République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 septembre 2006 à 14h30
56e législature - 1re année - 11e session - 51e séance
PL 9836-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
Mme Mariane Grobet-Wellner (S), rapporteuse. En résumé, les comptes 2005 présentent un déficit de 433,6 millions de francs alors que le budget prévoyait 293 millions de francs. Je rappelle juste que les raisons de ce dépassement de déficit sont d'une part le refus par la population de certaines propositions du Conseil d'Etat et, d'autre part, une importante augmentation des dépenses sociales. Le refus des lois par la population aboutit à une aggravation du déficit de l'ordre de 100 millions de francs.
Pour la Fondation de valorisation, il y a un excédent de revenu de 57,3 millions dans les comptes, qui améliore le résultat d'autant. Il s'agit d'une dissolution de provisions alors que le budget prévoyait un montant identique de dépenses et de revenus.
Les investissements nets sont inférieurs de 12%, ce qui correspond à 45,5 millions de moins qu'au budget, et ils totalisent 333,9 millions. Enfin, le découvert à amortir, qui est augmenté de l'excédent de charges dans les comptes 2005, totalise un peu plus que 7 milliards de francs au bilan 2005.
M. Pierre Kunz (R). Un ancien conseiller d'Etat genevois avait coutume d'avouer sans fard, à l'époque où il était au pouvoir, il y a quelques lustres, qu'il n'y avait qu'un moment un peu agaçant dans la vie d'un conseiller d'Etat: celui où il convenait de faire coller les réalités financières de l'Etat avec le budget et avec le résultat politiquement désirable. Parce que, disait-il, au moment des comptes, de toute façon, la messe est dite. C'était l'époque où, à cette fin, nos édiles recouraient allégrement aux multiples jongleries et artifices comptables qui ont été mis à jour depuis, notamment grâce à l'ICF. Les comptes 2005 montrent que certaines de ces mauvaises habitudes n'ont pas été, ou n'avaient pas été perdues. C'est le premier constat que font les radicaux à propos de l'exercice 2005.
La deuxième leçon que, par ailleurs, les radicaux tirent de l'analyse des comptes de l'exercice dernier réside dans le gros effort d'assainissement et de transparence effectué par le nouveau Conseil d'Etat. Celui-ci, il faut le reconnaître, s'est donné beaucoup de peine pour établir le résultat objectif de l'année 2005, résultat qui correspond le mieux possible à la réalité.
En troisième lieu, les radicaux font le constat de ce qu'il faut bien appeler le manque de résilience, comme on dit aujourd'hui, la passivité, comme on disait autrefois, de l'ancien Conseil d'Etat lorsqu'il fût confronté après les votations populaires du printemps dernier, quand il apparût à l'évidence que ses hypothèses de recettes ne seraient pas matérialisées. Il n'est pas exagéré d'affirmer aujourd'hui que ce gouvernement ne prit alors aucune mesure volontariste sérieuse pour compenser, ne serait-ce que partiellement, les conséquences de sa légèreté, qui avait consisté à planifier des recettes illusoires. Mme Grobet-Wellner nous a bien montré que cette absence de réaction était une réalité.
Mesdames et Messieurs, c'est en partant de ces trois constats que les radicaux ont pris leur décision concernant les comptes 2005. C'est oui à l'adoption des projets de lois 9836, 9837 et 9838, parce que, manifestement, les chiffres, pour déplorables qu'ils soient, sont corrects, mais c'est non à l'approbation de la gestion du Conseil d'Etat pour 2005.
M. Alberto Velasco (S). Comme la rapportrice l'a relevé, ces comptes présentent un déficit de 140 millions par rapport au budget qui nous avait été présenté. Je tiens à souligner que notre groupe avait, à l'époque, remarqué la virtualité de ce budget qui contenait des éléments devant passer devant le peuple.
L'attitude qui consiste à tracer une ligne droite avec des points et à croire que les événements vont suivre cette ligne doit, à mon avis, être éliminée. Cela d'autant plus que l'on préjuge d'un vote du peuple en faisant pression sur lui. C'est une espèce de chantage: si vous ne votez pas ces nouvelles recettes ou ces coupes sociales, vous porterez la responsabilité du déficit de la dette et vous porterez la responsabilité du déséquilibre budgétaire. Mesdames et Messieurs, ceci n'est pas responsable, ce n'est pas admissible. En cela, je dois féliciter le nouveau gouvernement. Effectivement, il s'est engagé dans le nouveau budget à ne pas introduire d'éléments pareils dans les futurs budgets. Nous aurons donc des comptes plus collés à la réalité.
