République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 octobre 2006 à 20h30
56e législature - 1re année - 12e session - 61e séance
M 1683
Débat
Le président. La parole est à M. Eric Stauffer et, au rythme où ça va, nous n'allons pas tarder à clore cette liste. Voilà, elle est close ! Avec M. Eric Stauffer, Mme Emery-Torracinta, M. Brunier, M. Pétroz, Mme Künzler, Mme Ducret. Cela s'arrête là ! (Brouhaha.) Mesdames et Messieurs les députés, dix personnes pour une motion de ce genre-là, ce n'est pas raisonnable ! Vous m'en serez reconnaissants quand six personnes auront parlé et que nous nous arrêterons là !
M. Eric Stauffer (MCG). Dix personnes pour une motion de ce genre-là ? Mais c'est une motion importante, Monsieur le président ! Ce sont des élus du peuple qui l'ont déposée ! Oserai-je vous le rappeler ? Cela étant dit, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président et Monsieur le conseiller d'Etat, le problème des contraventions - des amendes - ne réside pas dans le fait que nos concitoyens ont la volonté... Monsieur le président, il y a un niveau de bruit assez élevé...
Le président. Oui, Monsieur le député, c'est la démonstration de votre audace et la cause de mon raisonnement sur la capacité d'attention de ce parlement...
M. Eric Stauffer. Oserai-je rappeler qu'il y a une buvette pour les députés que cela n'intéresserait pas ! Je pense qu'il y a bon nombre de nos concitoyens que cela intéresse ! Je disais donc que le problème des contraventions et des amendes d'ordre n'est pas que nos concitoyens ont la volonté de commettre des incivilités. Tout simplement, il n'existe aujourd'hui pas les infrastructures nécessaires en termes de places de parking. A cela s'ajoutent plus de 50 000 véhicules quotidiens qui assaillent notre canton: ce sont les pendulaires. Il nous faut miser sur une relance générale par rapport aux effets pervers qu'a induits l'exagération qu'il y a eue sur les amendes d'ordre, notamment par la Ville de Genève. Je devrais vous rappeler, Mesdames et Messieurs les députés, que c'est ce présent Grand Conseil qui a transféré aux municipalités le droit de verbaliser nos concitoyens. Le conseil municipal, notamment en la personne de M. Ferrazino, y a vu non pas un moyen de faire de la prévention pour la sécurité routière, mais une manne financière. Il a utilisé à outrance le système des agents de sécurité municipaux pour remplir les caisses de la Ville et, certainement, pour financer l'immeuble du 25, rue du Stand.
Cela étant dit, pourquoi le Mouvement Citoyens Genevois demande-t-il une amnistie générale ? Eh bien, parce que justement cette exagération des amendes de stationnement n'est tout simplement pas tolérable. Que, de surcroît, l'équité de traitement n'a jamais été respectée entre les Genevois et les travailleurs qui viennent quotidiennement à Genève, je veux parler ici des frontaliers. Et j'en veux pour preuve la une de la «Tribune de Genève» du mois d'avril qui dit: «Frontaliers et Genevois inégaux devant la loi.» Alors, nous avons voulu, Mesdames et Messieurs les députés, savoir de quoi il retournait. Eh bien, nous avons, à ce titre, adressé une interpellation urgente écrite à M. le conseiller d'Etat ici présent puisque nous avons obtenu des chiffres qui faisaient état de 120 000 amendes de stationnement converties en contraventions qui n'ont pas été payées par des ressortissants et des contrevenants étrangers. Spécifiquement, les plaques «74» et «01», des départements de la Haute-Savoie et de l'Ain. Les chiffres que nous avons avancés sont des chiffres qui sont tout à fait corrects, puisque ce sont des chiffres que nous avons obtenus de manière officielle, non pas de l'Etat - vous vous en doutiez bien - mais de la Ville de Genève.
