République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9522-A
Rapport de la commission des travaux chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit d'investissement autofinancé de 21'878'000F pour des travaux de renaturation du cours d'eau de l'Aire et de ses affluents - sécurisation du village de Lully (2ème étape : réalisation du tronçon pont de Certoux - pont de Lully)

Premier débat

Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. Tout d'abord, j'aimerais remercier le plenum d'avoir accepté l'urgence sur ce projet de loi et le département de M. Cramer pour la qualité de la représentation lors de nos travaux en commission. J'aimerais rappeler les événements dramatiques qu'a vécus la commune de Lully en novembre 2002, la gravité des inondations qui auraient pu coûter des vies humaines - notamment d'enfants - et qui ont motivé ce projet de loi.

Ce projet de loi trouve sa source - c'est un jeu de mots - dans ces événements plus que dramatiques vécus par la population... (Brouhaha.)

Le président. Mesdames et Messieurs, veuillez laisser s'exprimer le rapporteur.

Mme Loly Bolay. Ce projet de loi vise à redonner plus d'espace à l'Aire, à collecter les eaux pluviales à l'origine des graves inondations et surtout, à prévenir toutes nouvelles inondations, notamment dans le village du bas-Lully. Ce projet de loi répond également à une volonté très marquée de ce parlement de renaturer le cours d'eau et de prendre en compte la notion d'urgence dans la plaine de l'Aire. Je ne reviendrai pas sur les aspects techniques que le département nous a expliqués, comme l'intersection des eaux de refoulement en amont de Lully et la réalisation d'un fossé d'assainissement. Je ne reviendrai pas non plus sur les responsabilités qui devront être établies quant aux constructions réalisées. En tenant compte d'un certain droit au risque, ces responsabilités seront établies par les tribunaux. J'aimerais rappeler que suite aux questions légitimes des milieux agricoles concernant les compensations, le département nous a présenté - et nous l'avons accepté - un supplément de 2 millions.

En conclusion, la commission des travaux, dans une large majorité, a pris la mesure de la pertinence et de l'urgence de réaliser ces travaux face à un risque important et imprévisible. Je vous demande donc de confirmer ce vote.

Mme Janine Hagmann (L). Tout d'abord, je remercie la rapporteure pour son excellent rapport réalisé dans un délai très bref, car la commission s'est rendu compte qu'il y avait une urgence. Au moment où des vies humaines sont en danger, personne ne peut s'opposer à des travaux qui doivent être exécutés.

Pourquoi y a t-il eu quelques abstentions lors du vote en commission ? Ces abstentions sont en fait un carton rouge sur la gestion du département. Quand on sait que des vies humaines peuvent être mises en danger, on exécute ces travaux en priorité. D'autres renaturations moins importantes que celle-là ont été réalisées auparavant - par exemple, la Seymaz. On aurait dû commencer par Lully car on savait qu'il y avait un danger. C'est pour cette raison que nous nous sommes abstenus. Ce soir, tout le monde va voter ce projet de loi et nous avons accepté l'urgence car c'est vraiment nécessaire.

Monsieur le président du département, peut-être auriez-vous dû mieux gérer la suite logique des renaturations à mettre en place.

M. Gilbert Catelain (UDC). Personne ne conteste la nécessité de rétablir la situation au niveau de la commune de Certoux. Je me souviens du jour où les inondations ont eu lieu, j'étais à la hauteur du pont de Certoux et nous avions une séance du Grand Conseil. J'ai avisé le chef du département pour lui dire qu'à mon avis, il se passait quelque chose de grave. Cela n'a pas manqué de se passer, car il n'y avait pas de cellule d'alerte pour les importantes pluies qui ont eu lieu sur cette commune et sur le canton de Genève, et je m'étonnais du peu de réaction du département ce jour-là.

Il faut dire que ces inondations étaient prévisibles et que les différentes instances politiques - que ce soit au niveau de la commune ou du Conseil d'Etat - ont autorisé des constructions dans une zone inondable. Des promoteurs ont pris le risque de construire dans des zones inondables, des acheteurs se sont fait berner - ou ont acheté en connaissance de cause dans des zones inondables - et maintenant, il ne reste qu'une seule autorité pour prendre des mesures. C'est notre parlement qui devra dégager un important crédit pour remettre la situation en place.

Ce projet de loi, dans son titre, nous dit que le crédit d'investissement est autofinancé. J'attends encore de voir quel sera l'état du budget 2006... Il semblerait que la semaine prochaine on devrait avoir un scoop du Conseil d'Etat sur toutes les mesures qu'il entend prendre pour respecter - peut-être - le plan financier quadriennal... Les rumeurs disent que l'on devrait avoir un déficit budgétaire qui variera entre 500 et 700 millions, alors qu'en fait, on a toujours pas de budget, et encore moins pour les investissements. Par contre, on a ce projet de loi qui nous dit que le crédit est autofinancé. Je lis l'article 6, à la page 13, et je vois que : «Le financement de ce crédit (déduction faite d'une éventuelle subvention fédérale, d'une participation communale [...]) est assuré, au besoin, par le recours à l'emprunt dans le cadre du volume d'investissement "nets-nets"». Je ne sais pas où on en est au niveau de la subvention fédérale - j'espère qu'elle sera importante, mais les moyens de la commune sont limités - et l'investissement «nets-nets» est la formule «fluctuelle» qui veut que l'on aura, dans le budget, un crédit-cadre pour les investissements et tout le reste sera financé par l'emprunt.