Cependant, Mesdames et Messieurs, à ce stade, je ne peux pas m'empêcher de faire un petit retour en 2003, quand on avait accusé Mme Calmy-Rey de ne pas avoir tenu compte de certains indicateurs économiques qui auraient fait qu'elle aurait dû «bouger» le budget... Deux éminents députés, que je peux citer parce que j'ai un certain respect pour eux, M. Weiss et M. Gautier, s'étaient ouverts dans la presse, avec des propos que je dois dire très peu respectueux pour Mme Calmy-Rey, sur le travail réalisé pendant ces quatre années, en disant qu'ils ne comprenaient pas comment la conseillère d'Etat avait pu tromper les citoyens... Moi, j'ai attendu longtemps que ce côté vertueux de mes collègues s'applique aussi dans le cadre de ce que nous avons vécu ces derniers jours, mais je ne l'ai pas vu. Vous pouvez être très vertueux quand il s'agit des socialistes, mais vous ne l'êtes pas quand il s'agit d'autres conseillers d'Etat, et je dois dire, Monsieur Weiss, que vous n'avez pas beaucoup aidé votre conseillère d'Etat à l'époque... (Commentaires.) Donc, j'attendais de la part de mes collègues un peu plus d'objectivité, mais ce n'est pas venu.
Revenons à la dette. Effectivement, chers collègues, elle est importante. Quoique si l'on fait le rapport de la dette au revenu cantonal, des organismes qu'on ne peut pas entacher de gauchisme donnent des ratios qui, à la limite, nous placeraient dans une norme. Ce qui nous inquiète, nous - et c'est vrai, vous pouvez sourire, Monsieur le conseiller d'Etat, mais c'est la vérité... (L'orateur est interpellé.) ... ce sont les normes européennes en matière d'équilibre financier. Notre groupe pense qu'on doit quand même être attentif, car l'accroissement de la dette, et c'est cela qui devient grave, est trop important et doit nous inquiéter. La question est de savoir comment diminuer cette dette. Cette dette va continuer à s'accroître, malgré les efforts du Conseil d'Etat, malgré les coupes budgétaires et surtout, malgré l'embellie économique.
Par conséquent, je crois, chers collègues, qu'il ne suffit pas de demander le remboursement de la dette, mais qu'il faut trouver des solutions qui ne portent pas atteinte à la situation des classes les plus démunies de la population. A cela, nous, les socialistes, veillerons dans un futur proche. Pour finir, je dois dire que, lors de la dernière présentation en commission des finances, un collègue a attiré notre attention sur le fait que la progression des recettes des personnes morales était ces derniers temps supérieure à celle des revenus des personnes physiques, notamment de certaines classes.
Le président. Il vous faut terminer, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Je vais le faire, il me reste une page, Monsieur. Il remarquait qu'il y avait là une dichotomie intéressante dont les députés doivent s'attacher à découvrir les raisons. Il y a peut-être là un problème de redistribution, Mesdames et Messieurs ! Et sans redistribution équitable, on ne pourra pas réduire la dette. Quant au fonds de péréquation...
Le président. Monsieur le député, je regrette, mais tous les groupes ont le même temps de parole et vous avez dépassé le vôtre.
M. Alberto Velasco. Je ne peux pas dire quelque chose sur le fonds de péréquation ?
Le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, je regrette. Je crois que si tous les groupes respectent la discipline qu'ils se sont imposée, on arrivera mieux à avancer.
M. Alberto Velasco. Je veux juste dire que le fonds de péréquation est injuste et j'espère que M. le conseiller d'Etat s'attachera à ce que la redistribution soit effectuée avec une plus grande justice.
M. Yves Nidegger (UDC). Il est prévu à notre ordre du jour que nous donnions acte au Conseil d'Etat pour une gestion et des comptes qui, lors de leur présentation, avaient été qualifiés par leur auteur lui-même de mauvais, transparents et vertueux. Le groupe UDC n'est d'accord avec aucun de ces trois qualificatifs.