Alors, nous avons interpellé le Conseil d'Etat pour savoir comment cela fonctionnait en matière de recouvrement pour nos amis français. Eh bien, le conseiller d'Etat a répondu la chose suivante: «L'explosion du nombre des amendes d'ordre infligées par les agents municipaux de la Ville de Genève au cours de ces dernières années a occasionné une surcharge du service des contraventions dont le nouveau système informatique commencera à être opérationnel au cours du second semestre de l'année 2006.» Je vous rassure, il ne fonctionne toujours pas ! «Un certain nombre d'affaires ont été atteintes par la prescription et elles ne concernent pas exclusivement des conducteurs frontaliers.» C'est vrai, il y a des Roumains, des Allemands, des Belges, des Espagnols et des Italiens ! Mais, rassurez-vous, il n'y a aucun Suisse, parce que si un Suisse ne paie pas ses contraventions on viendra chez lui saisir ses meubles, son salaire et, si ça ne suffit pas, il finira à Champ-Dollon. Cela, c'est ce qu'on appelle respecter la loi au pied de la lettre !
Ah oui, il va falloir qu'on parle aussi de cette interpellation urgente écrite. Quand j'ai dit que nous avions déposé une motion et à la date du dépôt de motion, il y a des milliers de codes informatiques qui ont été envoyés par le service des contraventions à la Ville de Genève pour détruire les fiches-souche, parce qu'évidemment le chiffre de 120 000 amendes est parfaitement scandaleux ! Parce que ça représente une vingtaine de millions de francs. Je le souligne et je le dis en face de lui. Le conseiller d'Etat n'a jamais répondu - jamais ! - au député que je suis. Alors que c'est un texte parlementaire ! Par contre, permettez-moi de faire une parenthèse, parce que, dans la «Tribune de Genève», le conseiller d'Etat répond ! Imaginez-vous le paradoxe ? Nous, députés, élus de la République posons une question avec les instruments qu'on nous donne, mais on répond plutôt aux journalistes. Et qu'est-ce qu'il est dit ? Que dit le département des institutions ? Quand, nous, avançons le chiffre de 120 000, le département des institutions dit à la Tribune de Genève qu'il n'a pas trouvé l'origine de ce chiffre et que, quoi qu'il en soit, le système informatique du service des contraventions ne permet pas de produire de telles statistiques. Extraordinaire ! Hein ? Auriez-vous peur, Monsieur le conseiller d'Etat, de dire à la population combien d'amendes de frontaliers ne sont pas réglées et tombent en prescription chaque mois ? Pourquoi ne le dites-vous pas ? Il aurait été plus simple de répondre à l'IUE que le système informatique ne permet tout simplement pas de savoir où on en est avec les contraventions. Ce qui laisse évidemment présager, Monsieur le conseiller d'Etat, que le système et la gestion du service des contraventions sont plutôt chaotiques. Néanmoins, et c'est pour cela qu'elle est importante, Mesdames et Messieurs les députés, cette amnistie ne s'adressera pas seulement à nos résidents, mais à tout le monde, frontaliers compris. Pourquoi ? Parce qu'une partie des frontaliers sont d'honnêtes travailleurs qui paient leurs contraventions. (Brouhaha.) Bien sûr ! Bien sûr !
Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.
M. Eric Stauffer. Oui, Monsieur le président, mais c'est un sujet important, alors je me permettrai d'y revenir puisque je suis l'auteur de la motion. Comme le prévoit le règlement, l'auteur d'une motion peut intervenir plus d'une fois quand la liste est close. Je suis désolé, c'est un sujet important. Il est important que ce parlement se rende compte que cette amnistie ne s'adresse pas à des automobilistes qui seraient des contrevenants malintentionnés, mais que c'est la situation qui a provoqué ceci. Cette amnistie est équitable pour tout le monde, puisqu'elle veut absoudre tout le monde. Et cela déchargera aussi le département de M. Moutinot puisqu'apparemment - et je n'en ai pas terminé, Monsieur le président - il y a quelques lacunes au service des contraventions, dues aussi à la surcharge causée par la Ville de Genève. Je conclus ici, Monsieur le président, mais je vous demanderai de pouvoir réintervenir une fois brièvement.
