République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1684
Proposition de motion de Mmes et MM. Pierre-Louis Portier, Guy Mettan, Anne-Marie Arx-Vernon von, Véronique Schmied, Béatrice Hirsch-Aellen, Luc Barthassat, Jacques Baudit, Guillaume Barazzone, Mario Cavaleri, Michel Forni, François Gillet, Pascal Pétroz pour favoriser la création d'emplois dans les zones mixtes (IKEA)

Débat

M. Christophe Aumeunier (L). Cette motion demande d'étudier le déclassement de nouvelles zones industrielles mixtes ainsi que l'examen des possibilités de localisations de ces zones, notamment à proximité de l'autoroute.

Les libéraux sont favorables à cette motion pour les raisons suivantes. Il n'y a pas de zones spécifiques pour accueillir les centres commerciaux; il y a une inadéquation de la zone industrielle actuelle avec la tertiarisation des activités économiques et industrielles.

Il manque peut-être une invite à cette motion, relative à la densité de la zone industrielle parce qu'il est vrai que cette question doit être étudiée pour les zones de construction, mais aussi pour les zones industrielles. Cela me paraît important.

Il manque des surfaces pour favoriser l'implantation, le développement et la création d'entreprises et, directement, d'emplois à Genève, nous l'avons tous compris.

Cette motion pose de grands défis quant à l'aménagement du territoire, en particulier autour des axes structurants que sont l'autoroute et la liaison ferroviaire CEVA. Cela va de pair avec le développement du périmètre Praille-Acacias.

Les libéraux sont donc favorables au renvoi au Conseil d'Etat de cette motion.

M. Pascal Pétroz (PDC). Je dois vous dire, Monsieur le président, que je suis très triste ce soir parce que je pensais que vous étiez parfait. Vous ne l'êtes qu'à 99,9% parce que vous n'avez pas donné la parole aux auteurs de cette motion d'entrée de cause comme le règlement l'impose.

Plus sérieusement, Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, le groupe démocrate-chrétien, comme beaucoup d'autres dans cette enceinte, s'est très fortement engagé en vue de la réalisation du projet d'implantation d'Ikea à Vernier. Malheureusement, pour des considérations juridiques que je m'abstiendrai de commenter, ce projet a capoté devant le Tribunal administratif. Il nous faut donc essayer de trouver des solutions pour les défis de demain. M. Aumeunier l'a très bien rappelé, ce que nous souhaitons, c'est qu'il y a ait plus de zones industrielles et commerciales dans le canton de Genève, pour pouvoir accueillir des entreprises, pour avoir plus de recettes fiscales et pour pouvoir à l'avenir faire des budgets un petit peu plus simplement que ces dernières années.

La mixité nous paraît également extrêmement importante, dans la mesure où la zone industrielle d'aujourd'hui n'est pas celle d'il y a 20, 30 ou 40 ans. On constate que dans toute une série de cas, l'exemple d'Ikea est à cet égard frappant, il s'agit plutôt d'activités commerciales qui tendent à se développer dans notre canton et c'est ce que nous souhaitons proposer par l'entremise de cette motion: plus de zones industrielles et commerciales et cette mixité qui nous tient très fortement à coeur.

Je vous remercie par conséquent, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à cette motion en la renvoyant au Conseil d'Etat.

Le président. Je vous trouve très généreux avec votre petit pour mille d'imperfection. La vérité m'oblige à vous dire que vous avez raison mais cela demande un effort de lecture attentive. Pour le débat en général, selon l'article 71 du règlement, «les députés et les conseillers d'Etat parlent dans l'ordre où ils ont demandé la parole». J'aurais donc théoriquement eu raison, mais vous savez bien que la lex specialis derogat generali. Par conséquent, c'est vous qui aviez raison parce qu'au chapitre particulier des motions, il est dit que la proposition de motion est développée par un de ses auteurs, au moment fixé par le Grand Conseil. Donc, j'imagine que l'idée développée à l'article 147 aurait dû me permettre de vous donner la parole en premier. J'y ai manqué mais, heureusement, M. Aumeunier était du même avis que vous, ce qui fait qu'il n'a pas vraiment trahi votre position. Cela étant, merci de m'avoir ensuite rassuré sur les sentiments que vous me portez. Cela me permet de donner, apaisé, la parole à M. Hugues Hiltpold.

