République et canton de Genève

Grand Conseil

La séance est ouverte à 17h, sous la présidence de Mme Anne Mahrer, première vice-présidente.

Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, Laurent Moutinot, Robert Cramer, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.

Exhortation

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.

Personnes excusées

La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. David Hiler, conseiller d'Etat, ainsi que Mmes et MM. Virginie Keller Lopez, André Reymond, Jean Rossiaud, Françoise Schenk-Gottret, Pierre Schifferli, Louis Serex et Francis Walpen, députés.

Annonces et dépôts

Néant.

Interpellations urgentes écrites

La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : Casse à la BCGe succursale de la Jonction 16 mois après ! (IUE 268)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : L'art de ne pas répondre ou l'art de "botter" en touche (IUE 269)

Interpellation urgente écrite de M. André Reymond : Conception des zones 30 et hiérarchie du réseau routier (IUE 270)

Interpellation urgente écrite de M. André Reymond : Rue des Gares (IUE 271)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Bertinat : Fonds d'infrastructure (dopo avanti). Elargissement de l'autoroute Genève - Lausanne (IUE 272)

Interpellation urgente écrite de M. Pierre Kunz : Vote des étrangers : mais que fait le bureau de l'intégration ? (IUE 273)

Interpellation urgente écrite de Mme Anne Emery-Torracinta : Baisse des prestations d'assistance : et le "ninisme" ? (IUE 274)

Interpellation urgente écrite de M. Roger Deneys : Insécurité routière : quand cette situation inadmissible prendra-t-elle fin ? (IUE 275)

Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Plan de mesures du Conseil d'Etat : proposition d'économie N° 74 (IUE 276)

Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Plan de mesures du Conseil d'Etat : proposition d'économie N° 76 (IUE 277)

Interpellation urgente écrite de M. Eric Bertinat : Plan de mesures du Conseil d'Etat : proposition d'économie (IUE 278)

Interpellation urgente écrite de M. Claude Jeanneret : Quel type de surveillance, au sens de l'article 5 de la loi sur l'administration des communes, le Conseil d'Etat exerce-t-il pour s'assurer de la bonne gestion des nombreux fermages que la Ville de Genève octroie à des tiers (IUE 279)

IUE 268 IUE 269 IUE 270 IUE 271 IUE 272 IUE 273 IUE 274 IUE 275 IUE 276 IUE 277 IUE 278 IUE 279

La présidente. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante, à savoir celle de mai.

Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour, avec le point 23.

PL 9326-B
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (K 3 03)

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 et 2.

Mis aux voix, les alinéas 1 à 4 de l'article 3 sont adoptés.

La présidente. A l'alinéa 5, nous sommes saisis d'un amendement. Je vous le lis: « Les dirigeants et les présidences d'associations professionnelles et d'institutions de la santé ne peuvent siéger dans cette commission». M. Brunier, je vous donne la parole.

M. Christian Brunier (S). Cet amendement est relativement simple, c'est un acte de bonne gouvernance. Nous en parlons beaucoup en commission actuellement, il s'agit de la composition de la commission de surveillance des professions de la santé. Nous voulons simplement que les présidents, par exemple de l'Association des médecins de Genève ou d'autres institutions ou associations, ne puissent pas être membres de cette commission. Comment, en effet, un président ou une présidente de corporation pourrait-il ou pourrait-elle contrôler et surveiller la profession ? Nous estimons qu'il y a une sorte d'incompatibilité. A partir de là, nous souhaitons la restreindre tout simplement pour des raisons de bonne gouvernance. Je vous invite donc à accepter cet amendement.

M. Claude Aubert (L), rapporteur. Pour la bonne compréhension du débat, je veux simplement rappeler que nous discutons d'un amendement qui a déjà été présenté en deuxième débat lors des travaux de la commission: il a été refusé. Il a ensuite été représenté en troisième débat, toujours en commission, et il a encore été refusé.

Le fait que cet amendement soit présenté maintenant indique peut-être que nous n'avons - la majorité - pas compris exactement quel était le problème. Par conséquent, il est utile qu'on en parle. Ou alors, on peut imaginer que les deux votes négatifs seront reconduits.

En termes simples, une partie de la commission disait que les lobbies n'ont pas de place dans cette commission de surveillance et la majorité estimait que les dirigeants ou présidents d'associations sont vraiment qualifiés pour savoir ce qui se passe dans leurs organisations et, ainsi, qu'ils étaient bien placés pour exercer un regard critique. C'est dans ce sens-là que la majorité a refusé deux fois cet amendement.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 42 non contre 32 oui.

Mis aux voix, l'alinéa 5 de l'article 3 est adopté, de même que l'alinéa 6.

Mis aux voix, l'article 4 est adopté, de même que les articles 5 à 34.

Mis aux voix, l'article 35 (souligné) est adopté.

Troisième débat

La loi 9326 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9326 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 59 oui et 12 abstentions.

Loi 9326

PL 9327-B
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat concernant la privation de liberté à des fins d'assistance (K 1 25)

Premier débat

M. Claude Aubert (L), rapporteur. Le titre de cette loi, «Privation de liberté à des fins d'assistance», peut être difficile à comprendre, mais vous en trouvez des applications possibles dans l'actualité. Vous vous rappelez peut-être qu'il y a quelques semaines un homme est mort dans son appartement, au milieu d'immondices, et que les personnes qui s'en occupaient indiquaient que le patient - ou cette personne - ne désirait pas qu'on s'intéresse à lui ou qu'on s'en occupe... Par conséquent, la privation de liberté impliquerait de se poser la question suivante: quand quelqu'un désire se laisser aller ainsi, la société doit-elle s'en occuper ou, au contraire, s'opposer à sa volonté ? Ce projet de loi intitulé «Privation de liberté à des fins d'assistance» traite donc de sujets d'une importance considérable, car c'est tout l'esprit d'une époque qui y est lié.

Je souhaiterais faire une deuxième remarque, parce qu'il y a beaucoup d'insécurité - la lettre de PSYCHEX en est un écho - lorsqu'on parle de patients dits «psychiatrique» ou de patients présentant des troubles mentaux. Dans la population, on voit des conceptions extrêmement différentes: la première est que le patient psychiatrique - ou qui présente des troubles mentaux - est purement une victime, et, étant donné qu'il est une victime, demande est faite que la législation soit conçue pour protéger cette victime. Pour la protéger contre les gens qui la harcèlent et, en particulier - par exemple - contre celles et ceux qui sont aussi chargés par la société d'apporter des soins. Par conséquent, on a ici une conception de victime. Puis on en a une complètement différente quand, dans un hôpital psychiatrique - comme à Pau, l'année dernière ou il y a deux ans - un patient tue deux infirmières ou lorsqu'ici, dans un bus, un homme donne un coup de couteau dans le ventre de quelqu'un d'autre, sous prétexte que cette personne était «malfaisante»... Immédiatement, on a dans la population un retournement de situation avec des personnes qui pensent qu'il faut absolument enfermer les gens dans les hôpitaux psychiatriques, qu'il faut supprimer toute libéralisation des traitements dans les hôpitaux. Dès lors, le législateur ne peut pas prendre pour vraies l'une ou l'autre de ces opinions... On entend encore dire autre chose: qu'il y a l'opinion médicale. Quand vous lisez qu'un homme tue sa femme et ses enfants, qu'il se supprime ensuite, et que cette tuerie sert à protéger la famille contre des agressions imaginaires, il s'agit pour les médecins d'une personne «mélancolique», qui aurait pu être soignée et la tuerie évitée.

Aussi le législateur doit-il trouver des formulations qui évitent les excès de telle ou telle définition. Ce projet de loi tel que rédigé nous paraît équilibré, et c'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir l'accepter.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Il est vrai que, hier, j'avais demandé le retour en commission. Je ne l'ai pas fait pour le premier projet de loi que nous avons voté parce que nous étions d'accord, mais celui-ci, comme l'a dit M. Aubert, relève de quelque chose d'extrêmement important puisqu'il s'agit de privation de liberté à des fins d'assistance. Or nous avons reçu hier une information de M. Paychère qui signalait qu'une partie de ces lois devaient être revues pour être conformes à la loi fédérale. Et sur un sujet aussi difficile que la privation de liberté à des fins d'assistance, je pense que le renvoi en commission est indispensable.

La présidente. Nous sommes saisis d'une demande de renvoi en commission: seule une personne par groupe peut s'exprimer à ce propos.

M. Christian Brunier (S). On comprend l'intervention des Verts, puisqu'il y a eu hier une demande très formelle et que le président n'a pas jugé utile de la mettre aux voix. Une fois de plus, il y a eu un dérapage de la présidence. (Protestations. Brouhaha.) On comprend qu'il y ait une sorte de retour à la charge... Mais nous ne soutiendrons pas le renvoi en commission parce que cela n'a pas vraiment de sens, nous l'avons dit à nos collègues Verts. Après avoir approuvé le premier projet de loi, nous ne voyons aucune bonne raison de renvoyer celui-là en commission alors que nous avons travaillé pendant des mois sur les trois projets.

