République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1682
Proposition de motion de Mmes et MM. Eric Stauffer, Sandra Borgeaud, Maurice Clairet, Thierry Cerutti, Sébastien Brunny, Claude Jeanneret, Henry Rappaz, Roger Golay, Caroline Bartl : Création d'une vraie Task Force de l'emploi

Débat

M. Eric Stauffer (MCG). Je ne peux que regretter, Monsieur le président, de voir les bancs particulièrement désertés, surtout pour un sujet de cette importance ! (Exclamations.) J'ai constaté tout à l'heure que nous étions cinquante-six à voter, ce qui est peu sur cent députés, surtout, je le répète, quand le sujet est important !

Le Mouvement citoyen genevois a voulu élaborer cette motion de manière à ne heurter aucune sensibilité politique. Car, en dehors de faire de la politique, nous essayons de protéger nos chômeurs et de faire en sorte qu'ils retrouvent un emploi au plus vite. Malheureusement, je vous le rappelle, Genève détient le triste record suisse en matière de chômage. Nous avons actuellement dépassé les dix-sept mille chômeurs ! Cette situation n'est pas satisfaisante, pour ne pas dire plus... Avec les Accords bilatéraux I et II - voulus par le peuple - nous avons - il faut bien que vous le compreniez - un pool d'employés potentiels de trois cent cinquante millions d'Européens... C'est beaucoup ! Et cela rend la concurrence de plus en plus vive.

Alors, bien sûr, Genève représente l'Eldorado en matière de salaires, et les Européens peuvent être tentés - ils seraient bien bêtes de ne pas l'être - de venir travailler dans notre canton.

Il y a évidemment un revers de la médaille à cela... Lorsque pour cent postes de travail, pour Genève et la région genevoise, il y avait cent cinquante demandes, aujourd'hui, avec les accords bilatéraux, il y en a mille cinq cents ! Il est certain que, sur ces mille cinq cents demandes, il se trouve des personnes de très grande qualité. C'est la loi des nombres. Des personnes beaucoup plus performantes venant d'horizons plus lointains pourraient ainsi être engagées à la place de personnes qui vivent dans le canton de Genève.

Tout d'abord, cette motion ne va rien coûter à l'Etat. C'est l'une de ses spécificités. Nous avons voulu cela précisément pour ne pas heurter la sensibilité de certains groupes politiques par rapport à l'état des finances genevoises.

Le Mouvement citoyen genevois a fait une analyse très poussée du fonctionnement de l'office cantonal de l'emploi. Nous avons discuté avec bon nombre de fonctionnaires, et nous nous sommes aperçus que la structure que nous proposons dans cette motion existait par le passé et qu'elle a été supprimée. J'y ai même eu recours en tant qu'entrepreneur lorsque je cherchais une employée ou un employé. Je me suis en effet parfois adressé à l'office cantonal de l'emploi en donnant le profil que je recherchais. J'avais alors affaire à un conseiller qui me proposait les candidats correspondant à ce profil. Cela fonctionnait très bien. Ce service a été supprimé, on ne sait pas trop pour quelle raison... Mais peu importe !

Que voulons-nous aujourd'hui par le biais de cette motion ? Nous voulons qu'une personne qui se retrouve au chômage soit prise immédiatement en main par une Task force à l'office cantonal de l'emploi, qui serait chargée, comme les entreprises privées Manpower, Adecco, Randstad, etc., de consulter les annonces d'offres d'emploi parues dans les journaux, de visiter les entreprises en question en tant qu'office cantonal de l'emploi pour leur proposer la candidature de personnes de qualité qui sont au chômage. Tout cela jumelé avec les ARE. Les ARE, pour ceux qui ne le sauraient pas, sont les allocations de retour en emploi. Pour diminuer le chômage, la Confédération paye une partie du salaire des chômeurs en fin de droit qui ont dépassé la quarantaine.

