Conseil d'Etat n'indexe jamais les prestations si on ne lui force pas un peu la main.
M. Gilbert Catelain (UDC). Cet article que nous a proposé le Conseil d'Etat est sa seule marge de manoeuvre pour maîtriser son budget de l'aide sociale. Cela étant dit, sa marge est très étroite, parce que les normes qui figurent dans les deux rapports du projet de loi nous indiquent des montants qui ne sont pas forcément minimalistes. Je vous donne, à titre d'exemple, ce que prévoient les très sociaux pays nordiques... Dans ces pays, l'aide sociale, pour une personne en fin de droit de chômage, s'élève à 406 euros par mois. Je vous laisse faire le calcul ! (Exclamations.) On est extrêmement loin de cette situation-là. Et comment sont calculés les montants de l'aide sociale ? Ils sont définis, toujours dans ce document de la CSIAS, comme suit: on prend les 10% des revenus les plus bas de Suisse, et ce chiffre correspond au montant auquel vous avez droit à l'aide sociale. ll n'y a donc pas vraiment beaucoup de risque, si l'on part du principe que la CSIAS va régulièrement actualiser ces montants en se basant sur l'analyse statistique des 10% des revenus les plus bas de Suisse.
Franchement, je ne vois pas vraiment le danger de laisser le terme «peut» dans le texte de loi.
Mme Gabrielle Falquet (S). Concernant cet amendement, vous vous référez au projet de loi dont on vient de voter l'entrée en matière. Dans l'article 1, s'agissant des buts, il est mentionné, à l'alinéa 4: «La prestation d'aide financière a pour objectif la réinsertion sociale et économique des bénéficiaires.» Alors, si vous souhaitez que la réinsertion soit sociale et économique, il faut bien évidemment que l'Etat indexe ses prestations ! Il n'y a pas le choix. Autrement, il ne peut pas y avoir de réinsertion économique des bénéficiaires. C'est pour cela que nous vous proposons la suppression du terme «peut indexer».
M. Gilbert Catelain (UDC). Très rapidement, Madame la présidente, j'aimerais dire que, même dans le cadre de l'insertion économique, de nombreux travailleurs ne voient pas leur revenu indexé chaque année. Et j'ai même pu citer dans le rapport de minorité que, à Zurich par exemple, le revenu du travail a baissé de 100 francs entre 2002 et 2004. Donc, il serait particulièrement choquant que si vous vous trouvez à l'aide sociale, vous perceviez une indexation automatique, alors que, si vous travailliez, que ce soit dans la fonction publique - puisque toutes les fonctions publiques n'indexent pas leurs salaires, on l'a vu dans le canton de Vaud - ou dans l'économie privée, vous devriez accepter d'avoir des revenus inférieurs, de la même façon que les revenus issus des caisses de pension, actuellement, ne sont pas forcément indexés. La caisse de pension Publica, par exemple, n'a pas indexé les revenus de ses assurés.
M. Pierre Weiss (L). L'idée qui est derrière l'amendement du groupe socialiste vise à ôter, on l'a dit, toute marge de manoeuvre à l'Etat. Mais il y a plus: derrière cela se trouve aussi un mécanisme de fabrication de déficit. Voilà comment non seulement l'on crée des dépenses, mais aussi l'on creuse l'incapacité de l'Etat à assumer les besoins des générations futures par l'augmentation de la dette. C'est la raison pour laquelle, du point de vue d'une saine gestion des finances publiques, il convient de refuser cet amendement.
M. Eric Stauffer (MCG). Eh bien, encore une fois, ce soir, on va être d'accord avec la gauche ! J'aimerais bien qu'on m'explique quelque chose: Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes contre l'indexation des prestations sur le coût de la vie... Mais vous êtes contre des salaires minimaux dans le secteur privé pour éviter le dumping salarial, et vous êtes contre le fait de trouver les responsables de la débâcle de la BCG... (Protestations.) ...qu'on devra payer sur plusieurs générations... (Huées.) Je vous rappelle...
La présidente. Monsieur le député ! Sur l'amendement !
