République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 13 octobre 2006 à 20h30
56e législature - 1re année - 12e session - 61e séance
PL 9802-A
Premier débat
Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de majorité. La réorganisation des commissions est dans l'air du temps. La commission des droits politiques a été saisie de deux projets de lois sur ce sujet. L'un concerne une refonte complète du nombre et des attributions des commissions et l'autre, celui qui nous intéresse aujourd'hui, le projet de loi 9802, traite de la commission des investissements. Et c'est bien là la spécificité de ce projet de loi dont j'aimerais vous dire deux mots.
Il ne s'agit ni de créer une nouvelle commission ni d'en supprimer une. Il ne s'agit pas non plus d'un changement de nom qui serait une mesure sémantique. Il ne s'agit pas non plus d'un tour de passe-passe - comme se plaît à le dire le rapporteur de minorité - qui ne serait qu'une mesure cosmétique.
Il s'agit en fait d'une mesure de bon sens qui va transférer avec cohérence à l'actuelle commission des travaux une partie de l'activité de la commission des finances, qui s'y trouve rattachée suite à une évolution «historique» mais n'a plus lieu d'y être aujourd'hui. Et pourquoi?
Plusieurs raisons à cela. D'abord, l'existence même d'une sous-commission chargée des investissements informatiques émanant de la commission des finances est une construction artificielle peu compatible avec une répartition claire des activités. En effet, je vous pose la question: en quoi un domaine technique aurait-il plus de raisons qu'un autre d'être rattaché à la commission des finances ?
Ensuite, avec la répartition actuelle, il se crée une séparation entre la construction et l'informatique. Cela n'a plus de sens aujourd'hui car, du câblage informatique à la mise en place des terminaux, l'informatique est indissociable des bâtiments et de la commission des investissements. La commission des investissements serait beaucoup plus à même d'assurer un suivi de ces projets, jusqu'à la livraison finale des éléments intérieurs.
Enfin, cette logique est corroborée par l'existence même du département des constructions et des technologies de l'information.
Donc, cette vision globale ne résout certes pas tous les problèmes d'encombrement de la commission des finances, mais elle a le mérite de la simplicité, de la cohérence et, surtout, de la rapidité pour sa mise en place. L'absence de coût de l'opération n'est pas à négliger. Cela entre de surcroît dans la volonté du Conseil d'Etat de revoir la typologie des investissements pour qu'il y ait plus de «grands travaux» - de projets figurant sous l'intitulé «grands travaux» - afin d'avoir une meilleure vue d'ensemble et un meilleur suivi des objectifs financiers.
C'est donc pour ces raisons que je vous propose d'adopter ce projet de loi qui peut aisément et rapidement entrer en vigueur sans problèmes particuliers.
Le président. Je donne la parole à M. Olivier Jornot, rapporteur de minorité, en espérant qu'il nous parlera un peu de poésie.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de minorité. Ce projet de loi part d'une excellente intention: celle d'apporter un peu de rationalité dans le traitement des investissements, ce qui, il faut bien le dire, n'est pas la vertu première du système que nous vivons aujourd'hui. Il s'agit donc de changer le nom de la commission des travaux en commission des investissements et de former le voeu que cela attire un certain nombre de projets d'investissements dans cette commission. Ce projet de loi, derrière ses bonnes intentions, pose deux difficultés majeures.
La première, c'est un problème de charrue et de boeufs, si vous me passez l'expression. C'est à dire qu'au moment même où la commission des droits politiques s'interroge sur une réforme en profondeur du système des commissions de ce Grand Conseil, il y aurait tout d'un coup une précipitation extraordinaire à changer le libellé d'une commission, au lieu de s'intéresser au problème fondamental qui est celui du nombre des commissions et de leur cahier des charges.