Toutes ces mesures conjuguées doivent permettre de prendre immédiatement en charge les personnes qui se trouvent au chômage et de mettre rapidement leur profil en adéquation avec la demande de tel ou tel employeur du canton qui serait prêt à les engager. Cela éviterait que les chômeurs ne tombent dans l'oubli. Il faut avoir vécu le chômage pour se rendre compte de ce que c'est. Ce n'est pas toujours évident, parce que l'on arrive dans un monde inconnu où on est confronté à toutes sortes de situations inhabituelles. Cette Task Force servirait justement à dynamiser l'ensemble.

Nous avons voulu que cette mesure ne coûte rien pour la raison déjà évoquée. Et cela est possible parce que, au sein même de l'office cantonal de l'emploi, il y a des personnes qui ont les compétences pour accomplir cette tâche et qui seraient tout à fait prêtes à le faire.

Je terminerai, Monsieur le président, en disant qu'en date du 6 janvier de cette année, je me suis fendu d'un courrier assez explicite à M. le conseiller d'Etat par rapport à l'analyse très poussée que nous avions réalisée à l'office cantonal de l'emploi. M. le conseiller d'Etat Longchamp y a été très sensible, et m'a du reste félicité pour cette analyse très approfondie... (Exclamations et applaudissements.) Et, quelques semaines après, j'ai eu l'agréable surprise de lire dans la «Tribune de Genève»: que M. le conseiller d'Etat entendait procéder à des réformes importantes au sein de l'office cantonal de l'emploi. Et il a dit, en début de séance, qu'il ferait une conférence de presse en date du 3 octobre pour annoncer les changements apportés au sein de l'office cantonal de l'emploi.

Tout cela pour vous dire que cette motion ne va certainement pas à l'encontre de la volonté du conseiller d'Etat ici présent. Elle propose une mesure qui améliorerait et dynamiserait l'office cantonal de l'emploi pour faire en sorte que nos chômeurs, qui se trouvent confrontés à une concurrence absolument effrénée - due, comme je vous l'expliquais, aux Accords bilatéraux I et II - puissent retrouver un emploi dans les meilleurs délais.

Le président. J'ajoute mes félicitations à celles du Conseil d'Etat ! (Rires.) Sont inscrits: Mme Sandra Borgeaud, M. Gabriel Barrillier, Mme Laurence Fehlmann Rielle, M. François Gillet, M. Antonio Hodgers, M. Pierre Weiss, M. Gilbert Catelain, M. Eric Stauffer - qui s'imagine qu'il a déjà quelque chose à ajouter à ce qu'il vient de nous dire et qui n'avait pourtant pas complètement épuisé son temps de parole, puisqu'il lui restait quinze secondes quand il s'est arrêté -... (Rires.) ...et, enfin, M. François Longchamp. La liste est close.

Mme Sandra Borgeaud (MCG). Le MCG a déposé la motion 1682 en date du 6 avril de cette année. Plusieurs semaines après, nous avons appris la volonté du conseiller d'Etat, M. Longchamp, de déposer un projet au début de cet automne. Nous en sommes évidemment ravis.

Notre idée était de démontrer clairement que les ETC, c'est-à-dire les emplois temporaires cantonaux, ne fonctionnent malheureusement absolument plus aujourd'hui à Genève. Ils sont une porte ouverte au retour au chômage, car ils ouvrent un nouveau délai-cadre aux personnes à qui l'on offre un tel emploi.

Il faut bien constater en effet que cette mesure concerne les personnes de plus de 50 ans, et - vous le savez tous ici - les personnes de cet âge ont énormément de mal à retrouver du travail.