M. Eric Stauffer. Sur l'amendement, Madame la présidente ! Mais vous êtes contre le fait de les trouver et c'est ce que je veux dire, puisqu'il faudra plusieurs générations... (Manifestations dans la salle.)
Des voix. Il nous saoule ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)
M. Eric Stauffer. Merci, Madame la présidente, d'avoir ramené le calme ! (Rires.) Je conclurai en disant que, dans l'histoire de la BCGe, il faudra plusieurs générations pour rembourser les deniers publics, et vous, à nouveau, vous tapez sur les plus faibles et les plus démunis pour accroître encore la précarité ! Ce n'est pas logique, ni respectueux. Heureusement, qu'il y a des élections tous les quatre ans...
La présidente. L'amendement, Monsieur le député !
M. Eric Stauffer. ... et que, finalement, c'est le peuple qui choisit. (Exclamations.)
Mme Gabrielle Falquet (S). En écoutant M. Weiss, on a l'impression que le seul moyen pour le Conseil d'Etat de faire des économies est ce petit article ! C'est franchement triste ! Parce que, si l'Etat veut faire des économies sur l'aide sociale, il doit manifester sa volonté de réinsertion et donner des moyens de formation et autres.
D'autre part, Monsieur Weiss, le parti socialiste n'a pas de leçons à recevoir par rapport à des économies ! Et je vous rappelle quand même que le déficit est largement dû à votre majorité.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Pierre Kunz (R). Décidément, il y en a certains et certaines qui ont la mémoire bien courte. Si ces personnes se rappelaient ce qui s'est passé dans les années que l'on a nommées les «trente glorieuses», où tous les systèmes... (Protestations.) ...mais oui, mais vous ne voulez pas revoir les leçons d'histoire...
La présidente. Sur l'amendement, Monsieur le député !
M. Pierre Kunz. ...où tous les systèmes économiques étaient fondés sur l'indexation, eh bien, quelles étaient les conséquences ? On alimentait une inflation perpétuelle, et ce qui s'est passé à l'époque, c'est qu'en aucune manière l'indexation était un instrument de politique sociale. Et aujourd'hui, tout le monde cherche à éviter les mécanismes d'indexation et là, cette loi, enfin, écarte l'indexation, qui est tout simplement contre-productive pour les personnes intéressées, parce que ces mécanismes alimentent l'inflation.
La présidente. Je rappelle l'amendement: «Le conseil d'Etat indexe les prestations d'aide financière selon l'évolution des barèmes intercantonaux» - au lieu de «peut indexer». Passons au vote !
Une voix. Je demande l'appel nominal !
La présidente. Etes-vous soutenu... (Remarque.) Apparemment, vous l'êtes.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 47 non contre 37 oui.
Mis aux voix, l'article 21 est adopté, de même que les articles 22 à 24.
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 25, alinéa 1, nouvelle lettre b). Le voici: «...pour des enfants dès l'entrée au cycle d'orientation, un abonnement annuel Unireso, aux mêmes conditions que les bénéficiaires des prestations complémentaires à l'assurance vieillesse et survivants et à l'assurance invalidité», l'actuelle lettre b) devenant c).
Mme Véronique Pürro (S). Permettez-moi tout d'abord, au nom du groupe socialiste, de dénoncer ici l'incohérence du Conseil d'Etat et, en particulier, de François Longchamp. (Exclamations.) En effet, j'aimerais vous rappeler que le Conseil d'Etat nous a dit vouloir baser la politique de sa législature sur un axiome: ni hausse d'impôts, ni baisse des prestations. Or, comme nous l'a très justement rappelé Mme Emery-Torracinta, rapporteure socialiste de minorité, avec ce projet de loi, nous entérinons de fait une baisse de prestations de 24 millions - 24 millions ! - sur le dos des bénéficiaires de l'assistance publique. Puisque, depuis le début de l'année, avec la suppression du forfait transports et du forfait entretien, et le passage des normes CSIAS - et là, vous mentez, Monsieur Longchamp, admettez-le ! - nous avons réalisé une économie de 24 millions.