A côté de ce problème de charrue et de boeufs, il y a un autre problème, qui est un problème de lorgnette. La lorgnette, dont vous savez qu'il faut l'utiliser par le bon bout pour qu'elle fonctionne. Sous l'angle de la politique des investissements, ce projet de loi ne s'attaque pas à la véritable problématique qui fait que notre Grand Conseil est assez largement déresponsabilisé en matière d'investissements. J'aimerais maintenant reprendre chacun de ces deux éléments.
S'agissant tout d'abord de la problématique des investissements, il est vrai qu'il y aurait en apparence - je dis bien en apparence - une certaine cohérence à se dire que l'on enverrait en commission des investissements tous les projets liés à l'informatique. Encore qu'une bonne partie de l'informatique, précisément celle qui est liée aux réseaux et câblages, est de toute façon renvoyée dans cette commission par le biais des crédits pour la construction des bâtiments. Il y aurait donc une certaine cohérence à transférer l'informatique à la commission des investissements, puisque cela correspondrait au cahier des charges du département des constructions et des technologies de l'information, certes.
Mais cette réflexion est en réalité à courte vue. Elle est à courte vue parce qu'elle ignore le régime des investissements tel qu'il découle aujourd'hui de la LGAF, de la loi sur la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève, mais encore plus largement, hélas, de la pratique. Et cette pratique, elle fait que l'on distingue en effet entre trois catégories de grands investissements: les grands travaux, qui font l'objet d'une loi spécifique; le train annuel de lois d'investissements, qui tend à devenir de plus en plus insignifiant chaque année, depuis que la commission des finances a demandé que l'on renonce à cet instrument; et puis, surtout, la loi budgétaire annuelle et la quantité énorme d'investissements qu'elle contient et qui sont votés, donc, par une simple loi de la commission des finances.
En principe, Mesdames et Messieurs, chaque nouvel investissement d'un montant supérieur à 125 000 F - donc un seuil très bas - doit faire l'objet d'un projet de loi en tant qu'entrant dans la catégorie des grands travaux. Mais la réalité, c'est que, dans le cas des renouvellements, un investissement, quel que soit son montant, échappe à l'obligation de déposer un projet de loi. Il tombe dans la loi budgétaire annuelle, et cela, que l'investissement initial ait été ou non voté sous la forme d'un projet de loi de grands travaux.
Ce Grand Conseil doit être conscient que plus de la moitié des investissements lui échappent depuis plusieurs années, non pas totalement, certes, mais ils lui échappent parce qu'ils entrent uniquement dans la loi budgétaire annuelle.
Alors, Mesdames et Messieurs, parlons de l'informatique, qui est censée être la raison pour laquelle il s'agirait de transformer la mission de la commission des travaux et d'en faire une commission des investissements. Si l'on examine la situation de l'informatique, cela signifierait que lorsqu'il y a des investissements initiaux dans le domaine de l'informatique ils seraient examinés par la commission des investissements. Les renouvellements seraient examinés par la commission des finances, par le biais de la loi budgétaire annuelle. Je vous laisse imaginer la cohérence de ce système. On ne parle pas ici de clopinettes, j'ai mentionné quelques exemples dans le rapport de minorité. On parle pour le budget 2006 de 30 millions, des 30 millions de renouvellement de matériel informatique votés par le biais de la loi budgétaire annuelle. Cela signifie qu'il y a une cohérence - nouvelle certes - mais que cette cohérence nouvelle se fait au détriment de la cohérence de l'examen des investissements informatiques qui, aujourd'hui, on le rappellera, fait l'objet d'un examen par la sous-commission informatique de la commission des finances.
A cela s'ajoute, toujours dans ce même domaine, le fait que personne n'a été capable de donner en commission la moindre indication sur l'ampleur des investissements qui passeraient d'une commission à l'autre par ce biais-là. Cela c'est le premier problème, celui de la lorgnette.
