République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 8 juin 2006 à 20h30
56e législature - 1re année - 9e session - 41e séance
PL 9679-A
Premier débat
M. Edouard Cuendet (L), rapporteur de minorité. Je ne vais pas entrer ici dans les savants mécanismes proposés dans le PL 9679 parce que personne n'y comprend rien, à moins d'être versé dans la science du fonds d'équipement communal. Je vais rappeler certains points centraux. Premièrement, dans sa déclaration du 30 mars 2006, le Conseil d'Etat a déclaré à propos du budget 2006 - je me permets de citer: «Pour la première fois depuis longtemps, ce budget n'intègre pas de mesures aléatoires quant à leur réalisation». Or, le PL 9679 constitue un magnifique exemple de mesure aléatoire. En d'autres termes, il s'agit d'un expédient peu glorieux. Il y a donc une contradiction manifeste entre les déclarations du Conseil d'Etat et ses actes, tels que retranscrits dans ce projet de loi.
Deuxièmement, en proposant le PL 9679, le Conseil d'Etat ne respecte pas la volonté populaire, qui a été clairement exprimée lors d'un vote en avril 2005. A cette occasion, le souverain genevois a indiqué, sans aucune marge d'interprétation, qu'il ne voulait pas que l'Etat transfère des charges aux communes sans transfert de compétences correspondant. Or, le PL 9679 transfère pour plus 30 millions de charges aux communes sans leur octroyer la moindre compétence supplémentaire.
Troisièmement, avec le PL 9679, le Conseil d'Etat s'assied lourdement sur le préavis de l'Association des communes genevoises qui s'est prononcée à l'unanimité contre ce projet. Dans le débat qui a entouré ce projet, le Conseil d'Etat a adopté l'adage: «Diviser pour mieux régner». Il a cherché à diviser les communes dites riches et les communes dites pauvres en soulignant que seules les mieux loties d'entre elles seraient touchées par le projet. Ce faisant, le Conseil d'Etat fait fi de l'unanimité de l'ACG, association considérée comme représentative de toutes les communes du canton.
Pour finir, le Conseil d'Etat n'a pas hésité - et c'est un comble - à critiquer la gestion des communes pour leur soutirer les trente millions en question. En matière de gestion, il semble que le Conseil d'Etat soit à l'heure actuelle particulièrement mal placé pour faire la morale aux communes si l'on considère les nombreux dysfonctionnements dénoncés semaine après semaine par l'inspection cantonale des finances, qui font la une des journaux.
Je m'étonne donc que nos deux cousins de l'Entente soutiennent ce projet, eux qui ont de nombreux représentants dans les communes. Je considère leur position comme un acte de défiance à l'encontre de leurs magistrats communaux, ce qui me déçoit profondément. Pour tous ces motifs, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à ne pas entrer en matière sur le PL 9679 et, si l'entrée en matière devait être votée, à le rejeter fermement.
M. Pierre Kunz (R), rapporteur de majorité. Je vous prie d'excuser mon retard pour prendre la parole en qualité de rapporteur de majorité. Les finances publiques genevoises sont dans un état calamiteux, mais elles existent. Ce projet de loi, c'est vrai qu'il est calamiteux, mais il a le mérite d'exister. (Rires.)
Une voix. Ah ! Pour un rapporteur de majorité, c'est brillant ! (Exclamations. Brouhaha.)
M. Pierre Kunz. Mesdames et Messieurs les députés, le rapporteur de majorité a commencé, dans son rapport, par souligner que c'est avec réticence, voire avec une bonne dose de méfiance que la commission des finances a accueilli ce projet de loi. Plusieurs commissaires ont relevé que ce projet de loi semblait s'inscrire dans la liste des expédients plus ou moins réalistes et plus ou moins honnêtes auxquels le Conseil d'Etat avait pris l'habitude de recourir par le passé. (Brouhaha.) C'est vrai, il faut le reconnaître ! Mais ce qui est nouveau, c'est que cette fois, la majorité de la commission a pu admettre qu'elle devait faire confiance au Conseil d'Etat lorsque ce dernier nous dit - premier point: «Ce n'est pas la politique du fait accompli, nous avons informé les communes»...
