République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 16 mars 2006 à 20h30
56e législature - 1re année - 6e session - 25e séance
IN 120-E et objet(s) lié(s)
Premier débat
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. Nous traitons du contreprojet à l'IN 120 intitulée «Pour la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitant-e-s de quartiers.» Cette initiative populaire est déjà venue souvent devant ce Grand Conseil. Elle est également passée devant le Tribunal fédéral, qui n'en a sauvé qu'une partie, à savoir des dispositions soumettant au référendum obligatoire les modifications de toute une série de lois dont la LDTR, la LGL, quelques dispositions de la loi sur l'extension et diverses lois de procédure.
Le 17 mars, sur suggestion d'un député entre-temps appelé à de plus hautes fonctions, ce Grand Conseil a estimé qu'il était utile de déposer un contreprojet à cette initiative. Ce contreprojett instaure une protection - limitée dans le temps - des textes législatifs introduits à la faveur d'initiatives populaires, protection sous forme de référendum obligatoire pour toute modification de ces textes. La commission des droits politiques a mis en oeuvre cette décision du Grand Conseil en suivant trois principes : instaurer un référendum obligatoire, limiter dans le temps la protection des textes issus d'initiatives populaires, étendre à l'ensemble du domaine législatif cette protection et non au seul domaine du logement. Il s'agit donc d'une disposition qui fait immédiatement suite à l'article 53A de la constitution genevoise, qui instaure un référendum obligatoire en matière fiscale.
En matière d'initiatives populaires, nous avons beaucoup de variétés possibles: celles qui sont formulées et celles qui ne le sont pas; les initiatives et les contreprojets. Il y a donc différentes circonstances dans lesquelles un texte est issu d'une initiative populaire.
Le texte qui vous est soumis aujourd'hui vise précisément à porter sur l'ensemble de ces diverses possibilités. Ce texte doit résulter d'une initiative populaire, ce qui signifie que cela vaut autant pour les initiatives formulées que pour celles qui ne le sont pas. C'est un texte qui protège aussi bien les initiatives que les contreprojets, aussi bien les textes acceptés par le peuple que ceux acceptés par le seul Grand Conseil - comme vous le savez, lorsque le Grand Conseil accepte une initiative populaire, le peuple n'a pas à se prononcer.
Encore un mot sur les différences entre l'initiative et le contreprojet. Premièrement, le contreprojet porte sur l'ensemble de la matière législative et non pas sur le seul domaine du logement. Au moment de renvoyer l'objet en commission des droits politiques, le Grand Conseil avait en effet estimé qu'il ne convenait pas de protéger tout spécialement le domaine du logement et que dans d'autres domaines aussi, la volonté populaire devait être protégée.
La deuxième modification est celle de la période de protection. L'initiative prévoyait une protection éternelle, alors que le Grand Conseil, suivant la proposition du rapport du Conseil d'Etat, a estimé qu'il convenait de limiter cette protection dans le temps. La commission, après des débats épiques sur cette question, s'est mise d'accord sur un délai de protection de sept ans.
La troisième différence avec l'initiative populaire est le fait de protéger non seulement les textes adoptés par le peuple, mais également ceux adoptés par le Grand Conseil à la suite d'une initiative populaire.
La quatrième modification est que le contreprojet ne comporte pas d'effet rétroactif proprement dit, alors que l'initiative avait pour objectif de soumettre au peuple toute une série de textes de loi adoptés par le Grand Conseil, entrés en vigueur, et qui auraient donc dû être à nouveau soumis au vote populaire.
Un point est remarquable dans ce projet: il a été accepté par l'unanimité de la commission des droits politiques et le texte, le projet de loi constitutionnel opposé en tant que contreprojet, est signé par l'ensemble des partis de ce Grand Conseil, sans la moindre exception. Je vous invite donc à soutenir ce contreprojet.
Le président. Avant de donner la parole à ceux qui l'ont demandée, je prie notre secrétaire - conformément à ce qui a été demandé tout à l'heure - de nous lire le courrier 2187 de l'ASLOCA.