Aussi, Mesdames et Messieurs les députés, j'aimerais ici vous rapporter une préoccupation que j'ai entendue à la commission cantonale de la famille - présidée par une de nos collègues, Mme de Tassigny, députée radicale - où, aussi bien l'Association des familles monoparentales, qu'ATD Quart Monde, tout comme le Mouvement populaire des familles, nous ont apporté des témoignages disant que, avec l'entrée en vigueur des normes CSIAS, les familles se trouvaient dans des situations particulièrement difficiles. Et quand vous avez des enfants qui doivent, entre autres, se déplacer pour aller à l'école, eh bien, je vous assure qu'en étant à l'assistance publique il est très difficile - et ça doit se faire avec de grands sacrifices - de prendre en charge les transports publics après s'être acquitté de tout ce qu'on doit payer quand on a des enfants.
Alors, lors du dernier Grand Conseil, nous vous avons proposé, Mesdames et Messieurs les députés, d'offrir aux enfants des bénéficiaires de l'assistance publique l'accès aux transports publics gratuits, comme nous le faisons, du reste, pour les bénéficiaires de l'OCPA - mais c'est vrai que les aînés sont des lobbies bien plus importants que ne le sont malheureusement les bénéficiaires de l'assistance publique et les familles les plus démunies.
Ensuite, en commission, nous avons étudié cet amendement, puisque, à la suite de cette proposition, nous avions renvoyé ce projet de loi en commission pour étudier son impact. Si nous la ramenons aux enfants adolescents, et nous sommes prêts à le faire, cette proposition concerne 1397 jeunes; elle coûterait donc à l'Etat moins d'un demi-million.
Alors, Mesdames et Messieurs les députés, lorsqu'on a réalisé 24 millions d'économies sur le dos des bénéficiaires de l'assistance publique, pouvez-vous me dire ce que représentent 500 000 francs ?! Rien ! Ou presque rien, quand on sait que cela peut sortir de nombreuses familles d'une situation particulièrement difficile, même si, j'en conviens, peu d'entre nous ici la vivent.
J'appelle, Mesdames et Messieurs les députés, ceux qui placent la famille au coeur de leur programme électoral à accepter cet amendement et à réintroduire une part de justice sociale dans ce projet de loi qui, une fois de plus, aura fait réaliser à l'Etat 24 millions d'économies sur le dos des plus faibles et des plus démunis de notre société.
Je demande par ailleurs, Madame la présidente, l'appel nominal. (Applaudissements.)
Une voix. Bravo !
M. Roger Golay (MCG). Comme chacun peut l'imaginer, aucun enfant n'est responsable de la situation financière de ses parents. Je vous invite donc, comme le Mouvement Citoyens Genevois va le faire, à soutenir cet amendement. Sinon, cette loi n'aura qu'un but vraiment, celui de faire des économies. Et là, vous le démontreriez en cas de vote négatif sur l'amendement qui vous est proposé maintenant.
M. Pierre Kunz (R). Le discours de Mme Pürro repose sur les deux piliers habituels des ambitions socialistes. (Commentaires. Brouhaha.) L'évocation, d'abord, du misérabilisme et l'utilisation des images choc, avec l'ambition, évidemment, de faire perdre aux gens, notamment aux députés, leur bon sens. (Rires.) Et d'autre part, la réclamation continuelle de ce que j'appelais tout à l'heure le «jamais assez, toujours plus». Votre proposition, Madame, est incorrecte et inacceptable.
M. Gilbert Catelain (UDC). Cette proposition d'amendement du groupe socialiste s'inscrit dans le cadre de l'ensemble des prestations à caractère incitatif et autres prestations circonstancielles. Et je ne vois pas en quoi la gratuité des TPG fait partie de ce genre de prestations; en fait, cela devrait être un article à part, inscrit ailleurs dans la loi, puisqu'elle est relative aux enfants, pour lesquels il n'y a pas d'incitation dans le domaine de l'aide sociale qui les concerne.