Une voix. Elles sont contre ! (Rires.)
M. Pierre Kunz. ... et, surtout... (Brouhaha.) Et surtout, deuxième point: «Nous nous sommes engagés à leur égard à négocier avec elles un plan pour l'avenir tenant compte à la fois de leurs difficultés et de celles de l'Etat. Donc, la commission des finances dans sa majorité a estimé qu'il était possible de croire le Conseil d'Etat lorsqu'il disait que, comme dans le cas des SIG, il s'agit d'ultimes exceptions à une règle que désormais le Conseil d'Etat se fixe et qui consistera à ne plus utiliser ce genre de méthode.
C'est pourquoi la majorité de la commission entend vous convaincre, Mesdames et Messieurs les députés, d'entrer en matière et d'accepter ce projet de loi.
M. Patrice Plojoux (L). Effectivement, après les calamiteuses explications de Pierre Kunz, il faut maintenant mettre les choses au point. Lorsque l'on dit que les communes ont été informées, c'est vrai que M. le conseiller d'Etat a informé les communes. Il n'a pas négocié avec elles. Il n'a pas fait de proposition aux communes, il ne leur a pas demandé leur avis, il les a informées. D'autres négociations ont ensuite eu lieu pour le futur, mais, pour l'instant, les communes ont été informées. Seulement, les communes se sont toutes prononcées contre ce projet de loi. Voilà le résultat de l'information que les communes ont reçue.
Je crois qu'une petite explication de texte est nécessaire, parce que ce projet de loi peut paraître touffu quant aux conséquences qu'il aurait sur les communes. Tout d'abord, il faut savoir que la première des choses que l'on fait est de ne plus doter le fonds d'équipement communal du tiers des droits d'enregistrement, comme les communes y auraient droit. C'est à dire que 45 millions passent à l'as pour les communes pour entrer dans les caisses de l'Etat. Ce n'est pas écrit noir sur blanc: c'est entre les lignes, mais en supprimant un article, on en arrive à cela.
Ensuite, comme le fonds d'équipement doit quand même être doté, eh bien, on va piquer aux communes de quoi doter ce fonds d'équipement. Alors, on augmente les frais de perception des impôts de 1,5%, sans avoir un service supplémentaire à donner aux communes. On prend sur la part des frontaliers qui revient aux communes, on prend également sur les impôts sur les bénéfices immobiliers. Tout cela, on le prend aux communes pour le redonner aux communes et le mettre dans le fonds d'équipement. Alors on arrive à leur reprendre 30 millions pour mettre dans ce fonds d'équipement puisqu'il faut bien le doter. Cela fait en tout 75 millions que l'on prend aux communes pour les mettre dans ce fonds d'équipements. Sur ces 75 millions, d'ailleurs, on se réserve la possibilité d'en reprendre 17 pour des travaux que l'Etat aurait envie d'effectuer. Voilà la situation. Elle n'est peut-être pas très explicite dans ce projet de loi, mais c'est la réalité.
J'aimerais vous dire également que, quand on dit que les communes sont riches et bien portantes, c'est vrai - notre ami Cuendet s'est exprimé là-dessus - elles sont bien portantes, mais pourquoi ? Parce que les communes n'ont pas le droit de faire des budgets déficitaires. Ce serait peut-être une bonne chose que l'Etat doive faire de même. Et puis, les communes ont pu juguler leurs dépenses plutôt que de dépenser d'une manière un peu plus négligée, comme d'autres collectivités peuvent le faire.
Les communes ne sont pas du tout opposées aux transferts de charges, elles aimeraient simplement que ces transferts de charge soient négociés, ce qui se fait actuellement avec le Conseil d'Etat, et qu'ils soient compensés par des compétences supplémentaires pour les communes. C'est aussi par respect de la volonté populaire exprimée l'année passée - pour respecter simplement ce que le peuple a demandé - que les libéraux, dans la ligne de M. Cuendet et de son rapport de minorité, refuseront ce projet de loi.