Pour le problème de la charrue et des boeufs, je serai beaucoup plus rapide. Je crois qu'il est assez aisé de comprendre que, alors que la commission des droits politiques examine le projet de loi 9800, qui vise à un réexamen complet du nombre, de l'intitulé et de la compétence des commissions, il est pour le moins étrange de vouloir changer uniquement le libellé et la mission d'une commission par le biais de ce projet de loi, qui part d'une bonne intention, mais est totalement précipité.
Mesdames et Messieurs les députés, en résumé, tout cela sera à reprendre le moment venu, au moment où l'on fera le réexamen complet des missions des commissions de ce parlement et où l'on examinera ce qui a été annoncé en commission, à savoir un projet de loi du Conseil d'Etat qui remanierait la LGAF et apporterait un éclairage plus démocratique et plus de contrôle à notre parlement sur les investissements. En l'état, je vous recommande de rejeter ce projet de loi. C'est la recommandation que je vous fais, à moins que quelqu'un dans cette salle recommande de retourner ce projet de loi en commission pour qu'il attende tout simplement que les autres évoluent au même rythme.
M. Philippe Guénat (UDC). Durant les débats en commission, en tant que représentant UDC, j'ai été confus et perplexe devant ce projet. Ne maîtrisant pas tous les tenants et aboutissants de ce projet de loi 9802, j'ai au moment du vote décidé de m'abstenir pour mieux travailler et m'informer plus. Aujourd'hui, c'est fait !
Ce changement de nom est cosmétique et dangereux car laissant la porte ouverte à beaucoup d'interprétations. Des conflits de compétence sans fin avec d'autres commissions vont surgir. De plus, par ce changement de nom, une grande partie des investissements passeront outre le contrôle du Grand Conseil. En cette période de déficit massif, nous groupe UDC, ne pouvons cautionner tel projet. Par conséquent, Monsieur le président, le groupe UDC votera non au projet de loi 9802. Désolé !
Mme Morgane Gauthier (Ve). Il ne s'agit pas aujourd'hui d'un changement cosmétique, tel que vous voulez bien le présenter, Messieurs ! Il s'agit d'un projet de loi qui est simple dans ses objectifs ainsi que dans son application. Il s'agit de regrouper le traitement de tous les projets de lois touchant les investissements dans une seule commission.
Aujourd'hui, le système que nous connaissons partage l'examen des demandes de crédits d'investissements en deux commissions: la commission des finances et la commission des travaux, qui sont les deux seules commissions à avoir des compétences budgétaires. Ce que nous proposons, à part la modification du nom de la commission, c'est de regrouper les traitements dans la même commission, pour qu'ils soient soumis aux mêmes députés. C'est un sens pratique qui nous a inspirés. Par exemple, lorsque le Grand Conseil vote un crédit pour la construction d'un bâtiment, la commission qui examine cela n'est pas saisie pour se prononcer sur ce qui se retrouve à l'intérieur de ce bâtiment, que ce soit du mobilier ou de l'équipement informatique. Il nous est dès lors apparu plus rationnel de regrouper cet examen pour avoir une vision complète des coûts - une vision globale.
En plus, la commission des travaux a demandé à avoir systématiquement, en annexe des projets de lois d'investissements, des préavis techniques du centre des technologies de l'information, en plus des préavis financiers. Donc, la commission des travaux, concrètement, demande déjà quel va être l'impact de l'informatique pour ces bâtiments. Toutefois, cet impact-là n'est pas du tout suivi par la commission qui reprendra les investissements mobiliers.
Certaines et certains arguent que la commission des finances traite spécifiquement de l'organisation de l'Etat - prérogative que la commission des travaux n'a pas - et que la commission des finances serait donc plus à même de traiter des investissements mobiliers ou informatiques. Cet argument nous paraît infondé. En effet, aujourd'hui, quasiment tous les projets de lois déposés impliquent soit une augmentation des coûts, soit une rationalisation des activités: par exemple, en regroupant des services, en améliorant l'efficience ou encore en améliorant les traitements d'une problématique. En soumettant à la commission des travaux des projets comme le déménagement de l'office cantonal de la population, point inscrit à son ordre du jour, la commission des travaux, de fait, s'occupe de tout cela, examinant les opportunités des crédits.