M. Michel Forni (PDC). Nous refuserons le renvoi en commission de ce projet de loi parce que la privation de liberté à des fins d'assistance est une mesure exceptionnelle, il faut bien le dire. Comme il l'a été relevé ce soir, nous n'arrivons pas à dépasser certaines de nos lacunes neurobiologiques et nous avons besoin de sécuriser des patients pour privilégier des thérapies spécialisées, cela dans le cadre d'un milieu protégé. Lorsqu'une alliance thérapeutique ne peut pas être établie et que le conflit dépasse la raison et la conscience, force est de protéger le patient prioritairement. Mais il faut également protéger son entourage et parfois la société. La thérapie doit désamorcer la crise. Nous sommes dans une vision moderne, thérapeutique, il est vrai, qui définit une adéquation entre patient, évaluation et traitement, mais aussi des facteurs d'influence qui s'appellent «conflit», «crise» et «légitimité».

Le PDC a pris acte de l'encadrement et des procédures proposées face à cette pathologie et face à ses répercussions, et il confirme qu'il convient mieux de voter l'entrée en matière plutôt que de renvoyer cet objet aux calendes grecques. (Quelques applaudissements.)

Mis aux voix, le renvoi du rapport sur le projet de loi 9327 à la commission de la santé est rejeté par 60 non contre 14 oui et 4 abstentions.

Mis aux voix, le projet de loi 9327 est adopté en premier débat par 52 oui contre 13 non et 1 abstention.

La loi 9327 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9327 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 58 oui contre 11 non et 2 abstentions.

Loi 9327

PL 9328-B
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat sur la santé (K 1 03)

Premier débat

M. Claude Aubert (L), rapporteur. Pour celles et ceux qui, peut-être, ne sont pas au courant de l'ampleur de ce projet de loi, je rappellerai en quelques mots qu'il s'agit d'une loi-cadre qui a permis d'inclure dans un seul texte un ensemble de dispositions législatives complétées et actualisées et qui permet aussi un certain nombre d'innovations.

Historiquement, c'est en avril 2002 que le Conseil d'Etat nomme une commission extraparlementaire sous la présidence de M. Gobet, directeur de cabinet, pour élaborer un avant-projet. Le 17 décembre 2003, le Conseil d'Etat lance une procédure de consultation auprès des départements et organisations intéressés: 77 organisations cantonales et fédérales; 8 organisations et 2 personnes physiques; 58 réponses parvenues au DASS. C'est dire la préoccupation du département de réunir les avis extrêmement diversifiés.

Ce projet de loi, qui fera date, vous est soumis maintenant en discussion plénière, et je me réjouis de pouvoir parvenir au vote final.

Mis aux voix, le projet de loi 9328 est adopté en premier débat par 72 oui (unanimité des votants).

Deuxième débat

Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3 et l'alinéa 1 de l'article 4.

La présidente. A l'alinéa 2, nous sommes saisis d'un amendement présenté par Mme Fehlmann Rielle, M. Christian Brunier et M. Alain Charbonnier. Je vous le lis: «Quand un projet législatif peut avoir une influence sur la santé, le Conseil d'Etat l'accompagne d'une évaluation de son impact potentiel sur la santé». Monsieur Charbonnier, vous avez la parole.

M. Alain Charbonnier (S). Notre amendement est tout simple, il consiste à revenir au texte original qui avait été proposé par le président du DASS de l'époque - maintenant «département de l'économie et de la santé» - et qui demande, lorsqu'un qu'un projet législatif quel qu'il soit a un impact sur la santé, qu'il soit accompagné d'une évaluation de son impact potentiel sur cette santé. Cela paraît simple et évident, et prendre les précautions d'usage dans le domaine de la santé est la moindre des choses. C'est déjà le cas actuellement, mais il s'agit simplement d'inscrire cela dans la loi.

Or, en commission, des commissaires ont voulu supprimer complètement cet alinéa. Le Conseil d'Etat est revenu avec un amendement lui donnant la possibilité de décider d'accompagner une évaluation de son impact potentiel sur la santé, et nous, nous estimons que dès qu'un projet législatif a un impact sur la santé, il doit s'accompagner de cette évaluation. Donc, nous vous prions d'accepter notre amendement.

M. Claude Aubert (L), rapporteur. Il est utile que nous reprenions tranquillement cet amendement, puisque nous avons, en commission, discuté longuement de la formulation. Le sujet est donc important et mérite qu'on lui consacre un petit moment.

En commission, une certaine majorité a réfléchi aux conséquences pratiques de la formulation initiale et, au fond, s'est posé une quantité de questions sur les limites possibles. En effet, la santé étant définie d'une manière exhaustive, comment peut-on savoir si un projet de loi aura ou non une répercussion sur la santé, et à quel niveau ? Je prends un seul exemple: lorsque vous avez une loi sur le chômage, compte tenu des répercussions de ce dernier sur la santé, est-ce que cette formulation imposerait des expertises quant aux conséquences de cette loi sur les formulations législatives ? Par conséquent, cela entraînerait toute une série de travaux, voire de perturbations, étant donné tout ce qui a trait, par exemple, aux transports ou à l'aménagement ? En fait, tout peut avoir un impact sur la santé... C'est pourquoi la majorité de la commission avait demandé que l'on supprime cet article; ensuite le Conseil d'Etat est revenu avec le texte du projet de loi 9328B.

Quand on se penche sur l'amendement, il est assez difficile de savoir quelles sont les nuances... Premièrement, on lit: «Quand un projet législatif...» - et dans le texte du projet de loi, on lit: «Si un projet législatif...». Deuxièmement, dans l'amendement, c'est: «... peut avoir une influence sur la santé»; dans le texte du projet de loi, c'est: «... est susceptible d'engendrer des conséquences négatives sur la santé...». Troisièmement, dans l'amendement, c'est: «... le Conseil d'Etat l'accompagne d'une évaluation...» - dans le texte du projet de loi, c'est: «le Conseil d'Etat peut décider de l'accompagner...».

Donc, il y a une grande différence entre l'amendement et le texte qui est proposé ! Cela donne au Conseil d'Etat la latitude de pouvoir définir si on doit aller plus loin ou non. Et c'est ce texte qui a été adopté par une grande majorité de la commission.

M. Christian Brunier (S). Lorsqu'on veut refuser quelque chose, on peut toujours complexifier les choses... La différence est claire: lorsqu'un projet a un impact sur la santé, on demande une évaluation. Toutes les fois ! Or actuellement, ce n'est pas indiqué dans la loi, et c'est cela la grande différence. C'est: vous laissez le choix au gouvernement de décider s'il veut ou non procéder à une étude d'impact sur la santé par rapport à tel ou tel projet législatif. Et s'il y a une incidence, présumée, d'un projet sur la santé publique, nous pensons que le gouvernement se doit absolument de faire une étude d'impact. Lorsqu'on s'occupe d'aménagement du territoire, maintenant on ne se pose plus les questions... Quand il y a un aménagement, des études d'impact sont réalisées dans de nombreux domaines, notamment au niveau environnemental. Eh bien, au niveau de la santé, nous pensons que c'est la moindre des choses de demander cela ! Le Conseil d'Etat l'avait prévu, visiblement il pensait que cette démarche n'était pas d'une lourdeur absolue.

Nous demandons simplement de revenir à la sagesse du Conseil d'Etat et de rétablir l'article comme il l'était.

M. Michel Forni (PDC). Il est évident que dans la santé comme dans d'autres milieux on peut toujours recourir à l'inflation législative ! L'inflation, c'est du temps, c'est de l'argent. Et je rappellerai à M. Brunier que quand on travaille en médecine, on travaille par phases, par études. Et lorsqu'un projet est lancé, il a toujours un impact. Alors, la médecine n'est pas une science exacte, c'est vrai, mais c'est en principe une succession d'événements qui permet d'apprécier, d'analyser et d'«y aller». Donc, lorsqu'un Conseil d'Etat est en mesure d'envisager un objectif, de le fixer et de l'atteindre, il est évident qu'il prend des mesures ! Alors attention: soignants, soignés, «acteurs juridiques» - appelons cela ainsi - disposent d'un cadre légal qui est le même.

L'objectif, c'est de maîtriser les nouvelles subtilités de la réglementation, mais c'est aussi d'arrêter l'inflation législative. Il faut cesser de devoir lutter contre cette dernière. Donc, dans ce sens-là, je propose de renoncer à cet amendement.

M. Gilbert Catelain (UDC). Effectivement, la commission a longuement débattu de cet objet, et je crois qu'elle l'a traité en toute confiance. Le débat a été long mais pas passionné, c'est un débat rationnel. D'ailleurs, à la commission de la santé il n'y a, en principe, pas de clivages politiques.

La commission a décidé de ne pas entrer en matière sur cet aspect de la loi. Parce qu'il est possible d'imaginer que la multiplication d'études d'impact poursuive le but politique de freiner n'importe quel objet d'investissement dont on peut se douter qu'il aura un impact sur la santé... Exemple: la traversée de la Rade. Faisons une étude d'impact sur la santé dans le cadre de la traversée de la Rade... (Remarques. Brouhaha.) Par exemple !

