République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 7 avril 2006 à 15h
56e législature - 1re année - 7e session - 32e séance
M 1380-A
Débat
M. Alain Charbonnier (S). Chers collègues, cette motion peut paraître d'un certain âge, étant donné sa date: elle a été renvoyée au Conseil d'Etat le 15 décembre 2000; le dépôt doit dater des années 98 ou 99.
Cette motion invite le Conseil d'Etat à maintenir la dotation - voire à l'augmenter - sur les dix années qui viennent. Cette motion l'invite également à maintenir le taux de couverture de la dotation PLAISIR, c'est-à-dire la dotation en personnel par rapport aux résidents d'un EMS, et par rapport à la gravité des cas des patients qui, il faut le dire en passant, va en s'alourdissant, car la moyenne d'âge est de plus en plus élevée et les cas de plus en plus lourds.
A l'époque, cette motion demandait que la dotation PLAISIR soit maintenue à 83,35%. Aujourd'hui, que se passe-t-il ? On a reçu la semaine dernière une proposition du Conseil d'Etat pour redresser les finances publiques contenant, entre autres, des mesures concernant les EMS. M. le président du département a répondu à cette motion très tardivement, mais un peu avant le 31 mars dernier, c'est-à-dire le 9 mars 2006 - je ne sais pas si c'était voulu, mais toujours est-il qu'il a sorti sa réponse au bon moment. Cependant, notre session a lieu après les propositions de mesures et ces propositions menacent de bloquer la subvention 2006 des EMS sur quatre ans, jusqu'en 2009, en prenant comme référence la subvention proposée au budget 2006, laquelle est une diminution forte de 9 à 10%.
Si on regarde les derniers comptes détaillés, les comptes 2004 - je n'ai pas les comptes 2005 concernant les EMS - la subvention aux EMS est de 92 447 357 F. Dans la subvention 2006, on en est à 83 000 545 F, il s'agit donc d'une diminution de plus de 8% par rapport aux comptes 2004.
Le Conseil d'Etat propose aussi, pour une meilleure gestion des EMS - qui est un voeu du secteur - de pouvoir gérer la subvention, c'est-à-dire avoir une enveloppe sur quatre ou cinq ans pour gérer le personnel. Par exemple, si un EMS veut plus d'infirmières, plus d'aides-soignantes ou plus d'animateurs, etc., il faut qu'il soit libre de gérer cette enveloppe. Le hic est que la diminution est beaucoup trop forte pour gérer quoi que ce soit.
Dans cette proposition d'enveloppe, le Conseil d'Etat propose de supprimer la dotation en personnel et donc la subvention en fonction de la méthode PLAISIR. Il annule cette méthode PLAISIR et on se retrouve avec une grosse diminution de la subvention EMS. Je trouve donc cette réponse largement insuffisante.
Dans sa réponse, le président s'arrête à 2004, puisqu'il en est à 83,3% de la dotation PLAISIR. En 2005, on est arrivé à 81,8% et pour 2006, dans le projet de budget, on est à peine à 80%. Il aurait fallu aller un peu au-delà de ce chiffre de 83,3% qui date de 2003.
Il faut aussi signaler que la Fegems - la fédération regroupant les EMS genevois et qui s'occupe de la formation - a connu une grosse baisse de sa plate-forme formation, une baisse de plus de 20%. En somme, je ne pense pas que la réponse est satisfaisante. Je propose donc le renvoi au Conseil d'Etat afin qu'il nous donne une réponse un peu plus détaillée et explicite quant au fonctionnement des EMS qui tourne à la catastrophe.
Mme Brigitte Schneider-Bidaux (Ve). En regard de ce rapport, le Conseil d'Etat fait état d'augmentations de postes de travail dans les EMS ces dernières années et se vante que ces postes supplémentaires aient été exclusivement attribués aux services des soins. Le Conseil d'Etat réaffirme l'anticipation des besoins par la planification médico-sociale. La réponse ne parle pas des éléments actuels de la situation, ni du proche avenir de ce secteur.