Le président. Monsieur le député, je vérifierai dans le règlement. A mon sens, la liste est close, mais vous avez pu parler huit minutes, ce qui me paraît largement suffisant. Tout le monde vous a très bien compris.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Je ne parlerai certainement pas huit minutes, quant à moi. J'aimerais, Mesdames et Messieurs les députés, vous faire part de mon étonnement. Mon étonnement face à un parti politique qui, session après session, pourfend les fraudeurs réels ou supposés de la République ! Voilà qu'il nous présente une motion qui, à mon sens, pourrait être comprise comme un encouragement à la fraude !
Une voix. Oui !
Mme Anne Emery-Torracinta. Un parti qui, session après session, se plaint des coûts engendrés pour le contribuable par la Banque cantonale et la Fondation de valorisation des actifs de celle-ci.
Que nous propose ce parti ? Une motion qui engendrera des pertes pour les contribuables ! Mesdames et Messieurs les députés, je vous demande où est la cohérence ? Où est la cohérence, également, quand nous avons déjà eu l'occasion de discuter une motion du MCG sur ce même sujet ? J'ai ici le Mémorial. A plusieurs reprises, M. Stauffer, qui défendait cette motion, demandait qu'on applique la loi. Que nous propose-t-on aujourd'hui ? De renier la loi ! Sur vos pupitres, vous avez trouvé hier encore une motion, toujours sur le même sujet, mais avec une autre solution. Je vous demande là également: où est la cohérence ?
Cela dit, je vous ferai quand même la grâce, Madame et Messieurs les députés du MCG, de constater qu'il y a dans votre motion de réels problèmes. Effectivement, vous abordez la circulation routière, le fonctionnement de l'administration, la surpopulation carcérale, le commerce de proximité, la précarité - sujet cher aux socialistes - et les frontaliers. Mais, dans cet inventaire à la Prévert, permettez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, de ne retenir qu'une chose: une fois de plus, le MCG désigne les frontaliers comme les seuls responsables des malheurs de la République ! Le groupe socialiste ne pourra donc soutenir une motion aussi populiste et avec de tels relents xénophobes. (Applaudissements et huées.)
M. Christian Brunier (S). J'aimerais juste compléter l'excellente intervention d'Anne Emery-Torracinta pour intervenir sur les invites et les considérants de cette motion.
En préambule, je rappelle au MCG que lorsque les autorités - qu'elles soient législatives ou exécutives - font un appel à l'amnistie, c'est, d'une certaine façon, une validation de la tricherie. Nous ne pouvons pas appeler à l'amnistie de gens qui ont violé la loi ! Je pense que ce n'est absolument pas le rôle de l'Etat, le rôle des autorités, et lorsque l'on veut valoriser l'Etat, lorsque l'on veut valoriser les institutions, on ne peut pas agir de la sorte.
Maintenant, prenons vos considérants. Première chose: vous dites que la politique que vous appelez de répression, qui est à vrai dire un contrôle des stationnements, n'a pas porté ses fruits en matière de zone bleue. Vous savez ce que vous êtes en train de dire, Mesdames, Messieurs du MCG ? Vous êtes en train de dire que des citoyens, des commerçants ou des entreprises qui habitent les quartiers de la ville de Genève ont payé leur macaron pour rien. Je vous rappelle qu'au début des zones bleues, avant qu'il y ait un contrôle sérieux, ces personnes qui avaient payé leur macaron ne trouvaient pas de places de parking. Ce parlement, dans une grande majorité, a demandé qu'il y ait un contrôle des stationnements simplement pour que les gens qui payaient leurs places puissent en bénéficier. Aujourd'hui, cette politique porte ses fruits - enfin ! - et c'est la moindre des choses par rapport aux personnes qui ont payé leur macaron.
Deuxième considérant, c'est de dire que finalement on ne fait rien pour empêcher les frontaliers de venir en voiture au centre-ville. Mais, Mesdames et Messieurs du MCG, la loi sur les zones bleues, c'était justement pour ça. Si aujourd'hui il y a moins de frontaliers qui viennent au centre-ville en voiture, c'est parce qu'une bonne partie des places sont en zone bleue. Ce n'était pas une loi pour repousser les frontaliers comme vous le faites aujourd'hui avec un arrière-goût de xénophobie, c'était tout simplement une incitation au transfert modal, pour empêcher les voitures de venir de manière excessive en ville de Genève. Le parti socialiste a proposé un projet de loi pour étendre les zones bleues aux communes environnant la ville de Genève, parce qu'aujourd'hui nous avons reporté le problème: les frontaliers qui ne se parquent plus en ville de Genève se parquent dans les communes avoisinantes. Au MCG, Mesdames et Messieurs, vous avez refusé ce projet de loi, vous avez en fait attiré les voitures de frontaliers dans les zones qui environnent la ville de Genève ! Vous avez fait le contraire de la motion que vous déposez aujourd'hui.