Le président. La parole est à M. Gabriel Barrillier. Sont encore inscrits: MM. Christian Bavarel, Christian Brunier, Alberto Velasco, Eric Bertinat et M. le conseiller d'Etat Robert Cramer.
M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical a l'habitude de se réunir une semaine avant les séances de notre Grand Conseil dans une interface avec les magistrats communaux de notre parti. Je dois dire que ces réunions sont très bien suivies. La dernière fois, il y a une semaine, vous pensez bien que le chef de groupe a souhaité s'entretenir longuement du PL 9679-A, puisqu'il touche à l'autonomie cantonale, à la question de la péréquation cantonale, à la répartition des charges. A fortiori suite à la votation qui a eu lieu l'année passée. J'aimerais vous dire, parce que j'ai entendu des remarques sur l'autonomie communale, que nous n'avons pas peur de l'autonomie communale; nous avons une concertation avec nos magistrats. A la séance de jeudi dernier, il y avait des conseillers administratifs de communes telles que Meyrin, mais aussi Bellevue ou Thônex, donc des communes riches ou moins riches, pour utiliser ce qualificatif. Eh bien, Mesdames et Messieurs, je dois vous dire que ces magistrats ont estimé à l'unanimité qu'ils pouvaient faire un effort. Pour deux ans.
On nous dit qu'il n'y a pas de négociations. Moi j'ai compris qu'il y en avait quand même eu avec l'Association des communes. Mais j'ai aussi compris, et là je n'engage que moi... Ce n'est pas la première fois, et dans d'autres secteurs - je n'entrerai pas dans les détails - notamment en matière de soumissions et d'adjudications, que l'on discute avec l'Association des communes genevoises ou avec son comité; alors les gens vous écoutent, mais, je suis désolé de vous dire, je me demande si cette association a vraiment du pouvoir...
Lors de la séance de jeudi dernier, il y avait le vice-président de l'Association des communes genevoises - je pense qu'il participe aux séances de bureau. Dans un esprit constructif, nos magistrats nous ont dit qu'ils soutiendraient les deux députés radicaux à la commission. Mais là, je m'adresse au président Cramer et je dois dire que je suis obligé de durcir un peu le propos. On nous a dit qu'il y avait deux groupes de travail: un sur la péréquation et un sur le transfert des charges. D'après ce que j'ai compris des explications de ces magistrats, les travaux de ces deux groupes avancent cahin-caha. Ce n'est pas le grand amour, ce n'est pas l'efficacité non plus. Ils ont l'impression d'être un peu joués, je dois le dire. C'est vrai que le département ou, en tout cas, les représentants du département ont les outils en main. Donc, pour le moment, il y a une négociation, elle se passe comme elle se passe. J'en ai déduit des propos des magistrats qu'ils veulent jouer l'exercice 2006-2007. Le montage est compliqué, je suis d'accord, mais ils ont ce sens de la responsabilité et de la solidarité puisque des communes riches et moins riches étaient représentées. J'ai dit à M. Cramer: «Vous avez une année et demie pour parvenir à un résultat en ce qui concerne la péréquation et la répartition des charges.» Moi, il n'y a que cinq ans que je suis au Grand Conseil, j'ai eu fait des rapports de la commission des affaires régionales sur les rapports communaux; chaque fois on dit: «Ah, mais ça c'est un sujet !» et je me rappelle que mon collègue Plojoux, assis à côté de moi, me disait qu'il ne fallait pas aborder cela, parce que l'on était en train d'étudier la question avec l'association et le département. Je constate que depuis cinq ans - mais c'est plus ancien - il ne s'est pas passé grand-chose.
Je pense qu'il faut saisir maintenant cette opportunité, ce signe de confiance, et puis, dans l'année qui vient, arriver à des résultats en matière de péréquation et de répartition des charges, sans quoi les magistrats ne seront pas aussi magnanimes dans deux ans.
M. Christian Bavarel (Ve). Je pense que notre collègue Cuendet manque d'ambition. Je vais vous expliquer le mécanisme... Non, rassurez-vous, je plaisante ! On a sept minutes seulement de parole, je vais donc éviter de passer trop de temps là-dessus.
