République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 mai 2006 à 20h30
56e législature - 1re année - 8e session - 36e séance
RD 605 et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. M. Velasco est arrivé dans l'intervalle pour prendre le rapport... Monsieur Velasco, désirez-vous ajouter quelque chose à votre rapport ?
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. Oui, merci, Monsieur le président. Enfin, ce rapport est discuté dans cette enceinte après, je crois, six ou sept reports... Mais l'important est qu'il soit traité ce soir et que notre Grand Conseil en prenne acte.
La commission des visiteurs s'est réunie à vingt-sept reprises au cours de la dernière année de la législature - de décembre 2004 à octobre 2005 - et elle tient à exprimer ses remerciements en particulier aux directeurs et directrices des établissements de détention, à leurs collaborateurs ainsi qu'à toutes les personnes auditionnées.
Au cours de cette dernière année, la composition de la commission s'est modifiée, puisque trois de ses membres, ayant été tirés au sort pour la commission de grâce, ont dû être remplacés. Comme un projet de loi a été déposé dans le cadre de la législature antérieure et accepté depuis, de telles mutations seront évitées à l'avenir. C'est une bonne chose, car les travaux dans cette commission nécessitant une certaine expérience qui ne s'acquiert que dans la durée, il est judicieux que la permanence des députés soit assurée et qu'elle ne soit pas dépendante d'un tirage au sort.
La commission, au cours de cette année, s'est plus particulièrement penchée sur la médecine pénitentiaire, la détention préventive et la surpopulation carcérale. Mesdames et Messieurs les députés, ces sujets sont donc tout à fait d'actualité.
En parcourant le rapport, vous aurez consulté les détails de nos travaux se rapportant à ces sujets et constaté leur pertinence. La surpopulation est l'un des thèmes qui a retenu le plus particulièrement notre attention et qui doit retenir celle de ce parlement. En effet, la situation dans ce domaine est une source de stress pour le personnel chargé de la sécurité, car il est en sous-effectif. Il faut savoir que cet établissement de détention, construit pour 277 personnes, accueillait, à la date du dépôt de ce rapport, fin 2005, 420 détenus ! Et ils sont aujourd'hui 480, voire 500 !
Des crédits d'étude pour construire de nouveaux locaux ont été votés et doivent permettre d'améliorer la situation; toutefois se pose la question du taux de détention préventive à Genève qui est bien supérieur au reste de la Suisse. De plus, certaines procédures dépassent parfois la durée des peines encourues ou sollicitées lors des jugements...
A ce sujet, la commission s'est aussi penchée sur les statistiques fédérales, mais elle n'est pas arrivée à une conclusion définitive en la matière, car les chiffres se sont révélés peu précis et insuffisamment fiables, selon les commissaires. La commission pense que cette surpopulation est, en partie, due au nombre et à la durée des détentions préventives, mais aussi à la détention des mineurs, des femmes ou des personnes faisant l'objet d'une mesure relative à l'article 43 du Code pénal suisse, soit les courtes peines.
La médecine pénitentiaire a été et est toujours l'un des sujets examinés par la commission. En effet, il faut en effet faire en sorte que tous les actes médicaux se déroulant dans les lieux de privation de liberté soient effectués sous l'égide de la médecine pénitentiaire, ce qui ne doit pas empêcher de faire appel, par exemple, aux postes de police pour demander une intervention privée. A ce sujet, nous avons déposé une motion il y a quelques semaines de la part de la commission des visiteurs.
Nous tenons aussi à relever que la surpopulation carcérale a entraîné, de fait, une augmentation de la charge de travail pour les collaborateurs intégrant la médecine pénitentiaire.
Enfin, nous arrivons aux recommandations de la commission, qui est une pratique habituelle. La commission prend acte avec satisfaction qu'une partie des recommandations émises dans le dernier rapport 2004 ont été suivies, mais constate aussi qu'un certain nombre d'entre elles n'ont pas eu de suite... Notamment s'agissant de la surpopulation carcérale, de la mise à disposition de locaux appropriés pour le personnel de la police, du rapport annuel de synthèse des recommandations de la commission des visiteurs.
Par contre, certaines recommandations ont été suivies durant l'année 2004-2005. S'agissant de la surpopulation carcérale, un crédit a été voté pour l'étude de locaux, que je mentionnais tout à l'heure. Pour la détention des mineurs, un nouveau bâtiment de la Clairière a été inauguré - appelé «Cla+» - mais il est déjà complet aujourd'hui, et même en sureffectif. Quant à la salle synoptique de Champ-Dollon, des mesures adéquates ont été prises afin de préserver l'intimité des détenus lors de l'utilisation de caméras de surveillance en direction des fenêtres de leur cellule.
Les nouvelles recommandations de la commission concernent la détention préventive, la formation du personnel des violons du Palais de justice, la détention des mineurs à Riant-Parc, le suivi des travaux d'agrandissement et le rapport annuel de synthèse concernant les recommandations. Vous trouverez tous ces éléments dans le rapport, de manière plus détaillée.
Enfin, Mesdames et Messieurs les députés, je tiens ici à remercier notre secrétaire de commission, M. Constant, qui nous a effectivement été d'un très grand secours et qui a fait un excellent travail.
