République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 18 mai 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 8e session - 35e séance
GR 442-A
Mme Janine Hagmann (L), rapporteuse. M. J.G.B. est né en Bolivie. Il est âgé de 33 ans. Il est arrivé en Suisse en septembre 1999, sans autorisation de travail ou de séjour. Il a cependant travaillé au service de différentes personnes et est de ce fait affilié aux assurances sociales.
En 2002, il a fait l'objet d'un contrôle de police dans le village de Chavannes-de-Bogis, alors qu'il distribuait au volant d'une voiture le journal GHI en compagnie d'un compatriote. Il a déclaré remplacer un ami malade, être hébergé gratuitement et n'avoir aucune ressource financière. Il faut savoir que GHI mandate la société Epsilon pour distribuer son journal et la personne responsable de la distribution des journaux dans ce secteur a reconnu avoir employé le prévenu, mais juste pour un remplacement. D'ailleurs, le responsable de secteur a été condamné dans un premier temps à trente jours de prison avec sursis et à 3000 F d'amende, puis acquitté par le Tribunal de police après avoir recouru. Quant à M. G.B., il a aussi été condamné à 20 jours de prison avec sursis pour trois ans et à l'expulsion du territoire de la Confédération pour 10 ans.
M. G.B., en décembre 2002, rencontre une ressortissante suisse qu'il épouse en Bolivie en 2003. En 2004 naît un enfant. M. G.B. a besoin d'une autorisation de séjour pour pouvoir travailler. Pour obtenir cette autorisation, il doit être acquitté du solde de la peine d'expulsion. Il prétend résider actuellement à Barcelone. Son épouse habite Veyrier, elle ne travaille pas, elle et son enfant sont à la charge de l'Hospice général.
La commission a longuement discuté sur ce cas et a reconnu à l'unanimité que la peine d'expulsion de dix ans était très longue. Elle a vu d'autres dossiers pour des cas plus graves, notamment de gens qui avaient fait du deal, et qui n'étaient expulsés que pour cinq ans. Par contre, une partie de la commission a trouvé que la commission n'avait pas à revoir un jugement, mais d'autres personnes ont prétendu qu'il y avait des éléments nouveaux: le mariage et la naissance de l'enfant. Par ailleurs, la commission a reconnu presque à l'unanimité qu'il y avait une certaine hypocrisie dans le traitement des clandestins.
Si bien qu'après discussion, par sept voix contre cinq, la commission vous recommande d'accorder la grâce pour le solde de la peine d'expulsion de M. G.B.
M. Christian Luscher (L). J'aimerais faire observer tout d'abord que cette personne n'a pas fait opposition à l'ordonnance de condamnation qui lui a été infligée. Il est donc pour le moins étonnant qu'elle demande la grâce. Néanmoins, les faits nouveaux doivent être pris en considération.
J'aimerais tout de même rappeler, et je le rappellerai chaque fois pour que chaque fois nous ayons à l'esprit dans ce Grand Conseil que, lorsque nous gracions une personne de l'expulsion judiciaire, cela n'empêche pas l'autorité administrative de prononcer une interdiction d'entrée et que, d'une certaine façon, nous blanchissons notre conscience en accordant ce type de grâce. Cela étant, que chacun fasse ce qu'il juge bon pour sa propre conscience.
Le président. Merci pour ces précisions, Monsieur le député. Je précise que le blanchiment de conscience n'est pas encore une infraction...
M. André Reymond (UDC). Dans ce cas-là, il y a une chose que le groupe UDC aimerait bien souligner: il y a des lois et il y a le respect des lois. Je me demande, si nous acceptons la grâce dans ce cas-là, ce que vont dire les forces de l'ordre alors que, souvent, lorsqu'elles arrêtent quelqu'un, elles le voient deux jours après de nouveau sur la voie publique. Je pense que nous ne pouvons pas ici accorder la grâce. Nous devons respecter la loi. Il y a une loi, elle doit être respectée. J'insiste là-dessus et je ne comprends pas que les représentants des forces de l'ordre dans ce parlement soient d'accord de gracier cette personne alors que leurs collègues nous répètent qu'ils ne sont pas soutenus dans leurs interventions. Le groupe UDC n'acceptera pas la grâce de ce M. G.B.
Le président. Si je comprends bien, il y a un petit débat à l'intérieur même de l'institution policière.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Je ne me prononcerai bien évidemment pas le moins du monde sur la demande de grâce qui vous est faite et sur laquelle vous allez statuer. Mais l'intervention de M. Luscher m'oblige à préciser la chose suivante: si quelqu'un fait l'objet d'une expulsion judiciaire, elle doit être exécutée, à moins que vous ne graciez cette personne.
Parallèlement à cela, et M. Luscher a raison: l'autorité administrative cantonale ou fédérale peut avoir pris ou être amenée à prendre des mesures d'éloignement et par conséquent le résultat peut être que l'étranger ne restera pas en Suisse malgré une décision de grâce. Mais il faut bien voir que l'autorité administrative fédérale et cantonale est sensible à votre vote.
Dès lors, si quelqu'un fait l'objet d'une expulsion judiciaire et que vous refusez la grâce, il est forcément expulsé. Si vous le graciez de l'expulsion judiciaire, il est possible que les autorités administratives l'expulsent quand même, mais cela offre une ouverture pour que lesdites autorités administratives y renoncent. Je le dis pour être clair: ce n'est pas du blanchiment de conscience; ce n'est pas non plus un acte gratuit, parce que votre décision, même si elle ne s'exerce que sur la partie judiciaire, ne saurait rester sans conséquences dans un certain nombre de cas sur la décision administrative.
Mis aux voix, le préavis de la commission (grâce de la peine d'expulsion) est adopté par 32 oui contre 21 non et 18 abstentions.