Vous dites aussi que les contrevenants étrangers ne sont pas poursuivis. Vous revenez avec ça ! Nous l'avons dit dans un autre débat: ils ne sont pas assez poursuivis ! C'est vrai qu'il faut corriger cette politique et les frontaliers doivent être poursuivis comme les Suisses. Il y a un manque de volontarisme et on l'a reconnu, mais ce n'est pas parce qu'il y a un manque de volontarisme qu'il faut amnistier tout le monde ! Je crois que c'est le plus mauvais des procédés. Il faut agir sur les maux.
Finalement, comparer les problèmes de stationnement avec la surpopulation de Champ-Dollon, je m'excuse mais, heureusement, personne ne finit à Champ-Dollon parce qu'il a été collé en zone bleue. Je crois qu'il ne faut pas tout mélanger !
Le dernier argument est plus que lamentable: vous dites que le fait de contrôler les zones bleues, le fait de coller les gens qui se parquent en stationnement interdit, notamment sur les places de livraison est nuisible au commerce. C'est tout le contraire ! Plus les gens bougent dans les zones bleues, plus les gens bougent dans les zones de parking, plus le commerce est favorisé. En fait, votre motion va à l'encontre même des intérêts économiques et nous appelons évidemment à voter contre cette motion qui est xénophobe et qui est contraire aux objectifs que vous visez !
M. Pascal Pétroz (PDC). Cette motion nous est présentée comme demandant une amnistie générale. C'est ce qui est écrit et tout à l'heure, lors de la présentation de cette motion par son auteur, il a demandé une absolution. Alors, permettez au représentant du parti démocrate-chrétien que je suis de dire que demander une absolution, c'est totalement blasphématoire.
Maintenant, pour replacer le débat dans un cercle un petit peu plus serein et un peu plus approprié, cette motion n'a pas de sens pour toute une série de raisons.
Premièrement, il s'agit d'une motion. Une motion, c'est quoi ? C'est un instrument permettant de demander quelque chose au Conseil d'Etat, sans aucun effet obligatoire. Donc, on peut voter toutes les motions que vous voulez, Monsieur Stauffer, le Conseil d'Etat, après, il les prend, il les met au panier, ou, s'il décide de les exécuter... (Brouhaha.) ...s'il décide de les exécuter, il n'a pas besoin de vous pour le faire. La seule obligation du Conseil d'Etat est de répondre dans les six mois par un rapport. Déjà, première remarque, l'instrument juridique utilisé est donc totalement inapproprié.
Deuxième remarque, vous demandez une amnistie générale qui s'applique également aux frontaliers, vous l'avez aussi dit tout à l'heure. Alors-là, à l'instar de Mme Emery-Torracinta, j'ai un petit peu de la peine à comprendre la cohérence du discours. Si le MCG commence à se poser en défenseur des frontaliers, je me dis qu'on vit quand même dans un drôle de canton !
Autre considération, votre motion ne demande ni plus ni moins à ce parlement que de ne pas appliquer la loi. Cela, c'est totalement inacceptable, sur un plan institutionnel. On ouvre la boîte de Pandore comme ça et on décide de ne plus appliquer la loi dans un certain nombre de domaines. Cela va aller jusqu'à où ? C'est totalement impossible, totalement inadéquat et totalement inapplicable. La loi est la même pour tous, elle doit être respectée et vous, aujourd'hui, vous nous demandez de procéder à une amnistie pour les contrevenants en matière de circulation. Demain, peut-être, viendrez-vous nous demander une amnistie pour les violeurs et les meurtriers. Nous ne pouvons pas accepter cela. Raison pour laquelle il y a lieu de refuser sèchement cette motion ! (Applaudissements.)