Mme Catherine Baud (Ve). Je ne vais pas expliquer à nouveau les notions d'initiative et de contreprojet, mais j'aimerais souligner que la commission des droits politiques a proposé de manière unanime un contreprojet à l'initiative 120. Cette unanimité est à relever, car les travaux se sont déroulés dans un esprit constructif et respectueux de la demande formulée par ce même Grand Conseil.
Il s'agissait donc d'instaurer une protection limitée dans le temps des textes législatifs introduits à la faveur d'initiatives populaires en soumettant ces modifications à un référendum obligatoire. Cette proposition de modification de notre constitution renforce l'exercice des droits populaires et l'expression même de la démocratie. Désormais, toute loi qui abroge ou modifie une disposition résultant d'une initiative ou d'un contreprojet se voit soumise au référendum obligatoire, à condition qu'un délai de sept années soit respecté. Ce délai de sept ans commence à l'acceptation de l'initiative ou du contreprojet.
Pendant seulement sept années, le peuple - et seulement le peuple - peut défaire ce qu'il a demandé auparavant. Il s'agit donc d'un respect du parallélisme des formes, le référendum facultatif restant toujours possible.
Les Verts soutiennent ce principe de protection et de renforcement des droits populaires qui est le fondement de notre démocratie. Il se peut qu'il y ait une augmentation du nombre des scrutins du fait de l'introduction de ce nouvel article constitutionnel, mais nous pensons que le jeu en vaut la chandelle, car le débat sera public et pourra porter sur des thèmes divers - et non pas seulement sur le seul thème du logement. C'est la raison pour laquelle les Verts soutiendront le contreprojet.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Je tiens tout d'abord à rappeler le contexte dans lequel cette initiative a été lancée. A la fin des années quarante, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le Conseil fédéral avait institué une protection des locataires contre les augmentations abusives de loyer et de congés, mais seulement pour les immeubles construits avant 1947. Cette protection devait être reconduite tous les quatre ans.
En 1965, la majorité politique - la droite et l'assemblée fédérale - a décidé d'annuler toute protection des locataires en prétendant qu'en libéralisant le marché, on allait activer la construction de logements. A l'époque, la suppression totale de la protection des locataires n'avait nullement activé la construction de logements. Par contre, des abus scandaleux ont été commis par les milieux immobiliers à cause de la pénurie de logements.
Dans les années septante, des mesures temporaires ont été prises. Des associations de locataires se sont battues sur le plan fédéral avec trois initiatives, toutes combattues par la droite. A chaque fois, il fallait récolter 50 000 ou 100 000 signatures pour arriver à une modification du code des obligations et introduire des dispositions minimalistes en matière de protection des locataires.
En 2004, une fois de plus, la droite a une nouvelle fois tenté de réduire la protection des locataires. Cette tentative a été rejetée par le peuple suisse qui a pu se prononcer grâce au référendum lancé par l'ASLOCA - une nouvelle tentative ratée par la droite et les milieux immobiliers.
A Genève, pas moins de cinq initiatives successives ont été nécessaires pour mettre en place le Tribunal des baux et loyers, avec une protection gratuite, comme pour le Tribunal des prud'hommes. Ces initiatives ont également permis d'instaurer la loi sur le logement et de mettre en place les dispositions de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations des maisons d'habitation, qui ont permis de maintenir de nombreux logements à des loyers abordables - notamment au centre-ville - et de déjouer les opérations spéculatives. Je pense spécialement aux opérations tristement célèbres de Staübli qui plaçait le locataire devant le soi-disant choix d'acheter son appartement ou, à défaut, de partir.
Ces initiatives plébiscitées en votation populaire ont toutes été violemment combattues par la droite. Depuis, la même droite n'a cessé de recommencer le processus de démantèlement de la protection des locataires et n'a cessé de voter des lois allant dans ce sens au parlement, grâce à sa majorité. Mais, chaque fois, vous avez été battus par le peuple qui a refusé tout démantèlement.
