République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 16 mars 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 6e session - 24e séance
PL 9375-A
Premier débat
M. Alain Etienne (S), rapporteur de majorité. Nous voilà devant la création d'une zone de développement 3 au lieu-dit la Tulette. Il s'agit d'un grand périmètre, le périmètre d'aménagement coordonné Frontenex - La Tulette, qui fait partie de notre plan directeur cantonal. La partie du périmètre se trouvant sur le territoire de la commune de Chêne-Bougeries a été traitée à part et aujourd'hui, nous parlons de la commune de Cologny.
Notre plan directeur cantonal prévoyait un indice d'utilisation du sol de 1 alors qu'on peut aller jusqu'à 1,2. Le DAEL a mené diverses études et des concertations avec les communes concernées. En définitive, compte tenu des différentes contraintes du site, notamment de l'arborisation et de l'habitat environnant, c'est un indice d'utilisation du sol de 0,8 qui a été retenu. Ce projet de loi a fait l'objet de différentes discussions au sein de la commission, et d'une visite sur le terrain. Un projet a été développé sur la parcelle Varenne.
Au final, la commission d'aménagement du canton vous invite à voter ce projet de loi tel quel, considérant que pour résoudre la crise du logement à Genève il faut réaliser les périmètres d'aménagement coordonné contenus dans notre plan directeur cantonal. Après La Chapelle - Les Sciers, nous pouvons ce soir voter sur ce périmètre, pour mettre rapidement à la disposition de la population 480 logements. Ensuite viendront les communaux d'Ambilly. Je vous invite à voter ce projet de loi.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je prends la parole pour vous annoncer d'emblée que le parti démocrate-chrétien va largement donner son appui à ce projet de loi. Mais je prends aussi la parole pour dire que nous sommes ce soir face à un projet de loi assez emblématique de ce qui devrait, aurait dû ou de ce qui devra se passer à l'avenir en matière d'aménagement du territoire, c'est-à-dire, la prise de responsabilités la plus large possible sur le plan politique par notre Grand Conseil. En effet, ce projet de loi est extrêmement important parce qu'il vient après un grand périmètre, celui de La Chapelle - Les Sciers, qui a également été voté par une très large majorité.
Il est vrai que ce projet de loi, le rapporteur vient de le rappeler, a suscité énormément de discussions, et malheureusement, malgré l'appui de nombreux groupes politiques - j'espère d'ailleurs que tous les groupes politiques qui l'ont voté en commission seront unanimement suivis ce soir en séance plénière - et malgré les innombrables, fréquents et importants contacts que nous avons eus avec la commune, nous n'avons malheureusement pas réussi à déjouer son opposition. Encore une fois, je pense que ce projet est important pour l'avenir de l'aménagement dans notre canton, parce qu'il vient, comme je le disais, après celui de La Chapelle - Les Sciers et au moment où le Conseil d'Etat fait des propositions extrêmement intéressantes à l'endroit de la parcelle des Vergers à Meyrin.
En effet, ces deux cas illustrent ce que l'on devrait, de ce que l'on doit faire absolument dans ces zones qui sont l'avenir de l'extension de la ville, ces zones qui ne sont plus la campagne, mais ne sont pas encore la ville. Incontestablement, il ne faut pas nous tromper dans la manière de les aménager. C'est certainement la manière d'aménager un petit peu audacieuse qu'un propriétaire veut mettre en place à cet endroit qui suscite une bonne partie de l'opposition de la commune. Ce projet est, comme je le disais déjà, porteur de perspectives positives et presque immédiates. En effet, un des propriétaires veut urbaniser sa parcelle et il fait une proposition un peu audacieuse, mais qui est l'illustration de l'exemple qu'avait donné la Chambre Genevoise Immobilière lorsqu'elle avait envoyé ce tous-ménages qui montrait ce que pouvait être l'aménagement, c'est-à-dire, pas seulement des barres qui bétonnent le sol, mais également des constructions en hauteur, qui permettent de dégager des espaces de vie et de détente. Or, là, c'est formidable, il y a une immense parcelle dans ce secteur qui est actuellement emménagé en parc et les propriétaires nous proposent de respecter ce parc en répartissant la densification autrement.
Ce projet, je tiens à le rappeler, permettra la construction de plus de 26 000 m2 de logements. Encore une fois, les propriétaires désirent réaliser au plus vite. De plus, ce parc sera ouvert au public et il faut rappeler qu'il fera près de 22 000 m2. Si, dans cet aménagement, nous arrivons à suggérer aux propriétaires d'installer une production d'énergie centralisée pour le chauffage, extensible ensuite à l'ensemble du quartier, eh bien je crois que nous aurons là l'exemple d'un aménagement du territoire, d'un aménagement de secteur en plein accord avec les principes du développement durable. C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que je vous encourage à donner un appui massif à ce projet de loi, qui sera un signe très clair de ce que devrait être à nos yeux l'aménagement de ce qui, encore une fois, n'est plus la campagne, mais n'est pas encore la ville.