Au surplus, j'aimerais rendre attentifs l'ensemble des députés de ce parlement sur ces prestations à caractère incitatif que vous trouvez dans les normes CSIAS et qui peuvent être élevées. Dans certains cas, elles ne nécessitent même pas de fournir de prestations en contrepartie.
Le projet de loi qui vous est soumis ce soir permet, contrairement à ce qui se passait auparavant, pour les personnes qui se trouvent à l'assistance sociale, d'obtenir des suppléments d'intégration qui s'élèvent de 100 à 300 francs. Ces suppléments peuvent se cumuler et le plafond atteindre 850 francs par mois. Les personnes seules avec enfant, celles qui devraient être concernées par l'amendement socialiste, qui ne peuvent exercer d'activité lucrative ou d'intégration en dehors de la famille en raison de leur charge familiale, ont droit - c'est un droit - à un supplément d'intégration d'au moins 200 francs par mois. Voilà ce que nous disent les normes CSIAS. (Brouhaha.)
Je rappelle que le forfait d'entretien ne comprend pas le logement, puisque celui-ci est pris à part et se base sur le marché local, et ne comprend pas, non plus, l'assurance-maladie, puisqu'elle est d'office payée - d'ailleurs l'ensemble des frais médicaux sont financés - mais qu'il tient déjà compte des frais de déplacement en transports publics.
Et qu'on ne vienne pas nous dire que le coût de la vie est sensiblement plus élevé à Genève que dans le reste de la Suisse... En effet, si vous allez sur le site de l'Office cantonal de la statistique, vous pouvez calculer en permanence la différence d'indexation ou de renchérissement entre Genève, et le reste de la Suisse et l'on observe qu'au cours des cinq dernières années la différence est d'environ 2%.
Je rappelle également que les personnes bénéficiaires de l'aide sociale ayant 16 ans révolus, n'exerçant aucune activité lucrative et n'étant pas en mesure ou en condition de fournir une prestation en adéquation, bien qu'elles soient disposées à le faire, ont droit à un supplément minimal d'intégration de 100 francs par mois.
Vous avez donc les montants qui vous ont aimablement été exposés dans les différents rapports, mais ce qui vous manque, c'est l'ensemble des suppléments d'intégration qui peuvent se cumuler, raison pour laquelle il n'est pas nécessaire d'en rajouter une couche, puisque les suppléments d'intégration compensent très largement la suppression de l'abonnement Unireso.
M. Eric Stauffer (MCG). Je suis très triste ce soir, parce que, même pour les enfants, on vient nous sortir des arguments, selon lesquels on va faire des économies... On vient d'avoir un exposé comptable de M. le fonctionnaire Catelain, qui nous a dit... (Commentaires. Brouhaha. La présidente agite la cloche.) ...qu'en fait il n'y a pas besoin d'attribuer ces aides, puisque, à partir de 16 ans... Enfin, je ne sais pas si les citoyens auront compris ce qu'il a dit, moi je n'ai rien compris et j'ai lu le projet de loi...
Une voix. Nous on a compris ! (Commentaires.)
M. Eric Stauffer. Le résultat de tout cela, Madame la présidente, c'est qu'ils vont s'opposer aux enfants. Mais imaginez-vous la situation de Julien et Robert qui arrivent à l'arrêt de bus, et Julien dit à Robert: «Excuse-moi, j'irai à pied, mes parents n'ont pas les moyens...» (Protestations.) ...«...et je ne pourrai pas prendre le bus.»
Honte à vous, Messieurs ! Honte à vous ! Ce n'est pas normal, et ce n'est pas digne de ce parlement ! Quand on parle des enfants, il faut les protéger ! Et nous soutiendrons cet amendement.
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat (UDC). Vous me permettrez de dire: «Honte à M. Stauffer !», qui donne dans la démagogie la plus crasse à quelques jours des élections !
Des voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Eric Bertinat. Assez vu, assez entendu ! Vraiment, y en a assez ! Je voudrais évoquer quelque chose avec vous: est-ce que, dans les discussions qu'on a ce soir, on se rend compte que les gens qui nous regardent en ce moment travaillent ? Travaillent dur, connaissent des mois difficiles, dont la fin commence le 15 ou le 20 du mois; des gens qui payent leurs impôts, qui participent pleinement à la société et qui se retrouvent en ce moment, pendant cette discussion, nettement marginalisés par rapport à tous ceux qu'on aide.
