République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1536-A
Rapport de la commission de l'environnement et de l'agriculture chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Christian Bavarel, Stéphanie Nussbaumer, Alain Etienne, Françoise Schenk-Gottret, Morgane Gauthier, Sylvia Leuenberger visant à faire payer par les propriétaires des gènes la pollution de notre environnement par les OGM
Rapport de majorité de M. Antoine Droin (S)
Rapport de minorité de M. André Reymond (UDC)

Débat

M. Antoine Droin (S), rapporteur. «OGM, le retour !» Avais-je envie de dire pour commencer. Certains pourraient dire - on l'a évoqué tout à l'heure - que la motion n'a plus lieu d'être, puisqu'un moratoire de cinq ans a été voté par le peuple. Je pense exactement le contraire, car le moratoire est une chance unique. Pourquoi ? Prenons les quatre premières invites. Elles gardent toute leur pertinence, parce que la situation de notre canton, avec la frontière française qui l'encercle, est un cas particulier par rapport au reste de la Suisse. Il est évident que les cultures faites de l'autre côté de la frontière peuvent très bien avoir une influence non négligeable chez nous. Il est donc primordial de connaître précisément cette influence. Le moratoire de cinq ans est une chance pour mettre en application les quatre invites, puisqu'elles ôtent la contrainte de temps, l'effet de course contre la montre.

Les trois dernières invites s'attaquent à la vraie question des responsabilités. Il est primordial - et évident - que les propriétaires d'OGM assument les frais d'éradiquation. Il est indispensable de concevoir un observatoire et il est tout aussi indispensable de poursuivre une politique d'information à tous les niveaux, chez les cultivateurs, les vendeurs et les consommateurs.

Accepter la motion, c'est aussi renforcer la résolution de notre parlement de 2002, qui interpellait Berne car on voulait annuler l'interdiction de culture de plantes transgéniques en plein air. Je cite un article du Courrier du 9 septembre 2005 : «Les OGM suisses semblent sages et prompts à rester à leur place, il n'en va pas de même pour certains génômes modifiés anglais. Selon une information relayée la semaine dernière, c'est une super mauvaise herbe qui est devenue résistante aux herbicides à la suite de sa fécondation par du pollen échappé de cultures de colza OGM». On sait que la question de la dissémination reste pertinente, malgré cet exemple controversé. Mais on doit aussi tenir compte des faits réels. Que voit-on aujourd'hui en Argentine - on l'a évoqué aussi tout à l'heure - où l'agriculture nationale est ravagée par les OGM, précisément à cause de la dissémination ?

Quant au rapport de minorité, je souhaite relever l'aberration des propos de M. Reymond qui compare les antennes de téléphonie avec les mutations génétiques - cette comparaison me semble vraiment farfelue.

Ce nivellement des dangers par la négation est parfaitement irresponsable face au danger des alchimistes en herbe. La majorité de la commission vous recommande, comme le peuple suisse à travers le moratoire, d'être prudents. Et pour être prudents, il faut accepter cette motion.

M. André Reymond (UDC), rapporteur. Permettez-moi d'ajouter qu'effectivement, le but des partis de gauche - en Suisse et particulièrement à Genève - est de mettre des règlements en place, d'alourdir nos services administratifs en créant des postes de fonctionnaires. Cela, toujours à la charge des contribuables et, comme on le voit dans le cas de cette motion, sans que nous ne connaissions toutes les données du problème concernant les OGM.

Je me permettrais d'ajouter que, comme la chambre de commerce l'a indiqué dans un de ses récents bulletins, cette motion pose un problème sans amener de solution. Sans revenir au débat de tout à l'heure où nous avons parlé d'OGM, avec tout ce qui se passe et avec le développement des OGM, cela ne sert à rien de mettre un observatoire en place, de faire de Genève un exemple en proposant à ce problème des solutions que nous ne maîtrisons pas. Le groupe UDC vous propose de ne pas accepter cette motion.

M. Christian Bavarel (Ve). Si les Verts - avec les socialistes - ont déposé cette motion, c'est bien parce qu'on nous a raconté énormément de choses par rapport aux OGM et qu'on a un peu l'impression, comme dans «Le Livre de la Jungle», d'avoir une sorte de serpent qui passe son temps à nous dire : «Aie confiance, aie confiance» avec un regard hypnotique. Lisez bien les invites, cette motion est une motion pour la protection de l'agriculture, et pour la protection des consommateurs à Genève. Nous sommes sur une zone frontière, nous demandons simplement d'avoir un rapport sur la situation des OGM à Genève. Y en a-t-il, ou pas ? On sait que des OGM sont cultivés en France et que l'on pourrait en retrouver à différents endroits. Aujourd'hui, nous ne récoltons pas cette information. Différents organes existent et nous ne demandons pas de créer de nouveaux postes, nous demandons de coordonner l'information et de le faire en coopération avec les autres cantons, pour que l'on sache où trouver cette information.