Mais il y a plus. Il y a encore quelques mois, voire un an, il y avait deux types de contrats: le A et le B. Une séance d'information avait lieu à l'OCE à Carouge pour les personnes concernées. Celles-là n'avaient pas d'autre choix que de signer l'un ou l'autre de ces contrats temporaires, quasiment sous la contrainte. Le premier contrat stipulait que si l'OCE leur retrouvait un emploi, elles seraient payées pendant une durée de douze mois. Malheureusement, comme il n'y a pas assez de place pour tout le monde, les autres personnes devaient se rabattre sur la solution B. Ainsi, elles ne travaillaient pas pendant douze mois, mais elles n'étaient pas payées non plus. Pour finir, elles se retrouvaient à l'Hospice général, car elles n'avaient plus droit à un autre emploi.

Le problème dépasse largement celui du chômage. Ces personnes finissent dans l'oubli, à l'Hospice général, dans diverses institutions. Nous sommes tous concernés par le chômage et nous ne devons pas oublier que cela peut arriver à n'importe lequel d'entre nous. Certains d'entre nous ont d'ailleurs vécu cette expérience.

En conclusion, je demande que cette motion soit renvoyée en commission en attendant avec un très grand plaisir le projet qui sera présenté par le conseiller d'Etat. Il ne faut pas rejeter purement et simplement cette motion, d'autant que l'idée de base est bonne et qu'elle nous concerne tous. Cela vaut la peine de travailler ensemble pour essayer de sortir d'affaire les personnes qui ont vraiment besoin de nous. Nous sommes là pour ça !

Le président. Madame la députée, vous demandez le renvoi en commission... Laquelle ?

Mme Sandra Borgeaud. A l'économie, Monsieur le président.

Le président. Très bien, il y aura donc une prise de parole par groupe sur le renvoi en commission, avant de procéder au vote sur cette proposition de renvoi.

Avant de donner la parole à l'orateur suivant, je voudrais saluer la présence parmi nous à la tribune de deux de nos anciens collègues: l'ancien député M. Pierre Marti et l'ancien député, qui fut aussi président de cette assemblée, M. Jean-Claude Cristin. (Applaudissements.)

M. Gabriel Barrillier (R). Le chômage ne nous laisse bien sûr pas indifférents. Je pense que presque tous ou toutes dans cette enceinte sont concernés peu ou prou par cette problématique. Certains, comme votre serviteur et d'autres, siègent dans des commissions tripartites, le Conseil de surveillance du marché de l'emploi, et suivent le traitement du chômage et de l'office cantonal de l'emploi depuis des années.

Plusieurs réformes ont déjà eu lieu, mais on nous annonce en effet maintenant - nous avons déjà reçu un un certain nombre d'indications de la part du chef du département concerné - des modifications qui vont précisément toucher directement non seulement le dispositif général - le Conseil d'Etat nous en dira probablement quelques mots sans déflorer son sujet - mais également le fonctionnement du traitement du chômage, les bourses de l'emploi, etc.

Donc, Mesdames et Messieurs et chers collègues du MCG, je pense que le renvoi en commission de cette motion n'est pas justifié ! De plus, vous proposez, dans l'invite de votre motion, la création - je vais le dire en français - d'un «groupe d'intervention» pour résoudre les problèmes... C'est bien cela ? Mais vous ne nous dites pas comment et ce que devrait faire ce groupe d'intervention ! C'est facile: je peux aussi déposer une motion pour inviter le Conseil d'Etat à créer un groupe d'intervention pour régler les problèmes ! Je trouve cela dommage, car, dans votre motion, vous avez fait une analyse des raisons, notamment dans la fonction publique, mais vous n'avez pas creusé le sujet pour donner des pistes, pour aider le Conseil d'Etat à trouver une solution.

C'est la raison pour laquelle, sans vouloir vous faire injure, le groupe radical refusera le renvoi en commission de cette motion. Il attend le projet de loi qui va être déposé par le gouvernement.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Nous, socialistes, nous partageons largement les préoccupations des motionnaires en ce sens que, effectivement, le chômage est persistant et que les instruments au service de l'emploi ne sont pas assez efficaces à Genève. Nous espérons aussi que la réorganisation de l'office cantonal de l'emploi s'amorcera de façon résolue. Nous savons aussi qu'un nouveau directeur a été nommé et que M. Longchamp est en train de prendre des dispositions pour aller dans ce sens.