M. Hugues Hiltpold (R). Je voudrais rappeler qu'il y a deux ans le groupe démocrate-chrétien avait déposé un projet de loi qui demandait que l'on donne la possibilité de construire du logement en zone industrielle. Les radicaux avaient refusé ce projet de loi et avaient constitué une majorité, partant du principe que, d'une part, les zones industrielles étaient nécessaires et qu'il fallait en avoir sur le canton et que, d'autre part, si on voulait construire des logements dans des zones industrielles, il fallait alors procéder à des déclassements.

Cela étant, le groupe radical avait fait le constat qu'il y avait une incohérence dans le projet puisqu'il permettait la construction en zone industrielle de centres commerciaux ou de zones d'activités dites tertiaires, à savoir des bureaux. En ce sens, l'affectation de ces zones devait être précisée.

S'agissant de la motion, le groupe radical l'accueille favorablement et soutiendra son renvoi au Conseil d'Etat, mais il donne par ailleurs un signal au Conseil d'Etat, demandant à celui-ci de procéder à une actualisation de ces zones industrielles et la création d'une nouvelle zone, une nouvelle zone qui serait une zone d'activités, parce que, si on suit scrupuleusement cette motion, on fera perdurer ce que l'on peut considérer comme une aberration, puisque l'on demande précisément de construire des bureaux en zone industrielle. Vous en conviendrez tous ici, les bureaux et les centres commerciaux ne sont pas des activités typiquement industrielles.

Soutenons ce projet de motion et renvoyons-le au Conseil d'Etat, mais je propose au Conseil d'Etat de déposer un projet de loi pour créer une nouvelle zone d'activité.

Le président. Merci, Monsieur le député. Je salue la présence à la tribune de notre ancien collègue, M. Patrick Schmied. (Applaudissements.)

Mme Michèle Künzler (Ve). La question posée par cette motion est une question importante. Faut-il développer les zones industrielles et y promouvoir des activités mixtes ? La question mérite d'être posée, mais il nous paraît difficile de la soumettre au Conseil d'Etat dans la forme proposée. Ce que vous ignorez ou faites mine d'ignorer, c'est que la loi sur l'aménagement du territoire donne un côté contraignant à la motion, en matière de déclassement ou d'aménagement. C'est-à-dire que la motion demande au Conseil d'Etat de faire un avant-projet conforme au plan directeur. Je pense que la motion va bien au-delà de ce que vous pensez faire réellement.

Il faut approfondir la réflexion. M. Aumeunier l'a signalé, il y a un travail à faire en zone industrielle sur la question de la densité. La question des commerces doit être étudiée de manière distincte. La question des prix doit aussi être reposée. On est tous d'accord que l'accueil dans ces zones, pour un prix très modique, des grandes entreprises du tertiaire n'est pas normal ! Ces zones à prix contrôlés devraient être réservées aux artisans.

Il est nécessaire de mener une réflexion sur les zones industrielles, mais je ne pense pas que la piste proposée par la motion soit la bonne.

D'autre part, on peut aussi se demander s'il faut implanter encore plus de centres commerciaux et détruire la mixité «commerces-habitats» existante en ville. Plus on construira des centres commerciaux en périphérie, moins il y aura de petits commerces en ville, ce qui n'est pas une bonne chose. C'est aussi un élément à prendre en compte.

Pour tous ces motifs, nous étions enclins à refuser cette motion, mais nous sommes d'accord de l'étudier en commission parce que, comme je vous l'ai dit, elle est trop contraignante pour être renvoyée directement au Conseil d'Etat.

Le président. Madame la députée, quelle commission demandez-vous ? (Mme Michèle Künzler répond hors micro.) La commission de l'aménagement.

M. Gilbert Catelain (UDC). La proposition du groupe démocrate-chrétien de favoriser la création d'emplois en zone mixte a un sens. Nous savons que le nombre des terrains qui sont disponibles est quasiment épuisé et le taux d'occupation des zones mixtes est de 97%, sauf erreur. Nous avons un besoin urgent de déclasser un certain nombre de terrains pour accueillir de nouvelles entreprises - respectivement de nouveaux commerces. Nous ne pouvons pas seulement accueillir des nouvelles populations et déclasser des terrains pour y construire du logement, si l'on n'est pas capable, dans le même temps, de permettre l'installation d'entreprises qui fourniront des emplois aux habitants. Les deux aspects sont liés.