Le titre paraît donc un peu abusif et j'aimerais bien savoir quelles seront les priorités fixées par le Conseil d'Etat dans la planification des différents investissements. C'est très facile de fixer des priorités, mais, quand on traite un objet en urgence, cela veut dire que d'autres objets que l'on a votés ou que l'on va voter - comme tout à l'heure les 4 millions pour Clair Bois - ne sont pas si prioritaires que cela et devraient passer au second plan. Comme on l'a dit tout à l'heure dans le débat de demande d'urgence, il semblerait que l'on va donner les 4 millions à Clair Bois alors que l'on n'a pas de budget. Par contre, cela pourrait pénaliser ce projet de loi puisque le volume des investissements «nets-nets» n'est pas connu.

J'aimerais une explication à ce sujet de la part de la rapporteure.

M. Olivier Wasmer (UDC). Mon collègue ayant tout dit, je n'ai pas... (L'orateur est interpellé.) Je vais ajouter quelques paroles, puisque mon chef de groupe me dit que l'on doit encore s'investir sur ce problème. Comme l'a dit Mme Hagmann, il est curieux que tout à coup, on demande le déblocage de plus de 20 millions pour un projet urgent, alors même que l'on a commencé les travaux de la Seymaz - qui, à l'époque, n'étaient pas du tout utiles - sans penser à faire les travaux sur l'Aire. S'il y avait vraiment urgence, ces travaux auraient dû être faits depuis très longtemps. D'après ce que nous disait le conseiller d'Etat Cramer, chaque fois qu'il pleuvait et qu'il y avait des orages, il avait peur qu'il y ait mort d'homme.

On voit depuis deux ou trois ans que ces problèmes sont graves. Par contre, le département a pris des mesures idoines en canalisant l'Aire par des planches en acier. Et si on reportait ce projet d'une année ou deux - notamment au vu du budget que l'on votera d'ici deux semaines. Ces travaux peuvent parfaitement attendre.

Pour tous ces motifs, je me suis abstenu en commission. L'UDC considère que ces travaux ne sont pas une urgence telle qu'ils doivent être effectués cette année. On peut les remettre - je ne dirai pas aux calendes grecques - à deux ou trois ou ans. Il faut voter non à ce projet de loi.

Le président. Monsieur le député, dans le cadre de ce qui a été dit par votre chef de groupe, et dans ce qui, paraît-il, est une des préférences genevoises, le «ninisme» - selon un néologisme que j'ai découvert aujourd'hui dans la presse - je voudrais vous dire que nous ne nous réunirons ni la semaine prochaine, ni le 6 avril, ni le 31 mars, mais le 30 mars, pour la séance extraordinaire sur les mesures dont vous venez de parler.

M. Antoine Droin (S). J'aimerais réagir à un ou deux des propos tenus. L'Etat - la collectivité que nous représentons face aux citoyens - a le devoir d'agir par rapport à ce qui s'est passé à Lully. Mais, il ne faut pas mélanger tous les débats. Il y a deux choses en jeu. La sécurisation du village de Lully qui est en très grande partie réalisée - il ne reste plus que le fossé à travers les champs à aménager pour terminer complètement cette réalisation - et le débat de l'aménagement de la plaine de l'Aire. Il y a urgence à effectuer ces travaux pour les raisons que je viens d'évoquer.

Quant à la question de la compensation, je ne reviendrai pas dessus.

Par rapport aux charges financières, personne n'a relevé que la charge financière et les intérêts, les amortissements, seront pris en charge par le fonds cantonal de renaturation, ce qui allègera peut-être un peu les choses.

Dernier élément. Il ne faut pas non plus mélanger. Je réponds à l'UDC que le budget d'investissement n'est pas le budget de fonctionnement et un Etat a besoin d'investir. L'Etat n'a pas assez investi ces dernières années par rapport aux besoins de la population et c'est un besoin vital pour notre canton.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. On a beaucoup parlé de ce projet et je me permettrai uniquement de répondre de la façon la plus factuelle possible à un certain nombre d'interrogations.

La première est celle exprimée par Mme Hagmann. Vous avez raison, le bon sens dans les projets de renaturation aurait impliqué un phasage où l'on commençait par les projets où il était question de protéger des personnes et des biens. A Genève, il n'y en a en réalité que deux. L'un est sur la Versoix, et nous l'avons terminé. Et l'autre, c'est sur l'Aire. Viennent ensuite des projets qui ont une dimension plus paysagère, comme c'est le cas de la Seymaz.