Mme Michèle Künzler (Ve). Je serai assez brève. Cette motion est vraiment inadéquate. Nous sommes ici un pouvoir législatif qui promeut des lois ! Nous avons à faire respecter les lois ! Mais elles s'appliquent à tout le monde ! Est-ce que ces infractions ont été commises ? Oui ! Elles ont été sanctionnées et c'est normal, il n'y a pas à amnistier des personnes qui ont fait une erreur ! Personne n'est obligé de mal parquer sa voiture ! Personne n'est obligé de commettre une infraction ! Celui qui la fait, il assume ! Il faut arrêter, on peut très bien ne pas commettre d'infractions ! Et si on en fait, on assume et on paie. Quand à l'inégalité de traitement, je pense simplement qu'il n'y a pas d'égalité dans l'illégalité. Et ça, c'est un bon principe à respecter.
Pour la dernière petite incohérence que Mme Emery-Torracinta n'a pas relevée, hier, nous étions justement saisis en grâce de cas où des personnes avaient quelques 60 ou 100 amendes. Eh bien, vous ne les avez pas grâciées du tout ! Donc, à un moment donné, il faut être cohérent, même dans les petites choses. Si vous n'êtes même pas cohérent pour les choses minuscules, quand serez vous cohérents ? (Applaudissements.)
Une voix. T'as droit à un schnaps !
M. Michel Ducret (R). Tout à l'heure, M. Stauffer parlait d'exagération dans l'application de la loi. Cela n'existe pas ! Il s'agit de lois votées par les parlements communaux, cantonaux et fédéraux. Mesdames et Messieurs, il n'y a pas exagération, puisqu'il y a simplement infraction. M. Brunier l'a fait avant, mais je rappelle que le but de la zone bleue, c'est précisément de diminuer le nombre des pendulaires en ville, de faire qu'il n'y ait plus de pendulaires en ville, qu'ils soient frontaliers ou non, d'ailleurs.
Je rappelle simplement ici que le taux de rotation dans les places de parcage à durée limitée à Genève était auparavant de quatre à six fois moins élevé que dans les autres villes de Suisse. N'est-ce pas ? Et que ceci était extrêmement défavorable au commerce urbain. Eh bien, c'est une manière, Mesdames et Messieurs, de favoriser le commerce urbain que de faire respecter les limitations de durée du stationnement, rien de plus ! Et les Genevois doivent en prendre l'habitude, que ça leur plaise ou non. C'est une chose qui est claire.
Cette motion fleure le populisme le plus crasse. D'une part, on prétend vouloir faire des lois, on se fait élire dans ce parlement pour venir faire des lois et d'autre part, on ne voudrait pas qu'elles soient respectées. C'est d'autant plus drôle et piquant lorsque l'on considère que le groupe de M. Stauffer comprend trois représentants des forces de l'ordre dans ses rangs. D'ailleurs, ils peuvent se dispenser de mettre des p.-v. dorénavant, puisqu'ils considèrent que la loi n'a pas à être appliquée !
La seule réponse acceptable, Mesdames et Messieurs, au problème posé par M. Stauffer dans sa motion, c'est qu'il y a peut-être bien des lois à changer ! Qu'il fasse la proposition de changer ces lois, mais il ne faut certainement pas passer par une amnistie pour des broutilles, qui, en plus, sont avérées ! Les gens doivent changer leurs habitudes de vie. C'est en fait une amnistie qui servirait à quoi, sinon à fêter l'arrivée de M. Stauffer sur les bancs du Grand Conseil ? Et ma foi, où ça commence à puer un tout petit peu, c'est lorsqu'on commence à fustiger le «non-Suisse». Alors là, elle sent un peu moins bon, la motion ! Mais finalement, Mesdames et Messieurs, vous l'aurez compris, cette motion n'a d'autre but que de faire du battage dans la presse et un peu de bruit dans cette arène autour de M. Stauffer ! Mesdames et Messieurs, maintenant que c'est fait: sourdine ! (Applaudissements.)