Donc, rien qu'en raison de ce motif et des coût engendrés par les études d'impact que l'on pourra réaliser tout au long de l'année - plus le développement de lobbies dans lesquels M. Brunier et ses amis ont des intérêts - je vous propose de renoncer à voter cet amendement.

M. Christian Brunier (S). Si vous voulez lutter contre l'inflation législative, il faut supprimer cet article. Car inscrire dans une loi «le gouvernement peut faire quelque chose»... Il peut toujours le faire ! Là, vous vous donnez un peu bonne conscience, vous dites: «S'il y a un impact sur la santé, le gouvernement "peut" faire une étude d'impact»... S'il a envie, n'est-ce pas ?! Cet article ne sert à rien.

Soit l'on pense que, s'il y a une incidence sur la santé, on doit faire une étude d'impact - alors on l'écrit clairement dans la loi et le gouvernement doit faire cette étude ! Soit on dit: «Le gouvernement fait ce qu'il veut», et l'on supprime carrément cet article. Mais ne faites pas des articles pour faire des articles ! C'est ça, l'inflation législative ! Et prévoir un article stipulant: «Le gouvernement peut faire...», cela ne sert à rien et c'est du texte juste pour se donner bonne conscience ! (Remarques. Brouhaha.)

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 53 non contre 13 oui et 8 abstentions.

Mis aux voix, l'alinéa 2 de l'article 4 est adopté, de même que les alinéas 3 à 6.

Mis aux voix, les articles 5 à 70 sont adoptés.

Mis aux voix, les alinéas 1 et 2 de l'article 71 sont adoptés.

La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement à l'alinéa 3. Il est présenté par Mme Laurence Fehlmann Rielle et M. Alain Charbonnier. Je vous le lis: «Le Grand Conseil sur proposition du Conseil d'Etat se prononce sur toute modification de la liste des professions de la santé qui figure dans le règlement de la présente loi. Le Conseil d'Etat établit périodiquement par voie réglementaire les conditions spécifiques des droits de pratique de ces professions». Madame Fehlmann-Rielle, vous avez la parole.

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Cet alinéa a aussi fait l'objet de discussions controversées et c'est pourquoi nous proposons un amendement.

Il nous semble que le Grand Conseil doit avoir un droit de regard sur la liste des professions de la santé. D'ailleurs, plusieurs organismes auditionnés se sont exprimés dans le même sens, notamment pour des raisons de transparence et d'information du public. Il a été objecté à cela qu'il était trop compliqué et trop lourd d'effectuer un changement chaque fois qu'il y avait une modification de la liste.

Pour notre part, nous pensons que la liste ne se change pas toutes les cinq minutes et qu'il est tout à fait possible d'interroger le Grand Conseil lorsque c'est nécessaire, lors d'une modification ou d'une adjonction des professions de la santé. C'est pourquoi nous vous demandons de tenir compte de notre amendement et de l'accepter.

M. Claude Aubert (L), rapporteur. Je pense qu'il est utile de s'arrêter sur cet amendement. Il s'agit d'un point tout à fait central parce qu'il faut déterminer sur un plan vraiment politique ce que nous voulons. Le débat est donc ouvert, il a été important lors de nos travaux en commission.

Juste pour illustrer ce dont il s'agit, je vais vous lire la liste des professionnels de la santé autres que les médecins dentistes, pharmaciens et médecins. Voici la liste actuelle des professionnels de la santé: «ambulanciers, assistants médicaux et médecins dentistes, assistants en médecine dentaire, assistants pharmaciens, assistants en podologie, chiropraticiens, diététiciens, droguistes, ergothérapeutes, hygiénistes dentaires, infirmiers, logopédistes, opticiens, ostéopathes, pédicures podologues, physiothérapeutes et masseurs kinésithérapeutes, préparateurs en pharmacie, psychologues, psychomotriciens, sages-femmes, techniciens ambulanciers».

La question qui se pose est que, si le Conseil d'Etat agit par voie réglementaire, il est effectivement en charge de déterminer ce dont il s'agit. Or, si l'on admet que c'est le Grand Conseil qui se prononce, la question - qui ne semble pas encore tout à fait bien précisée - est alors de savoir sous quelle forme. De plus, si le Grand Conseil devait se prononcer, cela signifie-t-il qu'il y a un projet de loi ? Je ne le sais pas, mais il devrait alors être renvoyé en commission. De ce point de vue-là - Mme Fehlmann Rielle l'a bien relevé - pour qu'une éventuelle nouvelle profession puisse être avalisée, on rencontrerait des problèmes relatifs à la durée des travaux, vu la longueur de nos ordres du jour.

Je pense que c'est là une question très intéressante et serais heureux que nous puissions nous déterminer d'une manière claire et catégorique, car il s'agit d'un choix politique.

M. Alain Charbonnier (S). M. Aubert l'a dit: c'est effectivement un choix politique. Mais je crois que l'un des points les plus importants de ce projet de loi est le choix des professions de la santé qui figurent dans cette liste. Vous avez un petit problème par rapport à la procédure... Mais il suffit que le Grand Conseil vote une résolution demandant une modification du règlement.

Si l'on a déposé cet amendement sous cette forme-là et que l'on ne demande pas que la liste figure dans la loi, c'est pour ne pas alourdir le travail et pour que le Conseil d'Etat et ses services aient tout loisir de régler les détails avec les associations professionnelles qui demanderaient l'inscription ou l'annulation d'une profession. Parce qu'on peut aussi imaginer ce cas de figure ! Finalement, la décision serait prise au sein de notre Conseil, sous forme de résolution, ce qui ne demande pas un travail législatif énorme. A ce moment-là, le Conseil d'Etat viendrait avec une proposition complète, déjà étudiée, et nous n'aurions qu'à avaliser la décision du Conseil d'Etat ! Cela nous laisse quand même la possibilité de donner notre avis sur l'instauration de nouvelles professions. Et, il faut quand même le dire, même si la liste paraît longue - lorsque vous l'énumérez ainsi, Monsieur Aubert - elle ne s'est pas faite en trois semaines ! Et elle ne se modifie pas toutes les trois semaines. Ces professions ont nécessité du temps pour être inscrites, non seulement à cause du travail parlementaire, mais parce qu'il a fallu du temps pour qu'elles soient reconnues par les pairs de ces professions, que ce soit par les médecins ou par d'autres.

Nous pouvons donc tout à fait aller dans ce sens, cela ne représentera pas une démarche trop lourde et laissera le choix politique aux députés qui décideront de l'ajout ou du retrait d'une profession dans cette liste.

La présidente. Nous allons nous prononcer sur l'amendement concernant l'alinéa 3 de l'article 71.

Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 54 non contre 25 oui.

Mis aux voix, l'alinéa 3 de l'article 71 est adopté.

Mis aux voix, l'article 72 est adopté, de même que les articles 73 à 138.

Mis aux voix, l'article 139 (souligné) est adopté.

(La présidente est applaudie à l'issue de l'énumération des nombreux articles.)

La présidente. Je vous remercie ! Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez la parole.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, avant de répondre, par un oui tonitruant, à la question du troisième débat, j'aimerais simplement vous dire que votre parlement - du moins je l'espère - va adopter cette loi-cadre sur la santé, qui modifie très profondément le paradigme législatif entourant la santé.

En effet, à l'heure actuelle, il y a une dizaine de lois qui regroupent un peu plus de 700 articles, qui ne traitent que de la maladie, d'une part, et des structures chargées de s'en occuper, d'autre part. A travers cette loi sur la santé, on s'aperçoit que les soins ne sont qu'une étape d'un processus infiniment plus complexe, qui est celui de la santé, tel que l'OMS l'a décrit.

Et puis, nous avions voulu élaborer cette loi - et je remercie aussi bien la commission extraparlementaire, qui a entouré la naissance du projet de loi, que votre commission de ce Grand Conseil, qui a accompagné cette naissance pour de vrai - loi qui devrait pouvoir entrer en vigueur relativement rapidement, en plaçant l'être humain dans sa globalité au centre du dispositif qu'entoure la santé.

Vous avez été d'accord à cet égard de renforcer significativement la responsabilisation des partenaires en matière de communication, en matière d'information, en matière de droits, en matière de devoirs - et ça n'est pas si fréquent ! - et, bien sûr, en matière de formation. Vous avez introduit cette notion, si importante à l'heure où nous luttons les uns comme les autres contre l'explosion des coûts de la santé: la notion du médecin de confiance, celle qui permet d'avoir un médecin référant qui devient votre allié thérapeutique au cours de l'épreuve que peut être l'atteinte à la santé. Vous avez privilégié l'autonomie du patient; vous avez aidé à comprendre ce qu'était la capacité de discernement, aussi bien à travers son obligation - s'agissant de l'acceptation d'actes de diagnostic ou d'actes thérapeutiques - que son renoncement - à travers les normes en matière de directives anticipées; et puis, vous avez préalablement accepté de revoir la composition de la commission de surveillance des professions de la santé, mais surtout d'y adjoindre la fonction de la garantie des droits des patients.