Présidence de Mme Anne Mahrer, première vice-présidente
Mme Esther Alder (Ve). Je tiens en premier lieu à saluer l'excellent rapport de M. Velasco. Ce rapport a été déposé l'année dernière et n'arrive qu'aujourd'hui devant ce Conseil... Pas mal d'événements s'étant passés entre-temps, on ne peut pas s'épargner le débat sur Champ-Dollon.
J'aimerais tout de même dire que, d'une manière générale - et il faut aussi le saluer - les conditions de détention au niveau du concordat sont bonnes, ce qui est très important. La Suisse ne peut qu'être fière des conditions de détention des prisonniers.
L'actualité genevoise de ces derniers mois, liée à Champ-Dollon, nous oblige donc à débattre de cette problématique.... Oui, Mesdames et Messieurs, Champ-Dollon explose ! Oui, la tension est extrême ! Oui, il y a plus de 420 détenus, alors que l'établissement - cela a été dit - a été construit pour 270 détenus ! Il y a urgence dans la gestion du présent !
Mais sachez, Mesdames et Messieurs, que la problématique de la surpopulation que nous connaissons aujourd'hui est à la croisée d'une multitude de facteurs, et que des changements liés à l'introduction du nouveau code pénal des adultes rendent l'exercice difficile !
D'abord, il faut savoir que la Suisse a toujours connu des fluctuations dans ses journées de détention et que l'on a déjà, par le passé, observé des pics de surpopulation.
Ensuite, il faut tout de même se demander pourquoi le nombre de détentions avant jugement atteint des sommets à Genève. Le Valais a un taux de 10% de détentions avant jugement, il en est de même pour le canton de Vaud, ce taux est de 33% pour la moyenne suisse et il atteint 50% à Genève ! Il y a pourtant d'autres moyens à disposition pour s'assurer que les personnes concernées ne quittent pas le territoire. On peut, par exemple, leur confisquer leurs papiers ou utiliser d'autres mesures qui ne sont pas du tout employées à Genève et qui sont faciles à appliquer. Il faudrait peut-être se poser des questions à ce niveau...
Autre élément - et c'est important dans le débat - il faut savoir que 60% des personnes qui transitent à Champ-Dollon y restent pendant moins de huit jours. Cette détention de huit jours est-elle vraiment indispensable, efficace ? Là encore, il faudrait se pencher sur ce problème.
Par ailleurs, entre 1995 et aujourd'hui, le temps de l'instruction a doublé. On peut donc se demander s'il ne faudrait pas doter la justice de plus de moyens... C'est également une question qu'il faudrait examiner.
Avec l'introduction probable du nouveau code pénal pour adultes en 2007, les courtes peines en exécution de peine vont disparaître. Il sera aussi possible d'exécuter une peine par anticipation et, au niveau du concordat, de gérer ensemble le dispositif d'exécution des peines de moins de six mois. C'est un peu compliqué, mais je crois que l'on ne peut échapper pas à ces éléments, il faut vraiment les prendre en compte.
Aujourd'hui, malgré la situation dramatique à Genève - et je profite de saluer le personnel et la direction de Champ-Dollon pour les efforts qu'ils font au quotidien pour gérer cette crise - il faut intégrer tous les paramètres que j'ai cités précédemment.
Par ailleurs, la commission des visiteurs va demander un avis d'expert notamment sur la question de la détention préventive. Aujourd'hui, bien sûr, il faut «éteindre le feu»... On peut constater que la solidarité intercantonale est en route, que les autres cantons vont aussi faire des efforts pour absorber un certain nombre de détenus. On a pu lire dans les journaux que des efforts ont été réalisés pour améliorer les conditions de détention au quotidien, notamment l'accès au téléphone, aux colis, toutes ces choses qui, si on ne les a pas, rendent la vie en prison difficile. A ce propos, je remercie le Conseil d'Etat d'avoir pris à coeur de traiter ce problème au mieux.
Il faut toutefois penser que, d'ici trois ans et demi, avec tous les projets qui sont en cours, Genève disposera d'environ cinq cent cinquante places. Quoi qu'il en soit, il faut agir en attendant, mais je pense que la précipitation est toujours mauvaise conseillère. Par conséquent, il faut examiner toutes ces questions avec beaucoup d'attention, et ne pas se lancer tête baissée dans la construction d'établissements supplémentaires. L'usage des bracelets électroniques peut être étendu, les mineurs ne sont plus détenus à Champ-Dollon... Toutes ces mesures vont finir par apaiser le climat tendu que nous connaissons aujourd'hui. Le chantier est en cours, et j'invite avec force toutes les personnes concernées - le judiciaire également - à se mettre autour de la table afin de pouvoir apporter les meilleures solutions pour le bien-être de nos concitoyens.
Mme Loly Bolay (S). Mes préopinants ont dit beaucoup de choses sur le problème de Champ-Dollon, mais je crois qu'on ne les répétera jamais assez ! La presse a également relaté beaucoup de choses.
La commission des visiteurs n'a eu de cesse, depuis des années, de tirer la sonnette d'alarme pour mettre en garde ce plénum quant aux problématiques liées à la surpopulation carcérale. Alors, certes, des crédits d'étude ont été votés: sur les tâches supplémentaires à Champ-Dollon; sur deux éléments nouveaux, Curabilis pour les personnes concernées par l'article 43 et Femina pour les femmes. Mais le processus parlementaire étant très long - nous le savons tous - nous devons nous attendre à ce que ce projet arrive à prendre forme au plus tôt dans cinq ans, dans la perspective de 2010.