Donner acte au Conseil d'Etat d'une gestion mauvaise n'est pas véritablement le terme à utiliser lorsque l'on assiste à une absence de plan B. Le peuple, encore lui, a refusé de ne pas user de ses droits démocratiques et est venu troubler les plans les mieux engagés et forcer l'Etat, qui n'avait pas prévu d'alternative, à augmenter le déficit déjà prévu. Un déficit de 433 millions, ce n'est pas mauvais: c'est catastrophique. C'est l'oeuvre d'un Conseil d'Etat qui ne gère pas, mais qui additionne simplement les déficits en spectateur. (Commentaires.)
Les comptes ne sont pas non plus transparents. Il y a cet or de la BNS dont on nous avait dit qu'il serait affecté à une réduction ou à une non-augmentation de la dette, ce qui signifie que cette recette extraordinaire aurait dû être comptabilisée comme telle, ce qui a été le cas, mais aussi que l'on aurait dû en tenir compte avant le résultat pour l'affecter à une réserve de désendettement. Que s'est-il passé ? On a utilisé cette manne, certes pour des charges non monétaires, ce qui est plutôt mieux que des charges monétaires qui auraient effectivement augmenté la dette, mais pour des charges quand même, puisqu'il s'agissait de rattraper des amortissements, des provisions et des réserves qui n'avaient pas été faits. Ils auraient dû l'être dans les exercices précédents par ce même Conseil d'Etat qui, à l'époque, masquait donc, par la non-constitution des amortissements, des provisions et des réserves qu'il aurait dû faire, des déficits plus graves encore que ceux qui ont été admis.
Il n'y a rien de transparent à regonfler grâce à la manne de l'or de la BNS, au niveau qui aurait de toute façon dû figurer dans les comptes, les réserves, les provisions et les amortissements. Par ailleurs, cela signifie, si l'on tient compte de l'ensemble des charges monétaires et non monétaires, qu'au fond, sur le fonctionnement de l'exercice, ce n'est pas 433 millions, mais presque 1 milliard de déficit qu'il aurait fallu, par transparence, admettre.
Il n'y a rien de vertueux à une opération qui sert à masquer le passé et qui sert aussi à masquer le futur. Que voit-on advenir de ces réserves, provisions et amortissements ? Dans le budget 2007, on les détruit pour pouvoir diminuer la totalité des charges et on constate que les charges monétaires du budget 2007 prennent l'ascenseur, les subventions explosent, la masse des salaires augmente de 1,5%. Mais, par ces artifices qui consistent à moins amortir ou à détruire des provisions, par le biais de ces charges non monétaires qui, il est vrai, ne touchent pas la dette, dette qu'on aurait dû rembourser par ailleurs, on parvient à faire croire que l'on a atteint l'objectif que l'on s'était soi-même fixé, à savoir pas plus de 1% d'augmentation des charges. Ce n'est pas vertueux, c'est du camouflage.
Par conséquent, l'UDC s'abstiendra sur les comptes, donnera acte au Conseil d'Etat de sa mauvaise gestion et ne l'approuvera évidemment pas.
M. Guy Mettan (PDC). Une fois n'est pas coutume, je fais mienne l'analyse qui a été faite par M. Nidegger sur ces comptes 2005. Effectivement, le parti démocrate chrétien trouve ces comptes absolument navrants. Navrants, parce que l'étendue du déficit est catastrophique: 433 millions de francs de déficit... (L'orateur est interpellé.) Attendez, on en est aux comptes 2005. C'est inacceptable et cela seul suffit à être extrêmement réservés sur ces comptes.
J'aimerais aussi poursuivre le développement concernant l'or de la BNS. M. Nidegger a très bien expliqué que cet or de la BNS a servi au fond à rattraper des amortissements, c'est-à-dire à des manoeuvres dilatoires opérées par les précédents gouvernements depuis le début des années 1990. Cela faisait déjà cinq ou six ans - depuis 1999, je crois - qu'on avait commencé à entreprendre ce type de manoeuvres dilatoires afin de baisser de façon artificielle les charges de l'Etat. Cet or, à quoi aurait-il pu servir ? Il aurait pu servir effectivement au désendettement, c'était une option avec laquelle nous aurions pu être d'accord, mais, surtout, il aurait pu servir à doper les forces vives de ce canton ! Si cet apport extraordinaire de fonds avait été utilisé comme l'ont utilisé les autres cantons, c'est-à-dire pour soutenir la recherche et le développement, pour soutenir l'éducation, nous aurions pu investir dans l'avenir au lieu de rattraper le passé. C'est ce que l'on demande maintenant au niveau fédéral - on voit que toute une partie du gouvernement fédéral, notamment le département de l'économie, cherche à soutenir le développement et la recherche, qui sont les forces vives de la Suisse et du canton de Genève.