Chapitre suivant. La droite, n'arrivant pas à ses fins et chaque fois désavouée par le peuple en votation populaire, a cru très malin de procéder par saucissonnement, c'est-à-dire de modifier par petits bouts, par des projets de loi distincts, les lois de protection des locataires. Pourquoi ? Tout simplement pour obliger les milieux défendant les locataires à lancer chaque fois un référendum distinct et à récolter chaque fois 7 000 signatures. Cela dit, entre parenthèses, lors de sa campagne électorale d'automne passé, pour faire bon poids, la droite a proposé de doubler le nombre de signatures nécessaires pour faire aboutir un référendum. Le but de l'opération était de bâillonner le peuple qui chaque fois vous a donné tort.
C'est dans ce contexte que les socialistes ont participé au lancement de l'initiative 120 et ont déjà fait part de leurs doutes par rapport au principe d'élaborer un contreprojet à cette initiative.
Le contreprojet élaboré propose que toute loi acceptée en votation populaire soit à nouveau soumise au peuple si le Grand Conseil était amené à la modifier, tout en mettant des limites dans le temps. Ce contreprojet n'est pas satisfaisant.
Tout d'abord, la limite dans le temps qui est prévue n'est pas pertinente pour les raisons que je viens d'exposer. Ensuite, le contreprojet n'est pas conforme à la volonté des signataires de l'initiative qui, compte tenu des attaques constantes de la droite contre la protection des locataires, ont souhaité défendre plus particulièrement les droits fondamentaux.
Je terminerai en disant que le droit au logement est aujourd'hui reconnu grâce à - je vous le donne en mille - une initiative populaire. C'est ce droit fondamental que la droite cherche à démanteler à l'aide de sa majorité au parlement, contre la volonté de la population qui doit chaque fois confirmer en votation populaire.
Mon engagement depuis vingt-cinq ans à l'ASLOCA en faveur de la cause des locataires me permet de vous affirmer la détresse totale que vivent les locataires ayant reçu un congé car ils n'arrivaient pas à faire face à des augmentations de loyer abusives et répétitives.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne soutient pas le contreprojet issu de la commission et recommande le soutien exclusif lors de la votation populaire, à un moment où la pénurie de logements conduit aux pires abus et où les loyers sont systématiquement augmentés à chaque changement de locataires.
Le président. Je salue la présence à la tribune de notre ancienne collègue Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (Applaudissements.) Et je remercie notre collègue Mme la députée Véronique Schmied de passer sa soirée d'anniversaire avec nous. (Applaudissements.)
M. Francis Walpen (L). Vous me pardonnerez de ne pas réécrire une nouvelle page d'histoire sur les méchancetés de la droite et des libéraux en particulier. Je me contenterai simplement de vous rappeler que la commission de contrôle de gestion - et la commission des droits politiques - a reçu mandat du Grand Conseil d'élaborer un contreprojet. Nous avons travaillé avec calme et sérénité. Il est clair que le point d'achoppement était la durée et on a entendu de tout, d'une année jusqu'à vingt ans.
Les libéraux étaient très favorables à une période correspondant à une législature, soit de l'ordre de quatre ans. Par souci de paix et de consensus, nous nous sommes ralliés à la durée de sept ans.
Vous le pardonnerez à un jeune député qui découvre les arcanes de cette assemblée, mais je m'étonne vraiment que lorsqu'en commission, nous arrivons à une unanimité de vote après un travail tout à fait consensuel, on remette en question ce qui s'est fait en commission. Vous m'expliquerez à quoi servent les commissions, merci.
M. Yves Nidegger (UDC). L'UDC est ravie de pouvoir rejoindre une large majorité dans ce parlement, qui entend soutenir la volonté populaire au respect de laquelle nous sommes évidemment très attachés. Et ce n'est pas une des moindres qualités de notre système que de permettre à un parlement - qui considère le peuple dans sa fonction de législateur possible comme un concurrent, puisque le peuple vient parfois casser les projets les plus aboutis - de se saisir unanimement de cette volonté et, par un parallélisme des formes, de se rendre plus difficile la possibilité de modifier les lois lorsqu'elles ont été édictées par le peuple.