Le besoin en personnel est déterminé par l'analyse des besoins par résident, sous le nom de PLAISIR. Cette différence se lit dans le pourcentage de la couverture PLAISIR - un rapport entre les besoins auxquels il faudrait répondre idéalement et les besoins couverts par le nombre de postes effectués. Entre 2000 et 2006, cette couverture est passée de 85% à 80%, ce qui signifie une diminution de personnel, même si des postes supplémentaires ont été attribués. De fait, par rapport au nombre de patients et à leurs besoins, le personnel a diminué.
Les postes supplémentaires sont exclusivement attribués aux soins, alors que les handicaps physiques et psychiques grandissent et sont également un indice sur la charge de travail sur les autres services. Cette stagnation ne rend pas justice à la mission de lieu de vie des EMS. Tout le soutien de la vie sociale nécessite également davantage d'efforts des professionnels pour les personnes âgées, moins autonomes. Il en va de même pour l'administration qui est de plus en plus sollicitée pour se substituer à la gestion des affaires des résidents, pour traiter les remboursements qui ne sont plus assurés par des forfaits d'assurance-maladie - quand ce n'est pas pour se substituer au travail de l'OCPA pour clarifier les dossiers de demande de prestations complémentaires AVS.
Les postes sont tributaires du budget de l'Etat. Le prochain budget, bloqué sur quatre ans, réduit non seulement le taux de couverture des besoins de soins, mais encore conduit à des réductions de postes.
Il faut également dire clairement que les EMS feront au mieux, mais selon les moyens disponibles. Notre collectivité ne peut assurer tout ce que résidents, familles, personnel, opinion publique, s'attendent à recevoir. De plus, un budget quadriennal bloqué contraindra les directions à compenser l'augmentation des charges incompressibles par des adaptations du personnel. Cette perspective doit être assumée et expliquée par les pouvoirs publics et la mise en oeuvre dans les EMS. A l'avenir, l'augmentation des budgets globaux des EMS doit donner la priorité à l'exploitation de nouveaux lits. La pénurie dans ce domaine est préoccupante.
Je vous propose le renvoi de ce rapport au Conseil d'Etat.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je suis un peu étonné par le ton des prises de paroles qui blâment le Conseil d'Etat alors que, dans une période particulièrement difficile (la période 2001-2005), pendant laquelle le canton a enregistré un déficit budgétaire cumulé de près de 1 milliard et demi, le Conseil d'Etat a trouvé les ressources pour dégager 128 postes supplémentaires en deux ans, 250 postes en tout sur la période 2000-2005, pour arriver à un total de 3247 postes.
Je ne crois donc pas que l'on puisse vraiment critiquer le Conseil d'Etat. Dans d'autres cantons, à situation comparable, on aurait probablement gelé les effectifs. On n'aurait peut-être pas maintenu à un haut niveau le respect de la norme PLAISIR, et pour s'en convaincre, il suffit de comparer la dotation de personnel infirmier des différents pays européens. La Tribune de Genève a fait un petit article aujourd'hui sur le vieillissement de la population et constate qu'en Suisse, par exemple, nous avons environ 10,5 infirmières pour 1000 habitants, alors que la France - pays très social ayant vécu une longue période dorée sous le règne socialiste de M. Mitterrand - n'a que 7,5 infirmières pour 1000 habitants. En résumé, cela signifie que nous sommes dans une situation privilégiée, car en Suisse, nous disposons en moyenne de 50% de personnel infirmier et médical en plus que nos voisins français.
Il faut rester pondérés. Nous savons que les ressources de l'Etat sont limitées. Nous savons que nous sommes confrontés au problème du vieillissement de la population et que l'Etat ne peut plus dégager tous les moyens souhaitables et qu'il doit désigner des priorités - il a encore du mal à le faire, mais il tente de le faire. En tout cas, dans ce secteur, je ne crois pas que l'on puisse dire que le Conseil d'Etat a fait preuve de mauvaise volonté. Je vous propose d'accepter ce rapport du Conseil d'Etat.
M. Alain Charbonnier (S). Pour répondre à M. Catelain. Nous demandons le renvoi au Conseil d'Etat pour qu'il nous donne une réponse un peu plus détaillée et surtout actualisée. Il faudrait que le Conseil d'Etat mette sa réponse en regard avec la situation d'aujourd'hui et dans les quatre ans à venir, et qu'il nous dise franchement que c'est une baisse de prestations qu'il envisage pour les EMS - que cela soit dit franchement ! Alors que, jusqu'à maintenant, on nous a dit que les propositions de mesures pour atteindre l'équilibre budgétaire étaient uniquement une meilleure efficience de l'Etat de Genève, nous, nous constatons que pour la subvention 2004, c'étaient 96 millions, et pour la subvention 2006-2009, ce sont 82 millions par année. Il y a quand même une grosse différence, Monsieur Catelain. Alors, que l'on nous dise franchement que c'est une baisse de prestations en défaveur des personnes âgées. II faut être clair dans les discours et ne pas inventer des histoires sordides.
M. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat. Il ne s'agit pas de nier que la subvention directe de l'Etat aux EMS était prévue plus basse dans le budget 2006 qu'elle ne l'était dans le budget 2005. Elle descend effectivement à environ 84 millions, contre 90 millions dépensés l'année précédente. De quoi s'agit-il en termes de pourcentages ? Dans une première interpellation, on avait parlé de 20%. Dans le GHI, par des sources probablement pas très éloignées, de 15%. Aujourd'hui, d'à peu près 10%. En réalité, les chiffres sont simples. C'est 6 millions sur un chiffre total de 407 millions, qui est le budget général des EMS, soit un pourcentage de 1,5%.
Tout cela est aisé à comprendre puisque c'est une subvention dite de comblement. Dans le cadre des EMS, vous le savez bien, le financement est d'abord assuré par les pensionnaires et 80% des pensionnaires à Genève sont au bénéfice de prestations complémentaires qui sont des prestations individuelles et qui sont, en situation d'EMS, déplafonnées. En d'autres termes, il n'y a pas de plafond. Nous payons, à travers l'OCPA, le prix que cela coûte, sans plafonner.
La deuxième source de financement vient de la LAMAL qui, en fonction des catégories PLAISIR, donne des forfaits différents. Et enfin, pour assurer le financement du tout et, notamment, financer ce que la LAMAL ne finance pas - alors que la loi prévoirait qu'elle finance tout ce qui est lié aux soins - l'Etat verse annuellement une somme qui a varié ces dernières années entre 80 et 90 millions. Il ne s'agit pas de crier au drame. C'est vrai, Monsieur, qu'il s'agit d'une baisse de 1,5% sur le budget total, et qui se décortique de la manière suivante :
A) Le taux des allocations familiales, comme pour le reste des travailleurs de ce canton, est descendu de 0,1%, ce qui représente près d'1 million de francs sur la masse salariale des EMS.
B) Le taux de la LAMAT a été lui aussi modifié de manière considérable, puisque l'essentiel de la LAMAT est financé désormais par la LAMAT fédérale. Cela fait encore 500 000 F.
Pour le reste, nous avons demandé aux EMS ce qui a été demandé à l'ensemble de l'Etat, soit une diminution du personnel de 0,34% et une baisse des dépenses générales de 7,5%, comme pour le reste de l'Etat. Et nous ne voyons pas pourquoi les filiales de l'Etat n'auraient pas eu à se plier aux mêmes contraintes que l'Etat lui-même, avec des chiffres qui, certes, sont à la baisse, mais qui sont tout de même des chiffres qui restent considérables en comparaison cantonale ou internationale. Alors je vous propose de prendre acte de cette motion qui, par ailleurs, ne répond pas à cette question-là, mais à la question qui était posée, c'est vrai, il y a un certain temps.
Nous pourrons discuter lors du processus d'élaboration budgétaire de tout ce que vous voulez s'agissant du financement des EMS. Nous pourrons discuter de la fantastique capacité que la Fegems a eu à négocier avec Santé Suisse en obtenant 0% d'augmentation là où tous les partenaires de soins obtenaient un pourcentage. Nous pourrons également discuter de la fantastique capacité de la Fegems à n'avoir pas dépensé les montants prévus pour la formation les années précédentes et à s'étonner qu'on les diminue, maintenant qu'on se rend compte que, ne les ayant pas dépensés, elle les a thésaurisés.
Nous discuterons de tout cela lors des comptes et lors du processus d'élaboration budgétaire. Mais cette motion répond très modestement à une question qui lui a été posée il y a cinq ans.
Mis aux voix, le renvoi au Conseil d'Etat de son rapport sur la motion 1380 est rejeté par 32 non contre 28 oui et 1 abstention.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat sur la motion 1380.