République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 mars 2006 à 14h
56e législature - 1re année - 6e session - 26e séance
RD 620
Débat
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Quitte à rompre un peu la monotonie du travail de ce parlement, je trouve que le sujet des HES mérite largement qu'on y consacre quelques minutes.
Le groupe socialiste prend acte avec satisfaction de ce rapport en raison de l'augmentation du nombre d'étudiants qui fréquentent les HES et, également, de la mise en place du processus de Bologne qui s'est effectué - et qui s'effectue toujours - de manière satisfaisante dans les HES.
J'aimerais toutefois faire quelques remarques sur ce rapport, voire mettre quelques bémols. Premièrement, en ce qui concerne la mise en place de la formation des masters, le rapport est extrêmement sibyllin, alors que nous avons pris connaissance d'éléments un peu plus précis à la Commission interparlementaire des HES. Nous y avons appris, par exemple, que la mise en place des masters se ferait dans la plus grande prudence sur le plan économique. Et, notamment, que pas plus de 20 à 25% d'étudiants pourraient poursuivre une formation sous forme de master après le baccalauréat. Il serait tout à fait dommageable, à notre avis, que la formation professionnelle en Suisse, qui est de grande qualité, en particulier par le biais des HES, puisse être freinée pour des considérations économiques.
Par contre, à propos des masters, il semble que les taxes seraient limitées à 1000 F par année et par étudiant. C'est une décision qui n'est pas encore prise, mais qui devrait l'être, et dont le groupe socialiste se réjouit.
Ma deuxième remarque concerne les places de stage dans le domaine de la santé. En page 12 du rapport, il est écrit qu'on a dû freiner le nombre d'entrées d'étudiants dans le domaine de la santé, à cause du manque de places de stage pour leur formation pratique, notamment en deuxième année. Vous avez aussi pu voir la réponse du Conseil d'Etat à l'interpellation urgente de M. Thion à propos des places de stage dans le social et qui a été déposée hier sur vos pupitres... Je dois dire qu'il est assez inquiétant de constater que dans un domaine comme celui-ci - un domaine d'avenir en termes d'emplois, puisque la population est vieillissante et que nous aurons de plus en plus de besoins dans les secteurs du social et de la santé - nous puissions être amenés à devoir restreindre le nombre d'étudiants entrant en HES !
Ma troisième remarque - et elle est d'importance pour ce parlement - porte sur la nouvelle gouvernance de ces HES. Le terme de «gouvernance» est à la mode - on le verra tout à l'heure, je crois, avec un sujet nettement plus chaud politiquement. Mais, en ce qui me concerne, je voudrais aborder deux points. D'abord, dans le domaine opérationnel, la structure est tout de même très lourde dans les HES: plusieurs sites dans les cantons, avec une direction sur chacun de ces sites, une direction cantonale - c'est le cas à Genève - et, encore, une direction générale sur le plan de la HES-SO ! Il y aurait peut-être lieu, me semble-t-il, de mener une réflexion à ce sujet, et, éventuellement, d'imaginer une structure un peu moins lourde.
Ensuite et surtout, ce qui m'interpelle par rapport à notre travail parlementaire - cela a déjà été souligné à plusieurs reprises ici - c'est le manque de pouvoir des parlements s'agissant des HES. Je ne suis pas la seule à le dire, beaucoup d'entre nous en ont fait le constat. Le professeur Sciarini a du reste parlé à plusieurs reprises de «déficit démocratique»...
Je pense que nous devrions nous rappeler que les HES ne sont pas le seul endroit où l'enjeu est capital actuellement. Avec l'introduction de la nouvelle péréquation financière entre cantons et Confédération, neuf domaines qui étaient de la compétence fédérale sont passés au canton, et, dans la pratique, à un système de concordat entre les cantons. Plus proche du domaine de l'enseignement, un avant-projet concernant la Convention romande pour l'enseignement est mis actuellement en consultation. Le modèle sera semblable à celui de la HES, c'est-à-dire que le contrôle parlementaire sera également très limité.