Le projet tel qu'il est finalement ressorti des travauxde la commission correspond parfaitement à son but, car il est simple et il propose une protection qui n'est pas trop longue. Et surtout, parce que l'initiative, qui confondait les acquis socialistes avec les acquis sociaux et qui entendait les bétonner, alors que c'est la volonté populaire qui doit être protégée et non pas les intérêts partisans de certains, a été épurée de son sectarisme.
Nous soutiendrons avec joie ce contreprojet.
Mme Michèle Ducret (R). Dois-je rappeler que le mandat que nous avons reçu était un mandat du Grand Conseil, qui nous a été confié après un débat assez houleux, d'après ce que j'en ai lu dans le Mémorial. Le mandat a été envoyé à la commission des droits politiques pour qu'elle établisse un contreprojet, ce qu'elle a fait de façon absolument consensuelle et je dirais même unanime. Il y a donc des unanimités trompeuses, mais cela n'est pas nouveau. Je le regrette, car ce contreprojet étend largement les droits populaires, ce qui devrait plaire à tous les groupes représentés dans ce Grand Conseil. Il les étend au point qu'il limite les droits et les compétences de ce parlement.
Malgré cela, nous considérons qu'il faut soutenir ce contreprojet, afin d'offrir une alternative à l'initiative 120. Nous estimons que c'est une bonne solution. Par conséquent, nous ne changerons d'avis ni en plénière, ni en commission, et nous vous recommandons de voter favorablement au contreprojet.
M. Pascal Pétroz (PDC). Cela a été rappelé par mes préopinants, l'objet du débat n'est pas de faire l'historique de la longue lutte des locataires pour la défense de certains droits, de même qu'il n'est pas l'objet du débat de dénoncer certains abus des représentants des locataires. Ce soir, nous devons parler du contreprojet dont le rapporteur vous a bien expliqué les contours.
Permettez-moi de vous décevoir, l'unanimité dont il a été fait part n'est pas tout à fait celle qui s'est exprimée en commission. Vous le savez, chers collègues de la commission des droits politiques, je vous l'ai annoncé à de nombreuses reprises en commission, le parti démocrate-chrétien a toute une série de réticences quant au principe de ce contreprojet.
Il estime que ce type de mesures vide totalement de sa substance le rôle de notre parlement et n'est ni plus ni moins qu'une mesure de défiance totale envers notre parlement. A quoi cela sert-il de faire élire des députés qui sont censés être l'émanation du peuple, les représentants de ce peuple, si on adopte des mesures qui sont là pour les brider et qui signifient que les députés ne font pas bien leur travail ? Nous avons donc cette réticence de principe - sur un plan philosophique - par rapport à ce type de mesure qui, encore une fois, vide de sa substance le rôle de notre parlement. Il faut être honnête, le nombre d'objets concernés par ce contreprojet ne devrait pas être tel que l'on assiste à une révolution dans notre république.
Cela dit, nous devons parler des principes et à ce niveau, le groupe démocrate-chrétien a un véritable problème. Le groupe démocrate-chrétien a soutenu deux amendements. Vous avez vu que la durée retenue est celle de sept ans. Je me suis abstenu en commission pour la raison bien simple que - vous le savez - une durée de sept ans... (L'orateur est interpellé.) Lisez votre rapport, Monsieur Gros, vous êtes prompt à vous manifester lorsqu'un orateur prend la parole, mais si vous pouviez lire votre rapport, cela serait une bonne chose pour tout le monde et cela vous éviterait de déranger l'orateur... sans rancune, Jean-Mimi, sans rancune... Vous constaterez que le représentant PDC s'est abstenu quant à la durée de sept ans pour la raison bien simple que c'est la durée biblique et évidemment, les commissaires ont essayé d'amadouer le parti démocrate-chrétien en proposant cette durée biblique, mais elle n'a pas été retenue.