M. Alain Meylan (L). Il est vrai que cette motion est exagérée, il est vrai qu'elle sent la démagogie, qu'elle sent le détournement du système et on ne peut pas l'accepter. Le parti libéral la refusera. On est dans un Etat de droit et on doit accepter les lois que l'on vote et les conséquences qui sont celles du non-respect de ces lois. En les contestant, on se demande ce qu'un groupe fait dans cette enceinte, dans la mesure où on est là pour voter, pour légiférer. Au moindre petit écueil, on vient à contester ces lois. Cela, c'est le premier pas et c'est la première intervention que je veux faire pour dire que le parti libéral ne peut pas accepter cette motion.
Il n'en demeure pas moins que «Etat de droit» veut dire effectivement état de droit et égalité de traitement face à la loi. Je dois dire qu'à certains égards l'ambiance qui est sous-jacente à cette motion est un petit peu désagréable, puisque l'on voit quand même dans certaines mesures, dans certaines actions du contrôle, un arbitraire. Cela, on ne peut pas non plus l'accepter. On ne peut pas accepter que certaines catégories d'utilisateurs de voitures ou de scooters soient pénalisées alors que d'autres ne le sont pas. Je peux vous le dire que ça arrive fréquemment, tous les jours, pratiquement tous les jours. Je vous cite un seul exemple, c'est la petite rue qui est devant l'hôtel des Bergues, je l'ai testé moi-même. On se fait arrêter pour une faute et on est amendé: d'accord, pas de problème ! D'autres font la même faute, mais ne sont pas arrêtés. Cela, l'arbitraire, on ne peut pas l'admettre dans un Etat de droit.
Je trouve que cette motion, dans ce sens, donne un signal d'alarme. Dans cette république, on doit aussi accepter que des gens travaillent et circulent, qu'ils participent à la vie économique et à la richesse économique de notre canton. On ne doit pas par là même empêcher ce développement par le fait d'une attitude un peu larvée, toujours un peu cachée: on le voit dans la diminution du nombre de places de parking au centre-ville et ailleurs. Cette manière de faire, avec les contrôles imposés, empêche la gestion de la circulation et empêche la gestion de la complémentarité des moyens de transports et de l'activité économique.
C'est dans ce sens-là uniquement que j'aimerais attirer votre attention, parce que, pour le reste, à la limite, comme l'a dit notre président, cette motion ne nécessite pas dix prises de positions ou dix prises de parole.
A ce titre-là, je crois qu'il faut être attentif pour éviter, Mesdames et Messieurs des groupes qui viennent de s'exprimer, ce genre de motions démagogiques que le groupe libéral refusera. Mais attention à ne pas exagérer !
Le président. Monsieur Stauffer, la parole n'est pas accordée une deuxième fois lorsque la liste est close, même aux auteurs de l'objet traité. En revanche, vous m'avez fait remarquer que l'on vous reprochait de violer la loi et de tenir des propos xénophobes. C'est une mise en cause, je vous autorise à y répondre brièvement.
M. Eric Stauffer (MCG). Certains d'entre vous nous traitent de xénophobes parce qu'on parle des frontaliers. Mais rappelez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, que vos électeurs, nos électeurs, nous regardent et nous, nous ne sommes pas xénophobes. Nous disons bienvenue à tout le monde, mais venez habiter ici ! Donc, nous voulons protéger tous les résidents genevois ! Maintenant, les profiteurs et ceux qui ne paient pas leurs contraventions en France, c'est un autre problème ! C'est déjà la première chose sur laquelle je voulais répondre et le Mouvement Citoyens Genevois n'est en aucun cas un mouvement xénophobe.
Des voix. Non ?!
M. Eric Stauffer. Pour preuve, il y a beaucoup de double-nationaux parmi les députés. Cependant, nous, évidemment, avons la préoccupation de défendre, encore une fois, les résidents genevois, chose que, peut-être, vous avez oubliée.
Ensuite, on nous a reproché de vouloir violer la loi. J'ai tout entendu, demain on proposerait une amnistie pour les violeurs et je ne sais quoi d'autre ! Mais comment osez-vous, Monsieur le député Pétroz, comparer un criminel - un violeur - avec quelqu'un qui se serait mal parqué sur une zone bleue ? Parce que si vous aviez lu notre amnistie, Monsieur Pétroz, on parle exclusivement des zones bleues-parcomètres. Etaient exclues de l'amnistie les lignes jaunes et les places pour handicapés. Comment avez-vous l'outrecuidance de dire que nous transgressons la loi ? Monsieur Pétroz, d'autre part...