Concernant la problématique de la loi budgétaire annuelle, qui est une réelle problématique soulevée par le rapporteur de minorité, il est vrai que cette LBA échappe en grande partie au Grand Conseil. Nous constatons, à la lecture des rapports issus des travaux de la commission, qu'une réponse est apportée à cette question: le Conseil d'Etat est saisi du problème, il apportera une modification de la LGAF prochainement. C'est ce qui a été écrit, il me semble que cela figure aussi dans votre rapport de minorité, Monsieur Jornot. Donc, la problématique de la LBA est aujourd'hui traitée.
Deuxième chose, sur la problématique des budgets «grands travaux» et de la loi budgétaire annuelle: regardez comment fonctionne la commission des finances ! Elle prend un après-midi et traite de tout cela, de tout le département, entre trois et cinq heures. Expliquez-moi comment on peut durant ce laps de temps faire le tour de tous les investissements sérieusement, en ayant vu tous les points. La commission des travaux, elle, ne siège pas cinq ou sept heures par semaine. Elle siège deux heures par semaine, mais elle a largement le temps d'examiner tout cela et de faire un rapport - peut-être à la commission des finances... (Brouhaha.) ...peut-être faudrait-il passer par ce biais-là ? Il faut en tout cas prendre le temps d'examiner tout cela, dans les fondements et non pas en surface en rajoutant simplement éventuellement des coupes linéaires de 10% ou de 5%. Parce qu'effectivement, de temps en temps, la commission des finances, ce sont des marchands de tapis qui discutent: «Ah, ben non, moi je t'enlève 1%. -Et moi, 2% ! -Et toi, 10% !». Pour éviter tout cela et pour qu'un travail soit fait un peu plus en profondeur sur ce sujet-là - je ne parle évidemment pas de toutes les prérogatives de la commission des finances - pourquoi ne pas passer par la commission des travaux, qui donnerait un préavis à la commission des finances ?
De façon plus générale, la commission des travaux doit également poursuivre sa réflexion sur son fonctionnement. Il est évident que le travail de la commission des travaux doit être rationalisé. Les députés doivent pouvoir suivre les projets le plus tôt possible pour, par exemple, traiter de l'opportunité d'un crédit, avant de le recevoir tout ficelé, une fois que le concours d'architecture a eu lieu. La commission réfléchit et travaille à tout cela depuis le début de la législature, mais, pour le groupe des Verts, cela ne remet pas en cause ce projet de loi.
C'est pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les députés, que nous vous enjoignons de voter un projet de loi simple et pragmatique. Votez le projet de loi tel qu'issu de la commission des travaux ! (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien a décidé de laisser la liberté de vote à ses membres sur cet objet . En ce qui me concerne, ainsi que mon excellente collègue Mme Hirsch Aellen, nous avons soutenu ce projet de loi en commission parce que nous estimons qu'il est pragmatique et plein de bon sens, comme l'a très bien exposé Mme Morgane Gauthier.
Effectivement, il y a une réalité qui est que la commission des finances a énormément de travail. Elle le fait bien mais, même quand on fait bien son travail, même en siégeant 5 heures tous les mercredis, voire plus si entente, sans mauvais jeu de mots, on n'arrive pas forcément à s'occuper d'ordres du jour totalement surchargés. Par conséquent, cette commission des investissements, qu'il s'agit de créer en transformant le nom de la commission des travaux, répond uniquement à des motifs pratiques qui ont pour but de désengorger la commission des finances d'une partie de son ordre du jour, de manière à lui donner les moyens de mieux travailler et de confier à la commission des travaux qui serait renommée «commission des investissements» le choix et la prérogative de s'occuper de toute la problématique des investissements. Cela nous paraît être une formule cohérente, une formule qui est empreinte de bon sens, raison pour laquelle Mme Hirsch Aellen et moi vous recommandons de voter cet excellent projet de loi... (Commentaires.) Et puis, bien évidemment, les autres députés feront aussi preuve de bon sens et voteront différemment et nous verrons bien qui gagnera !