La situation actuelle, cette grave crise, exige des solutions à court terme, voire immédiates. Champ-Dollon aujourd'hui - je vais le répéter encore une fois - compte presque cinq cents détenus, ce qui risque d'engendrer des dérapages sérieux. Le conseiller d'Etat Moutinot nous a parlé de plusieurs solutions: les préfabriqués, les bracelets électroniques... Mais il faut savoir que l'utilisation des bracelets électroniques ne s'improvise pas ! Elle implique de mettre en place une procédure, ce qui prendra du temps et nous obligera à voter des budgets de fonctionnement pour le personnel. Pour l'instant, 17 détenus bénéficient du système des bracelets électroniques à Genève. Il est certainement possible d'en augmenter le nombre, mais, comme je viens de le dire, cela implique toute une procédure.
Les détenus à Champ-Dollon - nous le savons - voient leurs conditions de détention se dégrader gravement. La place manque, ils se retrouvent à cinq ou six dans des cellules prévues pour trois personnes; les promenades sont réduites; les visites et les colis sont drastiquement diminués, etc. Tout cela dans le non-respect des normes internationales en matière de détention !
Cela dit, Mesdames et Messieurs les députés, il n'est pas possible de gérer une prison prévue pour 270 détenus quand elle en compte le double !
A ce sujet, j'aimerais ici, comme l'a fait tout à l'heure la présidente de la commission, remercier la direction de Champ-Dollon, les gardiens, le personnel, qui font un travail remarquable malgré la surcharge énorme de détenus et qui arrivent, grâce à leur savoir-faire, grâce à leur volonté de dialogue, à contenir une situation «hors normes», comme le disait son directeur.
Je voudrais également remercier M. Laurent Moutinot qui a pris ces problèmes très à coeur, qui est très à l'écoute de la commission des visiteurs et, également, du personnel pénitencier de la direction.
Le taux de détention préventive à Genève - nous le savions, mais les chiffres que nous avons obtenus ce matin à la commission des visiteurs nous le confirment - est le plus haut de Suisse ! Mme Alder nous a donné quelques chiffres... Je continuerai sur cette lancée, en disant, par exemple, que, dans le canton de Vaud, il y a 1018 préventives sur 10 245 jugements. Dans le canton de Fribourg, il y en a 266 sur 3615 jugements. A Bâle, qui est une ville frontière comparable à Genève, il y a 800 préventives sur 3900 jugements... Et, à Genève, il y a 2454 préventives sur 4800 jugements !
Est-ce dire qu'à Genève, comme certains le prétendent, tous les voleurs de pommes se retrouvent à Champ-Dollon ? Je ne vais pas - séparation des pouvoirs oblige - m'étendre sur la question ! Cela dit - et cela a été évoqué tout à l'heure - les experts qui seront nommés par la commission des visiteurs pourront sans doute répondre à cette importante question. Il n'en demeure pas moins - et la pétition des détenus de Champ-Dollon l'indique très clairement - que certains d'entre eux font beaucoup de préventive par rapport à la peine à laquelle ils sont condamnés.
Mesdames et Messieurs les députés, il y a urgence ! Je vous remercie tous de nous écouter dans ce plénum, parce que la commission des visiteurs a souvent eu l'impression du contraire... Nous sommes aujourd'hui face à une situation hors normes, explosive, et nous nous devons, en tant que parlementaires, de prendre nos responsabilités et de mettre tout en oeuvre pour qu'elle ne devienne pas insoutenable !
Mme Véronique Schmied (PDC). A l'instar de mes préopinants, je suis très satisfaite que ce rapport ait particulièrement attiré votre attention et que vous en acceptiez l'urgence. Mais, en même temps, je suis inquiète qu'il ne l'ait été qu'en raison de la crise que traverse actuellement Champ-Dollon, largement relayée par la presse... Mais quand bien même !
J'espère que ce rapport et les recommandations qu'il contient pourront alimenter le travail sur la motion 1674 que la commission a déposée en ce début d'année, lors d'une précédente session.
Ce soir, je souhaite que la sonnette d'alarme que nous tirons encore une fois tinte aux oreilles du pouvoir judiciaire... Je pense en effet, quand bien même il y a séparation des pouvoirs, que celui-ci détient également une partie de la solution du problème ! Il ne s'agit pas seulement d'une question d'architecture, mais aussi de justice ! Sans doute la cohabitation des divers types de détenus est-elle une importante raison des difficultés de la gestion de Champ-Dollon. Tout s'y concentre, alimentant la surpopulation: les détenus en préventive et ceux en exécution de peine, les hommes et les femmes, les adultes et les mineurs ! Autant de groupes qui ne devraient jamais se côtoyer, ni même se croiser dans les couloirs, sans parler des ethnies antagonistes dont la présence simultanée dans un même lieu est explosive. Des bagarres généralisées, pour ne pas dire des émeutes, dans lesquelles s'engagent cent détenus, et plus, à la fois ont parfois lieu - vous l'avez lu dans la presse - avec le miracle que personne n'y ait encore jamais laissé la vie, ou une blessure grave.
Cependant, permettez-moi de revenir sur quelques questions, car les points durs du processus que traverse le détenu depuis son arrestation jusqu'à sa libération sont multiples et interpellent autant le pouvoir judiciaire - comme je le disais précédemment - que le pouvoir exécutif de ce canton.