La difficulté qu'on a aujourd'hui, c'est le budget de l'Etat de Genève, qui est effectivement, tout le monde le reconnaît, dans une situation difficile. Il se trouve que les communes - pas toutes, mais la majorité d'entre elles - ont plus de moyens. Il est vrai, comme l'a relevé M. Kunz - mais je le dirai dans d'autres termes, car il est toujours difficile d'être allié avec M. Kunz, même si c'est avec un certain plaisir qu'on peut l'être - que la situation de certaines communes est plus confortable que celle de l'Etat. Quand on voit l'équilibre des charges entre les différentes collectivités publiques, on se rend compte qu'il va falloir trouver une solution.
Je rejoins Gabriel Barrillier en disant qu'effectivement le Conseil d'Etat doit négocier et trouver une solution pérenne, qui ne soit pas à moitié satisfaisante, comme celle que nous avons aujourd'hui. La solution actuelle a cependant le mérite d'exister, de permettre un meilleur équilibre de notre budget, d'être supportable pour les communes et d'offrir ce temps de négociation. C'est donc sans enthousiasme, mais avec un certain sens des responsabilités que les Verts vous demandent d'accepter ce projet de loi.
M. Christian Brunier (S). En lisant les rapports et en entendant certains députés, je pense qu'il faudrait faire attention lorsqu'on évoque la problématique des finances publiques genevoises. Les finances publiques sont compliquées et il faut les analyser avec lucidité. La santé financière de Genève n'est pas excellente, c'est clair, et je pense que nous sommes unanimes pour le dire. Néanmoins, qualifier Genève de canton au bord de la faillite, vous savez très bien que ce n'est pas vrai. Et quand vous dites cela, vous faites du populisme, et c'est très grave parce que vous discréditez Genève, notamment sur les marchés financiers. (Rires. Commentaires.) Les libéraux rient, mais M. Walpen, qui a dirigé les finances genevoises et qui est libéral aussi, rit un peu moins ! Parce que ce n'est pas rigolo, comme histoire.
Des voix. Oh !
M. Christian Brunier. Prenons l'exemple d'une entreprise, avec une santé financière qui présente des dangers mais aussi des atouts - ce qui est le cas de Genève. Vous savez que, quand on parle d'entreprises, il y a des côtés très psychologiques, de communication, et que lorsqu'une entreprise ne croit plus en elle, eh bien, elle est discréditée sur les marchés financiers ! Et ces derniers temps, lorsque vous parlez du Canton, de la République de Genève, vous criez tellement au loup, vous êtes tellement alarmistes, que premièrement vous n'êtes pas dans une analyse pragmatique de la situation et que, deuxièmement, vous faites du tort au Canton. Il faut vous en rendre compte !
Essayons, dans ce parlement, de capitaliser sur les atouts de Genève. Je crois que nous sommes un canton, une République, qui a plein d'atouts au niveau économique, au niveau social et au niveau environnemental, et nous avons tout intérêt à développer cette politique pour être crédibles auprès des instituts financiers, auprès des autres cantons, auprès de notre population.
Cependant, il faut que nous abordions l'assainissement. Il y a diverses manières: les slogans politiques - je pense que c'est la plus mauvaise manière, que nous avons pourtant tous utilisée, aussi bien à droite qu'à gauche, ce qui n'a pas donné beaucoup de résultats, et il y a ceux qui veulent faire du sprint à coups d'annonces de presse en disant qu'ils vont redresser les finances en moins de deux. Ce sont de belles promesses électorales qui n'apportent pas grand-chose. Puis il y en a d'autres, mais pour le moment il faut donner un certain crédit au nouveau gouvernement qui analyse avec une certaine lucidité la santé financière du canton et qui considère qu'on n'est pas dans un sprint, mais dans un vrai marathon. Cela va être dur, cela va être long, mais il faut vraiment prendre des mesures en profondeur, des mesures de vrai changement au niveau de la République. Ce ne sera pas facile, mais on peut y arriver, et on ne va pas brusquer les choses, on va éviter tous les à-coups, toutes les fractures qui provoquent plutôt des manifestations dans la rue que l'assainissement des finances publiques.