Une voix. Bravo !
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). S'il est un espace qui se prête bien à la densification, qui est indispensable à la construction de logement dans notre canton, c'est bien celui du plan d'aménagement coordonné Frontenex - La Tulette. Et pourtant, il y a deux ans, nous avons dû déplorer l'attitude de la majorité du Grand Conseil. C'était lors de la précédente législature, mais c'était la même configuration, et les partis de l'Entente et l'UDC avaient refusé d'appliquer les principes établis par le plan directeur cantonal de l'aménagement du territoire, qui prévoyaient une densification plus importante du périmètre de Frontenex, proche de celui dont nous allons discuter aujourd'hui. Au final, cette majorité du Grand Conseil, tout en déplorant la pénurie de logements, n'avait déclassé qu'un confetti, si l'on peut dire, puisque cela ne permettait de construire que 380 à 400 logements, à tout casser, alors qu'on aurait pu en envisager au moins le double. De plus, ces logements seront certainement destinés à une population plus aisée que ce n'aurait été le cas autrement.
Heureusement, concernant le déclassement qui est proposé maintenant et qui concerne les terrains de la Tulette, il semblerait que le bon sens ait repris le dessus. J'aurais bien aimé entendre M. Portier être aussi lyrique lors du précédent déclassement. Le ralliement de la majorité de la commission à ce projet de déclassement en zone 3 de développement n'est certainement pas étranger au bon projet qui est proposé par le propriétaire de la parcelle principale. Ce projet est effectivement intéressant et original et il permet de montrer que l'on peut densifier tout en respectant le paysage et l'environnement. C'est pourquoi, les socialistes voteront avec enthousiasme ce projet de loi et je tiens à souligner l'excellence du rapport de notre collègue Alain Etienne, qui a permis de suivre les travaux de la commission sur ce projet symbolique.
Mme Anne Mahrer (Ve). Les Verts saluent ce déclassement et se réjouissent de le voter parce que s'il y a un site qui se prête admirablement à l'urbanisation, c'est celui-ci. Je voudrais juste rappeler que, pendant toutes les séances de commission, et elles ont été nombreuses, puisque cet objet a été sept fois à notre ordre du jour, nous avons vraiment travaillé à la concertation avec la commune. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois, nous avons aussi présenté ce projet qui est tout à fait intéressant et qui fait que cette urbanisation aura sans doute beaucoup de succès et pourra être un exemple de ce qui peut être réussi et donnera des idées pour les projets futurs. Je vous engage donc, Mesdames et Messieurs les députés, à voter avec enthousiasme ce projet de loi.
M. Olivier Jornot (L). J'aimerais tout d'abord remercier le rapporteur pour son travail extrêmement complet sur ce projet de loi. C'est un truisme, Mesdames et Messieurs, de dire que nous avons un besoin crucial de logements dans ce canton, et les libéraux sont les premiers à le dire. Ils sont les premiers à le dire tout en soulignant que, pour répondre à ce besoin, il est nécessaire de déployer des efforts de coordination entre l'Etat, les communes et les propriétaires.
Ici, Mesdames et Messieurs, nous avons des propriétaires qui ont un projet et qui disent clairement que c'est ce projet-là qu'ils entendent réaliser, pour diverses raisons, qui leurs sont propres et qui sont éminemment respectables. Nous avons la commune qui, elle, a un autre projet et qui, pendant longtemps, s'est battue pour un déclassement dans un autre type de zone. Quand je dis un projet, c'est plus exactement un avant-projet. Et puis, nous avons l'Etat, qui est partagé et qui, bien entendu, doit respecter les priorités qu'il s'est données dans le cadre du PDC, c'est-à-dire du plan directeur cantonal. D'où le dilemme entre ces diverses prises de position.
J'aimerais, Mesdames et Messieurs, rendre hommage au travail de la commune de Cologny. Cette commune a joué son rôle, elle a pris son bâton de pèlerin, pour être un acteur dans le domaine de l'aménagement du territoire. Nous savons, Mesdames et Messieurs, à quel point les communes n'ont pas de compétences dans ce canton. Nous savons comme elles doivent se limiter la plupart du temps à donner de simples préavis. La commune de Cologny n'a pas voulu se limiter à cela; elle a voulu jouer un rôle actif. Elle a, au fur et à mesure de l'évolution du projet, accepté un nombre de logements de plus en plus grand sur cette parcelle, jusqu'à accepter, finalement, que le déclassement ait lieu en troisième zone. Eh bien, j'aimerais, je le répète, lui rendre hommage pour le travail constructif qu'elle a entrepris.