L'Etat a tout intérêt à déclasser ces terrains puisqu'il exerce un droit de superficie et que ce droit de superficie engendre des recettes. Déclasser des terrains le long de l'autoroute de contournement est encore la meilleure chose qui puisse être faite, sachant qu'à long terme certains terrains agricoles ne pourront plus être exploités, en raison notamment de la politique du Conseil fédéral qui souhaite engager un nouveau round de négociations dans le domaine des biens agricoles, pour obtenir des accords bilatéraux tendant à créer une union douanière qui condamnerait l'agriculture genevoise - ce que l'on peut regretter.

Pour éviter que cette motion ne s'enlise à la commission de l'aménagement et sachant que le Conseil d'Etat sera suffisamment inspiré pour proposer un projet de loi concret et rassembleur sur cet objet, nous soutenons le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Carole-Anne Kast (S). Quant à la question juridique soulevée par notre collègue Michèle Künzler, nous considérons qu'il y a une ambiguïté qu'il s'agirait de lever. Si on suit les auteurs de la motion, celle-ci devrait pouvoir être interprétée comme une simple demande au Conseil d'Etat de travailler sur un sujet et de préparer un projet à soumettre au parlement. Il me semble que cette interprétation va dans le sens des précédents intervenants. La motion peut donc être considérée comme acceptable en l'état, quant à la forme.

Sur le fond, le parti socialiste soutiendra cette motion; elle soulève des bonnes questions. Peut-être que la proposition est un peu vaste, mais il s'agit d'une invite au Conseil d'Etat: c'est donc à lui de préciser ce qu'il en est. Le parti socialiste soutiendra cette motion parce que le problème de la mixité dans les différentes zones de notre canton - qu'il s'agisse de mixité de logement, de mixité d'emplois, de mixité de zone industrielle - est un des problèmes dans la gestion des communes et un des problèmes de la péréquation intercommunale. Comme nous l'avons déjà dit à de multiples reprises dans cette enceinte et dans d'autres lieux, il s'agit de trouver des solutions à ce problème. La mixité est une possibilité de solution des inégalités qui existent structurellement entre les différentes communes. Cette motion peut être formulée en tant qu'invite au Conseil d'Etat à se pencher sur la question et proposer des déclassements, prenant en compte une certaine mixité et, si possible, mettant l'accent sur les communes qui sont moins bien pourvues en emplois et en zones industrielles.

Le parti socialiste pourra apporter son soutien à cette motion ou l'examiner en commission. En l'état et interprétée, elle peut être renvoyée directement au Conseil d'Etat.

M. Pascal Pétroz (PDC). Le groupe démocrate-chrétien s'oppose bien évidemment au renvoi en commission. A propos de la motivation de ce renvoi en commission, je souhaiterais dire ceci: il ne faut pas considérer la motion comme un instrument d'aménagement du territoire, présentant un caractère contraignant et imposant aux autorités de diligenter un projet précis. Ce n'est pas de ça dont il s'agit.

Il s'agit d'une motion du Grand Conseil, sans caractère obligatoire pour l'autorité, qui contraint seulement le Conseil d'Etat à rendre un rapport dans les six mois, sans que la violation de cette obligation soit pour autant sanctionnée. M. Cavaleri a relevé hier avec amusement que figurait à notre ordre du jour la réponse à une motion de Mme Gillet, déposée il y a 23 ans. Vous voyez que les délais pour les réponses aux motions ne sont pas franchement toujours respectés. Nous espérons qu'en l'espèce le délai sera respecté avec plus de rigueur. Nous avons vu récemment que le Conseil d'Etat met désormais un point d'honneur à répondre vite et nous l'en remercions.

En l'occurrence, la demande de renvoi en commission était motivée par un problème juridique qui n'en est en fait pas un. La situation est ici parfaitement claire: il s'agit d'une motion, sans caractère contraignant, qui doit juste donner lieu à l'élaboration d'un rapport par le Conseil d'Etat dans un délai de six mois.

Parce qu'il nous incombe dans cette enceinte de donner des signaux politiques clairs, ce que nous devons dire aujourd'hui, c'est si nous voulons plus de zones industrielles et commerciales et si nous voulons favoriser cette mixité. C'est bien de cela qu'il s'agit. Je pars du principe que l'écrasante majorité de ce parlement ne pourra qu'être favorable à cette idée, raison pour laquelle nous nous opposons au renvoi en commission.

M. Eric Stauffer (MCG). Le Mouvement citoyen genevois soutiendra cette motion. Nous avons toujours prôné la création d'emplois et de logements à Genève, il nous paraît donc important de soutenir de telles initiatives. J'en profite pour souligner que le Mouvement citoyen genevois est complètement hors des clivages politiques car, comme vous l'aurez remarqué, Monsieur le président, le MCG soutient autant des projets à droite qu'à gauche quand c'est pour le bien-être de nos citoyens. J'en ai terminé.