M. Jean-Marc Odier (R). Le groupe radical ne partage pas le point de vue qui vient d'être exprimé. Il soutiendra par contre le rapport de minorité et les deux principaux arguments du rapporteur Jornot, qui parle effectivement du problème qu'il y a entre les investissements, les grands travaux et la loi budgétaire annuelle.
J'aimerais dire que ce projet de loi n'apporte aucun avantage au fonctionnement du Grand Conseil. Au contraire, il présente
bien des inconvénients. Je reprends, dans les auditions qui ont été faites par cette commission, les propos du professeur Sciarini, qui disait qu'il ne devait pas y avoir de corrélation entre... (Brouhaha.) ...le département rapporteur et la commission qui traite le projet de loi. En l'occurrence, il n'est pas normal que cette commission soit dans le département de M. Muller; il serait beaucoup plus normal qu'il y ait une commission spécifique du département qui traite sur le fond...
Une voix. C'est ce qu'on propose ! (Commentaires.)
M. Jean-Marc Odier. ...et que la dépense soit ensuite traitée par la commission des finances. (Brouhaha.) Voilà !
Ensuite, je relève encore que le groupe des Verts insiste vraiment pour faire passer ce projet de loi. Je remarque que les auteurs du projet de loi, ce sont les membres du groupe des Verts dans son ensemble. Le rapporteur de la majorité est une députée Verte.
Mme Michèle Künzler. On a de la suite dans les idées !
M. Jean-Marc Odier. La présidente de la commission des travaux et de la - peut-être - future commission des investissements est Verte, chers collègues ! (Brouhaha.) Et à qui sert ce travail ? Au Conseil d'Etat, je crois, puisqu'auparavant le CTI faisait partie du département des finances de M. Hiler. En fonction du changement de département, le CTI est passé dans le département de M. Muller et le Conseil d'Etat pense maintenant qu'il est opportun de faire transférer les investissements informatiques dans un autre département. Mais ce n'est pas parce que le Conseil d'Etat s'organise d'une certaine manière que le Grand Conseil doit le suivre ! Voilà ! (Brouhaha.)
En commission informatique, M. Muller nous a dit que les dépenses générales pour l'informatique avaient augmenté de 25 millions de francs entre 1999 et ces dernières années. Uniquement les dépenses générales ! On ne parle pas des postes et on ne parle pas non plus des amortissements et des intérêts. Or le problème avec les investissements informatiques, ce n'est pas seulement, Madame Gauthier, de voter une enveloppe budgétaire d'investissements, c'est de savoir si le budget de fonctionnement pourra supporter les frais engendrés par ces investissements. Et ça, ce n'est pas la commission des travaux qui l'étudie, c'est la commission des finances qui le fait, pendant sept semaines, département par département.
Donc, le problème se situe bien plus au niveau de l'impact sur le budget de fonctionnement, raison pour laquelle je pense qu'il ne faut pas voter ce projet de loi et j'enjoins aux personnes qui sont peut-être hésitantes de se joindre à mon opinion. (Rires et applaudissements.)
M. Pierre Weiss (L). Je crois qu'il faut aussi rendre hommage aux Verts, qui ont pour habitude d'être favorables à une réforme de l'Etat. Je crois que nombreux sont sur les bancs de ce Grand Conseil les députés qui sont eux aussi favorables à une réforme de l'Etat et du fonctionnement du Grand Conseil en particulier. Il me semble que ce projet de loi part d'une excellente intention ! Il part d'une excellente intention et il aboutit à un résultat qui n'est malheureusement pas à la hauteur. Pourquoi ?