En résumé, j'aimerais remercier toutes celles et ceux qui ont contribué à ce travail. Il est vrai que si les débats ont été longs, ils ont été sereins - comme l'a dit le député Catelain - essayant chaque fois de se pencher sur le fond, sur l'essence même de ce que l'on voulait dire à travers ce texte, plutôt que de se disputer autour de choses à caractère politicien.

Alors ici - au nom de celles et ceux qui m'ont accompagné dans l'élaboration du projet qui vous avait été soumis - à vous, qui nous avez soutenus afin qu'il aboutisse, j'aimerais vraiment vous dire un grand merci !

Troisième débat

La loi 9328 est adoptée article par article en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9328 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 83 oui et 1 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)

Loi 9328

M 1656
Proposition de motion de Mme et MM. Eric Stauffer, Roger Golay, Thierry Cerutti, Sandra Borgeaud : Assurance-maladie : les Genevois arnaqués. Exigeons la transparence totale !

Débat

La présidente. Monsieur Follonier, vous avez la parole. (Remarque. ) Oui, mais visiblement les auteurs de la motion ne souhaitent pas s'exprimer... (Remarque.) Monsieur Follonier, si vous êtes d'accord, je vais passer la parole à M. Stauffer. Excusez-moi, mais son nom n'apparaissait pas en premier sur mon écran.

M. Eric Stauffer (MCG). Ne vous faites pas de souci, Madame la présidente ! Je vous remercie.

Nous aimerions tout d'abord saluer l'effort et le travail effectués par notre conseiller d'Etat Pierre-François Unger dans le domaine des primes de l'assurance-maladie, mais il faut aller plus loin.

Il faut aller plus loin, car il n'est pas acceptable que les résidents genevois payent pour le déficit d'autres cantons. Vous le savez, les primes d'assurance-maladie de Genève sont quasiment les plus élevées de Suisse: elles ont augmenté de huit à quatorze fois plus que les salaires. Et il n'est pas simplement concevable pour nos concitoyens de payer, pour une famille entière, des primes avoisinant les 1500 francs par mois ! Nous voudrions donc, par cette motion, encourager le Conseil d'Etat. Nous savons qu'il s'agit de dispositions fédérales, mais nous aimerions que notre gouvernement puisse faire entendre la voix des citoyens et citoyennes genevois afin que l'équité règne dans le domaine des primes d'assurance-maladie.

Ces primes d'assurance-maladie reposent sur des prévisions difficiles à établir quant à la hausse des coûts, donc grossières. En outre, les erreurs de prévisions faites par le passé sont également intégrées dans le calcul... Partant de là, puisque tous les citoyens de ce pays sont obligés de s'assurer contre la maladie, il n'est pas normal que ce soient des compagnies privées qui effectuent des réserves à coups de centaines de millions ! Sous prétexte qu'«on ne sait jamais» et qu'il faut avoir des réserves en termes d'assurance...

J'aimerais juste vous donner quelques chiffres: Genève aurait, sur les primes d'assurance-maladie, réalisé des réserves de plus de 27% dans les compagnie d'assurance privées. Donc, nous avons d'un côté l'obligation légale de devoir s'assurer auprès d'une caisse maladie et, de l'autre côté, les primes nous sont imposées. Devons-nous déceler ici un impôt caché qui n'aurait pas été soumis à la votation populaire ? Cela n'est pas normal, il faut que ces choses se rétablissent ! Il faut une équité de traitement entre le canton de Genève et les autres cantons suisses. Il n'est tout simplement pas normal que les primes d'assurance soient quasiment moins chères de 50% dans le canton du Valais que dans le canton de Genève !

Raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, nous vous demandons de soutenir cette motion déposée par le Mouvement Citoyens Genevois. Merci !

M. Jacques Follonier (R). Je crois qu'il faudra être très prudent dans le traitement de cette motion. En effet, je vois dores et déjà que M. Stauffer se trompe dans sa manière de penser: il mélange l'assurance publique et l'assurance privée. C'est une chose que l'on ne doit jamais faire, Monsieur Stauffer, je vous en prie ! Faites au moins attention à cela, sinon votre argumentation ne sera pas crédible et ce serait dommage.

Je dois dire quelque chose sur le fond: c'est une problématique que le parti radical a dénoncée - je l'ai fait il y a trois ans - et qui me touche personnellement beaucoup. Nous avons examiné ces problèmes, parce qu'effectivement tout dépend de la position dans laquelle on se place... Je pense que vous connaissez déjà la statistique des assureurs et celle des assurés. Selon le camp dans lequel on se place, c'est très simple à voir... Si vous prenez tous les assurés de Genève et que vous comptez ce qu'ils y consomment, vous obtenez une vision réelle de ce que sont les coûts à Genève; mais si vous prenez la statistique des assureurs, c'est-à-dire avec tous les assurés qui consomment à Genève - y compris les Vaudois et d'autres personnes qui y viennent pour consommer de la médication et des soins médicaux - et que vous divisez cela par le nombre de prestataires de soins, eh bien, les coûts sont entièrement changés ! Et c'est ce qui a longtemps causé une énorme divergence de vues concernant Genève, de même que d'énormes problèmes quant à la fixation du coût des primes genevoises - choses que nous devrions arriver à changer un jour, je l'espère.

Par ailleurs, il est vrai que l'on entend tout le temps - et c'est dommage - parler de la «transparence des caisses maladies». On nous a dit - même au département - qu'aujourd'hui la transparence commençait à s'instaurer... Je reste malgré tout très sceptique, parce que l'OFAS lui-même a de la peine à comprendre les comptes des caisses, la manière dont ils sont présentés à l'OFAS - et M. Britt, chef de l'OFAS, sait parfaitement que la manière dont ils sont présentés est souvent sommaire, voire relativement simpliste, ce qui permet difficilement de trouver une solution compréhensible concernant l'augmentation des coûts de ces caisses maladie.

Dès lors, on peut aussi s'étonner - comme l'ont fait les motionnaires - que les coûts de la santé diminuent à Genève mais que les primes d'assurance continuent à augmenter. Je pense que c'est le bon moment pour que le Conseil d'Etat bouge un peu et qu'il se saisisse de cette difficulté. Je sais, Monsieur le Conseiller d'Etat, que c'est difficile. J'en suis conscient ! Néanmoins, dans certains cantons, quelques-uns ont eu une petite part de chance - qu'on vous souhaite dans cette argumentation. Et j'espère que vous réussirez, à l'instar du canton de Vaud, à remettre un peu d'ordre en ce qui concerne notre canton.

C'est la raison pour laquelle le parti radical se réjouit de renvoyer cette motion à la commission de la santé pour l'y étudier.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Cette motion nous paraît extrêmement intéressante, car il est vrai que les primes d'assurance-maladie ne cessent d'augmenter. Mais il est vrai aussi que les besoins du domaine de la santé sont inépuisables. Si vous êtes malades ou si vous avez un accident et que vous pouvez bénéficier de soins de très haut niveau, il est clair que c'est ce que vous choisissez. Et nous avons la chance, à Genève, de pouvoir s'offrir, et offrir à notre population, des soins d'une très grande qualité ainsi qu'un large choix de prestations.

Il est important de réclamer une transparence totale dans la compatibilité des caisses maladies - car des problèmes se posent à l'heure actuelle - et le Conseil d'Etat effectue des démarches en ce sens. C'est pourquoi nous soutiendrons cette motion.

Probablement que le renvoi en commission de la santé est une chose intéressante, mais les Verts ont une proposition par rapport aux coûts de la santé: vous la connaissez tous, il s'agit d'une initiative fédérale qui sera probablement votée au mois de janvier 2007 et qui concerne une caisse unique... (Exclamations)... qui n'est pas forcément la panacée ! C'est toutefois un petit progrès dans la limitation des coûts. Effectivement, il n'y aura pas 50 ou 150 caisses, comme il en existe maintenant - il y en avait 300 il y a encore dix ans - et cela permettra de savoir ce que l'on fait dans tous les cantons. Cette initiative représente donc une petite avancée dans la réduction des coûts de la médecine.

Ensuite, il s'agit un choix politique. Il s'agit aussi d'un choix personnel concernant la santé, qui permettra de savoir ce que veulent les gens. Là, le débat est beaucoup plus important.

Je vous propose donc de renvoyer cette motion en commission de la santé.

