République et canton de Genève

Grand Conseil

I 2041
Interpellation de M. Alberto Velasco Existe-t-il un marché dit "du chômage" au point que les chômeurs se voient affublés de l'appellation de "clients" ? Pour quelle raison existe-t-il un service clientèle dans certains services de l'Etat ?

M. Alberto Velasco (S). J'ai été étonné d'apprendre qu'un chômeur avait reçu une correspondance, signée par le fonctionnaire concerné, qui indiquait: «responsable du service clients». Il s'agissait de l'Office cantonal de l'emploi et du chômage. Evidemment que cela m'interpelle, car, lorsque l'on utilise le terme «clients», on se place logiquement dans une relation marchande. Cela signifie que le chômeur est en position d'acheter quelque chose et que le service est en position de vendre... (Remarques. Brouhaha.) C'est un débat que nous avons déjà eu aux Services industriels, c'est vrai ! Or là, Monsieur le président, nous sommes dans une relation d'assurés. C'est-à-dire qu'il y a quand même une nécessité économique et que dans cette relation d'assurés il ne devrait pas y avoir de différenciation quant à la capacité économique de la personne qui est en train de faire appel à l'assurance... En d'autres termes, l'assurance est une relation de solidarité, contrairement au marché. C'est-à-dire que tout le monde contribue... Ce n'est pas parce que j'ai payé une assurance que je dois recevoir quelque chose. Je paie une assurance, et peut-être que je ne consommerai pas... Mais je le fais parce qu'il y a une relation de solidarité. Tandis que si l'on introduit la notion de client: puisque j'ai payé, je reçois. Il y a donc un problème...

Il y a une année, j'avais posé la même question au service de la population, et j'ai eu le grand plaisir de constater que le Conseil d'Etat m'a écouté puisqu'en ouvrant l'annuaire officiel j'ai pu voir que l'on avait supprimé cette référence de «service clientèle». Parce que c'est un service de l'Etat - c'est une prestation - et qu'à ce titre il ne devait pas y avoir cette dénomination.

Alors, Monsieur le président du département, vous êtes arrivé dans ce dicastère et je ne pense pas que ce soit vous qui ayez introduit cela, mais mon devoir de député est d'attirer votre attention et, surtout, de vous dire qu'il existe deux économies: une économie publique et une économie privée. L'économie publique a ses références; l'économie privée a les siennes ! Mais, lorsque «l'on croise les câbles», il n'en ressort pas grand-chose. C'est pourquoi j'espère que je serai écouté. (Applaudissements.)

M. François Longchamp, conseiller d'Etat. Monsieur le député, vous m'apprenez l'existence d'un «service clients» dont j'ignorais jusqu'à ce jour qu'il puisse se trouver au sein de l'OCE. Cela m'étonne évidemment, car, tout naturellement, la relation qu'il y a entre l'OCE et un chômeur n'est manifestement pas celle qui lie un client à une administration. La définition même du client est celui qui achète un service sur un marché où il a le choix, et je doute qu'un chômeur ait effectivement le choix.

D'autre part, en consultant mes très honorables collègues ici présents, ils ne représentent pas à eux seuls la majorité du Conseil d'Etat mais ils s'emploieront avec moi à convaincre nos collègues ici absents. Nous veillerons à ce que soit restaurée la notion d'un mot qui devrait avoir cours dans une administration, dans un service public, qui est celui d'«usager», un mot très noble, qui nous vient du Moyen-Age, qui définit bien plus parfaitement la relation qui devrait nous lier...

M. Michel Gros. Avec accent aigu... (Rires.)

M. François Longchamp. Avec accent aigu ! C'était du temps, Monsieur Gros - et c'était certainement le cas à Satigny - où, comme vous le savez, nous faisions usage des biens communaux à des fins de partage, notamment des revenus agricoles. L'administration a évidemment évolué depuis !

Monsieur le député, je vous assure que je veillerai personnellement - et avec l'ensemble du Conseil d'Etat - à ce que pareille utilisation du mot «clients» ne se reproduise pas au sein de l'office cantonal de l'emploi, ni d'ailleurs dans le reste de l'administration. Nous laisserons le soin à Swisscom d'utiliser éventuellement cette notion de clients, là où peut-être - je dis «bien peut-être» - il aurait dû garder des usagers. (Applaudissements.)

M. Alberto Velasco (S). Monsieur le conseiller d'Etat, je tiens à vous remercier, parce que vous m'avez entendu. Je tiens à remercier aussi le président du Conseil d'Etat, car il a fait des signes d'acquiescement... (Rires.) De même que M. Cramer, président du département ayant la tutelle des SIG. Il est aussi impliqué et il a aussi hoché la tête... (Rires.)

Donc, j'en prends acte, Monsieur le président, et si jamais je constate... (Remarque.) Pas dans le vôtre, parce que je sais que vous allez prendre des mesures, Monsieur Longchamp ! Vous êtes un homme de confiance. (Brouhaha.) Mais j'en prends acte, Monsieur le président du Conseil d'Etat et Monsieur Cramer, et si jamais - si d'aventure - je devais percevoir de tels termes, je vous en ferais part. Je vous en remercie. (Rires.)

Le président. Sur cette promesse, il est pris acte qu'il ne sera plus fait usage d'un mot mal choisi par l'administration.

L'interpellation 2041 est close.