Je reprends les invites: «à faire un rapport sur l'état de la situation des OGM à Genève»; «à faire un recensement annuel de la répartition des OGM dans la région genevoise», c'est-à-dire aussi sur la frontière, pour savoir ce qu'il se passe chez nos voisins et collecter cette information; «à élaborer une cartographie de la dissémination des OGM et à développer un système de contrôle scientifiquement fondé».

Je vous rappelle que nous avons des organismes comme le jardin botanique, qui travaillent sur certaines problématiques. On a vu les problématiques liées à l'ambroisie qui crée des allergies et on a été capables de mettre en place des groupes qui notent les choses. Les gens sont là, sont en poste et sont payés. On demande de récolter ces informations et de les coordonner.

«A identifier les propriétaires des gènes modifiés et les producteurs des OGM qui auront été recensés». Je vous rappelle que ces gènes ont été brevetés. Quand vous créez une résistance à un herbicide comme le Round-up, quand un agriculteur traite sa vigne avec cet herbicide et voit apparaître une résistance parce que quelqu'un a lâché ce gène dans la nature, la personne qui a eu cette bonne idée de breveter le gène va devoir assumer la responsabilité de ce qu'elle a fait et de ce qu'elle a développé. Il y a chez certains un côté apprenti-sorcier et il faut que les gens soient responsables de ce qu'il se passe. La législation fédérale le prévoit, mais il faut encore que l'on puisse identifier les propriétaires des gènes.

«A mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour faire supporter aux propriétaires de gènes les frais d'éradication des OGM disséminés dans la nature ou les cultures». Dans les cultures, c'est essentiel. Je vous rappelle que la Suisse, contrairement à l'Union Européenne, a énormément de petits producteurs de semence. Certains types de résistances peuvent arriver dans un maïs ou dans d'autres types de plantes et je ne sais pas comment on fait pour les identifier ni, surtout, comment les éradiquer.

Cela peut provoquer des pertes économiques fabuleuses pour des gens qui ont comme patrimoine de faire de la semence. Nous sommes en train d'obliger différents professionnels à abandonner leur profession ou à abandonner leur manière de cultiver. Il en va de la liberté du commerce. Nous demandons que des mesures soient prises à ce sujet.

«A mettre sur pied, pour ce faire, un observatoire des OGM en utilisant mieux les compétences et synergies existantes au sein des administrations». Un observatoire n'est pas forcément une tour, un truc avec un chercheur à l'intérieur, quelque chose de compliqué. C'est simplement un lieu où identifier et récolter les informations. Il faut qu'on puisse le faire au niveau romand et au niveau suisse, il faut que ce lieu existe. Pour l'instant, je n'ai pas connaissance d'un observatoire suisse, d'un endroit où l'on récolte l'information concernant les OGM qui pourraient se trouver dans notre pays. Nous demandons que le Conseil d'Etat fasse cette demande et nous dise ce qui est en train de se passer à ce sujet.

Pour terminer: «à informer les cultivateurs, les vendeurs, les consommateurs, des risques liés à la culture, la vente, et la consommation des produits contenant des OGM». Il faut une information et une transparence sur ce qu'il peut se passer autour des OGM. Cette motion me semble extrêmement raisonnable et responsable, c'est pour cela que je vous invite à l'accepter.

M. Georges Letellier (Ind.). Les Verts sont carrément allergiques aux OGM ! C'est vrai... et vous faites preuve - je trouve - de sectarisme. En déclarant vouloir faire payer la pollution de l'environnement par les OGM aux propriétaires de gènes, vous les accusez de facto d'être des pollueurs. Vous faites délibérément de l'intox, étant donné qu'à ce jour, aucune preuve scientifique ne permet de l'affirmer. Votre motion peut donc être considérée comme diffamatoire à l'encontre des propriétaires producteurs de gènes. Qui plus est, en qualifiant les OGM de polluants, vous induisez le citoyen et les parlementaires en erreur, ce qui pourrait s'interpréter comme un trafic d'influence au profit de tiers. Eh oui ! Eh oui, Monsieur, vous soutenez des lobbys en faisant ce genre de contractions. La calomnie est en politique moins gênante que la manifestation de la vérité.

