République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1625-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion de Mme et MM. Jean-Michel Gros, Hugues Hiltpold, Olivier Vaucher, Jean-Marc Odier, Jean Rémy Roulet, René Koechlin, Pierre Weiss, Gabriel Barrillier, Louis Serex, Gilbert Catelain, Jacques Jeannerat, Patrice Plojoux, Beatriz de Candolle, René Desbaillets, Yvan Galeotto relative au déclassement du domaine bâti agricole

Débat

M. Eric Leyvraz (UDC). L'invite de cette motion 1625 demande le maintien des conditions fiscales réservées aux agriculteurs dès lors que ceux-ci continuent à utiliser leurs bâtiments pour une fonction purement agricole. La réponse du Conseil d'Etat à cette dernière invite est pour les agriculteurs claire et satisfaisante. Ces derniers resteront fort attentifs: c'est l'affectation du terrain ou du bâtiment agricole et non pas son classement qui détermine ces principes fiscaux.

Pour le reste, le Conseil d'Etat dont nous comprenons les arguments ne donne pas de solution au problème récurrent des hameaux de ce canton, notamment ceux cités dans sa réponse et paraît, en plus, en contradiction avec le projet de loi 9935 concernant le hameau de Chevrens qu'on nous propose de classer en zone de hameaux avec l'adjonction, de part et d'autre du village, de deux zones 4B protégées pour du logement. Comprendra qui pourra !

Il faut donc reprendre ce dossier, trouver de nouvelles définitions pour ces entités construites et proposer des solutions qui donnent satisfaction aux demandeurs des hameaux dans le cadre de la loi fédérale. C'est pour cela que le groupe UDC demande le renvoi de cette motion à la commission de l'aménagement.

La présidente. Une demande de renvoi en commission ayant été proposée, nous sommes en catégorie II et le temps de parole prévu est de trois minutes par groupe.

M. Hugues Hiltpold (R). Je voudrais rappeler que ce Grand Conseil a débattu de cette motion en mars 2006. A l'époque, tous les groupes politiques, de gauche comme de droite, demandaient qu'elle soit renvoyée à la commission de l'aménagement. M. Cramer, à la surprise générale il est vrai, a demandé que cette motion ne soit pas renvoyée à la commission de l'aménagement mais au Conseil d'Etat, de façon que celui-ci puisse rédiger un rapport, que nous sommes en train de traiter aujourd'hui et qui servira de base à la discussion en commission.

C'est la raison pour laquelle le groupe radical soutiendra le renvoi en commission, tant il est convaincu que nous devons débattre du fond - parce que nous n'avons pas encore débattu du fond sur cette question-là - et tant nous sommes convaincus que nous devons procéder, dans un certain nombre de cas, à des déclassements de hameaux en zones constructibles.

Je prendrai un exemple que M. Gros avait cité à l'époque, c'est le village de Dardagny qui est en zone 4B et qui a su, à un moment donné, gérer sa croissance tout en restant un des plus beaux villages de Suisse. Nous sommes convaincus également que cette mesure, certes modeste, permettra d'endiguer le problème de la mort de certains hameaux et empêchera que ceux-ci ne deviennent des villages du type Ballenberg.

Je vous remercie de votre attention et vous invite à renvoyer cette motion en commission de l'aménagement pour que nous débattions du fond.

M. Jean-Michel Gros (L). Le groupe libéral remercie aussi le Conseil d'Etat d'avoir répondu à cette motion dans les délais, ce qui n'est pas chose courante de nos temps. On aurait cependant pu s'attendre à une réflexion plus approfondie sur le potentiel à bâtir en zone agricole, dans les parcelles enclavées, certes, évoquées par le Conseil d'Etat, mais aussi dans le domaine bâti lui-même et notamment les hameaux. On aurait souhaité aussi l'expression d'une certaine volonté politique d'aller de l'avant dans cette problématique. Hélas, ce que l'on constate, au contraire, c'est un frileux retrait derrière le rideau de fumée rassurant de la loi fédérale. Pour les motionnaires, il existe certainement des voies, non pas pour contourner le droit supérieur, mais bien pour l'interpréter, de façon à réaliser l'objectif principal qui est d'augmenter quelque peu le parc de logement dans ce canton.