Pour aller au-delà de notre position de principe, il fallait que la durée soit de quatre ou cinq ans. L'idée étant que l'on peut imaginer que cette mesure soit destinée à compenser un changement de majorité, mais pas au-delà. On pourrait imaginer qu'une majorité de gauche succédant à une majorité de droite - ou le contraire - bloque les choses pendant quatre ans et qu'après, le parlement retrouve son rôle véritable. Mais non, la commission des droits politiques a voulu être plus gourmande et nous le regrettons. Par conséquent, nous n'allons pas faire un combat de principe où nous allons prendre la parole pendant des heures et des heures seulement pour faire durer ce débat. Nous nous exprimerons à une ou deux reprises à ce sujet mais nous voterons contre ce projet de loi.
Mme Carole-Anne Kast (S). Dans ce débat, il y a deux dimensions. Une dimension politique, qui était visée par l'initiative, et une dimension juridique - ou d'un exercice législatif - qui est le mandat donné à la commission. Les socialistes ne nient pas que le mandat a été donné à la commission des droits politiques d'élaborer le contreprojet. Je me permets de vous rappeler qu'à l'époque, le parti socialiste était contre cette proposition et il l'est encore aujourd'hui, pour les raisons que je vais vous exposer.
On a demandé à cette commission de faire cet exercice, elle l'a fait dans un esprit de consensus et les commissaires socialistes se sont prêtés à cet exercice de bonne foi. Ils auraient pu pratiquer une ligne de blocage ou surenchérir de manière inadmissible. Ce n'est pas le mandat qui leur a été confié et ils ont joué le jeu.
Aujourd'hui, un contreprojet répond effectivement au mandat qui a été donné à la commission lors du débat du mois de mai 2005. Néanmoins, M. Pétroz l'a rappelé, c'est une question de principe. Personnellement, je ne crois pas que le contreprojet serve les buts de l'initiative. En effet, cette initiative ne vise pas à ôter des pouvoirs au parlement ou à bloquer un système, elle vise simplement à ériger les dispositions de défense des droits des locataires au rang constitutionnel, comme pour les modifications de l'assiette fiscale. Les initiants ont voulu dire que dans un canton où il y a 83% de locataires, les lois qui concernent la défense des locataires sont tout aussi importantes que les lois qui modifient les impôts. C'est cela le but de l'initiative.
La commission a bien travaillé et a elle a accompli l'exercice qui lui a été demandé, mais cet exercice ne répond pas à l'initiative. J'irais presque jusqu'à dire que ce n'est pas un contreprojet, puisqu'il propose quelque chose de différent. Il propose de mettre une sorte de période moratoire, pendant laquelle il est plus difficile de modifier une loi. Mais ce n'est pas le but de l'initiative, qui est de dire que la défense des droits des locataires est au même niveau d'importance que nos impôts. C'est la raison pour laquelle les commissaires socialistes ont correctement joué le jeu qui leur était demandé, mais aujourd'hui, le parti socialiste votera contre ce contreprojet et soutiendra la version de l'initiative telle que validée par le Tribunal fédéral.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Je ne m'étendrai pas trop longtemps puisque les arguments développés par Carole-Anne Kast vont dans le même sens, mais, faisant partie de la commission, j'estimais qu'il me fallait donner quelques précisions.
On peut saluer le travail effectué en commission et le bon esprit qui y a régné, il incombe en partie à la présidente qui a très bien dirigé les débats. Pour ceux qui ne siégeaient pas lors de la précédente législature, le parti socialiste était opposé à l'idée d'un contreprojet et ne voulait soumettre que l'initiative.
En effet, en commission, nous n'avons pas voulu faire obstruction, une réflexion qui avait un certain intérêt a néanmoins eu lieu. Quant à moi, je pouvais éventuellement me reconnaître dans l'idée d'étendre la protection à l'ensemble de la législation et non pas seulement à la législation concernant le logement, mais nous avons dit à maintes reprises que la période de protection était beaucoup trop courte et au final, la proposition de sept ans de protection du contreprojet ne couvre absolument pas les intérêts de l'initiative et la vident donc de sa substance. Peut-être que le parti socialiste aurait pu en parler avant, mais on n'a pas eu l'occasion d'en débattre et c'est la règle de la majorité qui triomphe, ce qui est bien normal. Nous ne soutiendrons pas ce contreprojet.