J'aimerais néanmoins dire que, s'agissant du taux de chômage actuel, il est vain d'incriminer les Accords bilatéraux comme vous le faites sans cesse ! Rappelez-vous que le taux de chômage était déjà élevé, et cela, depuis un certain nombre d'années, avant les effets de l'entrée en vigueur de ces accords ! Il est donc tout à fait faux de faire systématiquement peser la responsabilité du chômage sur ces accords ou sur les frontaliers !

Il ne nous semble pas forcément adéquat de vouloir créer une Task Force. C'est une mesure qui doit réfléchie dans l'ensemble de la réorganisation que, je le répète, nous voulons de façon déterminée. Des instances réfléchissent déjà aux questions liées à l'emploi, notamment les commissions tripartites ou l'Observatoire de l'emploi. Car il est clair que nous devons prendre rapidement des mesures diversifiées qui soient efficaces. Et nous comptons aussi beaucoup, évidemment, sur la volonté du Conseil d'Etat et, en particulier, du chef du département de la solidarité et de l'emploi.

Quoi qu'il en soit, même si nous ne sommes pas très favorables à la solution proposée qui ne nous paraît pas forcément adéquate, nous pensons que le diagnostic est en partie juste, et nous examinerons donc volontiers cette motion en commission.

M. François Gillet (PDC). Le parti démocrate-chrétien, comme vous le savez et comme il a déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, se préoccupe également du problème du chômage et de l'emploi à Genève.

A l'instar du MCG, nous pensons que c'est un dossier prioritaire. Mais, à l'inverse de ce que M. Stauffer nous a dit en début d'après-midi, nous ne pensons pas que toute initiative dans ce domaine soit forcément bonne à prendre.

Nous nous méfions tout particulièrement des mesures sectorielles et partielles qui pourraient entrer en contradiction avec d'autres. Nous sommes d'avis qu'il faut privilégier une révision d'ensemble de la loi sur le chômage. Comme nous l'avons déjà dit plusieurs fois, nous attendons avec impatience de pouvoir discuter des nouvelles propositions du Conseil d'Etat dans ce domaine.

Toutefois, la réflexion apparemment approfondie que le MCG a menée sur cette question méritent probablement d'alimenter aussi les travaux de la commission de l'économie, et nous ne nous opposerons donc pas au renvoi en commission de cette motion.

M. Antonio Hodgers (Ve). M. Stauffer a fait un travail tellement approfondi qu'il propose de créer un groupe de travail pour approfondir encore la réflexion au sein du Conseil d'Etat... (Réactions.)

Je me demande, Monsieur Stauffer, si le meilleur moyen pour accélérer le travail de l'administration - car votre diagnostic est juste - consiste à créer un groupe supplémentaire au sein de celle-ci... Non ! Aujourd'hui, ce qui importe, c'est la volonté politique et l'énergie que met le Conseil d'Etat, en l'occurrence, le conseiller d'Etat en charge du département de la solidarité et de l'emploi, à trouver des solutions pour résoudre ce problème, qui est, comme vous l'avez dit, très grave à Genève. Le chômage est une des priorités de cette législature.

Vos réflexions sont bien sûr les bienvenues. Je ne sais pas, comme Mme Fehlmann Rielle, si nous partageons les mêmes postulats de départ sur les causes de ce chômage... Mais, quoi qu'il en soit, l'accélération, par l'office cantonal de l'emploi, des procédures et des mécanismes permettant un retour à l'emploi le plus rapide possible est évidemment une démarche défendue par notre parti, comme par la plupart des partis dans cette enceinte.

Par conséquent, pour notre part, nous attendons aussi impatiemment le 3 octobre, date à laquelle le Conseil d'Etat s'est engagé à présenter aux médias et à ce parlement son projet de loi de réforme de la loi sur le chômage. Sur la base de ce projet gouvernemental, nous formulerons - tout comme vous, j'imagine - des critiques constructives pour arriver à une solution efficace pour ce canton.