Venir maintenant avec cet amendement, venir dire qu'il ne coûte que 500 000 francs, Mesdames et Messieurs, ce n'est pas correct ! J'ai l'impression que les exclus, dans votre discours, Mesdames et Messieurs de la gauche, sont ceux qui travaillent et ceux qui triment.
Madame Pürro, vous dites: «Ils sont peu nombreux, vous ne vous en rendez pas compte.» Madame Pürro, ils sont bien plus nombreux que vous l'imaginez et il y en a beaucoup qui se posent la question chaque jour, en se levant, de savoir si cela vaut vraiment la peine de travailler - de payer son bus pour aller travailler, dirai-je même.
C'est bien là le principal défaut de la loi qui nous est proposée, Mesdames et Messieurs les députés, c'est qu'elle met en balance la volonté d'aller travailler pour gagner un salaire équivalent à ceux qui ne vont pas travailler...
La présidente. L'amendement, pas la loi, Monsieur le député ! (Remarques.)
M. Eric Bertinat. Et cet amendement renforce cette sensation. C'est la raison pour laquelle je vous demanderai de le refuser. (Applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Je tiens tout d'abord, avant d'en venir à l'amendement, à dire que je considère le conseiller d'Etat Longchamp, contrairement à Mme Pürro, non seulement comme un honnête homme, mais comme un homme honnête, et un tel homme ne ment pas, je tiens à le lui dire au nom de tous nos députés libéraux. (Exclamations.)
Dans le deuxième point de mon intervention, j'aimerais réagir à cette proposition d'amendement. De deux choses l'une: soit il s'agit d'un manque capital dans ce projet de loi - qui pourrait susciter de la part de certains des regrets éternels et contribuer à l'échec de la loi - un point pivot; dans ce cas-là, effectivement, il conviendrait d'entrer en matière. Soit, il ne s'agit «que» de 500 000 francs. S'il ne s'agit «que» de 500 000 francs - je pense même à celui qui ne s'exprime depuis quelques semaines «que» parce qu'il y a des échéances électorales - alors, Mesdames et Messieurs les députés, il faut songer à une autre solution, qui est le rôle subsidiaire des communes ! Et j'aimerais ici mentionner l'exemple de Satigny. Depuis des lustres, cette commune, à majorité de droite, offre à tous les enfants qui sont en âge scolaire de fréquenter le cycle un abonnement de transports publics, précisément parce qu'elle considère qu'il en va de sa responsabilité ! J'aimerais que la commune de Genève, où Mme Pürro exerce un rôle décisif en matière d'action sociale, s'en inspire et son parti de même. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Je serai extrêmement bref, mais je ne peux pas tolérer les propos qui ont été tenus à mon encontre. J'aimerais juste dire deux choses. La première, c'est qu'il y a deux semaines nous avons jeté dans une commission de ce parlement 187 millions par la fenêtre, ce qui représenterait trois siècles d'aide à 500 000 francs par année pour que les adolescents puissent prendre les transports publics ! Trois siècles, Messieurs !
Et je conclurai, Madame la présidente, en disant que les deux stars de l'UDC qui parlent sont deux stars qui résident en France... (Exclamations.) ... et qui veulent défendre les intérêts des Genevois ! (Chahut.)
La présidente. Monsieur le député, s'il vous plaît ! Vous jetez de l'huile sur le feu, ensuite vous vous étonnez...
Mme Véronique Pürro (S). J'ai demandé la parole suite à l'intervention de M. Bertinat et j'aimerais lui donner les précisions suivantes: vous n'avez pas arrêté, vous et d'autres collègues de ce Grand Conseil, durant toute la discussion, d'appliquer l'équation suivante: bénéficiaires de l'assistance publique égale profiteurs; égale sans emploi. Mais j'aimerais vous rappeler que, malheureusement - et vous le savez - de nombreux bénéficiaires de l'assistance publique ont un travail. C'est ce que nous appelons les «working poors». Et ils sont de plus en plus nombreux ! Alors, cessez de laisser entendre que ces bénéficiaires sont des gens sans emploi, qui se complaisent dans cette situation et sont des profiteurs, sur le dos des braves gens qui travaillent et paient des impôts. Etre bénéficiaire de l'assistance publique ne signifie donc pas être sans emploi et être profiteur. (Applaudissements.)