Tout d'abord, la détention des prévenus. Vous l'avez entendu, la proportion des détenus en prison préventive est dramatiquement plus importante à Genève que dans les autres cantons. Des chiffres ont été cités, je ne vais pas les répéter.
Pourquoi cette situation est-elle si particulière à Genève ? Les risques de fuite, de collusion, de récidive, sont-ils toujours présents pour chaque prévenu ? Le fort taux de détenus étrangers est-il la seule raison à la «surcarcéralisation» préventive ? Le concept de gravité des faits dont il est tenu compte pour retenir un prévenu en détention est un concept subjectif. M. le juge Esposito, président du Collège des juges d'instruction que nous avons auditionné, l'admet: c'est subjectif ! Bien que Genève n'ait jamais fait l'objet de remontrances à ce sujet, l'on peut se demander si cette appréciation de gravité des faits n'est pas plus sensible à Genève qu'ailleurs.
Ensuite, la lenteur de l'instruction... Que dire de détenus qui ont passé plus de temps en préventive que la peine à laquelle ils sont condamnés le prévoyait ? Face à la durée excessive de la détention préventive, la justice n'est-elle pas tentée d'adapter la peine au temps déjà passé en prison ?
Pourquoi des détenus dont la peine a été prononcée se trouvent-ils toujours en régime préventif et non en exécution de peine ? Parce que le SAPEM, le service d'application des peines et mesures, attend plusieurs mois après le jugement que le dossier lui soit transmis du Parquet,
Que se passe-t-il alors ? Le détenu purge sa peine en préventive et ne bénéficie pas des programmes de réinsertion. Il se trouve dehors du jour au lendemain, sans projet, sans contacts autres que ses anciennes relations. Mesdames et Messieurs les députés, nous avons à Genève, dans ces conditions, une véritable machine à récidive...
C'est bien évidemment le pouvoir judiciaire qui détient les réponses à ces questions. Mme Spoerri se demandait - cela figure dans le rapport - lors de son audition du 17 février 2005 devant la commission des visiteurs officiels, si son département n'était pas en train de subir les carences du pouvoir judiciaire... La question reste d'actualité !
J'en viens maintenant à l'organisation pénitentiaire. A Genève, il y a un gardien pour environ deux détenus, alors qu'on observe qu'à Sion ou à Zurich, un gardien suffit pour plus de quatre détenus, et jusqu'à six détenus à la prison de Brig ! Pourtant, à Champ-Dollon - j'ai pu le constater - personne n'a les bras croisés... Alors, où se niche la cause d'une telle différence avec d'autres lieux de détention en Suisse ? On peut avancer la difficulté liée à la population multiculturelle.
Mais l'une des pistes - je pense, la principale - réside dans le temps que les gardiens dédient quotidiennement pour conduire les détenus au Palais de justice. Le trajet entre Champ-Dollon dure bien trente minutes, porte à porte. Ce temps ne serait-il pas mieux utilisé à l'intérieur de la prison, si, par exemple, les juges d'instruction pouvaient exercer leur mandat directement dans le périmètre de Champ-Dollon ? Le personnel pourrait ainsi assurer plus de promenades et effectuer plus de contrôles de colis destinés aux détenus, pour ne citer que ces deux exemples de droits des détenus qui ne peuvent être respectés actuellement et que ceux-ci revendiquent.
J'arrête ici, Mesdames et Messieurs les députés, mais je tenais à vous rendre attentifs au fait que si l'organisation de nos lieux de détention et, notamment, l'augmentation de leur capacité était cruciale, l'organisation de la justice est, elle aussi, directement concernée par la situation particulièrement difficile que nous connaissons aujourd'hui.
Je terminerai par une petite annonce: «Commission des visiteurs officiels, forte de nombreuses propositions, cherche commission judiciaire pour collaboration et plus, si entente.» (Exclamations. Applaudissements.)
M. Michel Ducret (R). Beaucoup de nos concitoyens vivent sans connaître la réalité de la vie carcérale. C'est aussi le cas de la plupart des députés qui passent à côté de cette réalité qui occupe la commission des visiteurs officiels depuis fort longtemps - problèmes qui ont été évoqués tout à l'heure. Je me joins d'ailleurs aux remerciements qui ont été exprimés tout à l'heure par rapport aux efforts effectués, par les gardiens notamment, pour maintenir une vie correcte dans la prison de Champ-Dollon.
J'aimerais toutefois souligner que, si les conditions ne sont pas remarquables, elles sont tout de même souvent meilleures que dans les pays voisins. Ceux qui ont visité les prisons de Lyon savent de quoi je veux parler.
Ce n'est certes pas un plaisir d'inaugurer de nouvelles places de prison, mais, Mesdames et Messieurs, il faut bien faire face... Pourquoi ? Parce que cela correspond au besoin d'ordre public de nos concitoyens.
Nous devons être conscients que la population du Bassin lémanique a augmenté, même si celle de Genève n'a pas crû dans les mêmes proportions. Le besoin carcéral a donc augmenté en proportion de cette augmentation qui correspond au périmètre d'influence de notre ville et de notre canton, même s'il s'agit d'un territoire externe au canton. Car la criminalité s'exerce, partout dans le monde, surtout dans les centres plutôt que dans les périphéries.
Par ailleurs, résoudre le problème du manque de places en prison est indispensable, mais cela ne saurait suffire. En effet, il faudra probablement modifier la manière dont la politique judiciaire est menée à Genève en matière de détention préventive. Car la proportion de ces détentions préventives, en regard des condamnations, est nettement supérieure à celle des autres cantons de notre pays, y compris les cantons frontaliers tels que Bâle-Ville et le Tessin.