M. Michel Forni (PDC). Nous sommes le 7 avril et c'est la Journée mondiale de la Santé. «Travaillons tous pour la santé !», tel est le slogan d'aujourd'hui. Alors, permettez-moi de vous faire part d'une certaine interrogation lorsque l'on parle d'une «transparence totale» et d'une arnaque. La santé, c'est vrai, n'a pas de prix, mais, comme on l'a dit, elle a un coût ! Et réduire ce coût reste l'obsession de tous, y compris des gouvernements et aussi des assurances. Cette approche est, bien sûr, réductrice et culpabilisante, mais elle implique surtout un financement public qui devient de plus en plus préoccupant et qui s'amplifie. D'un autre côté, nous avons une transparence et une clarté - de notre Conseil d'Etat - et nous avons une solidarité et une responsabilité au niveau des citoyens, qui restent les deux piliers du développement durable et équitable de la santé, pour autant que les assureurs s'occupent prioritairement des assurances, et aussi des assurés, et qu'ils associent démocratiquement leurs efforts en faisant preuve d'une éthique, qui à ce jour n'est malheureusement pas irréprochable.

Le parti démocrate-chrétien a clairement exprimé sa vive préoccupation face à l'attitude et à l'opacité du traitement réservés aux assurés - mais aussi aux soignants, il faut le dire - et il s'est indigné, à de nombreuses reprises, peut-être naïvement mais fermement, en se permettant de dénoncer, encore ce soir, le diktat de certains assureurs. A cet effet, le PDC avait déposé une proposition de résolution le 9 janvier 2001, s'inquiétant de la hausse préoccupante des primes d'assurance-maladie, de l'inexistence d'un contrôle sérieux validant les augmentations successives des primes, du manque de personnel et de la volonté politique handicapante de l'OFAS, surtout face à l'absence totale de transparence des comptes des assurances-maladie. Je rappelle également le refus du Conseil des Etats, en date du 11 décembre 2000, de donner suite à l'initiative cantonale émanant du canton de Genève à propos de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, qui a été adoptée par ce même Grand Conseil le 29 octobre 1999.

Permettez-moi de vous rappeler trois éléments. Cette proposition de résolution demandait: premièrement, de garantir un audit externe annuel et complet des comptes, et ceci pour chaque compagnie d'assurance; deuxièmement, l'accessibilité à ces comptes pour chaque citoyen; et enfin, la publication de l'état des réserves et des provisions pour les trois derniers exercices courants.

Force est de constater ce soir l'absence de transparence dans les comptes des caisses - et ceci reste inadmissible; la non-concordance des chiffres et des primes avec ceux des coûts - et ceci reste inexplicable. Enfin, les sous-entendus: de l'argent disparaît de certaines comptabilités; personne ne sait comment les caisses décident de leurs tarifs; pourquoi, lorsqu'il y a comparaison de chiffres, des différences restent inexpliquées. Plus grave encore: il est de plus en plus probable que l'argent manquant ne se trouve pas dans l'augmentation des réserves, ni même dans les comptes d'autres cantons. Et ceci reste incompréhensible et probablement à dénoncer ! Plus encore: le jeu de coulisses qui permet à l'OFSP de répéter: «tout va bien»... Curieux message !

La liste des subtilités et absurdités s'amplifie de jour en jour: en s'éclaboussant dans le TARMED, neutralité des coûts, droits acquis, valeur intrinsèque, économies citées des prises en charge... Et vous n'y comprenez plus rien du tout ! Nous non plus. C'est-à-dire que ce «catéchisme», qui influence parfois l'esprit des soignants et des soignés, qui réduit ses acteurs à une seule fonction économique, reste dirigé par des technocrates qui jonglent avec des noms prétentieux et qui, avec arrogance et du haut de leur perchoir, pérorent dans leurs luxueux buildings ou hantent les couloirs du Palais fédéral !(Rires. Applaudissements.)

Nous souhaitons que le fond de la motion du MCG soit soutenu, mais nous n'acceptons pas sa forme et demandons ce soir au Conseil d'Etat d'accélérer les projets de révision, et de surtout apporter son appui aux motions que j'ai décrites tout à l'heure. Il est évident que planifier et proposer une réforme profonde doit laisser au Canton un pouvoir de représentation de ces caisses: il est important que les assurés et les soignants puissent savamment vérifier comptes et équations. Il est important aussi que les acteurs de la santé ne soient pas que des clients mais aussi des partenaires.

Nous ne voulons plus d'une stratégie en contresens. Et, s'il y a des lobbies - et probablement que ce problème d'assurance en est un - nous tenons à le dénoncer. Car derrière «lobby», il y a «scandale». Et lorsqu'il y a scandale, il y a toujours des répercussions.

C'est la raison pour laquelle je me permets de revenir à une citation d'un certain M. Michel Rocard, lequel disait : « On peut avoir le coeur en étendard, mais parfois c'est l'esprit qui est en berne.» (Applaudissements.)

M. Claude Aubert (L). Vous savez que la LAMal a été votée en 1994 et qu'elle est entrée en vigueur 1996. Et pourquoi fallait-il une nouvelle loi ? Parce qu'à l'époque il y avait un gros problème: la hausse du coût de la santé. Dans les années 80, compte tenu du fait qu'un certain nombre de caisses étaient au bord de la faillite - pour des raisons sur lesquelles il n'est pas nécessaire de s'étendre - quatre rapports fédéraux ont été demandés pour savoir quelle était la meilleure formule. A cette époque-là, je vous rappelle que les caisses maladie n'avaient pas un grand souci des dépenses, étant donné qu'un subventionnement était automatiquement accordé. Mais nous avons malheureusement une seule certitude - c'est une donnée - à savoir que, à peu près depuis le milieu ou la fin des années 60, les coûts de la santé augmentent inexorablement de l'ordre de 5%. C'est une réalité ! C'est une droite qui monte inexorablement chaque année. Plus 5% ! Par conséquent, nous autres, libéraux, ne pouvons pas tellement nous associer à toutes ces démarches qui recherchent des coupables, à gauche et à droite, au centre et au milieu. Nous ne pouvons que difficilement nous associer à toutes ces discussions où, pour finir, des gens très distingués se traitent de menteurs... Parce que nous n'avons aucune conception globale pour expliquer cette hausse de 5% par an et que seule une réflexion de fond sur ces processus nous permettrait d'avancer. Sans cela, c'est simplement de la guérilla qui, à nos yeux, n'a pas de sens.

Pourquoi les coûts de la santé augmentent-ils régulièrement de 5% depuis 30 ou 40 ans - pourquoi disons-nous toutes les décennies que c'est inadmissible et pourquoi est-ce que cela continue ? Telle est la question.

M. Alain Charbonnier (S). Effectivement, les coûts de la santé augmentent. Pas seulement en Suisse: dans tous les pays qui nous entourent, dans tous les pays industrialisés, et à peu près au même rythme que chez nous. Finalement, cette motion ne porte pas sur les coûts de la santé mais sur le financement de ces coûts, et je crois que c'est ce qui intéresse la population. C'est à cette question que l'on devrait réfléchir. Parce qu'il devient insupportable, pour un grand nombre de personnes, de devoir s'acquitter de ces primes de la façon dont on doit les payer aujourd'hui ! C'est-à-dire la même prime pour tout le monde. En effet, qu'une personne soit millionnaire ou qu'elle ne perçoive pratiquement pas de revenu, elle paie la même prime ! Et que vous ayez un ou cinq enfants, chacun doit payer la même prime... Donc, cela devient insupportable pour les familles, essentiellement pour les familles modestes, voire de la classe moyenne.

Cette motion vise à obtenir une meilleure transparence, à mieux savoir ce qui se passe à travers toutes ces caisses, et je pense que l'on ne peut que soutenir les démarches qui vont dans ce sens. Y compris les démarches déjà effectuées par le Conseil d'Etat au cours de ces dernières années, démarches que nous saluons ici et qui ont pour but de mieux contrôler ce que font les assurances.

Maintenant, ce que le constate aussi, c'est que ces multiples caisses étaient censées, par la concurrence, diminuer les coûts ou, en tout cas, diminuer les primes... Il n'en est rien du tout ! C'est un échec total. On voit bien aujourd'hui où mène cette concurrence effrénée entre les caisses: les primes ne vont pas vers le bas mais plutôt vers le haut ! C'est donc un échec de ce côté-là, avec un coût inexorable pour les citoyens: lorsqu'ils changent de caisse, les réserves constituées ne les suivent pas et restent dans la caisse précédente.

Donc, la solution - Mme Schneider-Bidaux en a parlé tout à l'heure - sera la votation, l'année prochaine, sur une caisse unique. D'une part, une caisse unique permettra une meilleure transparence - puisqu'il n'y aura qu'un seul compte, évidemment qu'il sera plus facile d'aller voir ce qui s'y passe - et, aussi, parce que cette initiative, en plus de la caisse unique, propose un financement différent, c'est-à-dire en pourcentage du revenu, comme tout impôt solidaire - comme l'AVS et comme l'impôt que nous payons au niveau cantonal ou fédéral.

Pour toutes ces raisons, nous sommes d'accord d'entrer en matière sur cette motion et de l'étudier en commission. Je pense qu'en général ce sont les affaires sociales - plutôt que la santé - qui se chargent de ce genre de questions, mais il s'agit-là d'un problème technique. Quant à nous, nous étudierons avec plaisir cette motion en commission.