Dans le cas présent, Mesdames et Messieurs les motionnaires, qui est le pollueur ? Vu l'importance vitale de la transgénèse pour l'économie, l'emploi et l'avenir de notre pays, il faudrait confier ces sujets vitaux à des scientifiques plutôt qu'à des politiques.

Parmi les personnes auditionnées par la commission de l'environnement, j'invite le Conseil d'Etat et M. Cramer en particulier - parce qu'il comprend très bien la situation, il a réponse à tout... - à suivre les recommandations avisées des professeurs Rochaix et Poirier pour la création d'une plate-forme scientifique au niveau de la région franco-valdo-genevoise. La station fédérale de Changins, vous la connaissez, est spécialisée dans la transgénèse et paraît désignée pour répondre à cette demande. Ce n'est pas la peine de réinventer les choses, elles existent déjà. Appliquons le principe de précaution, mais ne tirons pas sur l'ambulance. Notre économie, notre recherche et l'emploi en dépendent. Je propose le retrait de cette motion.

M. Olivier Jornot (L). Bienheureuses abeilles ! Qui vivent dans un monde libéral, à en croire les auteurs de la motion, puisque le vol des abeilles échappe au contrôle étatique, nous dit-on. Cela dit, il ne s'agit pas ici de refaire le débat sur les OGM, il ne s'agit pas de se poser les mêmes questions que nous nous sommes déjà posées tout à l'heure et d'aboutir aux mêmes conclusions, à savoir que nous ne sommes pas outillés pour débattre de la question de fond.

J'aimerais aborder une seule question qui est de savoir quoi faire de l'invite principale de cette motion. Une fois qu'on a enlevé les aspects de propagande, les aspects déclamatoires, que reste-t-il ? Il reste ce qui a fondé le titre de la motion, à savoir l'idée de faire payer, par les propriétaires de gènes, la pollution de notre environnement. Sur ce point, j'aimerais, Monsieur Bavarel, vous évitez un plantage - ou tout du moins, une plantée. Ce serait enfoncer une porte fondamentalement ouverte que de voter une motion qui porterait sur une question de responsabilité civile qui, comme chacun le sait, est entièrement réglée sur le plan fédéral. Elle l'est par la loi sur le génie génétique du 21 mars 2003, qui, en son article 30, alinéa 1, institue une responsabilité pour toute personne soumise au régime de la notification et de l'autorisation et qui utilise des organismes génétiquement modifiés - je vous passe la lecture de toute la disposition. Celui qui met en circulation - qui dissémine, pour reprendre votre expression - des organismes génétiquement modifiés, qu'il soit ou non autorisé à le faire, encourt une responsabilité et une obligation de réparer. C'est une obligation causale et c'est une des rares obligations civiles causales du droit fédéral, au même niveau que celle de l'exploitant d'une centrale nucléaire. La loi ajoute même qu'à la différence d'autres domaines du droit, celui qui prétend trouver un lien de causalité entre la dissémination de l'OGM et le dommage peut, dans certains cas, être dispensé d'apporter la preuve de ce lien de causalité. Il peut se borner à en prouver la vraisemblance. C'est dire qu'il y a dans ce domaine une loi, une norme qui est parfaitement claire et qui institue exactement ce que les motionnaires désirent, à savoir le principe du pollueur-payeur en matière de gènes. Ce qui signifie que, quelles que soient vos convictions à propos de la nocivité ou non des OGM, vous pouvez sans autres ne pas voter cette motion qui, encore une fois, enfonce une porte ouverte.

M. Gilbert Catelain (UDC). Cette motion enfonce une porte ouverte, et on pourrait même dire qu'elle est superfétatoire, dans la mesure où l'ensemble des invites sont creuses et pourront difficilement être mises en oeuvre par le Conseil d'Etat, indépendamment du cadre fédéral. On nous parle des abeilles, mais on ne nous a pas parlé des oiseaux qui vont picorer dans les champs de maïs de Gascogne et déposer leurs excréments dans un champ de blé genevois et il s'agira, par une invite, de déterminer quel était l'auteur de cette dissémination d'OGM - qui est donc un oiseau et qui ne sera pas soumis au code civil, ni au code pénal.

Dans ce canton, on est les spécialistes de ces sortes d'observatoires. Le dernier en date - je me souviens d'avoir participé à sa création en votant non - était l'observatoire sur les sectes, dont on attend toujours un quelconque rapport. Apparemment, il n'y a plus trop de sectes et on pourrait élargir son champ d'action aux OGM, puisque la structure est déjà en place.