Et je ne parle pas des lieux de détention spécialisés mal ou pas du tout adaptés, dispersés dans tous les coins du canton, et confisquant des possibilités de logement ! C'est absolument incroyable: cela disperse les moyens et nécessite du personnel supplémentaire dont nous n'aurions pas besoin si nous avions une meilleure organisation de notre dispositif pénitentiaire !
Enfin, il y a le problème des déplacements qui a été évoqué tout à l'heure par Mme Schmied. Ces allers et retours Champ-Dollon - Saint-Antoine pour l'instruction sont quelque chose d'invraisemblable ! Mesdames et Messieurs, 80 personnes, avec 30 véhicules, passent leur journée à déplacer des prisonniers en préventive ! Les chauffeurs doivent se rendre à Saint-Antoine - les locaux sont d'ailleurs totalement inadaptés à la détention - et y passent trois ou quatre heures, parfois plus, au lieu des vingt minutes prévues. C'est tout simplement inacceptable ! D'autant que, en fin de compte, une partie de ce travail d'instruction pourrait être effectué beaucoup plus près des prisonniers, c'est-à-dire à Champ-Dollon ou dans les environs immédiats, ce qui éviterait ce type de déplacements totalement ridicules !
Pour finir, j'aimerais souligner que les radicaux restent conscients que la réponse à ce problème ne peut être univoque. Seules un ensemble de mesures concernant l'équipement - locaux et personnel - mais, aussi et surtout, le fonctionnement de notre justice permettront de résoudre le problème posé par la surpopulation carcérale de Champ-Dollon. Cela sans négliger d'autres adaptations par rapport aux besoins de locaux et de traitements.
L'introduction du nouveau code pénal fédéral, probablement en janvier 2007, doit être l'occasion pour Genève de mettre de l'ordre dans l'avenir de son fonctionnement judiciaire pénitentiaire. Nous souhaitons donc une planification globale touchant tant au pouvoir judiciaire qu'aux divers lieux d'accueil de la population détenue.
M. Renaud Gautier (L). Je ne partage pas du tout l'optimisme de mes préopinants, même si j'ai du plaisir à les rencontrer en commission.
Première constatation: lorsque ce parlement évoque le logement, la moitié de celui-ci est prêt à étriper l'autre moitié - cela dépend des moments et dans quel sens vont les choses... Par contre, lorsqu'il parle de surpopulation carcérale, la moitié du parlement est à la buvette !
Deuxièmement: il est temps que ce parlement se rende compte qu'il a une responsabilité directe sur les problèmes actuels à Champ-Dollon. Nous n'avons pas su, nous n'avons pas voulu traiter ce problème au moment où il fallait le faire, c'est-à-dire il y a à peu près quinze ans...
Aujourd'hui, nous devons gérer l'urgence, et j'espère très franchement que nous n'aurons pas à gérer l'intolérable. Mais je ne suis pas du tout sûr, en vous le disant, que cela n'arrive pas !
Ce parlement a le devoir de s'intéresser à cette question extrêmement rapidement, d'apporter des réponses allant dans le sens de celles déjà articulées par le président du département, s'il ne veut pas avoir à supporter la responsabilité d'une situation qui devient, statistiquement, réellement périlleuse.
Il a aussi le devoir d'offrir aux personnes qui s'occupent des détenus des conditions meilleures que celles qui sont les leurs actuellement. Nous étions trois députés à passer une grande partie de la soirée à Champ-Dollon lors des émeutes qui ont eu lieu... Etant donné la tension extrêmement palpable qui y règne - le Conseil d'Etat y était aussi - je ne peux qu'être inquiet par rapport à des personnes qui n'ont dormi que quelques heures en l'espace de trois jours. Dans une poudrière, l'étincelle peut venir de tous les côtés: nous devons être sensibles à cela.
La qualité de la détention. A Genève, capitale du droit humanitaire, capitale des droits de l'homme, aucune des conventions que nous avons signées n'est respectée aujourd'hui dans les prisons. C'est tout simplement intolérable ! Nous devons donc faire ce qu'il y a à faire !
Pour rassurer ceux qui se trouvent à ma gauche - mais qui sont en fait à droite - je dirai que ne pas s'occuper du problème de la détention, ne pas être sensible aux conditions de travail des gardiens de prison, c'est aussi ne pas être sensible à toute une partie du problème qui se pose au niveau de la police, à laquelle on demande aussi de faire des efforts qui commencent à devenir difficilement supportables.
La question de Champ-Dollon doit être directement adressée au pouvoir exécutif comme au pouvoir législatif. Et nous devons apporter rapidement des réponses, si nous ne voulons pas que la situation empire dramatiquement.
M. Eric Ischi (UDC). Tout ce que l'on peut dire sur Champ-Dollon a été dit et les problèmes ont été soulevés dans l'excellent rapport de notre collègue Velasco. Nous pourrions donc prolonger encore longtemps la discussion, répéter les mêmes choses... Je me contenterai, pour ma part, de mettre le doigt sur quelques points.
Tout d'abord, les préoccupations qui ont été évoquées par cette enceinte sont évidemment partagées par le groupe UDC, par mon intermédiaire - c'est d'autant plus facile que je suis le seul membre de ce parti à être membre de la commission des visiteurs officiels... Mes collègues sont prêts à me faire confiance et à ne pas contredire ce que je vais déclarer.