La mesure qui nous est proposée aujourd'hui, et par l'ancien gouvernement, il ne faut pas l'oublier, ne colle pas vraiment à ceci. Ce n'est pas une mesure dans la durée, ce n'est pas une mesure profonde qui va redresser les finances publiques. Par contre, c'est une mesure momentanée. Une mesure pas géniale, il faut l'avouer, et en commission nous étions nombreux, députés de droite comme de gauche, à douter de l'efficacité de cette mesure. Néanmoins, on peut se dire qu'avant que la politique en profondeur et que le marathon apportent un certain progrès il faut quelques mesures d'urgence ! Ce projet de loi fait partie de ces mesures d'urgence qui permettent de colmater momentanément la situation, avant que les mesures prises actuellement par le gouvernement puissent porter leurs fruits. Vous savez très bien que les réorganisations de l'Etat prennent du temps, il n'y aura pas d'effet dans les trois jours, ceux qui annoncent cela sont des menteurs, des gens qui font du populisme. Ces mesures prendront du temps pour être assimilées et apporter un certain retour sur investissement. Alors, il faut adopter un certain nombre de mesures d'urgence pour garantir la santé économique de ce canton et on pense que, même si elle n'est pas géniale, cette mesure-ci est possible.
Sur tous les bancs, des gens qui ont reconnu qu'il y a, au niveau des finances communales, une meilleure santé économique; il y a des communes même très privilégiées ! Disons-le clairement: à Genève, sur un petit territoire, il y a des communes qui ne savent plus quoi faire de leur argent ! Il y a quelques communes pauvres, c'est vrai, mais il y a des communes qui ne savent pas comment dépenser leur argent: alors qu'elles ont une infrastructure qui dépasse largement les besoins de leur population, elles proposent des diminutions d'impôts ! Quand juste à côté, le Canton crie un peu famine... Il faut donc redresser cela, demander un peu de solidarité aux communes. Sur une période de deux ans, on pense que c'est possible, d'autant plus - et cela a été dit - que la répartition entre les charges et les coûts à assumer n'est pas en relation: 18% des charges publiques sont assumées par les communes alors qu'elles empochent environ 25% des ressources financières. On voit donc qu'elles sont très à l'aise et qu'on peut leur demander un peu plus de solidarité.
Cependant, il y a un défaut dans cette loi, c'est qu'elle demande autant de solidarité aux communes défavorisées qu'aux communes très riches. Alors, on aurait pu être meilleurs à ce niveau-là ! Il y avait une majorité qui ne le voulait pas à la commission des affaires communales. Finalement, on va demander à tout le monde la même solidarité, c'est peut être l'aspect qui nous gêne le plus. Toutefois, on compte sur le gouvernement pour que la redistribution de ce qu'il va encaisser soit plutôt dirigée vers les vrais besoins des plus défavorisés de ce canton, et des familles et des personnes avec des revenus moyens, pour répondre aux besoins prépondérants de la population.
Pour conclure, nous allons soutenir ce projet de loi. Je rappelle quand même que lorsque les libéraux, suivis ensuite par les autres partis de droite puis par une majorité de la population, ont voté la diminution d'impôts de 12%, les communes n'ont pas été touchées. Le projet de loi épargnait totalement les finances communales. Par contre, il touchait les finances cantonales. Je rappelle encore - je pense que c'est utile parce que certains ont la mémoire courte - que ceci a produit des diminutions d'impôts relativement faibles pour les petits et les moyens revenus, c'est-à-dire la majorité de la population. Aujourd'hui, la plus grande partie de la population ne sent pas vraiment le rabais de 12% ! En revanche, une certaine minorité, avec de gros revenus, a apprécié le cadeau fiscal. Mais l'addition est lourde ! Je rappelle que l'addition, c'est 1,5 milliard de perdu par le canton.
Des voix. Faux ! C'est faux !
M. Christian Brunier. Oui, 1,5 milliard perdu par le canton ! Et cela n'a produit aucun redémarrage économique ! (Brouhaha.) Aujourd'hui, on doit corriger la politique que vous avez menée pendant des décennies: eh bien, on est prêts à voter ce projet de loi pour corriger vos erreurs ! (Applaudissements.)