Maintenant, faut-il renvoyer en commission cette motion, dont la seule invite propose de créer sans délai une Task Force emploi ? Je n'en vois pas vraiment la nécessité, parce que cette invite - c'est de cela que nous parlons, Monsieur Stauffer - n'apportera rien de constructif aux travaux de la commission. Par contre, toutes vos réflexions, qui, semble-t-il, sont très approfondies et intéressantes, pourront, elles, bien sûr, faire l'objet de discussions par le biais de vos représentants en commission de l'économie. Nous ne sommes par conséquent pas très favorables au renvoi de cette motion en commission.

M. Pierre Weiss (L). Le problème du chômage à Genève nous concerne tous. Nous avons chacun à notre façon essayé d'y apporter des solutions. Certaines d'entre elles n'ont pas encore été retenues par le peuple. D'autres nous ont été imposées par la Confédération. Sous peu, le Conseil d'Etat nous proposera sa propre solution.

Avec cette toile de fond, la proposition de motion du groupe MCG ne peut évidemment rencontrer qu'un accueil favorable, en ce sens qu'elle traite d'un problème, justement, au sujet duquel nous sommes réunis.

J'aimerais ajouter, à titre personnel, que l'on peut être ému par les accents de Mme Borgeaud... Lorsqu'elle a pris position, on sentait qu'elle parlait d'un sujet, contrairement à certains de nous, qu'elle connaissait.

Quoi qu'il en soit, deux points nous empêchent de voter en faveur du renvoi en commission de cette motion. Le premier est le celui-ci: Monsieur Stauffer, vous qui êtes, avec d'autres, des partisans de l'emploi obligatoire de la langue française, vous auriez dû utiliser un autre titre pour votre motion, d'autant qu'il existe une traduction officielle, à savoir «force de circonstance». C'est ainsi, en tout cas, que «Le Temps» appelle une Task Force. Vous auriez pu vous rendre compte que cela aurait été plus adéquat. Et cela aurait convenu à ceux qui voulaient imposer l'utilisation du français dans ce parlement. Au passage, d'ailleurs, la traduction libre qu'en a fait M. Barrillier «groupe d'intervention» allait dans la bonne direction, mais n'était pas exacte...

Le deuxième point porte sur le fond de la motion qui se limite à la proposition de créer une «force de circonstance». Nous avons tous compris, et M. Hodgers vient de nous le répéter, que cette «force de circonstance» existe à l'office cantonal de l'emploi. Elle demande simplement à être mobilisée. C'est à cela que s'emploiera, je ne peux en douter, le conseiller d'Etat chargé du département, M. Longchamp.

En d'autres termes, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur le président, je propose que nous refusions le renvoi en commission de cette motion et que nous appelions chacun d'entre nous à chérir la langue française de la façon qu'il convient.

M. Gilbert Catelain (UDC). La motion proposée par le groupe MCG part effectivement d'un bon sentiment. Nous connaissons dans ce canton un taux de chômage largement supérieur à celui des cantons voisins et même à celui des départements de France voisine.

Elle se justifie sur un point. Je fais référence au rapport de gestion du Conseil d'Etat, page 215, dans lequel l'office cantonal de la population dit la chose suivante. D'une part, que le marché du travail est florissant et que l'OCP a besoin de moins de moyens pour traiter des dossiers, car les permis sont maintenant délivrés pour cinq ans, mais que, par contre, et je cite: «quelle que soit la conjoncture, accroissement vraisemblable des nouvelles demandes découlant de l'effet d'ouverture des frontières (cf. augmentation de 17 221 frontaliers depuis le 1er juin 2002, dont 11 001, depuis l'entrée en vigueur de la seconde phase des Accords bilatéraux le 1er juin 2004); multiplication des permis de courte durée L, pour compenser l'insuffisance des contingents prévus pour les permis B.» Fin de citation.