M. Christian Brunier (S). Je suis resté très calme durant ce débat, et pourtant j'avais envie de réagir à de nombreuses reprises. Je crois qu'il faut revenir à l'amendement. Que propose-t-on? Parce que, à entendre certaines personnes, on a l'impression qu'on est en train de demander la lune, de vider les caisses de l'Etat et de faire des gestes indécents, sacrifiant les deniers publics pour les plus pauvres... En réalité, nous sommes en train de demander tout simplement des abonnements de transports publics gratuits pour les adolescents dont les parents sont à l'assistance publique. Ce sont des gens qui connaissent des problèmes sociaux, passagers ou durables, et nous demandons simplement que les enfants de ces familles puissent bénéficier d'un abonnement de transports publics gratuit ! C'est tout ! Et d'un seul coup, on a l'impression qu'on est en train de vider les caisses de l'Etat, de faire de la charité et du social à l'excès, alors que nous demandons un droit qui me semble élémentaire !
Et je suis très étonné, alors que nous sommes en pleine campagne électorale, et que nous voyons des affiches de partis qui se revendiquent de la famille et de l'essor de Genève, d'entendre ces mêmes partis saboter les éléments minimalistes d'une politique sociale digne de ce nom. Nous sommes l'une des régions, je vous le rappelle, les plus riches du monde. Est-ce que Genève n'a pas les moyens de payer des abonnements gratuits pour les adolescents des familles les plus défavorisées de ce canton ? Alors que vous n'avez pas cessé de faire des cadeaux fiscaux aux plus riches de Genève ?! Et là, l'indécence ne vous gênait pas beaucoup ! Aujourd'hui, nous ne demandons pas la charité, mais simplement le respect de la dignité humaine. (Applaudissements.)
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. Je dois vous dire que je suis un peu étonnée de certaines interventions. Quand j'entends M. Weiss prôner la politique de l'arrosoir systématique, c'est-à-dire une politique consistant à distribuer systématiquement des prestations, je me demande où l'on se trouve. Si un libéral dit cela, eh bien, c'est tant mieux d'une certaine façon, mais c'est tout de même fort étonnant, et l'on aurait aimé que, dans la discussion de l'ensemble de ce projet de loi, vous ayez la même générosité !
Pour revenir concrètement à ce que nous demandons: pourquoi, dans cet amendement, s'intéresse-t-on plus particulièrement aux familles ?
Il y deux raisons: la première, et peut-être l'ignorez-vous, c'est qu'en Suisse une personne assistée sur trois est mineure, pour la simple et bonne raison qu'il devient toujours plus difficile en Suisse, et pas seulement à Genève, d'élever des enfants s'il n'y a qu'un salaire - surtout si le salaire est bas ou si, par exemple, les parents sont séparés.
La deuxième raison, c'est que, si vous regardez de près ce que les normes CSIAS prescrivent et ce que le projet de loi propose, vous vous apercevrez que les familles, contrairement à ce qui a été dit à plusieurs reprises ici ou en commission, sont particulièrement prétéritées.
J'ai établi dans mon rapport de minorité une comparaison, sous forme de tableau, entre la situation en 2005 et celle dès le 1er juillet 2006 avec l'adoption des normes CSIAS. Ces chiffres sont théoriques, c'est-à-dire qu'ils sont issus des barèmes tels qu'ils existent. Je ne les ai pas inventés. Ils ont été remis, sous forme de deux tableaux que vous trouverez dans ce rapport, l'un, lors de la dernière législature, début 2005, et l'autre, en février 2006.