Tout simplement parce que s'il faut réformer le fonctionnement de l'Etat et réformer celui de ce Grand Conseil, il faut que cette réforme se fasse dans une inspiration et dans un souffle global. Malheureusement, ici, ce qui est constaté, c'est que l'on prend les choses par le petit bout de la lorgnette, comme on le disait auparavant. On se concentre uniquement sur la commission des finances et ses rapports avec les investissements en proposant de transférer une de ses compétences à cette commission des investissements. La chose est tellement vraie qu'elle apparaît, lorsque les conséquences financières sont rappelées dans le rapport par son auteur, qui nous dit que le but du présent projet de loi est d'éviter de créer des dépenses supplémentaires, qui ne manqueraient pas de survenir avec le maintien des commissions d'Etat puisque des séances complémentaires pourraient se tenir afin de procéder à la coordination des décisions. Je crois que le but n'est pas suffisamment élevé, n'est pas suffisamment motivant pour réussir à nous convaincre.
En fait, on peut se demander si au lieu du but qui est avoué il n'y a pas un but latent - je ne dis pas un but caché, mais un but latent - qui aurait pour traduction de vouloir procéder à un rééquilibrage du poids des commissions. Je ne dis pas qu'il y a de la jalousie de telle ou telle commission ! Ce sentiment ne saurait exister dans notre Grand Conseil, mais on pourrait le soupçonner et c'est pour éviter que l'on puisse donner raison à ce soupçon qu'il convient de voter contre ce projet de loi.
J'ajoute au passage tous les arguments qui ont été donnés par le rapporteur de minorité contre le découplage du travail que fait d'habitude la commission des finances - notamment son excellente sous-commission des investissements présidée récemment par notre ami Alberto Velasco avec efficacité et compétence - pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, que cette commission ne laisse s'accumuler aucun objet, qu'elle les traite avec célérité, que les décisions sont prises avec conscience des enjeux, que des questions pertinentes sont posées et que les décisions qui sont prises sont prises dans l'intérêt de cette république, avec un esprit critique, bien entendu.
Au fond, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons affaire à un projet de loi qui pour le moment est déconnecté des affaires et de la réalité du fonctionnement de notre Grand Conseil.
C'est la raison pour laquelle je propose que nous votions négativement, c'est en tout cas la position qu'aura le groupe libéral sur ce projet qui aurait mérité mieux, mais pour cela nous aurons à revoir la question du fonctionnement de notre Grand Conseil et de l'état de toutes les commissions. D'autres, d'ailleurs, pourraient le cas échéant elles aussi être redimensionnées ou restructurées.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Le groupe socialiste soutiendra ce projet de loi et les arguments qui sont bien étayés dans le rapport de la majorité.
C'est en effet un peu une anticipation des réformes qui ont commencé à être discutées dans la commission des droits politiques, dans le sens d'un regroupement des commissions. C'est aussi une forme de rationalisation, puisqu'il risque d'entraîner une diminution du nombre de ces commissions. C'est une anticipation de cette réforme et il me semble que certains de la commission des finances qui s'y opposent défendent un pré carré plutôt que de voir les choses plus globalement.
Cela permettrait aussi de soulager la commission des finances, quand on sait qu'elle est surchargée puisqu'elle est bien occupée à étudier le budget et les comptes. Elle s'occupe également des investissements, pour l'instant, ainsi que de projets de lois indépendants. Donc, je crois qu'elle est largement suroccupée et ce projet de loi contribuerait à la désengorger. Cela va aussi dans le sens d'une certaine cohérence puisqu'il y a eu un regroupement et une réorganisation des départements avec la création du DCTI. Il faut tenir compte de cette restructuration à la suite de l'élection du Conseil d'Etat. Pour toutes ces raisons, nous vous disons d'accepter ce projet de loi, qui va dans le bon sens et anticipe simplement les futures réformes actuellement en discussion.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur de minorité. Apparemment, il y en avait dans cette salle qui hésitaient. C'est l'un des enseignements de ce débat. A entendre ceux qui se sont exprimés aujourd'hui, j'ai pour ma part été confirmé dans ma position dubitative, voire franchement négative par rapport à ce projet de loi.