Il ne s'agit pas de dire que le chômage est dû aux frontaliers. Il s'agit simplement de dire que le marché de l'emploi à Genève est dynamique mais que, pour différentes raisons, la population de notre canton refuse des emplois qui sont immédiatement pris par d'autres, puisque la nature a toujours horreur du vide...

Nous avions proposé, lorsque ce parlement a débattu de la loi sur le chômage qui a été soumise au peuple, que l'on informe les chômeurs de l'évolution des conditions-cadre dans ce canton, de l'environnement législatif et, justement, de l'effet de l'ouverture des frontières, qui incite effectivement certaines personnes dont le revenu est moindre à venir chercher l'Eldorado qu'elles trouvent encore dans ce canton, puisque le niveau des salaires y est généralement plus élevé qu'ailleurs. Cette proposition avait été refusée...

La situation genevoise est parasitée par un filet social particulièrement généreux, qui plombe toutes les initiatives, y compris celle qui nous est proposée ce soir, à savoir celle du Mouvement citoyen genevois.

L'office cantonal de la population est actuellement en cours de réorganisation. Le Conseil d'Etat a pris un certain nombre de mesures précisément pour dynamiser les objectifs et les résultats de cet office. Il faut donc lui laisser la chance de mettre en oeuvre cette réorganisation et le temps d'en mesurer les résultats. Je relève, par ailleurs, que le Conseil d'Etat s'est associé les services d'une entreprise privée, qui permettra aussi de mieux diriger les chômeurs sur les emplois. Il n'est à ce titre pas nécessaire de créer une nouvelle structure.

D'autant que la proposition de motion qui nous est présentée ne dit pas quels moyens elle entend engager pour mettre en oeuvre cette Task Force, puisqu'il s'agit - si j'ai bien compris le texte de la motion - d'être «...sur le terrain de manière continue et à l'affût de toute nouvelle situation.», ce qui implique tout de même un certain nombre de collaborateurs. Or, il me semble difficile de demander aux collaborateurs actuels de l'Office cantonal de l'emploi de remplir ce type de mission. Il s'agit aussi «d'intensifier de manière conséquente le travail déjà effectué par les conseillers ARE et les conseillers "Contact entreprise"...».

Cette motion prévoit également un bilan, mais sans préciser quand il sera effectué. Il est écrit: «Après une période déterminée, un bilan sera fait...». Qu'entend-on par «période déterminée» ?

Enfin, le Mouvement citoyen genevois a déjà prévu que sa motion rencontrerait un franc succès, puisqu'il a estimé que mille deux cents demandeurs d'emploi par année pourraient retrouver du travail si nous adoptions cette motion, qui ne précise ni les moyens pour la mise en oeuvre ni les coûts financiers...

Effectivement, en matière de chômage, il ne faut pas forcément trop compter. Mais je rappelle tout de même que les moyens financiers sont alloués par la Confédération et non par le canton de Genève; que les employés de l'office cantonal de l'emploi sont payés par la Confédération et non par le canton de Genève ! Il faudrait donc, pour mettre en oeuvre cette motion, dégager des moyens financiers cantonaux, puisque la Confédération n'a aucune obligation légale de financer ce type de structure.

Suite aux motifs que je viens d'évoquer, Mesdames et Messieurs les députés, j'arrive à la conclusion que nous avons trouvé en notre sein la perle rare qui va nous permettre de résorber le chômage à Genève... Je propose simplement au conseiller d'Etat Longchamp d'engager M. Stauffer comme directeur de l'office cantonal de l'emploi ! (Rires.) Cela nous éviterait de renvoyer cette motion en commission ! (Commentaires.)

M. Eric Stauffer (MCG). Je vais essayer d'être bref... Je ne peux être que désolé d'entendre de tels propos sur un sujet aussi important ! Mais, quel que soit le sort que vous réserverez à cette motion, je vous le dis en face: nous n'aurons de cesse de lutter pour les chômeurs, afin qu'ils retrouvent un emploi au plus vite !