Le Conseil d'Etat peut déjà vous faire un rapport sur l'état de la situation en matière d'OGM, puisque les OGM sont interdits dans notre pays. Il peut aussi faire un recensement annuel de la répartition des OGM dans la région genevoise, mais puisqu'il n'y a pas de culture d'OGM dans ce canton, il ne devrait pas y en avoir. Et si, d'aventure, il devait y avoir des OGM, ce serait évidemment des OGM importés et comme par hasard importés de France voisine. Il s'agirait donc d'en identifier le propriétaire, ce qui constituerait un acte officiel illégal commis sur territoire étranger, ce qui est puni par le code pénal suisse. Le Conseil d'Etat n'a aucun moyen d'agir, si ce n'est d'aller contre le code pénal et donc de se retrouver en porte-à-faux.

Finalement, le Conseil d'Etat devrait mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour faire supporter à ces propriétaires étrangers d'OGM les frais d'éradication de la dissémination sur territoire genevois. Cela me paraît encore plus difficile, d'autant qu'il faudra encore établir un lien de causalité, et déterminer la preuve d'une dissémination par un propriétaire donné me paraît encore plus impossible. Par conséquent, l'observatoire des OGM n'a plus beaucoup de raisons d'être. Et si l'observatoire n'a plus de raison d'être, il est inutile d'informer les vendeurs et les consommateurs des risques liés à la culture, d'autant que la loi fédérale règle déjà pas mal de choses.

Sur ces considérations, le groupe UDC proposera de ne pas entrer en matière sur cette motion et la rejettera. Il vous invite à en faire autant.

M. Christian Bavarel (Ve). Je suis agréablement surpris de voir que nos collègues Jornot et Catelain découvrent la nature avec certaines surprises et certains émerveillements. Nous sommes quelque peu navrés que cela arrive seulement aujourd'hui, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire.

Messieurs les députés, je vous rappelle gentiment que nous sommes dans une zone frontière où les législations ne sont pas exactement les mêmes. Le législateur fédéral a été prudent. En même temps, nous demandons simplement qu'il y ait un observatoire pour que l'on nous dise où on en est.

Je suis toujours un peu surpris que le remède contre la fièvre, pour vous, consiste à casser le thermomètre. Nous vous demandons simplement de mettre en place un thermomètre pour connaître quelle est la température, ce n'est pas plus compliqué que cela - j'essaie de vous expliquer les choses simplement. Je vous invite donc à voter cette motion.

M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Tout d'abord, il faut rappeler ce qu'est le règlement du Grand Conseil. Il nous indique qu'une motion est une demande faite au Conseil d'Etat de faire rapport sur un objet. Cela ne veut pas dire qu'il sera d'accord, cela ne veut pas dire qu'il va donner suite à la motion, uniquement qu'il va faire un rapport. En ce sens, je dois dire que j'ai été rassuré par les propos de M. Bavarel interprétant les termes de la motion. Car, à la lecture de cette motion, je me disais que si on demande à Genève de développer toutes les compétences pour faire tout ce qui nous est demandé dans cette motion, ce sera simplement impossible ou extrêmement coûteux - et vous savez la situation budgétaire où nous nous trouvons.

Si, en revanche, ce que l'on demande est de rédiger un rapport qui fasse le point sur la problématique des OGM, un rapport qui indique ce qu'il en est sur le plan fédéral et quelles sont les interventions - et elles méritent d'être connues - que Genève a faites auprès de la Confédération pour demander que l'on institue, non pas au niveau cantonal, mais au niveau fédéral, un observatoire sur les OGM qui semble nécessaire à notre gouvernement - et cela fait plusieurs années que c'est une demande récurrente que nous faisons auprès des autorités fédérales - enfin, un rapport qui indique très concrètement comment nous allons mettre en oeuvre la loi sur la promotion de l'agriculture, c'est-à-dire quel est le type d'information que nous allons faire auprès de la population et notamment auprès des agriculteurs en ce qui concerne les OGM, cela sera relativement simple de vous répondre.

C'est en ce sens qu'au nom du Conseil d'Etat, j'accepte volontiers cette motion. Dans la façon dont nous allons la traiter, cela n'impliquera aucune ressource administrative supplémentaire. Nous allons lire attentivement le Mémorial des séances du Grand Conseil et nous allons répondre à cette motion en vous disant ce que nous pouvons vous dire, par rapport à ce que nous savons et à ce qui se trouve déjà dans les dossiers de l'administration cantonale. Et sur les autres plans, on vous dira tout simplement qu'à moins que le Grand Conseil ne nous donne des moyens, nous sommes obligés d'avouer notre ignorance.

Mise aux voix, la proposition de motion 1536 est rejetée par 43 non contre 27 oui et 3 abstentions.