M. Alberto Velasco (S). Mon collègue a parlé suffisamment et je veux juste ajouter un élément: je vois que certains élus sont à la fois députés au Grand Conseil et élus municipaux. Parfois, on ne sait pas où leur siège se trouve. J'aimerais rappeler que nous sommes une république et que quand on siège dans cette salle ce sont les intérêts de la République qu'on doit défendre par rapport aux 43 - disons - petits Etats. J'aimerais rappeler une chose, c'est qu'en ce qui concerne les fameux 17 millions, il faut le dire, il y a 13 millions qui ne sont pas touchés, ils vont aux communes, et 17 autres millions qui - Mme Brunschwig Graf l'a dit - participeront au financement d'autres projets de nature intercommunale et cantonale, comme dans le domaine des transports publics et régionaux ! Ces 17 millions, en réalité, vont financer des infrastructures qui profitent aussi aux communes ! Alors, ne dites pas que les communes seront prétéritées par la perte de ces 17 millions, s'il vous plaît ! Ce n'est pas vrai. Les 17 millions qui seront soutirés iront dans un fonds, on l'a justement introduit dans le projet de loi, il y a un alinéa qui rectifie cela.
Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas vrai que les communes seront vraiment prétéritées par ces 17 millions, puisqu'en réalité il y a des infrastructures qui leurs reviennent. Donc, comme mon collègue Brunier vous l'a dit, nous voterons ce projet de loi.
M. Eric Bertinat (UDC). L'UDC soutiendra le rapport de minorité parce qu'elle est, d'une manière générale, opposée aux reports de charges sur les communes. Cela dit, nous trouvons la manière utilisée un peu brutale. De plus, elle est à critiquer quant à la période dans laquelle elle est proposée. Nous avons bouclé hier le budget, qui est à nouveau déficitaire, comme lors des années précédentes. Le Conseil d'Etat n'a trouvé pour essayer de diminuer ce déficit que de proposer des transferts d'actifs qui, comme chacun d'entre vous le sait, ne pourront être opérés qu'une seule fois. Le Conseil d'Etat a également proposé une série de mesures dont on attend les effets et qui ne permettront pas d'apporter beaucoup d'argent au budget. Cela me fait dire que demander 30 millions aux communes, à coup de petites demandes, ce qui, pour certaines communes, risque d'être très lourd, montre les limites du ninisme que le Conseil d'Etat défend et qui sera un jour mis devant le fait accompli. Notre groupe, dans tous les cas, ne voit pas comment on pourrait échapper à cette remise en question.
Voilà toutes les raisons qui font que nous soutiendrons le rapport de minorité.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Lorsque mon collègue Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, a présenté les amendements que nous avons opérés sur le budget pour l'année 2006, il a eu ce mot que je me permets de reprendre à mon compte s'agissant de ce projet qui, dans le fond, s'inscrit dans le processus budgétaire. Il a dit que le budget qu'il présentait était mauvais, mais qu'il était vertueux et transparent. Je vais essayer de vous dire en quoi ce texte n'est pas très bon et pourquoi, en même temps, il y a eu de la transparence dans la démarche et pourquoi il va dans le bon sens.
Qu'il ne soit pas satisfaisant, je crois que c'est une évidence aux yeux même de ceux qui le soutiennent. On a entendu dans la bouche de M. Brunier, dans celle de M. Bavarel et tout d'abord dans celle du rapporteur de majorité, qu'au fond il s'agit d'expédients. Vous avez raison, Monsieur le rapporteur de majorité, il s'agit bien ici d'un expédient, mais d'un expédient qui est limité dans le temps, à deux ans. Idéalement, on aimerait bien faire des budgets qui ne reposent pas sur des expédients. Donc, assurément, nous faisons quelque chose que nous n'avons pas très envie de répéter. Mais nous essayons de le faire proprement et de façon transparente. Proprement, cela veut dire par exemple que le Conseil d'Etat a demandé l'urgence aujourd'hui pour que vous puissiez examiner cet objet.