M. Eric Stauffer (MCG). Je crois que l'ensemble de ce parlement sera unanime, et je m'en félicite... (Brouhaha.) ... puisque tout le monde a pris conscience de ce problème... (Remarques.) Eh bien, on verra si les libéraux veulent améliorer la qualité de vie de nos concitoyens, ou pas ! (Brouhaha.) Sur ce, je n'ai rien ajouter, sinon que je remercie ceux qui soutiendront cette motion !

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette motion relance le débat sur les coûts de la santé, débat qui a fait l'objet de travaux du Grand Conseil lors de la dernière législature. A de nombreuses reprises, le Conseil d'Etat a pu exprimer son souci de transparence à propos de la comptabilité des caisses et il est intervenu plusieurs fois auprès du Conseil fédéral à ce propos. Malheureusement, il faut admettre que le Conseil d'Etat n'a pas beaucoup de pouvoir, puisque la plupart des cartes sont entre les mains du Conseil fédéral et qu'il appartient à ce dernier, respectivement aux Chambres fédérales, d'intervenir pour que cette transparence soit ancrée dans la LAMal, ce qui malheureusement n'est pas le cas.

Donc, le Conseil fédéral aurait déjà pu répondre aux invites de cette motion. On pourrait ne pas l'envoyer en commission mais l'envoyer directement au Conseil d'Etat. Parce que le Conseil d'Etat a effectivement fait beaucoup et qu'il peut nous donner un bilan de son activité - on en a des traces écrites dans le Mémorial pour mesurer tout ce qui a été réalisé. Cela ne signifie pas que nous devons renoncer à remettre l'ouvrage sur le métier - le mérite de cette motion étant de le faire.

Où en sommes-nous ? Que faisons-nous de plus, par rapport à que ce qui a été effectué jusqu'à présent, pour que le Genevois ne soit pas le dindon de la farce ? Quoique, par rapport à d'autres cantons, il fait une consommation excessive de soins. On sait très bien que la consommation des cantons-villes est plus importante que dans les cantons de campagne... (Brouhaha.) On sait très bien que la densité médicale dans ce canton - par exemple celle des physiothérapeutes - est supérieure à celle d'autres cantons. Ce n'est pas une caisse unique ou une prime unique qui va résoudre le problème !

Par exemple, nous savons très bien qu'en ce qui concerne l'assurance-accidents, l'assurance nationale a négocié le point TARMED a un prix plus élevé que les assureurs privés, et c'est d'ailleurs bien pour cela que la gauche soutient la caisse unique: parce qu'elle sait que le point TARMED coûtera plus cher aux cotisants, soit à l'assuré. Avec l'introduction d'une prime unique et d'une caisse unique, il faut donc s'attendre plutôt à une augmentation de primes.

L'une des invites de cette motion concerne aussi la répartition des charges entre cantons. Il est vrai que pour maintenir une activité de pointe à l'Hôpital Cantonal Universitaire de Genève, le canton de Genève est obligé de faire un certain nombre de concessions. C'est à dire que les forfaits qui sont payés par les cantons voisins pour des soins délivrés dans le canton de Genève sont, dans certains cas, insuffisants. Le Conseil d'Etat avait évoqué le cas d'un Valaisan venu se faire opérer d'une greffe de foie qui coûte 20 000 francs: le canton du Valais paiera 150 francs par jour alors que le premier jour d'hospitalisation coûte déjà 10 000 francs... Ce coût-là est entièrement à la charge de l'assuré genevois - en plein !

Puisqu'il assure le financement du budget social du département à raison de 50%. Il y a donc un vrai problème de répartition des coûts entre les cantons, et le risque, c'est vrai, est de perdre un certain nombre de prestations fournies à l'hôpital et qui seraient effectuées dans d'autres cantons. A ce moment-là, ce serait à l'assuré genevois de se déplacer lui-même dans d'autres cantons, mais, au moins, on pourrait imaginer une meilleure répartition des coûts entre les cantons.

Pour ces différents motifs, nous vous proposons de renvoyer cette motion en commission.

Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). Juste quelques mots pour corriger mon intervention de tout à l'heure. Je ne plaide pas pour le renvoi en commission, mais pour le renvoi au Conseil d'Etat.

M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Je ne serai évidemment pas exhaustif dans les quelques explications que je donnerai aujourd'hui. Je pense qu'il vaut néanmoins la peine de faire un tour en commission, ne serait-ce que pour limiter un peu l'ampleur d'invites qui, de toute évidence, ne sont pas réalisables. Demander au Conseil fédéral de faire baisser les primes... Cela ressemble à des manoeuvres d'une autre nature, du type de celles que l'on effectue avec des violons. (Remarques.) Cela n'a aucun sens de demander ça quand les primes augmentent. Parce que les coûts augmentent !

En revanche, Mesdames et Messieurs, il serait important de faire le point sur les choses qui ne vont pas et de dire ce qui continue à ne pas aller. Alors, j'ai fait une modeste liste: bien sûr, ce sont les réserves et leur non-transmissibilité lorsque les assurés changent de caisse; ce sont évidemment les conditions qui sont imposées aux cantons pour se prononcer sur la validité des primes - avec un délai ridicule pour analyser les comptes de toutes les caisses qui exercent dans le canton ! C'est lorsque des patrons d'assurance font publier des déclarations et ne corrigent pas ce qui est mis dans leur bouche... Le fait qu'ils trouvent tout à fait normal que, quand les coûts augmentent d'un franc, les cotisations augmentent d'un franc cinquante ! On l'a encore vu l'automne dernier. Et puis, il y a des choses qui ne sont pas plus subtiles, mais qui sont tout aussi inacceptables: que la commission «santé et social» du Conseil des Etats soit composée pour moitié de membres de conseils d'administration des assurances ! Alors, voilà des choses qui ne vont pas et que l'on pourra détailler en le disant avec la vigueur nécessaire !

Mais il y a aussi un certain nombre de choses qui se sont améliorées: notamment, le conseiller fédéral Couchepin a accepté nos hypothèses - et celles de M. Maillard, du canton de Vaud - de dire qu'un taux de réserves, qui est d'autant plus important que les primes sont chères, n'a pas de sens. Et à Genève, on a  26% de taux de réserves ! Alors qu'on n'a pas besoin de plus de 6 à 7%. Vous l'avez dit, et M. Couchepin l'a accepté, ce taux s'abaissera progressivement sur les trois ans à venir - c'est plutôt une bonne nouvelle. C'est aussi sa négociation de plus de 100 millions avec les industries pharmaceutiques pour faire baisser le coût des médicaments - qui est invraisemblablement élevé en Suisse alors même que beaucoup d'entre eux y ont été créés. Il est tout de même un peu singulier d'imaginer que la population suisse serait la seule à payer une recherche dont la «boîte» pharmaceutique profite par une étendue à la vente du médicament dans le monde entier... Alors, voilà des choses dont on pourra discuter !

Et puis, nous pourrons aussi - c'est important - nous sensibiliser à d'autres domaines que les caisses: quelle est la validité que l'on va continuer d'accorder aux scientifiques qui, chaque année, abaissent un peu le seuil de ce qu'on appelle «trop de cholestérol» ou «trop de sucre», au motif que c'est bien de le traiter plus tôt - pour mourir à 135 ans plutôt qu'à 129... - en vendant pour cela des médicaments pendant vingt ans, médicaments dont la personne concernée n'a vraisemblablement pas besoin ?!

Voilà pourquoi cela vaut la peine de faire un détour en commission ! Parce qu'on y abordera d'autres aspects qui dépassent le simple problème des caisses maladies, soit la perception que l'on peut avoir ou non de ce qu'est une maladie.

Je vous prie donc de renvoyer cette motion en commission de la santé. Je me réjouis déjà d'une discussion qui sera nourrie et d'impératives corrections qui devront être apportées à certaines invites, si vous désiriez nous adresser, par la suite, cette motion.

Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1656 à la commission de la santé est adopté par 63 oui contre 5 non et 13 abstentions.

RD 496-A
Rapport de la commission de la santé chargée d'étudier le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil concernant l'évaluation du lieu d'accueil avec espace d'injection à Genève, dénommé Quai 9

Débat

Mme Laurence Fehlmann Rielle (S), rapporteuse ad interim. Ce n'est pas mon rapport, c'est celui de Monsieur Guérini, il faut quand même lui rendre grâce. Ce rapport a fait l'objet de discussions assez nourries, accompagnées d'auditions, dont celle du comité de pilotage du centre Quai 9. Il est apparu que cet espace d'injection... (Brouhaha.) Madame la présidente, il est un peu pénible de parler dans ce brouhaha. Merci !

Donc, il est apparu que l'espace d'injection appelé «Quai 9» remplit pleinement la mission qui lui a été assignée et s'inscrit tout à fait dans le cadre de la politique menée par le canton depuis un certain nombre d'années, politique dite «des quatre piliers». L'espace Quai 9 fait partie du volet «Pilier de réduction des risques ou d'aide à la survie».