A M. Odier, je voudrais dire que je ne sache pas que le Conseil d'Etat soit favorable à ce projet de loi, lui qui d'habitude prend tant de distance par rapport aux basses questions d'organisation de notre Grand Conseil.
Plus sérieusement, à Mme Gauthier, j'aimerais dire qu'elle a évoqué à un moment donné un système de préavis en proposant que la commission des investissements et la commission des finances travaillent main dans la main, préavisant l'une pour l'autre... J'aimerais bien vous rappeler que cela fait des années que le système des préavis a été abandonné dans ce Grand Conseil. On peut peut-être envisager de le ressusciter, mais en attendant il s'agit simplement - hélas peut-être - de trancher entre deux commissions et non d'imaginer qu'elles pourraient travailler l'une à la suite de l'autre.
Mesdames et Messieurs, nous avons affaire, avec la question de la réorganisation des commissions et avec la question de la réorganisation de tout le travail qui se fait dans les coulisses de ce parlement, à un problème extrêmement sérieux qu'il s'agit de ne pas perturber par ce projet de loi partiel, qui porte sur un aspect extrêmement sectoriel de l'ensemble. Je prends pour ma part l'engagement, si ce projet de loi est rejeté, de reprendre la problématique en commission des droits politiques, dans le cadre de la réorganisation globale des commissions.
Il s'agit, en définitive, de ne pas remplacer une cohérence par une autre ou plutôt de ne pas remplacer une incohérence par une autre. Il ne s'agit pas non plus de faire croire que la commission des travaux serait aujourd'hui une commission croupion. Il s'agit, en définitive, de refuser ce projet de loi.
Le président. Vous avez terminé ? Je vous remercie. Je constate qu'un nouvel intervenant s'est inscrit en la personne de M. Losio à qui j'ai donné la parole avant de la donner au rapporteur de majorité. Car telle est la règle du jeu: on n'intervient normalement plus après les rapporteurs. Donc, si vous avez quelque chose à ajouter, Monsieur Losio, vous pouvez le faire maintenant, sinon ce sera trop tard.
M. Pierre Losio (Ve). Je constate, après avoir écouté mes différents préopinants, qu'une fois de plus, les Verts sont les initiateurs d'une proposition qui mérite réflexion. Mais, bien entendu, ce n'est jamais le moment ! Alors que cette proposition est simplement une proposition de bon sens. Au moment où on voit notamment le département de M. Longchamp - puisque nous l'avons entendu l'autre jour à la commission des finances - essayer de procéder à des désenchevêtrements de subventions, au moment où on essaie de simplifier le travail, je ne vois pas pourquoi la commission des finances serait appelée à se prononcer sur un crédit d'étude, qu'ensuite ce crédit retourne à la commission des travaux et qu'en fin de compte ce soit de nouveau la commission des finances qui fasse le bouclement. Je ne comprends pas très bien cette mécanique qui consiste à compliquer les choses.
Pourquoi est-ce que la commission des travaux n'aurait pas dans sa sagesse et dans son ardeur au travail la compétence d'évaluer quels seraient les coûts de fonctionnement de tel ou tel investissement ? Pourquoi cette commission n'aurait-elle pas cette capacité de faire ce travail qui devrait être de manière régalienne confié à la commission des finances ? Je ne comprends pas cette vision un peu étriquée de cette commission des finances super partes, qui aurait à décider de tout alors que la commission des travaux pourrait très bien se prononcer sur les bouclements - puisque ce sont ses membres qui ont voté les investissements - et sur les investissements et encore prendre en compte les «dégâts collatéraux» qui pourraient survenir en matière de fonctionnement. Je ne comprends pas qu'on puisse concevoir que des collègues de la commission des travaux n'aient pas cette capacité d'apprécier les coûts induits en matière de fonctionnement.
