République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 7 avril 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 7e session - 33e séance
PL 9327-B
Premier débat
M. Claude Aubert (L), rapporteur. Le titre de cette loi, «Privation de liberté à des fins d'assistance», peut être difficile à comprendre, mais vous en trouvez des applications possibles dans l'actualité. Vous vous rappelez peut-être qu'il y a quelques semaines un homme est mort dans son appartement, au milieu d'immondices, et que les personnes qui s'en occupaient indiquaient que le patient - ou cette personne - ne désirait pas qu'on s'intéresse à lui ou qu'on s'en occupe... Par conséquent, la privation de liberté impliquerait de se poser la question suivante: quand quelqu'un désire se laisser aller ainsi, la société doit-elle s'en occuper ou, au contraire, s'opposer à sa volonté ? Ce projet de loi intitulé «Privation de liberté à des fins d'assistance» traite donc de sujets d'une importance considérable, car c'est tout l'esprit d'une époque qui y est lié.
Je souhaiterais faire une deuxième remarque, parce qu'il y a beaucoup d'insécurité - la lettre de PSYCHEX en est un écho - lorsqu'on parle de patients dits «psychiatrique» ou de patients présentant des troubles mentaux. Dans la population, on voit des conceptions extrêmement différentes: la première est que le patient psychiatrique - ou qui présente des troubles mentaux - est purement une victime, et, étant donné qu'il est une victime, demande est faite que la législation soit conçue pour protéger cette victime. Pour la protéger contre les gens qui la harcèlent et, en particulier - par exemple - contre celles et ceux qui sont aussi chargés par la société d'apporter des soins. Par conséquent, on a ici une conception de victime. Puis on en a une complètement différente quand, dans un hôpital psychiatrique - comme à Pau, l'année dernière ou il y a deux ans - un patient tue deux infirmières ou lorsqu'ici, dans un bus, un homme donne un coup de couteau dans le ventre de quelqu'un d'autre, sous prétexte que cette personne était «malfaisante»... Immédiatement, on a dans la population un retournement de situation avec des personnes qui pensent qu'il faut absolument enfermer les gens dans les hôpitaux psychiatriques, qu'il faut supprimer toute libéralisation des traitements dans les hôpitaux. Dès lors, le législateur ne peut pas prendre pour vraies l'une ou l'autre de ces opinions... On entend encore dire autre chose: qu'il y a l'opinion médicale. Quand vous lisez qu'un homme tue sa femme et ses enfants, qu'il se supprime ensuite, et que cette tuerie sert à protéger la famille contre des agressions imaginaires, il s'agit pour les médecins d'une personne «mélancolique», qui aurait pu être soignée et la tuerie évitée.
Aussi le législateur doit-il trouver des formulations qui évitent les excès de telle ou telle définition. Ce projet de loi tel que rédigé nous paraît équilibré, et c'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir l'accepter.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Il est vrai que, hier, j'avais demandé le retour en commission. Je ne l'ai pas fait pour le premier projet de loi que nous avons voté parce que nous étions d'accord, mais celui-ci, comme l'a dit M. Aubert, relève de quelque chose d'extrêmement important puisqu'il s'agit de privation de liberté à des fins d'assistance. Or nous avons reçu hier une information de M. Paychère qui signalait qu'une partie de ces lois devaient être revues pour être conformes à la loi fédérale. Et sur un sujet aussi difficile que la privation de liberté à des fins d'assistance, je pense que le renvoi en commission est indispensable.
La présidente. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission: seule une personne par groupe peut s'exprimer à ce propos.
M. Christian Brunier (S). On comprend l'intervention des Verts, puisqu'il y a eu hier une demande très formelle et que le président n'a pas jugé utile de la mettre aux voix. Une fois de plus, il y a eu un dérapage de la présidence. (Protestations. Brouhaha.) On comprend qu'il y ait une sorte de retour à la charge... Mais nous ne soutiendrons pas le renvoi en commission parce que cela n'a pas vraiment de sens, nous l'avons dit à nos collègues Verts. Après avoir approuvé le premier projet de loi, nous ne voyons aucune bonne raison de renvoyer celui-là en commission alors que nous avons travaillé pendant des mois sur les trois projets.
M. Michel Forni (PDC). Nous refuserons le renvoi en commission de ce projet de loi parce que la privation de liberté à des fins d'assistance est une mesure exceptionnelle, il faut bien le dire. Comme il l'a été relevé ce soir, nous n'arrivons pas à dépasser certaines de nos lacunes neurobiologiques et nous avons besoin de sécuriser des patients pour privilégier des thérapies spécialisées, cela dans le cadre d'un milieu protégé. Lorsqu'une alliance thérapeutique ne peut pas être établie et que le conflit dépasse la raison et la conscience, force est de protéger le patient prioritairement. Mais il faut également protéger son entourage et parfois la société. La thérapie doit désamorcer la crise. Nous sommes dans une vision moderne, thérapeutique, il est vrai, qui définit une adéquation entre patient, évaluation et traitement, mais aussi des facteurs d'influence qui s'appellent «conflit», «crise» et «légitimité».
Le PDC a pris acte de l'encadrement et des procédures proposées face à cette pathologie et face à ses répercussions, et il confirme qu'il convient mieux de voter l'entrée en matière plutôt que de renvoyer cet objet aux calendes grecques. (Quelques applaudissements.)
Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9327 à la commission de la santé est rejeté par 60 non contre 14 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, le projet de loi 9327 est adopté en premier débat par 52 oui contre 13 non et 1 abstention.
La loi 9327 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9327 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 11 non et 2 abstentions.