Je rappellerai simplement les recommandations du Conseil d'Etat qui consistent à poursuivre cette activité, même à l'élargir, soit en augmentant le nombre d'heures d'ouverture, soit en envisageant la possibilité d'ouvrir un deuxième espace d'injection. Cela dit, ce n'est pas encore tout à fait à l'ordre du jour et le rapport de la commission relève bien que le Conseil d'Etat fera un certain nombre de propositions, lesquelles sont évidemment conditionnées aux contraintes budgétaires.

Mais, pour l'heure, la grande majorité de la commission - hormis une abstention et, je crois, une personne contre - a demandé d'accepter de prendre acte de ce rapport.

La présidente. Merci, Madame la rapporteure. Mesdames et Messieurs, j'ai oublié de mentionner qu'un complément à ce rapport a été déposé sur vos places et qu'il annule et remplace l'annexe I du RD 496, parce que la page 36 qui s'y trouve n'a rien à voir avec le sujet traité. (Commentaires.) Je suis désolée de vous frustrer... Je donne la parole à M. Follonier.

M. Jacques Follonier (R). Je prends la parole durant une seconde pour demander au Conseil d'Etat quelle suite il a donnée à cette question. Parce qu'il est vrai que nous avons traité ce problème relativement longtemps - nous avons pris acte de ce rapport en commission où nous l'avions étudié longuement - et il devait y avoir une suite à ce rapport... Alors, Monsieur le Conseiller d'Etat, pouvez-vous déjà nous donner quelques pistes et nous dire où nous en sommes actuellement ? Est-ce qu'un rapport nous sera remis d'ici quelque temps?

La présidente. Merci, Monsieur le député. Je ne sais pas si M. le président à l'intention de vous répondre... (Remarque de M. Pierre François Unger, président du Conseil d'Etat.) Il n'y a donc pas d'éléments nouveaux.

La présidente. Le président a-t-il l'intention de dire quelque chose à ce sujet ? Non. Il n'y a pour l'instant pas d'éléments nouveaux.

Le Grand Conseil prend acte du rapport de commission RD 496-A.

PL 8181-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de M. Christian Grobet modifiant la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière et d'évaluation des politiques publiques (D 1 10)

Premier débat

La présidente. Monsieur le rapporteur, avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport... Non. Nous allons donc passer à la prise en considération du projet de loi 8181.

Mis aux voix, le projet de loi 8181 est rejeté en premier débat par 43 non contre 15 oui et 12 abstentions.

PL 9592-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi de Mmes et MM. Christian Brunier, Claude Marcet, Alberto Velasco, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Thomas Büchi, Alain Charbonnier, Antoine Droin, Gabriel Barrillier, Jacques-Eric Richard, André Reymond, Pierre Guérini, Gilbert Catelain, Marie-Louise Thorel, Georges Letellier, Louis Serex, Pierre Schifferli, Souhail Mouhanna, Guy Mettan, Nelly Guichard, Jeannine De Haller, Salika Wenger, Pierre-Louis Portier de promotion de la langue française au sein du service public genevois
Rapport de majorité de M. Pierre Weiss (L)
Rapport de minorité de M. Guy Mettan (PDC)

Premier débat

M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Je pense qu'il convient de rendre hommage à l'anglais, parce que cette langue nous renvoie à une meilleure compréhension de notre propre langue. Je dirais même qu'elle nous renvoie «actuellement» à une meilleure compréhension de notre propre langue - vous savez que «actually» signifie «en réalité» en anglais - et j'ajouterai: «Honni soit qui mal y pense !» à propos du projet de loi qui nous avait été soumis, par référence à la devise de la famille anglaise, d'origine allemande... Soit lorsque les Normands ont envahi l'Angleterre pour y améliorer, si j'ose dire, la langue que l'on y parlait. Savez-vous que les 60% du vocabulaire anglais sont d'origine française ou latine ? Imaginez-vous que, tout à coup, les Anglais décident, de la même façon, par une mesure protectionniste, de procéder à une épuration de leur vocabulaire... Eh bien, les voilà qui seraient privés de plus de la moitié de leur propre vocabulaire !

Non, Madame la présidente et Mesdames et Messieurs les députés, nous ne sommes plus au temps de Rivarolle, cet homme des Lumières - un peu excessif, il est vrai - qui prétendait que tout ce qui n'est pas clair n'est pas français; et ce qui n'est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin. Rendez-vous compte de l'excès où l'on pouvait aller !

Je m'étonne d'ailleurs que certains des signataires - et même le rapporteur de minorité, que je connais comme étant un grand «supporter», si j'ose dire, mais également défenseur et promoteur de la Genève internationale - se soient souciés d'entrer en matière sur ce projet de loi, tant les communautés étrangères qui habitent à Genève pourraient se sentir offensées par la frilosité inspirant le texte qui nous est soumis ce soir.

Au fond, ce texte est non seulement superflu, puisqu'une simple directive aurait suffi, mais il est probablement conçu sur un coin de table... Parce qu'il est incomplet: il traite de l'Université mais pas des HES. Il est incohérent: si l'on venait à l'appliquer, on priverait les étudiants de nos universités de 10 à 15% des cours qui s'y donnent, notamment en facultés des sciences ou de médecine. C'est un texte qui oublie la dynamique des langues... C'est au fond une démarche protectionniste qui fait l'impasse sur un problème beaucoup plus important: celui de la maîtrise du français, insuffisamment acquise dans l'école publique genevoise d'aujourd'hui.

La présidente. Il va falloir conclure, Monsieur le rapporteur !

M. Pierre Weiss. Oui, Madame la présidente. C'est parce que nous ne voulons pas d'un Etat qui serait la «police de la langue» qu'une majorité de la commission des finances - parce que c'était elle qui était appelée à en traiter - a refusé d'entrer en matière sur ce projet de loi totalement superflu. En revanche, il y un point sur lequel je suis fondamentalement d'accord avec le rapporteur de minorité: adhérons tous à l'Association de défense de la langue française !

M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de minorité. Thank you very much, Misses Chairwoman ! (Rires.) «Mr. Peter White», ici présent, «CEO de la World Alliance libérale-radicale suisse» et «Business Manager» du groupe libéral de ce Grand Conseil, essaie de nous de convaincre qu'il faudrait le suivre dans son «reporting» de majorité... (Rires.) Eh bien moi, je vais essayer de vous convaincre qu'il faut, au contraire, suivre la seule expression anglo-saxonne qui mérite d'entrer dans ce Grand Conseil, à savoir: small is beautiful ! Et qu'en l'occurrence le rapport de minorité est plus beau que celui de majorité ! (Rires et applaudissements.) Pour plusieurs raisons. La première est que, si l'on suivait votre logique et qu'on la poussait jusqu'à l'absurde - c'est ce qui est en train de se passer dans notre société, parce que l'on refuse de placer des limites à l'anglo-saxomanie galopante - eh bien, c'est vrai que, pourquoi pas dans une génération, vos petits-fils - puisque vous avez deux excellents fils - pourraient demander, pour suivre la tendance - pour suivre le «trend» malheureux auquel nous assistons - de changer votre patronyme: M. Weiss en «M. White»... (Rires.) Puisqu'il faut tout changer ! Puisqu'il faut adopter des mots anglais systématiquement...

Une voix. Ou «M. Blanc», peut-être !

M. Guy Mettan. Néanmoins, c'est un bon usage du multilinguisme et du bilinguisme dans ce pays !

Donc, il faut quand même que l'on mette un terme à cette évolution pernicieuse. Pourquoi ? Comme je l'ai écrit dans mon rapport de minorité: parce que la langue est comme une maison symbolique. Dans une langue, on peut tout faire: on peut y vivre, on peut s'installer, on peut l'adapter, on peut l'habiter - comme on le ferait d'une maison. On peut y travailler aussi: c'est un outil de travail, c'est un outil de communication, d'amour, d'affection... Bref, on peut y faire tout ce qu'on fait dans une maison. Or, quand le toit de votre maison fuit, que fait-on ? Eh bien, on le répare ! Vous qui avez une maison à Soral, si votre toit fuyait, vous le répareriez. Donc, on considère qu'une réparation apporte une valeur supplémentaire. C'est un investissement pour votre maison, il lui donne de la valeur. Il en va de même pour la langue.

Quel est le message que l'on donne ? Qui signifierait que l'on n'a absolument pas assez confiance en nous-mêmes, qu'on manque tellement de confiance dans notre propre langue qu'on doive importer constamment des mots étrangers... Pour un visiteur venant à Genève, que signifie de lire: «Geneva Palexpo» ?! Mais pourquoi pas le «Calvin's Wall» ?! Pourquoi pas le «Geneva Waterspring»  tant qu'on y est? On frise le ridicule ! Et c'est même anti-économique. Parce que ce que viennent chercher les touristes à Genève, c'est de l'authenticité genevoise, avec notre bonne langue française ! On ne va pas à Barcelone pour voir des mots anglais affichés sur les façades ! On ne va pas en Thaïlande pour y lire des mots anglais: on y va pour voir des mots thaïs, voir des Thaïs, de la culture thaï! Et l'on va en Espagne pour y trouver la culture espagnole ! Et l'on vient à Genève, en Suisse romande, visiter notre beau pays, parce qu'on veut apprécier la langue qu'on y parle.