Cette manoeuvre, on l'a dit aussi, continue malheureusement avec le budget 2007, et là je dois aussi donner raison à M. Nidegger, puisqu'on voit que pour atteindre l'objectif de 1% de croissance des charges en 2007 il a fallu utiliser de façon artificielle une diminution des charges sous la rubrique «Amortissements». C'est-à-dire que la mauvaise habitude prise en 1999 semble devoir se répéter pour 2007.
En revanche, là où je ne partage pas le point de vue de l'UDC, c'est que nous arrivons aux conclusions inverses, à savoir que ce gouvernement a enfin pris des décisions pour nettoyer le passé, et cela c'est à mettre à son crédit. Ce n'est pas de sa faute si ces 732 millions étaient là ! Déjà en 1999, on les avait inscrits dans le budget. Donc, il faut rendre, au moins, au gouvernement le crédit d'avoir mis de l'ordre dans les comptes.
On a parlé de transparence... Transparence il y a eu. A partir de là, et sachant aussi que les comptes sont du passé, nous ne tombons pas dans les exercices consistant à faire des pirouettes, à dire oui aux comptes, à dire non à la gestion ou à s'abstenir. Nous disons: OK, nous prenons acte de ces comptes; nous les voterons, tant les comptes que la gestion, mais sachez, Mesdames et Messieurs du gouvernement, que nous serons extrêmement vigilants sur le budget 2007, et notamment à la rubrique «Amortissements», dont j'ai parlé.
Le président. Merci, Monsieur le député. Permettez-moi de vous faire remarquer qu'hélas, il n'y a pas de dame au gouvernement.
Une voix. C'est une prophétie !
Mme Morgane Gauthier (Ve). Ouf ! Pourrions-nous dire, Mesdames et Messieurs les députés. Heureusement, cette série de comptes bien éloignés des budgets votés par le parlement se termine aujourd'hui. Après avoir vécu les bidouillages sur le montage du budget 2005, des chiffres qui présupposent des acceptations de projets de lois ainsi qu'une issue favorable - favorable, bien sûr, au Conseil d'Etat - devant le peuple, les Verts se réjouissent que cet exercice fastidieux se termine.
Les comptes sont mauvais et la situation financière de l'Etat est grave. Il serait possible de distribuer les responsabilités de cette situation: l'ancien Conseil d'Etat, mais surtout la majorité, qui a accepté de voter un tel budget tout en connaissant les sous-estimations des coûts de chiffres du chômage et les sous-estimations des problèmes sociaux avec une explosion des coûts et des aides à la personne. Tout cela était largement connu de la majorité qui a voté ce budget.
Toutefois, nous préférons en rester aujourd'hui à l'examen de ce qui est proposé au vote, c'est-à-dire les comptes 2005. Ces comptes font apparaître un point très important, soulevé par mes préopinants: le rattrapage des amortissements. Durant de nombreuses années, les taux d'amortissement ont été délibérément trop faibles, ce qui a obligé l'Etat à les combler d'un coup et non progressivement. C'est ce gouffre que l'or de la BNS a comblé, en lieu et place d'une utilisation que l'un ou l'autre de nos groupes aurait pu souhaiter.
Tout n'est pas totalement noir non plus: nous constatons une gestion efficace et dynamique de la dette et relevons encore la chance que nous avons de vivre dans un canton extrêmement riche. Aujourd'hui, la situation est claire: la cosmétique et le bricolage ne doivent plus primer dans l'objectif de faire voter un budget au déficit acceptable par une majorité. Il nous semble bien plus important de maîtriser la croissance des charges et de se doter d'une méthode de travail fiable pour y parvenir.
Les Verts constatent que le nouveau Conseil d'Etat a pris la mesure de la situation en proposant des plans de mesures et en se comportant à nouveau comme un patron, un vrai patron, avec la fonction publique. Nous saluons ses efforts et tenons à préciser que ce sera bien sur les exercices suivants, à savoir les comptes 2006 et 2007, que nous nous permettrons d'être critiques, si nécessaire, envers le Conseil d'Etat. Ce sera dans sa capacité à mettre en oeuvre ses plans de mesure, à maîtriser les dépenses, à percevoir les impôts et à garder un lien de confiance tant avec le parlement qu'avec la fonction publique.