Il me semble simplement que la proposition que nous faisons ce soir est une proposition de bon sens: il n'y a pas d'à priori par rapport à telle ou telle commission. Nous considérons que la commission des travaux a des ressources qui nous permettent d'apprécier et les coûts d'investissements et les coûts de fonctionnement induits. C'est pour cela que, par souci de simplification de notre travail, je vous invite à soutenir ce projet, Mesdames et Messieurs. (Applaudissements.)
Le président. Mesdames et Messieurs, la liste est close. M. Claude Marcet prendra encore la parole avant le rapporteur de majorité.
M. Claude Marcet (UDC). Je crois honnêtement qu'il y a peut-être un petit problème de compréhension pour certains. Il ne faut pas comparer investissement et financement. Il est juste que le financement soit étudié dans une commission de travaux, dès lors qu'effectivement il doit y avoir une compréhension parfaite à ce niveau-là de l'entier des travaux et des financements. Il serait par contre totalement inenvisageable que l'on distraie d'une commission des finances la totalité du contrôle d'une partie de l'activité comptable et financière de l'Etat. Parce qu'après les investissements, on va dire qu'on va faire une commission qui va s'occuper uniquement de l'actif, qu'on va faire une commission qui va s'occuper du passif, ou une commission des charges et une commission des produits. A partir de ce moment on perd la totalité de la vision effective de ce que j'appelle la gestion financière de cet Etat.
Donc, laissons à la commission des finances l'entier du contrôle des investissements, au sens de contrôle et, peut-être, laissons à la commission des travaux les questions de financement lié aux travaux et le contrôle de ce financement. Mais ne scindons pas en deux ce que la commission des finances devra récupérer après si, manifestement, il y a des dérapages au niveau de la commission des travaux.
Donc, je pense qu'à ce niveau-là du rapport nous devons refuser ce projet de loi, quitte à reprendre ultérieurement ce travail pour véritablement définir ce que la commission des travaux peut faire en matière de financement et en rapport avec la commission des finances. Actuellement, c'est prématuré.
Le président. Merci, la parole est finalement à Mme le rapporteur de majorité. Monsieur Marcet, vous avez redemandé la parole, mais sans doute par erreur. De toute façon, la liste était close.
Mme Catherine Baud (Ve), rapporteuse de majorité. J'aimerais d'abord rappeler que ce projet de loi vise la simplicité. Je ne suis pas convaincue en entendant les différentes interventions que nous avons eues, notamment la dernière, que, finalement, ça allait dans ce sens-là.
Bref, je voulais dire que les Verts sont tout à fait d'accord de s'atteler à cette tâche: étudier le nombre, la répartition et les attributions des commissions. Mais il est certain que si l'on peut déjà faire en quelque sorte un genre de ménage et arriver à simplifier les choses avant d'attaquer le fond du problème, ce sera beaucoup plus simple. (Brouhaha.)
Il paraît tout à fait évident que cette sous-commission chargée de l'informatique au sein de la commission des finances fait un travail tout à fait intéressant et tout à fait sérieux, mais je ne vois vraiment pas pourquoi l'informatique serait rattachée aux finances plus qu'un autre aspect technique des investissements de l'Etat. En l'occurrence, il est beaucoup plus logique que les investissements informatiques soient rattachés aux investissements de construction et que cette commission travaille de manière coordonnée et cohérente.
En conséquence, ce projet de loi a le mérite d'être simple et je pense que c'est en commençant petit à petit - par des étapes claires et simples - qu'on pourra arriver ensuite à modifier de manière solide et durable le travail des autres commissions.
Mis aux voix, le projet de loi 9802 est rejeté en premier débat par 46 non contre 34 oui et 6 abstentions.
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, votre agitation au moment du vote et dans la dernière partie du débat montrent deux choses: la première c'est que vous n'êtes pas à votre affaire et la deuxième c'est qu'un débat de 40 minutes sur un sujet aussi segmentaire est un peu trop long et que ce n'était pas nécessaire.