Donc, je pense que c'est anti-économique - pour vous, qui êtes sensibles à l'économie - que de ne pas défendre cette langue qui nous est si chère. En plus, c'est pernicieux ! Parce qu'on montre à nos enfants, aux étrangers, à nos hôtes, qu'on a si peu confiance en nous-mêmes, si peu confiance en notre avenir, si peu confiance en notre destin de communauté genevoise, de République genevoise, qu'on abandonne la langue française.

Pour conclure, je dis simplement: non au défaitisme ! Non à l'abdication ! Non à la capitulation ! Non à la renonciation ! Non à la négation et au déni de soi-même ! (Applaudissements.)

Mme Janine Hagmann (L). Quel pays de cocagne que celui qui permet à une respectable commission des finances de se pencher sur un sujet qui, au premier abord, préoccuperait plutôt des gens concernés par la formation ! Mais quel plaisir aussi de lire les deux rapports qui nous sont soumis ! M. Weiss et M. Mettan se sont «défoncés», si j'ose dire. (Rires.) Connaissant les ordres du jour - «overbooked» dirait M. Weiss; «surchargés» dirait M. Mettan - de la commission des finances, le «match» - ou la joute - qui les oppose n'en a que plus de saveur... Quel «punch», chez M. Weiss, qui pense avoir marqué un «ace», alors que M. Mettan, percutant comme souvent, a aussi un service gagnant... Le «ring» - l'enceinte - où ils évoluent leur permet à chacun son tour de marquer un «goal» - ou un but - grâce à un «upercut» - ou un coup droit. Tout cela pour savoir s'il faut légiférer, c'est-à-dire cadrer pour longtemps, rigidifier, une langue vivante ! Personnellement, je ne le pense pas, même si je suis très attachée à protéger la langue que je chéris.

Chacun est conscient que l'utilisation d'une langue est différente selon son interlocuteur et selon le contexte, c'est ce qu'on appelle «les niveaux de langage». Chacun d'entre nous ici ne s'exprime pas du tout de la même manière, pas avec le même vocabulaire, s'il est à la buvette ou lors d'une intervention. Et le langage oral est bien différent du langage écrit. C'est pourquoi je pourrais adhérer à l'injonction d'utiliser des terminologies françaises lors de communications officielles. Mais y a-t-il besoin d'une loi pour cela ? Je pense qu'il faut savoir convaincre et persuader, et que la beauté et la pureté de notre langue doivent être pérennisées tout en lui permettant d'évoluer. En fait, il s'agit d'un patrimoine à protéger.

Comment agir ? J'ai quelques idées. Par exemple, en se rendant régulièrement aux réunions de la Francophonie. Je vous rappelle que le Grand Conseil paie chaque année une cotisation à cette association, mais il n'y envoie pas régulièrement un député pour représenter Genève. J'ai eu la chance d'y être déléguée et je vous assure que les débats qui se déroulent à cette assemblée sont d'un haut niveau et donnent envie de défendre le français partout, même sans loi. Quant à l'association intitulée «Défense du français», elle publie des feuilles de route qui valent la peine d'être lues. Le dernier envoi était accompagné de carnets de «colle-notes» - je traduis par «post-it» - qui incitent au respect de la langue. Bravo ! Mais je voudrais juste signaler à cette association que, selon moi, l'orthographe mérite aussi d'être respectée. Dans la supplique adressée à celles et ceux qui avaient «oubliés» - avec «s» - de bien vouloir payer leur cotisation, je me demande si les auteurs n'ont pas oublié, eux, comment fonctionne l'accord du participe passé avec l'auxiliaire «avoir»... (Rires) La preuve est ici, je l'ai apportée, Monsieur Mettan.

Je terminerai par la citation d'une romancière britannique décédée en 1941: «Le français est comme le vin: il pétille, il pique le palais, il a de la saveur.» Ce soir, nous nous en sommes aperçu. Ces trois actions conviennent très bien aux deux rapports que nous étudions. Défendons le français envers et contre tout, mais, s'il vous plaît, pas à travers une loi ! (Applaudissements.)

M. Gilbert Catelain (UDC). Je crois que nous sommes tous concernés par le débat soulevé par ce projet de loi, puisque nous sommes là pour défendre, d'une manière ou d'une autre - la question étant de savoir quelle est la meilleure - notre langue qui, finalement, est le fondement de notre culture et de notre société.

Mme Hagmann a milité pour une défense non légale de la langue; M. «Blanc» a une milité pour une absorption des termes anglais pour enrichir la langue française, il a même déclaré que c'était presque une chance que la langue française se soit inspirée de 60% de termes anglais... Ce qu'il oublie de dire, c'est qu'effectivement la langue française a inspiré la langue anglaise - c'est une chose; que la langue française a aussi, naturellement, incorporé des termes anglais, mais qu'elle les a en quelque sorte naturalisés, c'est-à-dire qu'elle les a rendus acceptables pour l'oreille et pour le sens.

Ce qui se joue aujourd'hui, ce n'est pas de savoir si l'on va incorporer ou pas des termes anglais, mais sous quelle forme et dans quel but. Parce que cette assimilation de termes anglais non naturalisés dénature la langue, l'enlaidit et, finalement, l'appauvrit. La plupart des mots que l'administration utilise dans sa communication sont des mots qui trouvent leur équivalent dans la langue française. Petite anecdote: lorsque les médecins ont manifesté sur la place fédérale, la Télévision Suisse Romande a effectué un reportage dans le canton du Valais au sujet d'un médecin de campagne qui allait se pencher sur le lit d'une vieille dame... Alors, le médecin lui dit: «Donnez-moi votre feed-back»; la pauvre dame, sur son lit d'hôpital, lui répond: «Hein ?». Le médecin répète: «Donnez-moi votre feed-back !». Nouvelle réponse: «Hein ?». Le médecin lui pose la même question une troisième fois... (Rires et commentaires.) La pauvre dame ne comprenant toujours pas, le médecin doit finalement se résoudre à utiliser un terme français pour obtenir une réponse à sa question...

Nous sommes vraiment dans une situation où, à force d'utiliser des mots anglais - que chacun ne comprend pas puisqu'ils ne font partie de sa propre langue, d'ailleurs on le constate même en commission - eh bien, on doit systématiquement demander des clarifications. Qui comprend dans la société - ou chez le commun des mortels - la notion de «reporting», par exemple ?

Pour les Anglo-Saxons, l'anglais est devenu une arme permettant d'imposer leur culture. On a vu que le canton de Zurich voulait supprimer l'apprentissage de la langue française... Cette dernière n'étant pas défendue, elle devient secondaire. Et à force de devenir secondaire, elle devient tertiaire. Finalement, le raisonnement zurichois n'est peut-être pas tout à fait faux: autant abandonner l'apprentissage du français, puisque l'anglais est devenu incontournable et que l'on peut très bien se débrouiller avec l'anglais dans toutes les situations.

Nous devons donc prendre conscience que notre langue n'est pas éternelle, que des langues meurent, que des dialectes meurent... La République française l'a très bien compris à la Révolution, puisqu'elle a - pour imposer sa langue, un régime politique et une économie - interdit à l'ensemble des régions de pratiquer leurs dialectes. Finalement, c'est sur cette base-là que la France a conquis l'Europe et fait triompher la langue française dans la plupart des pays européens - notamment est européens - et que la langue française est devenue la langue diplomatique. Par ce biais-là et par qualité de ses auteurs.

Nous disposons du contre-exemple d'un pays - d'une province - qui défend bec et ongles la langue française. Ce n'est pas la France, ce n'est pas la Suisse, mais c'est le Québec. Le Québec lutte tous les jours pour défendre sa langue, menacé par les provinces voisines qui sont largement majoritaires et essaient d'imposer un seul langage: l'anglais. Le Québec a donc mis en place toute une structure pour prévoir systématiquement dans ses dictionnaires une équivalence à un mot anglais. Pour chaque mot anglais, vous trouverez y trouverez une équivalence, il n'y a généralement pas besoin de l'inventer puisqu'elle figure déjà au dictionnaire.

Le projet de loi qui nous est soumis ce soir ne va pas aussi loin que ce que fait le Québec: il nous demande simplement - l'administration, l'ensemble des associations, l'Université, les commissions officielles, le pouvoir judiciaire - de nous sensibiliser au fait que nous avons une langue, qu'elle mérite d'être défendue et qu'elle doit être utilisée. Et si nous la défendons, nous enrichirons culturellement l'ensemble de la population et pourrons enrichir son vocabulaire.

La présidente. Nous arrêtons ici nos débats et reprendrons cette discussion à 20h30.

Fin du débat: Session 07 (avril 2006) - Séance 34 du 07.04.2006

La séance est levée à 19h05.