En conclusion, les Verts voteront les projets de lois tels qu'ils sont issus de la commission des finances, tout en insistant sur l'importance de préserver l'amélioration de la qualité environnementale, sociale et économique de notre canton.
Une voix. Bravo !
M. Pierre Weiss (L). En matière d'oraisons funèbres, Monsieur le président, les meilleures sont les plus courtes et, pour nous permettre de gagner le temps que notre collègue Velasco a utilisé, je me bornerai à quelques remarques extrêmement brèves. La première pour dire qu'effectivement il y a peut-être un seul motif de satisfaction dans les comptes 2005, c'est que les investissements ont été couverts. Pour le reste, 140 millions supplémentaires de déficit, au fond, c'est quelque chose que le Conseil d'Etat accueille avec le sourire, sinon avec l'impuissance de celui qui est ballotté par les événements.
Mon collègue Velasco a été un peu mauvais lecteur de l'excellent rapport de Mme Grobet-Wellner qui, à la page 238, rappelle, concernant la position des libéraux: «Le Conseil d'Etat a manqué de prescience et de courage et est resté dans la force des habitudes». Je ne sais pas ce que j'aurais pu dire de plus pour dire le mal que je pensais de la gestion du Conseil d'Etat précédent.
Quant à M. Nidegger, il se trompe formellement lorsqu'il dit qu'il va refuser le rapport sur la gestion. En fait, il va accepter un rapport qui refuse la gestion. C'est ainsi qu'il convient d'être précis sur les faits.
Au fond, Mesdames et Messieurs les députés, nous avons affaire à un petit canton qui se trouve bien perdu dans un vaste monde et dans une Suisse qui bouge sans prendre en considération ses difficultés; hier, la Banque nationale nous a donné 500 millions; nous les prenons, sans rien dire. Demain, une initiative COSA va nous en ôter 40: le ministre des finances regarde passer les millions qui vont lui couler des mains. Peut-être que demain encore d'autres millions, en moins, vont nous frapper parce que nous allons accepter avec la passivité, voire l'acceptation de certains, des lois concernant les allocations familiales. Les choses vont ainsi... Nous regardons passer le train... D'ailleurs, on ne sait pas si, un jour, nous pourrons regarder passer celui de CEVA. Mais enfin, les choses vont ainsi dans cette république...
Je serai donc entre la réaction négative de M. Nidegger et l'ode digne d'Aragon de Mme Gauthier. Aragon, lui, parlait de Staline et Mme Gauthier parle de M. Hiler. Je ne dirai pas que nous avons affaire, pour le futur, à un Conseil d'Etat qui a repris les choses en mains ou qui laisse catastrophiquement filer les choses. Nous avons simplement affaire à des spectateurs.
M. Claude Jeanneret (MCG). Le groupe MCG prend acte de la présentation des comptes 2005. Techniquement parlant, en référence au rapport de l'inspection cantonale des finances, les comptes sont parfaitement tenus et parfaitement acceptables. Cependant, il nous paraît quand même un petit peu regrettable que, lors de l'ancienne législature, malgré une conjoncture tout à fait excellente pour le canton de Genève, on arrive à des résultats qui ne le sont pas.
Nous n'allons pas épiloguer sur ces comptes. L'histoire est là. Nous en prenons acte, mais, n'ayant pas été acteurs dans cette période, nous nous contenterons de nous abstenir de juger ces comptes.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Nous avons été confrontés à deux types de remarques. Les premières concernent la gestion passée du Conseil d'Etat et, devrions-nous dire, puisque nous sommes face à un déficit structurel, la gestion de ces quinze dernières années.
D'autres remarques concernent des points précis, notamment liés au bouclement des comptes, avec des accusations qui, il faut le dire, sont graves à l'égard du Conseil d'Etat. Elles signifient que les groupes qui les profèrent n'ont aucune confiance en leurs représentants dans le Conseil. Que l'UDC fasse son travail d'opposition, cela me paraît dans l'ordre des choses. Par contre, je pense que certains propos, notamment lorsqu'ils touchent indirectement la personne à qui j'ai succédé, qui n'est pas de mon bord politique, Mme Brunschwig Graf, sont un peu déplacés.