Nous avons visité Champ-Dollon à deux reprises au moins, et s'il est vrai que les conditions d'incarcération n'y sont - et de loin - pas correctes, que dire des conditions de travail du personnel qui est sans cesse sur le qui-vive, qui travaille dans un stress permanent ?! On peut discuter longtemps encore de ce problème, parlementer, évoquer le pouvoir judiciaire, le concordat, mais la situation à Genève est si grave qu'il ne sert à rien de discuter: il faut trouver des solutions immédiates !
La commission des visiteurs a multiplié les auditions, mais celle qui m'a le plus frappé a eu lieu à midi, car le secrétaire permanent de la Conférence des directeurs des cantons latins nous a donné une lueur d'espoir. Nous pensons en effet que c'est une première ouverture qui permettra d'améliorer les conditions à Champ-Dollon, aussi bien pour le personnel que pour les détenus.
Deuxième point. Le chef du département nous a parlé du projet d'une construction rapide qui permettrait de désengorger Champ-Dollon dans l'immédiat. Je sais que certains se demandent si c'est la bonne solution, s'il n'y en a pas d'autres... Mesdames et Messieurs, en ce qui me concerne je pense qu'il n'y a pas une autre alternative. Lorsque M. Moutinot viendra devant ce Grand Conseil présenter une demande de crédit pour la construction d'un bâtiment - soixante-quatre places supplémentaires - il ne faudra pas que qui que ce soit dans cette enceinte dise qu'il aurait fallu passer par un crédit d'étude ou par je ne sais quel biais administratif ou politique ! Vous n'aurez pas d'autre choix que d'être d'accord avec cette solution !
Je souhaite vraiment que tout le monde en prenne conscience et que l'on aille de l'avant le plus vite possible ! (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Je reprends les propos de mon collègue précédent. C'est vrai, nous attendons que M. Moutinot nous présente cette demande de crédit de construction. Je constate tout de même que, maintenant qu'il est au département de justice et police - pardon: département des institutions ! - il fait de la construction, alors que, lorsqu'il était à la construction, il n'en faisait pas ! (Exclamations.) Et il faut bien dire que nous sommes en train de payer aujourd'hui le laxisme des années passées et je rejoins en tout point l'analyse de mon collègue Renaud Gautier.
Ce ne sont pas 64 cellules supplémentaires qu'il faut construire en urgence - même si c'est déjà bien et que c'est un pas dans la bonne direction - mais bien plus que cela !
Et puis, il y a tout de même beaucoup à dire sur le système... En ce qui me concerne - et je siège dans la commission des visiteurs officiels - je me demande bien quelle est la légitimité de cette commission, dans la mesure où, lorsque nous voulons auditionner le pouvoir judiciaire, on nous rétorque que ce n'est pas possible en raison de la séparation des pouvoirs ! Pourtant, les statistiques montrent que les chiffres pour Genève - ils ont été cités trois fois, je ne vais pas les répéter - sont dix fois supérieurs à la moyenne suisse !
Il faudrait peut-être essayer de faire évoluer les mentalités en expliquant aux juges d'instruction que l'on ne met pas les gens en prison comme on va acheter un petit pain à la boulangerie, le matin, avant d'arriver au bureau... Nous savons, statistiques à l'appui, que la plupart des séjours en prison n'excèdent pas huit jours. Est-il donc vraiment nécessaire d'incarcérer des personnes pour si peu de temps, étant donné les problèmes et les tensions politiques que cela engendre ?
Je vous signale tout de même que le jour où Champ-Dollon implosera, ce sera la responsabilité du politique et pas du judiciaire, même si le judiciaire en est la cause du fait que les mentalités n'y ont pas évolué !
Je veux bien admettre que Genève est un canton-ville, qui a des frontières, beaucoup d'immigration clandestine - ou pas, peu importe - que le taux d'étrangers en détention préventive dans nos prisons est assez important, mais je remarque que les chiffres à Genève sont sept fois supérieur à ceux d'autres cantons, comme le Tessin ou Bâle. Pourtant, ce sont aussi des cantons frontières qui ont des problèmes identiques aux nôtres, soit avec la France et l'Allemagne, soit avec l'Italie.
Il faut donc se demander si le pouvoir judiciaire doit rester dans sa tour d'ivoire et si nous devons en subir les conséquences le jour où il y aura une explosion. Parce qu'à ce moment-là, on accusera les politiques de ne pas avoir fait leur boulot, et ce sont eux qui devront en assumer pleinement la responsabilité, même si, je le répète, le judiciaire est responsable.
Pour terminer, je voudrais remercier vivement toutes les personnes qui travaillent à la prison de Champ-Dollon et, plus largement, dans tout le secteur pénitentiaire, parce qu'elles ont réussi à juguler une situation de crise qui n'était, à mon avis, pas totalement injustifiée. Elles méritent notre considération, mais surtout - surtout - que l'on se penche avec détermination sur ce problème et sur les véritables raisons de cette crise. Car, je vous le rappelle, on ne soigne pas un mal dans ses effets, mais dans ses causes.
Présidence de M. Michel Halpérin, président
M. Sébastien Brunny (MCG). S'agissant de la pétition 1530, vous savez certainement que la prison de Champ-Dollon a une capacité d'accueil de 250 places. Actuellement, nous avons en moyenne 480 détenus, soit pratiquement le double, et cela toujours avec le même effectif de gardiens, soit 200 unités.