Le président. Monsieur Stauffer, une minute et demie s'est écoulée. Cela suffit, pour une mise au point.
M. Eric Stauffer. Je terminerai, Monsieur le président, en disant que nous ne transgressons pas la loi, puisque que, justement, dans la loi qui porte règlement de notre Grand Conseil, nous avons la faculté, Mesdames et Messieurs, de prononcer des amnisties partielles ou totales. Alors, Messieurs les avocats, je vous renvoie au règlement et lisez bien les articles de loi avant de parler...
Le président. Merci, Monsieur le député ! N'abusez pas du temps de parole que je vous ai octroyé ! Monsieur le conseiller d'Etat Laurent Moutinot.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Il a été dit un certain nombre de choses particulièrement fausses et particulièrement désagréables. Monsieur le député Stauffer, vous avez dit que vos chiffres étaient démontrés par le courrier du Département fédéral de justice et police annexé à la proposition de motion. Il se trouve que ledit courrier dit ceci: «N'étant pas en mesure de confirmer ou d'infirmer les chiffres que vous avancez, je me contente de vous donner un bref aperçu des tâches du CCPD ...» Autrement dit, vous faites dire au Département fédéral de justice et police à l'appui de vos propos le contraire de ce qu'il écrit. Il est vrai que l'annexe à la proposition de motion est assez mal photocopiée et que j'ai eu quelque peine à la déchiffrer.
Deuxième élément, vous tentez de prouver ce que vous exposez en prenant comme preuve vos propres propos d'il y a trois ou six mois. Il est assez difficile d'attacher la moindre crédibilité à ce type d'argumentation !
Troisième élément, vous dites au sujet du service des contraventions qu'il est géré de manière archaïque. Je n'accepte pas ce qualificatif ! Il est exact que c'est un service qui est en situation d'extrême difficulté. Il est exact que c'est un service qui est en situation de surcharge. Par contre, les cadres et les collaborateurs de ce service sont des gens qui travaillent d'arrache-pied, notamment pour arriver à ce que le fameux système informatique Mikado - qui est en retard, Monsieur le député - entre en fonction le plus rapidement possible. Mais vous ne pouvez pas, parce que ce système informatique est en retard, dire que ce service est géré de manière archaïque. C'est faire insulte à Mme Cardot-Vouga et c'est faire insulte à ses collaborateurs !
M. Eric Stauffer. Déposez une plainte pénale !
M. Laurent Moutinot. Mais non, Monsieur, vous tomberez tout seul ! Il n'y aura pas besoin de plainte pénale. (Rires.)
Je dois malheureusement faire une remarque à M. Meylan pour le prier de me préciser quelque chose. Monsieur Meylan, vous avez dit que, dans la petite rue vers le quai des Bergues, dans certains cas, des personnes sont arrêtées et d'autres pas et que cela est fait de manière arbitraire. J'ai une question: cela est-il le fait de la police genevoise, oui ou non ?
M. Alain Meylan. Non, des ASM !
M. Laurent Moutinot. Je vous remercie. S'il s'était agi de la police genevoise, ce que je n'aurais voulu croire, il va de soi que des procédures disciplinaires auraient été ouvertes.
En ce qui concerne la demande d'amnistie, Monsieur le député, c'est assez habile mais assez curieux. Vous demandez au Conseil d'Etat de prononcer l'amnistie. Or, vous savez que ce n'est pas le Conseil d'Etat qui est compétent en droit genevois pour prononcer une amnistie.
Donc, le Conseil d'Etat ne peut que vous inviter à refuser cette motion et j'irai même jusqu'à dire que si nous avions la compétence de prononcer une amnistie, nous ne le ferions pas, pour les raisons de principe qui ont été développées par la plupart des intervenants. (Applaudissements.)
Mise aux voix, la proposition de motion 1683 est rejetée par 65 non contre 6 oui et 3 abstentions.