Les amortissements: les amortissements qui ont été repoussés dans le temps, c'est à dire que l'on a diminué le taux d'amortissement, cela a commencé non pas en 1999, mais du temps de M. Vodoz qui n'a strictement rien à se reprocher, puisque ce parlement a voté cette pratique à l'unanimité, si je me le rappelle bien. Le problème est venu lorsqu'il a fallu inscrire dans les comptes, selon les normes actuelles, ce non-amortissement. Nous sommes dans un contexte où peu, voire aucune tendance politique ne peut faire la leçon à l'autre puisque tout le monde, probablement pour des motifs exactement opposés, a accepté de jouer ce jeu. Cela a commencé en 1993.
Il en est de même pour les amortissements concernant les emplois temporaires. A un moment de l'histoire, le Conseil d'Etat et ce parlement ont décidé que les emplois temporaires cantonaux constituaient un investissement. Pourquoi ? Parce qu'à l'époque on a considéré que la crise serait de courte durée. Le fait que les personnes gardent un rapport au travail pouvait alors être considéré comme un investissement en vue d'une reprise rapide. Cela s'est révélé faux, mais moi je veux bien qu'on jette la pierre aux gens qui ont fait ces choix. Il n'empêche qu'avant 1990 Genève n'avait pas connu depuis 1945 de crise d'une durée supérieure à deux ans. Les personnes ont certes réagi avec les réflexes du passé. Le Conseil d'Etat et le parlement ont admis cette manière de faire qui, aujourd'hui, c'est vrai, en termes d'orthodoxie comptable, est pour le moins bizarre. Là encore, je vous renvoie aux mémoriaux de cette époque: qui s'est élevé contre cette pratique ? Quelques individus isolés - vous avez raison, Monsieur Kunz, quelques individus isolés.
Aujourd'hui, il fallait une bonne fois pour toutes régulariser cette situation et c'est la raison pour laquelle l'or de Berne, par décision du Conseil d'Etat et du parlement lors de l'ancienne législature, a été utilisé d'une certaine manière. Cette manière était d'intervenir sur le bilan avec l'or de Berne en passant par les amortissements. Je crois que c'est clair, c'est compréhensible, c'est net ! Cela n'a pas les conséquences que vous avez décrites, Monsieur Mettan, on n'amortissait pas ce reliquat de 720 millions. Le fait de l'avoir amorti globalement en 2005 n'a eu de conséquence ni sur le budget 2006 ni sur le budget 2007, à une exception près: le chômage. Le chômage, lui, était amorti, mais les 720 millions, le grand paquet, n'étaient pas amortis. Il n'y a donc pas de prestidigitation et il en est de même pour les autres recettes extraordinaires, puisque je vous rappelle que beaucoup de millions ont été dissous par rapport à la provision de la Fondation de valorisation. Ils ont complété l'or de Berne pour arriver au bout de ces amortissements extraordinaires et reconstituer aussi d'autres provisions, notamment celles sur les cours des titres de la BCGe que, du point de vue de l'orthodoxie comptable, on pouvait trouver insuffisante.
Le bilan qui résulte de ces opérations n'a pas été critiqué par l'ICF, il est admis comme normal, et c'est la raison pour laquelle on note plutôt de la part de l'ICF une volonté de souligner les efforts faits tout en disant que l'ICF ne sera complètement rassurée, ce qui est aussi le cas du Conseil d'Etat que vous avez sous les yeux, que lorsque nous aurons les normes IPSAS, parce que nous aurons alors un référent qui laisse moins de marge d'interprétation. Tous ces éléments, il fallait je crois les rappeler.
Il faut également rappeler autre chose, puisqu'on parle de prestidigitation. Mme Brunschwig Graf aurait parfaitement pu, en toute orthodoxie comptable, améliorer très singulièrement le résultat 2004 en faisant une dissolution de provisions sur la Fondation de valorisation. On avait déjà assez de ventes pour s'apercevoir que le taux de pertes serait beaucoup moins grand. Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait ? Et pourquoi n'a-t-elle pas non plus répondu en 2004 aux injonctions de l'ICF, lui disant qu'elle avait plus de recettes que ce qui était indiqué parce que le rôle des contribuables l'indique ainsi ? Tout simplement parce que Mme Brunschwig Graf était très en souci par rapport à des réconciliations à opérer dans la comptabilité, qui provenaient en réalité du changement d'informatique et de deux ou trois autres problèmes organisationnels qui l'avaient poussée à garder toute latitude possible pour constituer s'il le fallait les provisions nécessaires.