Je crois donc que nous devrions, en tant que députés, réfléchir et voir, à terme, ce que nous pourrions proposer pour éviter qu'il y ait un réel déficit démocratique... Qui, en définitive, donne le pouvoir à l'exécutif - ce qui en soi reste démocratique - mais, aussi et surtout, aux administrations, ce qui est beaucoup plus dangereux à long terme !
Le président. Je vous remercie, Madame la députée. Si vous me permettez une parenthèse qui s'inscrit dans le droit fil de ce que vous venez d'évoquer, je voudrais attirer l'attention de ceux d'entre vous qui n'en auraient pas encore connaissance sur le fait qu'un séminaire est organisé dans cette salle, dans dix jours, précisément sur ce sujet majeur, à savoir les rapports intercantonaux, les nouvelles péréquations, les compétences, le déficit démocratique que cela peut entraîner. Ceux d'entre vous qui ont le même intérêt que Mme Emery-Torracinta pour ce sujet sont cordialement invités à participer à ce séminaire important.
La parole est à M. le conseiller d'Etat Charles Beer.
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Il est de bon ton d'utiliser un rapport pour poser un certain nombre de questions, qui ne s'inscrivent pas directement dans son champ d'application mais plutôt dans une perception d'avenir, pour ne pas dire prospective, par rapport au développement des HES.
Madame la députée, vous évoquez la mise en place de la déclaration de Bologne. Vous vous en réjouissez, tout en manifestant quelques inquiétudes par rapport à l'organisation des masters pour les différentes filières. A cet égard, je dirai qu'aujourd'hui les HES délivrent encore des diplômes qui ne relèvent pas, à proprement parler, de la déclaration de Bologne. Les premiers bachelors ne sont donc pas encore là et l'option par rapport aux masters doit encore être clarifiée.
Deux voies s'offrent à la HES-SO. La première consiste à développer quelques masters - à ce jour trois projets existent dont un en architecture et l'autre en cinéma - pour savoir s'il faut les généraliser, tout en sachant que le coût en sera extrêmement important, ou si, au contraire, il vaudrait mieux accroître la collaboration entre les HES et l'université. Nous n'en sommes pas encore là, et, donc, le choix n'est pas encore fait. Il le sera au cours des prochaines années.
Je ne reviendrai pas sur le nombre de places de stage, même si, effectivement, vous évoquez l'interpellation urgente écrite à laquelle le Conseil d'Etat vient de répondre. Je passe directement aux questions de gouvernance, sujet particulièrement complexe, comme indiqué dans le rapport de gestion. Pour la définir, on évoque le fonctionnement matriciel, soit une interaction entre le niveau de Suisse occidentale et le niveau cantonal. Cette structure n'est pas une spécificité genevoise, il faut le dire, mais bel et bien une spécificité de la Suisse occidentale qui a tenu, en 2003, à ne pas ouvrir la porte à la privatisation du pilotage de ces HES.
En effet, il faut savoir qu'en 2003 des forces, dont l'OFFT, avaient beaucoup insisté pour que le commandement stratégique soit assuré par des représentants de l'économie privée. Les choses en auraient été simplifiées et, du point de vue du contrôle parlementaire, nous nous serions trouvés dans une position bien différente de celle dans laquelle nous nous trouvons et sur laquelle vous m'interrogez aujourd'hui. Nous sommes conscients du déficit sur ce point, puisque les rapports que nous vous transmettons permettent d'interroger les exécutifs sur leurs activités a posteriori, à défaut de pouvoir intervenir dans le cadre budgétaire.
Nous avons néanmoins tenté, au niveau cantonal, de pallier un certain nombre de ces effets en modifiant la gouvernance. Votre Conseil l'a votée en 2004, afin de mettre en place un Conseil genevois des écoles de la HES permettant d'accompagner sa mise en route et de se prononcer dans le cadre budgétaire, mais, évidemment, à l'échelle strictement genevoise.
Voilà donc les éléments sur lesquels je tenais à insister pour dire que les HES n'ont pas encore atteint leur vitesse de croisière et que nous devrons probablement en parler à nouveau, tant sous l'angle du compte rendu que sous l'angle prospectif.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 620.