Vous pouvez critiquer la motion du MCG, qui ne coûte rien à l'Etat et dont le but est de dynamiser un service. Apparemment, vous ne savez faire que cela ! Je n'ai en effet pas vu beaucoup de textes parlementaires proposés par d'autres groupes pour essayer d'endiguer le chômage ! Le MCG aura au moins eu le mérite d'en proposer un ! (Exclamations.)

Monsieur le président, j'aimerais maintenant répondre à certains propos qui ont été tenus ici.

M. Hodgers a dit que le conseiller d'Etat ferait ce qu'il faut pour résorber le chômage... Je voudrais que vous lui rappeliez que le Conseil d'Etat est l'exécutif du législatif que nous représentons tous ici !

Ensuite, M. Weiss a dit que ce n'était pas une bonne idée... Je ne comprends pas, Monsieur le président, comment on peut arriver à dire aux électeurs, à ces dix-sept mille chômeurs, que l'on va refuser cette motion parce que figure Task Force dans son titre au lieu de «force d'intervention» ! Je suis désolé, Monsieur Weiss - vous savez que j'ai de la sympathie pour vous (Rires et exclamations.) - mais je trouve cela irrespectueux vis-à-vis de ces dix-sept mille chômeurs !

Par ailleurs, M. Catelain nous dit que le marché de l'emploi est florissant... C'est vrai ! Il a raison, mais il n'a pas écouté le début de mon intervention... Je notais que, jusqu'ici, pour cent postes de travail sur le marché, il y avait cent cinquante demandeurs d'emploi, et que, depuis l'ouverture des frontières, il y en avait mille cinq cents ! Ce qui fait - c'est la loi des nombres - que les personnes embauchées sont beaucoup plus compétentes. Cette motion voulait essayer de parer la concurrence qui en découle en dynamisant, précisément, l'office cantonal de l'emploi.

M. Catelain dit encore que nous ne donnons pas les voies à suivre au Conseil d'Etat... Je n'aurais pas l'outrecuidance, Monsieur le président, de relire le texte de cette motion, mais admettez qu'il en est fait mention. Nous avons même été jusqu'à préciser qu'il faudrait remplacer le matériel informatique par du matériel plus performant.

Enfin, M. Catelain dit encore que les chômeurs genevois ne veulent pas travailler... C'est les insulter ! (Commentaire.) Ce sont vos propos: c'est exactement ce que vous avez dit ! Vous insultez dix-sept mille personnes à Genève qui sont dans la souffrance et qui n'ont pas la chance de travailler dans une administration fédérale ! J'invite les chômeurs à se manifester dans la rue, pour exprimer à l'UDC qu'au contraire ils veulent travailler ! Je le répète, Monsieur Catelain, vos propos sont irrespectueux ! (Applaudissements.)

Le président. Monsieur Catelain, vous considérez avoir été mis en cause: je vous donne la parole.

M. Gilbert Catelain (UDC). Je serai très bref, Monsieur le président... Je n'ai jamais prétendu que les chômeurs ne voulaient pas travailler ! J'ai simplement fait remarquer qu'ils n'étaient pas forcément prêts à changer de voie ! Je ne l'avais pas dit, d'ailleurs, mais je le dis maintenant... (Exclamations.)

Je vais vous donner un exemple. Hier, j'ai procédé à des entretiens de recrutement pour une dizaine de candidats. Eh bien, la majorité venait d'autres cantons: il n'y avait qu'un seul Genevois. Il y a dix-sept mille chômeurs à Genève, mais - je peux vous le garantir - il n'y avait qu'un seul Genevois ! Je suis d'accord avec M. Stauffer sur un seul point, c'est que l'office cantonal de l'emploi ne dispose peut-être pas de passerelles assez efficaces pour faire correspondre les profils avec les postes offerts. Dans cette administration fédérale, comme vous le dites, quarante postes doivent être repourvus cette année. On comptera le nombre de chômeurs genevois qui se présentent ! Et chaque année, c'est la même chose, Monsieur Stauffer, parce qu'à Genève on ne veut pas faire preuve de mobilité professionnelle !