Pourquoi avons-nous demandé l'urgence ? Parce que nous ne voulons plus rééditer ce à quoi nous avons eu recours dans le passé, c'est-à-dire, d'arriver à un vote budgétaire qui soit fondé sur un certain nombre de rentrées dont on n'est pas certains. C'est pour cela que nous avons demandé l'urgence, pour qu'au moment où vous allez voter le budget pour l'année 2006, ce montant d'une trentaine de millions de ressources de l'Etat, vous sachiez qu'il repose sur une loi qui a été adoptée par le Grand Conseil et non pas sur une loi qui devrait être adoptée par le Grand Conseil dans le cadre du débat budgétaire et qui serait ensuite sujette à référendum, contrairement à la loi budgétaire.
Dans le même temps que nous nous imposons cette discipline de faire en sorte, ce qui est vertueux, que le budget que vous allez voter repose sur des ressources fiscales les plus certaines possible, je vous dis que, même si le mécanisme qui est mis en place est un peu difficile à comprendre - quoique le rapporteur de minorité est trop modeste, j'en ai trouvé une description remarquablement claire en un alinéa dans la deuxième page de son rapport de minorité et je l'en félicite; j'ai été beaucoup plus long en commission des finances pour décrire ce mécanisme - quand bien même ce mécanisme est un peu compliqué, la démarche est transparente.
Tout d'abord parce que ce n'est pas une fois, ce n'est pas deux fois, mais c'est trois ou quatre fois que seul ou accompagné de Mme Martine Brunschwig Graf, je suis allé présenter cet objet au comité de l'Association des communes genevoises. Personne n'a été pris par surprise. Ce document a été connu. Je ne dis pas qu'il a été approuvé, je dis qu'il a été connu. Il a été suffisamment connu pour que, même sur le plan technique, et j'insiste bien sur ce terme, nous ayons pu bénéficier d'un certain nombre de conseils avisés de la part de l'Association des communes genevoises pour faire un texte qui, même s'il n'était pas souhaité par cette association, était au moins le plus praticable possible.
A cela s'ajoute que le Grand Conseil, pour sa part, a également été très largement associé à la rédaction de ce texte et que, du reste, la commission des affaires communales, régionales et internationales a proposé des amendements, qui ont tous été adoptés et qui allaient tous dans le sens de donner aux communes un meilleur contrôle du mécanisme mis en place. Finalement, il y a, pas suffisamment, je vous le concède, Monsieur Brunier, mais un peu tout de même, un aspect péréquatif dans la loi qui vous est proposée, dans la mesure où l'une de ses dispositions traite de l'impôt sur les produits des ventes immobilières. Sur ce point, on sait qu'il n'est pas également réparti selon les communes. Cela donne à ce projet de loi un certain aspect péréquatif.
Je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à retenir ces chiffres: aujourd'hui, les ressources fiscales de ce canton sont partagées à hauteur de 75% pour l'Etat et de 25% pour les communes. Les charges supportées par les collectivités publiques le sont à hauteur de 82% pour l'Etat et de 18% pour les communes. Il y a d'évidence quelque chose qui cloche. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela signifie d'une part que les communes doivent probablement assumer plus de charges et, d'autre part, que des transferts de ressources doivent se faire au profit de l'Etat. Cela, nous le savons ! Et cela, c'est le grand chantier, Monsieur Barrillier, je vous ai entendu avec attention, vous avez mille fois raison: cela, c'est le grand chantier que nous sommes actuellement en train de mener dans le cadre d'un groupe de travail qui s'appelle Ville-Etat-Communes. Ce groupe a retenu quinze pistes qui ont dû être validées par nos instances respectives. Ces dernières en ont validé une grosse dizaine et, maintenant, nous allons nous attacher à faire en sorte que, dès le premier semestre de l'année prochaine, le Grand Conseil soit saisi de projets de lois qui actualisent ces pistes.