Et quand on compare ces chiffres, ce qui est quand même extrêmement intéressant, c'est qu'on s'aperçoit qu'une famille sans revenu, c'est-à-dire où aucun des parents ne peut travailler, qui a des enfants âgés de 13 et 15 ans - et ce sont les exemples donnés par le département - quel que soit le cas de figure, c'est-à-dire même si cette famille est «méritante» - je mets des guillemets, méritante au sens de la LASI - même si elle joue le jeu et va régulièrement voir l'assistant social, qu'elle signe le contrat et atteint des objectifs, eh bien, elle obtiendrait au bout du compte une aide mensuelle qui serait de plusieurs centaines de francs inférieure à ce qu'elle aurait eu en 2005.
C'est encore plus dramatique si les enfants ont, par exemple, non pas 13 et 15 ans, mais 13 et 14 ans; parce qu'à ce moment-là on ne bénéficie même pas du supplément d'intégration qui est donné aux jeunes de 15 à 18 ans qui sont en formation. Parce que, le Conseil d'Etat l'a dit en commission et certains l'ont rappelé ici, il y a effectivement des mesures incitatives dans ce projet de loi, mais elles sont limitées, on ne peut pas cumuler et des franchises sur le revenu et un nombre éternel de ces mesures. Elles sont donc restreintes, pour un groupe familial, à 850 francs.
Or si vous regardez les chiffres, une famille, pour son entretien - hors loyer, assurance maladie et frais médicaux - touchait 3117 francs par mois en 2005. En 2006, ce forfait entretien va de 2054 francs, c'est la base, à 2854 francs, le maximum, si la famille touche toutes les prestations incitatives.
Ce sont les chiffres du département, Mesdames et Messieurs, je ne les ai pas inventés. Et les socialistes ne vous proposent rien d'autre qu'une petite rectification concernant les jeunes, sachant combien il est important qu'ils sortent de cette situation-là pour devenir des adultes capables de s'insérer dans la société et de répondre à ce que l'on attend d'eux. (Applaudissements.)
M. François Longchamp, conseiller d'Etat. L'heure avance et je crois que l'agitation, elle aussi, avance sur certains bancs. Je ne peux pas laisser tenir certains propos. Je ne peux pas, Madame Pürro, vous laisser affirmer ce que vous avez indiqué tout à l'heure.
Si vous aviez eu la chance d'assister aux vingt-cinq séances des travaux de commission, vous auriez reçu de ma part les tableaux montrant un certain nombre de situations. Mme Anne Emery-Torracinta en a cité un dans son rapport. Elle en a lu la teneur tout à l'heure, mais elle a omis de dire qu'il y avait d'autres tableaux qui indiquaient des situations différentes. Et d'ailleurs, je réaffirme ici que je suis en mesure de vous démontrer qu'il y a des cas où des gens, avec les nouvelles normes CSIAS, touchent plus d'aides sociales qu'auparavant. Il y en a d'autres qui, alors qu'ils n'avaient pas droit auparavant à cette aide sociale, peuvent l'obtenir aujourd'hui par les différents mécanismes des barèmes CSIAS. Je ne peux donc pas vous laisser tenir, Madame Pürro, de pareils propos, en particulier puisque vous n'avez pas assisté aux travaux des commissions et que vous n'avez, précisément, pas eu la chance d'avoir ces tableaux.
J'aimerais enfin vous rappeler que les directives d'assistance prévoient, en page 14, que les jeunes en formation de 15 à 18 ans, ou plus exactement leur famille, reçoivent un supplément d'intégration de 200 francs. Il s'agit de couvrir un certain nombre des frais qui sont liés à l'adolescence, c'est la «norme même des normes» CSIAS qui l'indique. Cela inclut notamment les frais de transport pour celles et ceux qui, à l'approche du cycle d'orientation, sont amenés à en avoir besoin.
Voilà, Madame la présidente, ce que je tenais à préciser au nom du Conseil d'Etat.
La présidente. Passons à présent au vote sur cet amendement à l'article 25...
Une voix. Je demande l'appel nominal !
La présidente. Oui, cela a déjà été demandé ! Je voulais savoir s'il était soutenu. Il l'est.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 46 non contre 37 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 25 est adopté, de même que les articles 26 à 55.