Au terme de plus d'une année de travaux - M. Walpen me contredira, mais je crois - on est arrivé à la conclusion assez heureuse que, pour l'exercice 2005, toutes ces réconciliations se sont soldées par 47 millions de plus - et non 180, soit dit en passant. Par contre, pour l'exercice 2006, la double inscription dans les livres de l'impôt au barème ordinaire et de l'impôt à la source a des conséquences négatives. Il était donc temps de faire les dissolutions nécessaires. Je salue ici la prudence d'une personne acculée, effectivement attaquée par ses propres troupes, de n'avoir pas utilisé les conseils mêmes de l'inspection cantonale des finances d'améliorer le résultat 2004 par ce biais. Cela, je crois que je le devais à Mme Brunschwig Graf qui ne défend certainement pas le même credo politique que moi, mais dont je supporterais assez mal aujourd'hui qu'on dise qu'elle a «bidouillé» les comptes, pas plus que je ne souhaiterais qu'on le dise pour l'actuel Conseil d'Etat, qui est solidairement responsable des comptes que nous approuvons.
Il y a toujours deux manières de voir. La première manière, c'est ces 430 millions. Nous devons les prendre au sérieux: ils reflètent au moins pour 400 millions le déficit structurel auquel le Conseil d'Etat et vous mêmes, si j'ai bien compris, entendez vous attaquer. Et puis, il y a l'autre partie: 85 millions. Pourquoi personne n'a-t-il prononcé ce chiffre ? C'est globalement l'insuffisance de financements sur l'année 2005. C'est une paille par rapport à tous les exercices antérieurs et il faut savoir lire aussi ce deuxième chiffre.
Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat est décidé à en finir avec le déficit structurel. Mesdames et Messieurs, le Conseil d'Etat a donné déjà hier une bonne partie des informations nécessaires à la compréhension du jeu effectivement comptable sur les provisions. Mesdames et Messieurs, il y a parmi ces informations d'excellentes nouvelles. Deux nouvelles: des dissolutions de la provision pour la Fondation de valorisation sont plus que probables, elles devraient en fin de course ascender au moins à 200 millions. D'autres bonnes nouvelles ont été données et il faut aussi, à un certain moment, cesser de se complaire dans l'autoflagellation et dire: oui, il y a des éléments positifs, appuyons-nous sur ces éléments, venons à bout de ce déficit sans réduire les prestations publiques; essayons de trouver des voies médianes acceptables par le peuple et sortons de ces problèmes, ils ont bien assez duré.
Enfin, Mesdames et Messieurs, je trouve qu'un certain nombre de commentaires sur le Conseil d'Etat spectateur sont déplacés parce que, si l'on commence ce jeu, on va parler des 90 millions de la réforme de la péréquation, défendue par toute une série de personnes avec certainement de bons motifs. Ces personnes ont toutes dans la bouche l'argument qu'il n'en coûterait que 3 millions au Canton de Genève. Bien sûr, on peut se jeter des pierres... La réalité, c'est que des météorites nous menacent et que, dans certaines interventions, on sent que la politicaillerie qui a été le juste complément à certaines insuffisances du Conseil d'Etat pendant la dernière législature continue, hélas, à persister et ne fait pas de bien à notre République.
Mis aux voix, le projet de loi 9836 est adopté en premier débat par 46 oui et 14 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 9837 est adopté en premier débat par 46 oui et 14 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 9838 est adopté en premier débat par 44 oui contre 6 non et 8 abstentions.
Deuxième débat
La loi 9837 est adoptée article par article en deuxième débat.
La loi 9838 est adoptée article par article en deuxième débat.
Le président. Nous passons maintenant à l'examen du compte rendu, c'est-à-dire le livre jaune, qui est examiné en deuxième et troisième débats. Je vous invite à demander la parole à mesure que je nommerai les départements ou services sur lesquels vous souhaiteriez intervenir.
Comptes de fonctionnement
Mis aux voix, les comptes de fonctionnement (chancellerie d'Etat; départements des finances; département de l'instruction publique; département de justice, police et sécurité - pouvoir judiciaire; département de l'aménagement, de l'équipement et du logement; département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie - financements spéciaux; département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures; département de l'action sociale et de la santé; département des affaires militaires) sont adoptés par 37 oui et 9 abstentions.