Croyez-vous vraiment, Monsieur le conseiller d'Etat, que les autres cantons, nos amis vaudois, nos amis fribourgeois ou valaisans n'ont pas trouvé de solution ? Combien de hameaux de ces cantons sont encore en zone agricole ? Fort peu sans doute, car les autorités cantonales ont analysé la loi fédérale de façon pragmatique et non pas dans la vision protectionniste, voire muséographique, que nous apprécions particulièrement à Genève. A-t-on par exemple songé à retirer la liste des hameaux du plan directeur cantonal, en réexamen actuellement, pour ne plus parler que d'habitat groupé ? Et cette limite des six mètres autour des maisons, a-t-on seulement imaginé l'élargir, ou même l'abroger, pour se concentrer uniquement sur la protection des zones cultivées ? Non ! Seule la lecture pusillanime de la loi fédérale fait foi ! Alors, surtout, ne bougeons pas !

Prenons l'exemple des villages genevois, Mesdames et Messieurs ! Tout le monde reconnaît leur charme et leur architecture préservée. Force est cependant de constater que la différence entre village et hameau est parfois ténue ! Est-ce le chef-lieu de la commune ? Alors, dans ce cas, Vésenaz devrait être un hameau ! Athenaz n'est-il pas plus important qu'Avusy ? Les villages sont en zone constructible depuis belle lurette. Ils ont ainsi pu se développer harmonieusement et - M. Hiltpold le signalait tout à l'heure - offrir quelques logements forts agréables. Je prends l'exemple de Dardagny, que M. Hiltpold citait, village très vivant qui a obtenu le prix Wakker en 1978.

Chers collègues, la réponse à cette motion mérite un débat plus approfondi et c'est pourquoi, à la suite de mes préopinants, je vous demande de renvoyer ce rapport à la commission de l'aménagement qui est justement saisie du projet concernant le hameau de Chevrens. Nous pourrons ainsi auditionner les milieux concernés, voir ce qui se fait dans les cantons voisins et, le cas échéant, proposer des modifications législatives nécessaires.

M. Alain Etienne (S). Alors là, je dois dire que je suis stupéfait d'entendre le parti radical et le parti libéral nous dire aujourd'hui qu'il nous faut un renvoi en commission puisqu'à l'époque, lorsque cette motion a été présentée devant ce parlement, il y a eu une large majorité pour ne pas vouloir débattre et demander qu'on renvoie cette motion directement au Conseil d'Etat en disant que celui-ci ferait une réponse. (Brouhaha.)

Une voix. On y croyait !

M. Alain Etienne. La réponse, vous l'avez aujourd'hui et cette réponse est conforme à ce qu'on peut dire sur ce sujet ! Maintenant, la réponse vous déplaît et vous voulez un renvoi en commission. A l'époque, le parti socialiste voulait le renvoi en commission pour qu'on puisse effectivement débattre sur la question des hameaux. Dans vos invites et dans vos exposés des motifs, vous invoquez toujours la crise du logement et vous revenez toujours à cette même problématique en utilisant la crise du logement pour faire une pression inutile.

Aujourd'hui, on ne s'opposera pas au renvoi en commission pour qu'on puisse débattre, mais les choses restent les mêmes. C'est-à-dire que la zone de hameau existe, que c'est actuellement une zone de protection et pas une zone de construction, que si l'on veut garder les caractéristiques de ces hameaux, il faut faire adopter des plans de site. Ça, c'est la réponse du Conseil d'Etat, et je ne vois pas ce qu'on va pouvoir en dire de plus.

Par contre, si l'on veut résoudre la crise du logement, il faut revenir à l'application du plan directeur cantonal: c'est-à-dire construire dans la zone de développement, densifier dans la zone villas et, exceptionnellement, accepter des déclassements de la zone agricole. Cela fait partie du plan directeur ! Si vous acceptez ces principes du plan directeur, on arrivera à construire du logement sur Genève. On a déclassé la Chapelle-Les-Sciers, les Communaux d'Ambilly et les Vergers à Meyrin: commençons donc à construire dans ces lieux, et l'on résoudra la crise du logement ! Je vous remercie.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Je pense qu'il ne faut pas se tromper. De quoi cette motion parle-t-elle ? De constructions en zone agricole. Et le rapport du conseil d'Etat montre très bien les limites de la motion, puisqu'elle est contraire au droit supérieur, au droit national.