M. Hugues Hiltpold (R). Je ne m'exprimerai que sur le renvoi en commission, comme le prévoit le règlement du Grand Conseil. Le groupe radical refusera le renvoi en commission mais demande le renvoi au Conseil d'Etat. Je voudrais rassurer Mme Künzler: ce que demande la motion, c'est de proposer des déclassements au Grand Conseil. Une proposition du Conseil d'Etat se concrétisera par un projet de loi, à propos d'un périmètre précis. Le Grand Conseil devra donc de nouveau se prononcer, mais sur un périmètre donné. En ce sens, cette motion n'a aucun caractère contraignant; il s'agit simplement d'un signal politique donné au Conseil d'Etat. Je vous remercie de votre attention.

Le président. Madame Künzler ? Vous souhaitez retirer votre demande de renvoi en commission ? Non ?

Mme Michèle Künzler. Je souhaite intervenir.

Le président. La prise de parole est limitée à un représentant par groupe. Je fais d'abord voter le renvoi en commission et vous donnerai la parole ensuite. La parole est à M. le conseiller d'Etat Robert Cramer.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Pour ma part, je vous inviterai à refuser le renvoi en commission parce qu'au fond les préoccupations des motionnaires viennent totalement à la rencontre des réflexions du Conseil d'Etat actuellement en cours.

Dans le discours de Saint-Pierre, le Conseil d'Etat a indiqué qu'un des grands chantiers de la législature serait celui du réexamen du sort du périmètre Praille-Acacias qui est un périmètre où il y a toute sorte de choses - où il y a du logement, où il y a des activités et où il y a des activités de nature industrielle. Ce qu'en revanche vous ne pouviez pas savoir, c'est que, dans le même temps, il est apparu que la problématique de la zone industrielle, de son utilisation, de son avenir, de ses besoins, bien qu'elle n'est peut-être pas celle de cette législature - je n'ai pas cette impatience qui anime un certain nombre de députés - sera assurément une problématique de la prochaine législature et que nous devrions d'ores et déjà avancer très sérieusement dans cette réflexion complémentaire à celle liée au périmètre Praille-Acacias, pour savoir quelles mesures devraient être prises.

C'est ainsi que par une décision qui a été prise à la fin du mois de mai, le 17 mai pour être précis, le Conseil d'Etat a engagé des études assez importantes sur la problématique des zones industrielles. Ces études, bien sûr, ne sont pas uniquement destinées à nourrir la réflexion du Conseil d'Etat, elles doivent être largement partagées. Il y a donc un grand intérêt à ce que le Conseil d'Etat - comme le demande la loi portant règlement du Grand Conseil - puisse non seulement être nanti de cette motion, mais puisse aussi y répondre, non pas par des projets de lois ou par des mesures de déclassement concrètes, mais par le biais d'un rapport. Je crois réellement que, là, nous sommes dans un domaine qui est suffisamment sérieux et complexe pour que l'on ne puisse pas trancher à coup d'a priori.

Pour ma part je suis très ouvert sur les solutions qui pourraient intervenir. Comme le groupe radical, je vois quelques bonnes raisons d'être un peu perplexe quant à l'idée d'une mixité technique au sein des zones industrielles. En revanche, je suis beaucoup moins perplexe quant à l'idée que l'on puisse voir cohabiter de façon proche des lieux où l'on a des activités industrielles et des lieux où l'on habite, mais il y a aussi toutes sortes de problèmes liés au foncier, au statut des choses, qui doivent être approfondis. Je crois réellement que cette approche est suffisamment novatrice pour qu'on commence déjà par un premier rapport, qu'on en discute au Grand Conseil et que l'on voie ensuite dans quel sens on va évoluer. Nous n'oeuvrons après tout pas dans un vide complet. Nous avons une législation assez complète en matière d'aménagement du territoire, de sorte que nous pouvons nous offrir le temps de la réflexion. Ce qui ne veut pas dire qu'il faille gaspiller ce temps, bien au contraire ! C'est maintenant que nous devons commencer à mener cette réflexion.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1684 à la commission d'aménagement du canton est rejeté par 54 non contre 15 oui.

Mise aux voix, la motion 1684 est adoptée et renvoyée au Conseil d'Etat par 56 oui contre 14 non.

Motion 1684