Comptes d'investissement
Mis aux voix, les comptes d'investissement (chancellerie d'Etat; départements des finances; département de l'instruction publique; département de justice, police et sécurité - pouvoir judiciaire; département de l'aménagement, de l'équipement et du logement; département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie - financements spéciaux; département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures; département de l'action sociale et de la santé; département des affaires militaires) sont adoptés par 34 oui et 10 abstentions.
Mis aux voix, le bilan et ses annexes sont adoptés par 38 oui et 10 abstentions.
M. Alberto Velasco (S). Puisque mon temps a été... pas écourté, mais coupé...
Le président. Vous avez bénéficié d'un prolongement de cinquante-six secondes, Monsieur le député. (Rires.)
M. Alberto Velasco. Je vous remercie, mais je vais quand même utiliser le troisième débat pour finir mon texte... (Commentaires.) Attendez, parce que... (Le téléphone portable de M. Alberto Velasco sonne. Rires.)
Le président. Monsieur le député, j'en déduis que vous avez à faire ailleurs !
M. Alberto Velasco. Oui, mais c'est fini. Ce que je voulais dire, Monsieur le président, c'est que, tout d'abord, le groupe socialiste - et je ne l'ai pas dit précédemment - accepte ces comptes et le projet de loi tels qu'ils sont sortis de la commission des finances.
Mais ce que je voulais ajouter à l'intention du Conseil d'Etat concerne le fonds de péréquation. Nous avons relevé que Genève contribue pour 190 millions à ce fonds de péréquation alors même qu'il y a des cantons qui ne sont pas donneurs, mais receveurs et qui se permettent le luxe de baisser les impôts. Là, il y a un problème. Et j'espère que Genève combattra ce manque d'équité devant la Confédération, parce que cela ne peut pas durer. Notre canton est nargué par les autres ! On dit que nous sommes de mauvais gestionnaires, etc., on nous ponctionne 190 millions et, en plus, les gens qui sont receveurs se permettent le luxe de faire de la concurrence fiscale. Je m'adresse au Conseil d'Etat et j'espère que vous serez, Monsieur le président du Conseil d'Etat, assez sévère et assez direct envers le Conseil fédéral pour que ces questions soient traitées avec plus de justice dans notre pays.
Le président. Monsieur Eric Stauffer, pour achever le temps de parole que n'a pas épuisé votre groupe.
M. Eric Stauffer (MCG). Je vais être bref. Je vais juste revenir sur les propos de mon collègue Alberto Velasco pour dire qu'il a parfaitement raison quand il parle de la péréquation intercantonale. J'aimerais donner comme exemple que, sur l'or de la BNS, à cause de l'indice de Genève, Genève a touché quelque 450 millions et le canton du Valais, par exemple, 1,1 milliard ! Ces disparités sont aujourd'hui, vu la situation financière de Genève, absolument inacceptables.
Je conclurai, Monsieur le président, en parlant aussi de la péréquation transfrontalière... (Brouhaha. Commentaires.) ... puisque nous savons qu'en 2005 il y a eu quelque 382 millions - je n'ai plus le chiffre exact en tête - qui ont été versés à la France sur ces 40% de manne fiscale, par rapport aux travailleurs résidant dans cet Etat. Ce sujet-là a été relevé, notamment avec brio par le ministre des finances David Hiler, et c'est un problème ! Il faut absolument lever le tabou sur ce sujet frontalier, parce que c'est un problème qui touche tous les Genevois.
Une voix. Bravo !
Le président. Il n'y a plus d'inscrits pour des prises de parole. Nous passons maintenant au vote d'ensemble sur le troisième débat... (Remarque.) Le livre jaune, nous l'avons fait, nous passons donc au troisième débat concernant les PL 9837 et PL 9838.
Troisième débat
La loi 9837 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9837 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 43 oui et 10 abstentions.
La loi 9838 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9838 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 45 oui contre 6 non et 6 abstentions.
Le président. Nous devons maintenant nous prononcer sur le PL 9836, en deuxième et troisième débats.
La loi 9836 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9836 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 41 oui contre 6 non et 6 abstentions.
Le président. L'examen des comptes est ainsi terminé. Je vous propose de revenir à l'ordre du jour ordinaire. Nous commençons au point 21, si cela vous convient.