Mme Loly Bolay (S). Beaucoup de choses ont été dites par mes collègues. M. Walpen a dit que l'on revenait sur un vote en commission, mais vous avez fait exactement la même chose avec l'IN-126, intitulée "Energie-Eau : notre affaire! Respect de la volonté populaire". Nous l'avions votée en commission et, une fois ici, vous l'avez retournée en commission. Il ne faut pas nous donner des leçons, parce qu'on peut vous resservir la même chose.
La IN-120 vise la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitants de quartier, elle vise un renforcement des droits politiques par instauration du référendum obligatoire pour la modification de certaines lois touchant à la protection des locataires. Cette initiative s'attaque également à la problématique - très réelle à Genève - de la pénurie des logements et surtout des prix des loyers. Lors du recours par l'ASLOCA au Tribunal fédéral, celui-ci a confirmé le but essentiel de l'initiative, c'est-à-dire un référendum obligatoire pour toute modification apportée à des lois adoptées à la suite d'une initiative populaire en matière de protection des locataires. Il s'agit des lois sur le Tribunal des baux et loyers, sur la commission de conciliation en matière des baux et loyers et de la loi générale sur le logement et la protection des locataires. Le contreprojet foule aux pieds toutes les lois votées par ce Grand Conseil depuis longtemps, tout simplement parce la protection s'arrête à sept ans. Nous avons compris que c'est une manoeuvre. C'est la raison pour laquelle je vous invite à refuser ce contreprojet.
Mme Catherine Baud (Ve). Cette commission a travaillé dans un esprit constructif et a adopté le principe de ce contreprojet à l'unanimité. Je trouve assez curieux d'entendre que les commissaires ont joué le jeu qui leur a été demandé... Je m'interroge: est-ce que travailler en commission est jouer à un jeu ? On peut vraiment s'interroger sur cette manière de considérer le travail parlementaire. Ce travail a été effectué d'une manière sérieuse, sous une présidence tout à fait honorable et je crois que les personnes ont largement eu l'occasion de s'exprimer. C'est vrai qu'il n'y pas eu de vote d'entrée en matière car c'est le Grand Conseil qui a donné ce mandat et il faut le respecter. Il faut peut-être faire appel au peuple en dernier lieu, pour plus de sagesse.
Hormis cela, il est quand même curieux de constater que seule la protection des locataires mériterait d'être inscrite dans la constitution. Il y a d'autres catégories de la population qui mériteraient aussi d'être protégées. Ce contreprojet a l'avantage d'être général, de toucher tout le monde et je pense que c'est un bon contreprojet.
M. Olivier Jornot (L), rapporteur. J'aimerais faire deux remarques à la suite de ces nombreuses interventions.
La première est que, certes, Mme Grobet-Wellner est remontée à la guerre de Troie pour expliquer la position du groupe socialiste sur l'initiative et le contreprojet et Mme Kast, coiffant l'une de ses casquettes, nous a expliqué que ce contreprojet n'atteignait pas l'objectif fixé par les initiants - cela est vrai - mais je me demande si ce n'est pas exactement la définition d'un contreprojet ?
Lors du débat sur les notes à l'école, Mesdames et Messieurs des bancs d'en face, vous nous avez expliqué en long, en large et en travers la notion de contreprojet, vous nous avez expliqué que c'était le juste milieu entre la position des initiants et une position différente. Vous avez ici précisément un contreprojet qui répond à l'exacte définition du contreprojet que vous nous aviez expliquée lors de ces débats. Ce contreprojet va même plus loin, puisqu'il garantit l'intégralité des droits populaires, dans tous les domaines et pas seulement dans celui qui constitue votre fonds de commerce.