Les choses ne se sont pas produites dans cet ordre pour une raison très simple. Lorsque je suis arrivé au département, il y a huit ans, il y avait déjà un projet complet sur la Seymaz, voulu par le Grand Conseil. Je n'étais pas député pendant la législature 1993-1997, mais je sais - à l'instigation de M. Burdet, ancien président du Grand Conseil et membre éminent de votre groupe - que la Seymaz avait été un objet fort débattu dans cette enceinte et on avait demandé au gouvernement d'aller de l'avant avec des propositions sur ce cours d'eau. Quand je suis arrivé au gouvernement, les projets pour la Seymaz étaient préparés et nous indiquaient ce qu'il fallait faire, alors qu'il n'y avait rien du tout sur l'Aire. Logiquement, on a commencé par les projets qui étaient prêts avant de prendre ceux qui devaient encore être préparés. Il est toujours plus facile d'être intelligent après : il y a huit ans, on n'avait certainement pas conscience des problèmes que pourraient nous poser la gestion de l'hydrologie de l'Aire. Il faut se souvenir que c'est à un intervalle relativement proche - de deux ou trois ans - que l'Aire a connu deux inondations successives. Cela aussi était totalement imprévisible pour nos prédécesseurs et c'est à la suite de ces deux inondations - particulièrement de la deuxième - que l'on a dit qu'il fallait faire un projet de sécurisation des personnes et des biens.

A partir de là, quel projet ? Des comparaisons simplement économiques ont permis d'établir qu'il était moins cher d'intervenir sur ce cours d'eau par une gestion de l'hydrologie, par des techniques de renaturation, que si l'on avait fait le choix d'une technique beaucoup plus dure - avec beaucoup plus de béton - et de véritablement reconstruire un nouveau canal. Construire le canal aurait coûté deux fois plus cher que de laisser de l'espace au cours d'eau. Chacun peut le comprendre intuitivement, mais cela a également été chiffré et on s'en est expliqué en commission. S'agissant de protéger le hameau de Lully, ce que l'on vous propose est ce que l'on peut faire de meilleur marché.

Je viens à la question posée par M. Catelain. Que signifie le mot autofinancé ? Monsieur Catelain, vous devez savoir - vous êtes bien au fait de ces questions - que quand on a refait la loi sur l'eau, en 1997, on imaginait travailler de la façon suivante : prendre toutes les redevances perçues sur les installations hydrauliques - je pense essentiellement au barrage de Verbois et à celui de Chancy-Pougny - et, avec cette somme, alimenter en fonctionnement le service de renaturation. En plus de cela, on devait dépenser - c'est dans la loi sur les eaux, vous pouvez la lire - au moins 10 millions par année sur des ouvrages de renaturation.

L'expérience nous a montré que cette somme de 10 millions inscrite dans la loi est excessive. Jamais on a dépensé 10 millions par année sur des projets de renaturation. Et, lorsque nous avons vu, au département, les difficultés dans lesquelles se trouve confronté actuellement l'Etat de Genève, nous avons décidé de laisser tomber ce mode de financement de 10 millions pris sur le budget ordinaire des investissements pour lui substituer le fait de prendre également sur les redevances hydrauliques, non seulement les frais de fonctionnement du service, mais également les frais d'investissement liés aux ouvrages. En ce sens, le règlement a été modifié.

En d'autres termes, aujourd'hui, lorsque l'on perçoit les redevances hydrauliques, on utilise l'argent pour faire tourner le service et pour couvrir les frais - notamment ceux liés au projet que l'on vous présente. C'est en ce sens que le mot autofinancé se justifie. En réalité, il s'agit bien sûr d'un financement spécial, mais c'est le choix qu'a fait le Grand Conseil d'isoler les sommes perçues sur les redevances hydrauliques pour les affecter à ces tâches de renaturation et le Conseil d'Etat a estimé qu'il pouvait étendre ce choix non seulement au fonctionnement du service mais également à l'investissement.

Pour le reste, il n'y a rien à ajouter à ce qui a été dit. L'excellent rapport de Mme Bolay, complété par son intervention et celles de quelques autres, montre bien que nous sommes tous conscients du fait qu'il y a urgence. Le Grand Conseil l'a marqué en décidant que ce débat devait avoir lieu en urgence. Quant à moi, je peux simplement vous dire que les services de l'administration sont prêts pour qu'immédiatement après le vote du Grand Conseil, nous puissions engager les travaux nécessaires à la sécurisation du village de Lully, c'est-à-dire à protéger des personnes et des biens. (Applaudissements.)

Mis aux voix, le projet de loi 9522 est adopté en premier débat par 61 oui et 8 abstentions.

La loi 9522 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9522 (nouvel intitulé) est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 62 oui et 8 abstentions.

Loi 9522