Si nous vous demandons cette mesure, dont nous savons qu'elle est trop mécanique, donc mauvaise, pour une durée de deux ans, c'est parce que nous avons effectivement l'ambition que, dans le temps que nous nous donnons, nous aurons la capacité d'aboutir à un certain nombre d'accords qui nous permettront de revenir avec de vraies propositions. Ces propositions, je m'empresse de le dire, porteront forcément sur des transferts financiers qui seront bien plus importants que la trentaine de millions dont on parle ici, mais qui seront aussi bien plus satisfaisants. En effet, des responsabilités seront transférées dans le même temps, ce qui est le point le moins satisfaisant dans le projet de loi qui vous est soumis. Même s'il y a un lieu de concertation au sein du fonds d'équipement communal sur la façon dont nous allons utiliser ces ressources, cela est totalement insatisfaisant, nous le savons: il faut que l'on parle de plus d'argent et de plus de responsabilités pour les communes.
Ce chantier, nous sommes en train de le mener, et notre responsabilité, effectivement, c'est de le faire aboutir non pas d'ici à la fin de l'année prochaine, mais à temps pour qu'il puisse produire ses effets dans le budget de l'année 2008. C'est dans cet esprit et avec cette ferme volonté du Conseil d'Etat que je vous demande de bien vouloir accepter ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 50 oui contre 26 non et 1 abstention.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés.
Le président. Nous sommes saisis d'une demande d'amendement par M. Weiss qui demande la parole, et à qui je la donne. La demande d'amendement est probablement en cours de distribution, elle vient de parvenir au Bureau. Cette proposition se borne à ceci: «Article 1 (souligné): biffé». C'est inhabituel, puisque cela revient pratiquement à faire disparaître tout le texte de la loi. J'attends les explications de l'auteur de cette proposition d'amendement.
M. Pierre Weiss (L). Bien volontiers, Monsieur le président. Au fond, quel est l'objectif global de ce projet de loi ? Quel que soit l'endroit d'où viennent les millions récupérés par le Conseil d'Etat, il s'agit tout simplement de couvrir les dépenses supplémentaires qu'occasionne le dépôt, par ce même Conseil d'Etat, d'un projet de loi sur le redémarrage partiel des mécanismes salariaux en faveur de la fonction publique. Ce qui est donné aux uns est pris aux autres. Comme disait notre ancien collègue Mouhanna, il ne faut pas déshabiller Marc pour habiller Pierre. C'est exactement ce que fait le Conseil d'Etat en la matière... (Commentaires.)
Raison pour laquelle, Monsieur le président, nous proposons en fait le refus de ce projet de loi par la suppression de l'article 1 (souligné). Au surplus, s'il fallait une autre motivation, il s'agit pour nous de respecter la volonté populaire telle qu'elle s'est exprimée l'an passé. Je rappelle au passage que, unanime, l'Association des communes genevoises est opposée à ce projet de loi. Nous entendons aujourd'hui manifester notre soutien aux communes, dans le respect de la volonté populaire, et ne pas être favorables à la manoeuvre à laquelle s'est livré le Conseil d'Etat sur le dos des communes dont il essaie ainsi de tondre la laine.
Le président. Je trouve que cette proposition d'amendement ressemble exactement à la conclusion du rapport de minorité qui demande le refus de ce projet de loi, mais je ne veux pas que l'on perde de temps sur des questions théoriques.
Mme Carole-Anne Kast (S). Fondamentalement je vais faire très court, puisque mon intervention revient à peu près à ce que vous venez de dire. S'il suffit d'être opposé sur le fond à un projet de loi pour proposer un amendement visant à biffer l'article 1 (souligné), c'est ce que l'on appelle dans le domaine judiciaire une manoeuvre dilatoire. Donc, je ne comprends pas. Et si vous désirez que cette pratique se généralise, nous pouvons aussi préparer des amendements sur tous les projets de lois auxquels, finalement, nous sommes opposés. Cela va nous faire gagner beaucoup de temps et d'efficacité dans ce parlement ! Nous proposons donc de refuser cet amendement.
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 25 oui et 2 abstentions.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
Troisième débat
La loi 9679 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9679 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 28 non et 1 abstention.
Le président. Je salue la présence à la tribune de notre ancienne collègue Mme Marie-Paule Blanchard-Quéloz. (Applaudissements. Exclamations.)