La présidente. A l'article 56, alinéa 1, nous sommes saisis d'un amendement. Le voici: «Les effets de la présente loi sont évalués par une instance extérieure et indépendante deux ans après son entrée en vigueur», au lieu de «trois ans».
Mme Anne Emery-Torracinta (S), rapporteuse de minorité. J'ose espérer au moins que cet amendement trouvera grâce à vos yeux, car il ne coûte rien ! Il ne coûte rien, Mesdames et Messieurs les députés... (Chahut.) Il ne fait, éventuellement, qu'anticiper d'une année la dépense.
La loi prévoit une évaluation de tout ce processus après trois ans. Nous proposons de le faire après deux ans, pour la raison suivante: dans la pratique, au fond, la loi est déjà en exercice, puisque depuis plusieurs mois les normes CSIAS sont appliquées, et que depuis plusieurs mois également le CASI est entré en vigueur, pour tous les nouveaux cas, du moins, qui se présentent à l'Hospice général. Alors, il nous semblerait important, vu les interrogations et les doutes que nous avons, qu'on puisse évaluer cette loi, parce que, Monsieur le conseiller d'Etat, je ne peux pas vous suivre ! Tout à l'heure, vous nous avez dit: «J'ai des tableaux qui prouvent qu'il y a des situations qui sont plus favorables.» J'en suis persuadée, Monsieur le conseiller d'Etat, mais je n'ai pas vu ces tableaux, vous ne nous les avez pas donnés, je ne peux donc, dans le rapport de minorité que j'ai rédigé, que regarder les barèmes qui nous ont été soumis et les comptes de l'Hospice, pour constater que, globalement, il y a une baisse. Ce qui ne veut pas dire que tout le monde a connu cette baisse.
Donc, j'aimerais, Monsieur le conseiller d'Etat, qu'on puisse évaluer très vite cette loi, et peut-être Dieu vous entendra-t-il et aurons-nous de bonnes surprises !
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 49 non contre 37 oui.
Mis aux voix, l'article 56 est ainsi adopté, de même que les articles 57 à 60.
La présidente. Nous en sommes à l'article 61 "Modifications à d'autres lois".
Mis aux voix, l'article 200B, alinéa 2, lettre b (nouvelle teneur) est adopté, de même que l'article 377, lettre d (nouvelle teneur).
La présidente. A l'article 12 de la loi de procédure fiscale, du 4 octobre 2001 (D 3 17), nous sommes saisis d'un amendement qui est purement technique, si j'ai bien compris, Monsieur le conseiller d'Etat. Vous l'avez tous reçu.
A l'article 12, alinéa 1 et lettre i (nouvelle teneur), après les mots «limitant le nombre des étrangers », il faudra lire: «...du 26 mai 2004; de la loi sur l'énergie, du 18 septembre 1986, de la loi sur l'avance et le recouvrement des pensions alimentaires, du 22 avril 1977 ; du règlement sur l'assistance juridique, du 18 mars 1996; de la loi sur l'aide à domicile, du 16 février 1992; de la loi sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales, du 19 mai 2005, respectivement :
i) au personnel de l'Hospice général chargé de l'application de la loi sur les prestations cantonales accordées aux chômeurs en fin de droit, du 18 novembre 1994, et de la loi sur l'aide sociale individuelle, du 22 mars 2007».
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 71 oui contre 1 non et 3 abstentions.
Mis aux voix, l'article 12 ainsi amendé est adopté par 71 oui contre 9 non et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 80, al. 1, lettre d, chiffre 13 (nouvelle teneur) est adopté.
Mis aux voix, l'article 61 (souligné) est adopté.
Troisième débat
La loi 9676 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9676 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 46 oui contre 27 non et 12 abstentions.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission des affaires sociales (dépôt de la pétition 1573 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 48 oui contre 31 non et 5 abstentions.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, étant donné le débat que nous venons de vivre, je ne passerai pas au prochain point de notre ordre du jour et je lève la séance. A demain, à 15h30 !