République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 septembre 2006 à 14h
56e législature - 1re année - 11e session - 54e séance
PL 9842-A
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Il s'agit d'un projet de loi qui a été déposé au moment de ce que l'on a appelé «l'affaire de l'Université» Il a été étudié par la commission des droits politiques qui en a très largement partagé les objectifs, car il est clair que les moyens de contrôle et d'audit mis en oeuvre pour s'assurer de la bonne gouvernance de l'Etat et des institutions déconcentrées doivent fonctionner, c'est-à-dire que les rapports d'audit doivent parvenir à leur destinataire, que les rapports de l'ICF doivent non seulement parvenir à leur destinataire mais ensuite être mis en oeuvre. Et ce qui s'est passé dans le cas précis de l'université est apparemment inadmissible.
La commission a procédé à des auditions et elle est parvenue à la conclusion que si les objectifs étaient louables, les moyens proposés par le projet de loi n'étaient en revanche pas adéquats. Il s'agissait de modifier le règlement de notre Grand Conseil, alors que ce qui traite de la surveillance de l'Etat, d'audits et de rapports, c'est la loi sur la surveillance de la gestion administrative et l'évaluation des politiques publiques, la loi D 1 10. C'est la raison pour laquelle la commission a voté à l'unanimité - moins une voix - le rejet de ce projet de loi.
Je saisis l'occasion de préciser que nous avons, au point 38 de notre ordre du jour ordinaire, une motion qui est en quelque sorte la conséquence du rejet en commission de ce projet de loi, signée par des représentants de la plupart des partis, y compris, d'ailleurs, du parti des auteurs du projet de loi dont nous parlons maintenant, et qui vise précisément à demander au Conseil d'Etat de donner un remède musclé aux déficiences en matière de transmission des rapports qui ont été constatées dans l'affaire qui a donné lieu à ce projet de loi.
M. Eric Stauffer (MCG). Le Mouvement Citoyens Genevois a pris très à coeur ce qui est arrivé à l'Université de Genève. C'est tout à fait inadmissible, inconcevable - et il va me manquer des mots - pour justifier qu'un rapport d'audit soit resté coincé entre deux tiroirs pendant quelques années... Et ensuite, le département de l'instruction publique fait son mea culpa... «Mais c'est la faute du recteur»... ou du secrétaire... Enfin, on ne sait plus. Résultat des courses: c'est à nous de légiférer pour que cela ne se produise plus.
J'entends bien mon collègue, M. Jornot, dire que le MCG n'a pas pris le projet de loi par le bon bout, parce qu'il fallait se préoccuper de la loi et non pas de celle portant règlement du Grand Conseil. Cependant, j'aimerais attirer votre attention sur le fait que dans la loi portant règlement du Grand Conseil, la commission de contrôle de gestion est chargée de manière permanente d'examiner et de surveiller la gestion du Conseil d'Etat et l'activité de l'administration centralisée, l'activité de l'administration décentralisée, notamment celle des établissements publics et autres fondations de droit public. La commission contrôle la réforme de l'Etat, elle est en outre saisie de l'intégralité des rapports de l'inspection cantonale des finances, des rapports d'audit. Donc, le projet de loi que nous avons déposé n'est pas du tout incongru dans cette loi-là !
Je conclurai en disant que la commission peut, en vertu de l'article 24 de la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et l'évaluation des politiques publiques, procéder à toutes interventions utiles. La commission de contrôle de gestion a seule qualité pour adresser au Grand Conseil des rapports et des recommandations destinées au Conseil d'Etat; elle peut casser ou modifier directement les prescriptions ou les décisions des autorités, des services et des entités soumises à son contrôle. Vous l'aurez compris, Mesdames et Messieurs les députés, la commission de contrôle de gestion est celle qui détient le plus de pouvoirs dans notre système législatif.
Encore une fois, quand le MCG vient proposer de changer ces articles... Qu'est-ce que le projet de loi du MCG désire ? Il désire que la commission de contrôle de gestion soit, dans les cinq jours, informée de l'ouverture d'une procédure de l'inspection cantonale des finances, d'un rapport d'audit ou d'un rapport de la commission externe d'évaluation des politiques publiques. Et elle doit être aussi informée dans les cinq jours de tout début de rapport d'audit. Pourquoi ? Eh bien, dans les différentes auditions qui ont été faites dans cette commission, on nous a reproché, par exemple, qu'il manque un aspect de confidentialité... Mais c'est justement cette confidentialité qui a fait que nous avons été trompés pendant des années ! Et que nous avons découvert le pot aux roses qui a provoqué un scandale absolument inimaginable à Genève.
Alors, je vous demande de ne pas balayer d'un revers de main ce projet de loi, car il est important que nous, pouvoir législatif, la plus haute autorité de ce canton, puissions contraindre le Conseil d'Etat, l'ICF ou toute autre autorité, à fournir immédiatement, sans laisser aucune latitude, tout rapport d'audit, ou tout rapport de contrôle qu'elle serait susceptible d'effectuer.
Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de renvoyer ce projet de loi en commission - afin qu'il puisse être amélioré par nos grandes éminences, puisque nous avons la chance d'avoir de grands avocats dans cet hémicycle. Mais ne balayez pas ce projet de loi, car cela ne serait pas respectueux vis-à-vis de nos électeurs !
M. Claude Jeanneret (MCG). Je ne vais pas revenir sur les propos de M. Stauffer, il a dit l'essentiel de ce que nous pensons. En matière de contrôle de gestion, il faut que la commission puisse faire son travail d'une manière consciencieuse et un tout petit peu professionnelle, car c'est ce qui manque dans certains cas. Nous avons beaucoup de bonne volonté mais, malheureusement, nous n'avons pas toujours beaucoup de professionnalisme. Si une commission de contrôle de gestion est chargée de surveiller la bonne gouvernance des services de l'Etat et qu'elle ne dispose pas de l'information pour agir là où elle le doit, elle ne sert à rien.