De plus, il sied de préciser que lesdits gardiens doivent en outre veiller à ce que tous les détenus puissent bénéficier de diverses activités, telles que sports, promenades, travaux en atelier, cours, visites, etc. Il est également judicieux de préciser que ces activités se font toujours sous l'oeil vigilant des gardiens; que l'espace étant confiné de par le nombre élevé des détenus, les gardiens doivent toujours être attentifs à tous les débordements pouvant survenir et qui deviendraient vite ingérables; que, généralement, pour fouiller un colis, un gardien passe vingt minutes et que, chaque jour, en moyenne cinquante colis sont reçus - ceux-ci comprenant les envois postaux et les colis apportés par des tiers - et que, si le nombre de colis venait à augmenter, il faudrait détacher plusieurs gardiens uniquement pour effectuer cette tâche, ceci au détriment de la sécurité ainsi que des diverses activités proposées aux détenus.
Au vu des éléments évoqués, le groupe MCG votera non. Et je laisse à votre sagacité, Mesdames et Messieurs les députés, le choix à porter quant à cette pétition.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur. J'ai bien entendu l'intervention de mon collègue Ischi ainsi que celle de M. Gautier... Comme l'a indiqué M. Ischi, nous avons eu ce matin une très intéressante séance de commission, en présence du secrétaire de la Conférence latine du concordat. Des chiffres extrêmement éloquents nous ont été fournis, et nous sommes tous arrivés à la conclusion qu'il y a bien eu un manque total d'anticipation de la crise.
Toutefois, les choses ne sont pas si simples que cela... Prévoir des écoles pour l'avenir est chose aisée, mais quel gouvernement pourrait prévoir une augmentation de la délinquance, alors qu'en toute logique il est en droit de penser qu'elle diminuera, puisqu'il prend des mesures dans ce sens ? Comment demander à un gouvernement de prévoir qu'il y aura plus de délinquance dix ans plus tard et qu'il doit construire plus de prisons ? Il est très difficile d'anticiper dans ce domaine. Je pense, chers collèges, qu'il faut aborder ce problème avec beaucoup - beaucoup ! - d'humilité, parce qu'il est très complexe et difficile à résoudre.
Il y a une deuxième observation que je tiens à faire, en particulier à l'adresse de M. Ischi. Il ne s'agira pas seulement de voter pour la construction du bâtiment que nous proposera le président du département: il faudra également gérer les nouveaux locaux ! Ce qui impliquera du personnel supplémentaire, car il ne sera pas possible de soustraire qui que ce soit de l'effectif actuel de Champ-Dollon. La prison de Champ-Dollon a été conçue pour 250 détenus, et avec l'effectif actuel. Par conséquent, il faudra que vous votiez non seulement un crédit d'investissement, mais aussi le crédit de fonctionnement qui ira avec. J'imagine donc, Monsieur Ischi, que votre souhait concernant le crédit d'investissement vaudra aussi pour le fonctionnement de ce nouveau bâtiment et que tous les groupes ici présents le voteront également.
Dernière observation: dans la situation actuelle, même si nous avions 100 millions à disposition pour construire les nouveaux locaux dont nous avons besoin, il faudrait un certain temps pour étudier le projet et le réaliser. Même avec 4000 maçons, les choses ne pourraient pas aller plus vite ! Le drame, c'est qu'il faudra bien quatre ou cinq ans pour disposer de ces nouveaux locaux. Or, le secrétaire de la Conférence latine du concordat nous a fourni une information très intéressante: le concordat a appuyé Genève dans la construction de Curabilis, et c'est un point très important que je tenais à relever. Voilà ce que je voulais dire essentiellement.
Je le répète, chers collègues: la situation est très critique à Champ-Dollon, c'est un problème que nous - tous les groupes ici présents - devons aborder avec beaucoup d'humilité.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Un débat sur la prison, après les événements que nous avons connus le 1er et le 2 mai, aurait pu être l'occasion d'affrontements particulièrement durs - cela aurait certainement été le cas il y a quelques législatures. Aussi, je rends hommage à votre Grand Conseil d'avoir fait preuve de modération et de pondération dans ce débat. Je m'en réjouis d'autant plus que, pour l'essentiel, sur tous les bancs, les mots sont les mêmes. Nous sommes par conséquent d'accord qu'il faut prendre certaines mesures d'urgence, mais que les problèmes ne vont pas être résolus d'un coup de baguette magique. Je voudrais également remercier de leur engagement la direction de Champ-Dollon, les collaborateurs, y compris les stagiaires. Lorsque je me suis rendu sur place le soir où les détenus ont refusé de regagner leur cellule, j'ai effectivement pu constater la haute qualité du personnel de Champ-Dollon.
Je saisis cette occasion pour remercier aussi la commission des visiteurs officiels qui, lorsque la situation est devenue visiblement explosive, s'est précitée sans attendre à Champ-Dollon où elle a entendu les détenus et le personnel, sans pour autant - et je lui en sais gré - vouloir gérer la crise à la place de la direction ou à la mienne. Je tenais à vous remercier d'avoir respecté ce partage des rôles et des responsabilités.
En politique pénitentiaire, il y a deux impératifs totalement indissociables: la sécurité, d'une part, et la dignité des personnes, de l'autre. La sécurité concerne le personnel, mais aussi les détenus. La dignité, ce sont les conditions de travail du personnel et les conditions de détention des personnes incarcérées.