Par contre, le Conseil d'Etat, dans sa réponse, serait d'accord de déclasser certaines zones agricoles enclavées entre les zones à bâtir, immédiatement contiguës à celles-ci. Cela ne semble pas satisfaire les partis de l'Entente. Ce qu'ils voudraient, c'est pouvoir construire si possible avec le moins d'entraves, ceci pour céder aux sirènes de la spéculation. On entend cet adage tous les jours ! (Commentaires.)

Donc, nous nous opposons au renvoi en commission et vous demandons d'accepter ce rapport, et peut-être d'en parler à un autre moment.

M. Luc Barthassat (PDC). Nous nous rendons compte ce soir que le problème n'est pas résolu concernant ces hameaux. Donc, le parti démocrate-chrétien ne s'opposera pas au renvoi en commission.

On se rend bien compte qu'il y a quand même un potentiel de construction dans ces hameaux, surtout au vu de la crise du logement que connaît notre canton. Il est vrai que les communes ont la possibilité d'indiquer et d'identifier dans leur plan directeur les parcelles à déclasser.

Le fond du problème n'étant pas résolu, je crois qu'il est bon de travailler en commission - suite aux exemples que nous a donnés M. Gros tout à l'heure - et de travailler peut-être plus en profondeur sur ce genre de problèmes.

Le parti démocrate-chrétien soutient donc ce renvoi du rapport en commission et je pense qu'il y a encore beaucoup de chose à dire pour essayer de régler tout ça.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Au fond, je ne peux que me réjouir que le Grand Conseil, lors de sa séance du 17 mars 2006, ait bien voulu suivre la proposition du Conseil d'Etat, même si en l'occurrence elle n'avait pas l'heur de plaire au groupe socialiste. Parce que les choses se passent exactement comme il me semblait adéquat qu'elles se passent.

Nous parlons ici d'un objet qui est technique. Donc, il me semblait souhaitable que dans un premier temps le Conseil d'Etat soit amené à faire un rapport, qui est très neutre, comme vous l'avez vu, et qui pose simplement les éléments du débat. Puis, que nous allions ensuite en commission pour voir si, sur la base de ces éléments factuels, nous arriverions ensemble à trouver - ou peut-être pas - des solutions concernant les hameaux. Bien sûr, le Conseil d'Etat est très favorable à ce renvoi en commission, c'est exactement ce que nous souhaitions, et nous aurions même pu gagner quelques mois si l'objet avait passé procédure des extraits pour pouvoir être renvoyé en commission.

Un mot peut-être - puisque j'ai la parole et qu'il doit me rester une minute - pour dire que je suis peiné par les propos de M. Gros qui laisse entendre et affirme même que le Conseil d'Etat mettrait un enthousiasme fort modéré à rechercher des solutions concernant les terrains en zone agricole qui ne se prêteraient pas à l'agriculture et pourraient être constructibles. C'est totalement inexact et vous le savez, non seulement parce que vous avez interpellé le Conseil d'Etat par une motion sur cet objet, mais aussi parce que nous vous avons répondu ! Vous savez qu'aujourd'hui tout un travail est en train de s'effectuer sur les terrains enclavés qui ne se prêtent pas à l'agriculture. On ne peut pas dire que nous soyons ardemment aidés par la Chambre genevoise d'agriculture dans ce travail: nous continuons tout seul ! Eh oui, Monsieur Gros, nous continuons ce travail tout seuls et nous reviendrons prochainement avec des propositions à cet égard ! Nous les soumettrons bien sûr au préalable à notre partenaire qui est AgriGenève. Voilà donc, le travail se fait sur cet objet, et de manière extrêmement sérieuse ! Malheureusement, concernant les hameaux, faute de modifier le droit fédéral, je vois mal comment nous pourrions entreprendre des bricolages qui seraient ensuite désavoués par un recours la première fois que l'on essaierait de les appliquer.

Mis aux voix, le renvoi du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1625 à la commission d'aménagement du canton est adopté par 55 oui contre 10 non.