Le rapport de l'Université n'est qu'un cas qui a été découvert - on ne connaît pas les autres. C'est peut-être même un hasard qu'il ait été découvert. Il a fallu qu'on se penche sur un cas particulier. Et puis, les rapports de l'ICF nous étant fournis à la commission de contrôle de gestion d'une manière systématique, je pense que cette loi est un complément.
Lorsqu'un audit est demandé dans un service, cela veut dire que le responsable du département ou du service a pris conscience d'un problème ! Alors, la moindre des choses est que la commission de contrôle de gestion, qui est chargée de vérifier la bonne gouvernance, soit, par ce biais, mise au courant du problème et, surtout, d'avoir la certitude que le Conseil d'Etat a souci de résoudre ce problème. Quand on donne comme argument que cela donnerait trop de travail à la commission de contrôle de gestion que de recevoir la communication de tous les audits engagés et de tous les rapports... Je crois sincèrement que c'est à la commission de contrôle de gestion de juger de quels rapports elle veut se doter et de ceux auxquels elle veut s'intéresser ou pas. Mais ce n'est ni au Conseil d'Etat, ni à un service, de définir s'il veut ou pas transmettre le rapport.
Pour ces mêmes raisons, je vous demande simplement la même conclusion que M. Stauffer, c'est-à-dire de renvoyer ce projet de loi en commission, pour qu'il soit amélioré dans sa procédure. Mais, je vous en prie, ne supprimez pas ce moyen de travail, qui est indispensable à la commission de contrôle de gestion.
M. Gilbert Catelain (UDC). Nous sommes effectivement dans les extraits, mais le projet de loi qui est soumis par le MCG mérite qu'on en parle, puisqu'il est dans l'intérêt de ce Grand Conseil de se doter des moyens pour exercer ses prérogatives et que la proposition faite par le MCG part - au moins dans ce cas - d'une bonne intention. Elle veut permettre à ce Grand Conseil de se pourvoir de moyens qui permettent l'investigation. Mais, je suis d'accord avec une partie des éléments du rapport de majorité pour dire qu'on n'a pas utilisé forcément les bons outils.
Sur cette demande de renvoi en commission, je relève, et je le regrette - ce n'est pas une critique, mais je le regrette - que j'aurais bien aimé avoir un rapport de minorité, simplement par souci d'objectivité, pour me forger une autre opinion que celle présentée par le rapport de majorité. Je déplore donc qu'il n'y ait pas de rapport de minorité.
Cela étant dit, je ne pense pas qu'il faille renvoyer un projet de loi en commission à partir du moment où, selon la majorité de la commission, il s'agirait de modifier la LSGAF et non pas la loi portant règlement du Grand Conseil.
En conclusion, avec ce qu'il a appris en commission - puisqu'il y a des éléments qui ressortent des P.V. - il serait préférable que le MCG représente un projet de loi qui tienne compte des observations, qui permette de modifier la bonne loi et qui soit présenté à l'ensemble des groupes afin que les groupes s'y associent, ce qui permettrait d'être beaucoup plus fort et de vraiment démontrer la volonté de ce Grand Conseil d'affronter ces problèmes. J'observe aussi que les observations du département sont correctes. Il me semble prioritaire qu'avant que la commission de contrôle de gestion ne dispose de ces rapports le Conseil d'Etat lui-même soit informé. Puisqu'on a vu que, dans l'affaire de l'Université, c'est le conseiller d'Etat lui-même qui a dû aller chercher les rapports parce qu'il ne les avait pas reçus automatiquement. La première chose serait que le Conseil d'Etat reçoive les rapports et que, dans un deuxième temps, la commission les reçoive, puisqu'on sait que, de toute manière, la commission ne va pas s'en saisir immédiatement. Pour ces motifs, je vous propose de ne pas renvoyer ce projet de loi en commission.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. L'une des problématiques de ce projet, c'est un principe que les avocats - qu'ils soient petits ou grands - connaissent, à savoir que les règles sans sanction n'existent pas. On peut faire un projet de loi pour dire que les rapports doivent être remis obligatoirement dans les cinq jours, ou impérativement remis dans les cinq jours, ou obligatoirement et impérativement remis dans les cinq jours, cela ne changera rien ! Et l'audition du directeur de l'inspection cantonale des finances a été particulièrement éloquente à ce sujet, lui qui nous a dit: «Cessez de mettre des règles et tentez de faire en sorte que celles qui existent soient respectées.»
Je voulais, pour finir, rappeler l'existence de deux institutions, bien que M. Catelain s'en soit partiellement chargé. La première est celle du retrait des extraits qui permet de contester une décision qui ne plaît pas, la deuxième est celle du rapport de minorité qui permet d'exposer sa position. Ni l'une ni l'autre, malheureusement, n'ont été utilisées dans le cas d'espèce.
Je vous recommande encore une fois, Mesdames et Messieurs, de refuser le renvoi en commission, car la commission des droits politiques ne pourra rien faire d'autre que de confirmer sa position initiale et refuser ce projet de loi.
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9842 à la commission des droits politiques et du règlement du Grand Conseil est rejeté par 43 non contre 8 oui et 6 abstentions.
Le président. M. Stauffer demande le vote nominal, est-il soutenu ? Non... il ne l'est pas.
Mis aux voix, le projet de loi 9842 est rejeté en premier débat par 44 non contre 8 oui et 5 abstentions.