Quelles sont les actions que nous menons aujourd'hui ? Vous avez, Mesdames et Messieurs les députés, voté en son temps les crédits d'étude permettant d'étudier la surélévation d'un étage de Champ-Dollon ainsi que sa réfection, puisque cette prison a maintenant plus de trente ans, le crédit d'étude permettant de construire un établissement adapté pour les personnes concernées par l'article 43 et le crédit d'étude pour la prison pour femmes, avec les équipements.
A ce sujet, le Conseil d'Etat vous avait promis, lorsqu'il vous présenterait un crédit de construction, de vous faire des propositions de phasage, parce qu'il est évidemment exclu, pour des raisons de finances publiques, de tout faire en même temps. J'ajoute - je vous le précise d'ores et déjà - qu'il est exclu d'ouvrir un chantier dans la prison de Champ-Dollon tant que le nombre de détenus est aussi important ! Par conséquent, nous commencerons par un autre projet, mais nous verrons lequel...
Cette planification pénitentiaire s'est trouvée bousculée, parce qu'il n'est pas question d'attendre le délai normal de construction de ce type d'établissement: ce serait beaucoup trop long.
C'est la raison pour laquelle le Conseil d'Etat vous a annoncé - il vous le confirme aujourd'hui - qu'il déposera dans les plus brefs délais un projet de loi valant crédit de construction - sans passer par des études compliquées - d'un établissement d'exécution de peine d'une capacité de l'ordre de 64 places. Pourquoi ce choix ? Parce que, à Champ-Dollon, se trouvent aujourd'hui des personnes en exécution de peine, qui n'ont rien à y faire dès lors qu'il s'agit d'une prison préventive. En outre, il est plus facile de construire un établissement d'exécution pour de petites peines. En effet, cela évite de s'occuper des problèmes de collusion et des risques de fuite, puisque la plupart des personnes concernées habitent le canton, y séjournent, sont intégrées et retournent ensuite à la vie normale. Ce petit établissement n'est pas, comme certains l'ont dit, un portacabine, un container ou que sais-je encore... Pour la Suisse, c'est une construction légère, mais aux Etats-Unis ce serait une construction considérée comme pouvant durer un siècle !
Le reste, c'est la solidarité confédérale - et je me plais à relever que vous avez apprécié l'exposé du secrétaire de la Conférence latine qui nous est effectivement d'un apport précieux; c'est la gestion par le service d'application des peines et mesures, par l'office pénitentiaire, à la place près, au jour près, de toute disponibilité pour qu'il n'y ait jamais aucun gaspillage; c'est l'extension, dans les limites légales possibles, de l'usage des bracelets électroniques pour l'exécution des peines; c'est la décision que j'ai prise qu'il n'y aura plus de mineurs à Champ-Dollon - ce qui pose quelques problèmes à la Clairière, mais il faut savoir quel est le pire mal... Et le pire mal, c'est de toute évidence que des mineurs soient détenus à Champ-Dollon. Cet épisode-là est définitivement révolu !
Madame Alder, vous avez rappelé l'entrée en vigueur, très probable, au 1er janvier 2007 de la nouvelle partie générale du code pénal suisse, qui devra être accompagnée, grâce à la diligence de la commission judiciaire et de votre Grand Conseil, par la création du Tribunal d'application des peines et mesures. Ce que l'on peut en dire aujourd'hui, c'est qu'il pourrait en découler une légère amélioration de la situation - vraisemblablement... En tout cas pas une aggravation de la situation actuelle ! Mais je crains que cette amélioration ne soit que relativement marginale. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas avoir la naïveté de penser que ce nouveau code pénal permettra, à lui seul, de régler la question.
Toutefois, nous pouvons nous réjouir qu'à Genève, comparativement, par exemple, aux Etats-Unis que j'ai cités tout à l'heure, le taux de détention est beaucoup plus bas. Et il faut que ce taux reste bas. Une société se reconnaît aux valeurs qui sont les siennes, à la manière dont elle traite les exclus, dont les personnes qu'elle place en détention. Donc, nous devons avoir ce souci en permanence, mais il est vrai que le nombre de places en détention n'a pratiquement pas augmenté depuis une trentaine d'années, alors que, de toute évidence, la population a augmenté et donc, malheureusement, la criminalité aussi.
Mesdames et Messieurs les députés, pour l'essentiel, je crois que les travaux de votre commission ont mis en évidence des éléments tout à fait pertinents, qui reçoivent votre assentiment le plus large. Je peux simplement vous assurer aujourd'hui de la détermination du Conseil d'Etat, de mon département et de mes collaborateurs, de tout faire pour résoudre ces difficultés.
Le président. Je vous remercie, Monsieur le conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes au terme de ce débat. Nous devons d'abord nous prononcer sur le rapport de commission des visiteurs officiels qui vous invite, à l'unanimité, à l'approuver.
Mis aux voix, le rapport divers 605 est approuvé par 71 oui (unanimité des votants).
Le président. La commission vous propose par ailleurs de déposer la pétition 1530 sur le bureau du Grand Conseil.
Mises aux voix, les conclusions de la commission des visiteurs officiels (dépôt de la pétition 1530 sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 72 oui (unanimité des votants).
Le président. Nous passons au rapport divers 595-A.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de la commission RD 595-A.