La deuxième remarque, je voudrais la faire en toute amitié, suite à l'intervention un peu empruntée de M. Pétroz. Je voudrais lui rappeler qu'en effet, suivant la loi portant règlement du Grand Conseil, la définition de l'unanimité est celle de l'accord de tous les députés présents lors du vote et je voudrais lui dire aussi, à propos de la durée de protection prévue par ce contreprojet - la fameuse durée biblique de sept ans - qu'il aurait fallu que tous les commissaires fussent présents pour que le vote aboutisse à cette durée de cinq ans qui vous aurait convenu davantage. Au-delà de cela, sur le fond, Monsieur Pétroz, je ne peux pas être d'accord avec vous quand vous dites que ce contreprojet a pour effet de vider complètement les compétences de ce Grand Conseil. Ce Grand Conseil sait parfaitement que lorsqu'un texte est accepté à la faveur d'une initiative populaire, il ne peut pas le chambouler immédiatement après que le peuple se soit prononcé. Il y a donc un effet d'autolimitation qui existe de tout façon. Cet effet serait maintenant codifié et prolongé pour une période de sept ans qui, certes, constitue une durée de compromis, mais c'est un compromis parfaitement acceptable pour que le Grand Conseil fasse sereinement son travail. Je vous recommande donc vivement d'accepter ce contreprojet et de finalement laisser le peuple trancher.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. L'initiative 120 a connu tout un historique parlementaire, tout un historique judiciaire. Mais, dès le début, dès la première prise de position, en mars 2003, le Conseil d'Etat a dit clairement qu'il considérait qu'un contreprojet devait être opposé à cette initiative et que ce contreprojet devait précisément porter sur la question du parallélisme des formes. Pour parler clairement, que ce contreprojet a pour but que ce que le peuple a fait ne puisse pas être défait par quelqu'un d'autre que lui. Il y a une certaine logique à cela et le Conseil d'Etat n'a jamais varié dans sa position à ce sujet, quels que soient les avatars judiciaires ou parlementaires. En réalité, Mesdames et Messieurs les députés, avec un minimum de déontologie politique, on ne devrait pas assister au spectacle regrettable d'un parlement qui défait immédiatement ce que le peuple a fait. On devrait pouvoir se passer de légiférer sur cette question, mais force est de constater qu'il arrive même à un parlement d'avoir besoin de légiférer sur ses propres activités et pour éviter ses propres débordements. Raison pour laquelle le Conseil d'Etat soutient pleinement le contreprojet élaboré par la commission des droits politiques.
Par rapport à l'initiative, ce contreprojet introduit un plus notable, c'est que le véritable principe qui est en jeu est de faire en sorte que la volonté populaire soit respectée dans la durée. En étendant le champ d'application des mécanismes souhaités par l'initiative à l'ensemble des lois que vous votez, ce but est atteint. Il est vrai par contre que vous avez limité dans le temps ce que l'initiative concevait comme éternel, mais il faut constater que dans la vie politique, économique et sociale, il peut se produire des moments où les choses changent et limiter dans le temps la validité d'une règle est un moyen très sûr d'éviter qu'elle ne tombe en désuétude, simplement parce qu'elle est inadaptée. Le troisième élément est le fait que, dans l'ensemble des textes protégés par le contreprojet, il y a également une extension du champ d'application à l'hypothèse où un contreprojet est adopté sans retrait préalable de l'initiative et, là aussi, il s'agit d'un progrès.
Bien entendu, la déontologie politique voudrait que l'on puisse se passer de légiférer sur de telles questions, car, quelle que soit la règle, on a des risques de se trouver devant des cas difficiles ou non conformes. Mais, en revanche, la raison pour laquelle le Conseil d'Etat soutient fermement ce contreprojet et l'a toujours soutenu, depuis qu'il a pris position en 2003, est qu'il y a un message de confiance et d'autorité à donner au peuple, en disant: lorsque vous, peuple souverain, avez décidé, nous prenons l'engagement de ne pas modifier en catimini ce que vous avez décidé.
Le Grand Conseil prend acte du rapport IN 120-E.
Mis aux voix, le projet de loi 9794 est adopté en premier débat par 55 oui contre 21 non et 3 abstentions.
La loi 9794 est adoptée article par article en deuxième et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9794 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 57 oui contre 20 non et 3 abstentions.