Le président. Monsieur Catelain, je crois que vous avez eu le temps de vous exprimer sur votre remise en cause !

M. Gilbert Catelain. Mais j'explique pourquoi !

Le président. Non, non ! Monsieur Catelain, je vous retire la parole ! Nous ne sommes pas sur le débat d'ensemble. Nous étions sur le renvoi en commission. Vous avez été mis en cause. Vous avez pu répondre. Cela suffit !

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Je viens ici vous confirmer que le Conseil d'Etat est sensible au problème du chômage. C'est la raison pour laquelle, dans la réorganisation des départements qu'il a opérée après son entrée en fonction, il a précisément voulu donner des moyens supplémentaires pour résorber le chômage. C'est pourquoi il a déclaré dans le discours de Saint-Pierre que ses deux priorités essentielles pour cette législature étaient le redressement des finances et la lutte contre le chômage, qui est aujourd'hui le problème numéro un.

C'est la raison pour laquelle depuis plusieurs semaines, depuis plusieurs mois, et avant même le dépôt de cette motion, le Conseil d'Etat s'emploie, avec les partenaires sociaux, avec les différentes personnes qui sont impliquées dans la lutte contre le chômage, à élaborer un certain nombre de solutions qui seront présentées le 3 octobre, c'est-à-dire dans dix jours, à la fois à la presse, à votre parlement et au Conseil de surveillance du marché de l'emploi.

Je viens vous confirmer, donc, notre intention de changer certaines règles pour rendre l'office cantonal de l'emploi plus performant. Un nouveau directeur a été nommé. Comme vous le savez, il n'y en avait pas lorsque je suis arrivé, car le précédent directeur avait démissionné. Ce nouveau directeur, avec ses équipes, s'emploie à réformer l'office cantonal de l'emploi, mais nous devrons examiner un certain nombre des règles cantonales qui s'appliquent à son fonctionnement. Nous ne pouvons rien faire au niveau des règles fédérales qui s'appliquent à lui, mais nous pouvons agir au niveau cantonal. Notamment au niveau du montant que nous mettons à disposition pour ces programmes, qui est important - près de 100 millions - et que nous pourrions peut-être utiliser de façon plus intensive, plus efficace, j'en suis certain.

Et puis, nous voulons aussi imprimer une nouvelle volonté, et nous vous en présenterons le résultat, comme le Conseil d'Etat s'y était engagé lors du discours de Saint-Pierre, à la présente rentrée, c'est-à-dire le 3 octobre. Vous aurez toutes et tous l'occasion de vous rendre compte de l'état d'esprit dans lequel nous entendons travailler, de la nouvelle volonté que nous entendons imprimer et, surtout, de discuter, puisque ces propositions nécessiteront bien sûr des changements de lois.

En attendant, Monsieur Stauffer, cette proposition de motion est certes très intéressante, mais je doute qu'elle change quoi que ce soit à notre volonté. Vous m'aviez effectivement fait part de vos propositions oralement. Vous m'aviez d'ailleurs confirmé que vous étiez à disposition, éventuellement, pour mettre ces propositions à exécution. Je vous avais indiqué que je comptais repourvoir l'office cantonal de l'emploi d'un directeur et faire en sorte que l'administration puisse fonctionner plus efficacement dans son corps actuel, sans inventer de nouvelles structures qui viendraient encore complexifier son travail.

Je vous invite donc, au nom du Conseil d'Etat, à rejeter cette motion.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1682 à la commission de l'économie est rejeté par 38 non contre 32 oui et 2 abstentions.

Mise aux voix, la proposition de motion 1682 est rejetée par 46 non contre 14 oui et 13 abstentions.