République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 14 décembre 2006 à 20h
56e législature - 2e année - 3e session - 11e séance
GR 465-A
M. Claude Jeanneret (MCG), rapporteur. Je dois présenter un dossier un peu particulier. Il s'agit d'un monsieur qui vivait à Genève sous le coup d'une mesure d'expulsion déjà signifiée depuis de nombreuses années. A la suite d'une dispute avec son ex-compagne, il a fait l'objet d'une plainte pénale pour actes d'ordre sexuel avec un enfant, actes d'autant plus graves qu'il s'agit d'un enfant incapable de discernement et qui avait, lors des faits reprochés, entre 7 et 10 ans. En 2001, M. M.S. a été condamné par le Tribunal de première instance de Genève; il a interjeté recours en cassation, puis au Tribunal fédéral, mais ces deux recours ont été rejetés.
Certes, cette accusation est très grave... Ce monsieur a été condamné par défaut, mais il faut tout de même placer les faits dans le contexte d'une procédure qui s'est révélée un peu particulière. M. M.S. a assisté aux trois premières séances de son procès mais n'a pas pu assister à la quatrième, parce que la mesure d'expulsion, prononcée plusieurs années avant ce procès, a été exécutoire. M. M.S. a donc été renvoyé au Kosovo en 2001 et n'a donc pas pu se défendre lors de sa condamnation, mais il faut rappeler qu'il a toujours nié les faits.
Lorsqu'il est revenu en France, en 2002, M. M.S. ne s'est pas du tout inquiété de ce qui s'était passé en Suisse, lors de sa condamnation. En fait, il a voulu revenir en Suisse malgré sa condamnation d'expulsion, et il a été arrêté à la douane. Je le répète, durant la période où il était en France, il ne s'est pas intéressé du tout à ce qui s'était passé: il ne s'est pas manifesté et n'a entamé aucune démarche adéquate en vue d'un éventuel recours, même tardif.
Nous ne pouvons pas douter de la compétence du tribunal ni des enquêtes qui ont été établies sur ce cas. M. M.S. a été condamné, et l'ensemble de la commission pense qu'il ne faut pas accorder la grâce.
Mme Carole-Anne Kast (S). Je vous prie de m'excuser, il me semble vous avoir bien écouté, Monsieur le rapporteur, mais je n'ai pas vraiment saisi quels sont vos arguments en faveur de la grâce. Cela ne ressort pas du tout de votre rapport. Une demande de grâce me paraît devoir être étayée par des arguments - pas seulement être une demande de forme - et j'aimerais bien les connaître. Vous avez exposé des arguments pour la refuser, mais, j'insiste, j'aimerais bien savoir quels sont les arguments pour l'accorder !
M. Claude Jeanneret (MCG), rapporteur. Je remercie mon honorable collègue d'avoir relevé cette faille à ma présentation.
En effet, ce monsieur a été condamné, mais il a toujours nié les faits. Il a dit n'avoir pas pu demander la révision de son procès dans les délais, parce qu'il a été expulsé au Kosovo en 1981, qu'à cette époque le Kosovo était en pleins troubles et que l'information passait très mal dans son pays... Pour répondre à cela, je dirai simplement qu'au moment du procès de M. M.S. une domiciliation à Genève lui a été communiquée par le tribunal; et lorsqu'il est revenu en France, en 2002, c'est-à-dire une année après, il n'a pas pris la peine de se renseigner sur la suite donnée à son procès; il ne s'en est pas soucié du tout, alors que l'accusation était quand même extrêmement grave. Si M. M.S. a été arrêté en Suisse, c'est uniquement parce qu'il essayait à nouveau de s'introduire dans le pays, alors qu'il était sous le coup d'une mesure d'expulsion. L'erreur de ce monsieur est de ne pas avoir essayé de se justifier dans les délais: lorsqu'il s'est trouvé en France, il aurait pu demander les résultats de l'instruction et il aurait été dans les temps pour recourir. Mais il n'a rien fait. Cette attitude, suite à une accusation aussi grave, a été, on peut le dire, quelque peu légère... M. M.S. n'a pas pris conscience de la gravité des faits qui lui étaient reprochés. J'espère avoir répondu à vos questions.
Mis aux voix, le préavis de la commission (rejet de la grâce) est adopté par 64 oui et 8 abstentions.