Que reste-t-il à débattre, Mesdames et Messieurs, aujourd'hui, à part les envolées lyriques qui ont été dénoncées tout à l'heure ? Il ne reste pas à débattre du type de zone puisqu'en effet, la commune s'y est ralliée. Il ne reste pas non plus à débattre du choix d'un projet puisque ce débat ne fait pas partie de notre travail au Grand Conseil. Il ne reste pas non plus à débattre de ce qui a occupé longuement la commission, à savoir s'il faut fixer une limite de gabarit dans ce projet de loi. Un projet de loi n'est évidemment pas le bon endroit pour inscrire une limite de gabarit; c'est le plan localisé de quartier qui devra traiter de cet aspect.
Vous avez donc compris, Mesdames et Messieurs, que les libéraux soutiendront ce projet de loi, mais ils le feront en rappelant que ce Grand Conseil devra se donner tous les moyens de lutter contre la crise du logement. Il devra aussi accepter les déclassements ponctuels en zone agricole, tels qu'ils sont exigés aujourd'hui par une initiative populaire et il devra aussi, ou plus exactement il aurait dû, de manière unanime, accepter le projet de loi qui vise à rehausser les immeubles en ville. Et ceux qui aujourd'hui nous donnent des leçons en matière de logement et qui sont en train de lancer un référendum qui empêche précisément de construire des logements en ville, ceux-là tiennent un double discours que nous n'acceptons pas. Mesdames et Messieurs, votez oui, le groupe libéral vous y encourage. (Applaudissements. Bravos.)
M. Hugues Hiltpold (R). Le groupe radical s'associe aux préopinants et votera ce projet de loi tel qu'il ressort des travaux de la commission, en soulignant la qualité du travail de la commission d'aménagement du canton, qui a planché pendant plus de sept séances sur cet objet.
Le groupe radical est satisfait du régime de zone qui est proposé, puisque c'est une zone de développement 3. Il a été proposé de déclasser en zone 4, mais je crois que c'est le bon sens qui l'a emporté. Je ne pense pas avoir lu dans le rapport, Monsieur Jornot, que la commune s'associait au régime de zone 3 proposé. Le groupe radical est également satisfait du nombre de logements proposé, puisque nous arriverons à près de 500 logements, et de la densité de 0,8 avec l'image du projet architectural proposé, qui est original et qui présente d'énormes qualités. D'énormes qualités parce que, cela a été rappelé par M. Portier, nous aurons en définitive la préservation du parc, un superbe parc qui est existant, et qu'il est nécessaire de maintenir.
Et puis, je voudrais également saluer la volonté des propriétaires du site de mener à bien cette entreprise. C'est important de le relever aujourd'hui, parce que ce n'est pas toujours le cas. Je terminerai simplement en rassurant Mme Fehlmann Rielle: le groupe radical, tout comme les différents groupes de l'Entente, a toujours voté les projets de déclassement et c'est ce qu'il fera ce soir pour ce projet. (Bravos. Applaudissements.)
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Tout d'abord, merci ! Merci aux différents groupes parlementaires de s'être exprimés en faveur de ce projet de loi, de s'être exprimés en réalité sur deux points. Le premier est que, dès l'instant où l'on se lance dans une opération de déclassement, il faut avoir certaines exigences en matière de nombre de logements. Cela n'a pas de sens de déclasser pour construire à trop bas gabarit. Ici, finalement, on s'arrête à une densité de 0,8. Il serait peut-être encore mieux d'aller un peu plus haut, mais disons, le message qui est donné est clair: lorsque l'on déclasse, c'est pour construire vraiment, pour construire une certaine quantité de logements. Et puis, le second message, c'est qu'au fond, bien souvent, les projets que font les propriétaires pour la parcelle qu'ils maîtrisent ont des qualités que n'ont pas toujours les projets que peuvent concevoir les collectivités publiques sur des terrains qu'elles ne maîtrisent pas. Cela aussi, je trouve que c'est un message précieux. Il y aurait quelques conclusions à en tirer.
Au delà de ce double message, j'aimerais m'inscrire en faux contre cette assertion, que l'on entend trop souvent, selon laquelle les communes n'auraient aucun pouvoir dans ce canton. Cela n'est pas vrai, et le débat que nous avons aujourd'hui en est la démonstration. Au fond, que se passe-t-il ? Le Conseil d'Etat dit quelque chose et, si la commune dit quelque chose de différent, le Grand Conseil arbitre. C'est en tous cas dire que la commune a eu dans ce débat un rôle comparable à celui qu'a pu avoir le Conseil d'Etat. C'est un rôle que l'on peut qualifier à bien des égards d'éminent.
Au delà de cela, peut-être, un mot sur ce qui nous attend: effectivement, cette législature sera celle où vous allez être saisis d'un grand nombre de projets de lois portant sur des déclassements. Du reste, un certain nombre de ces projets de lois sont en route, ils sont en route depuis longtemps et c'est ainsi que déjà au tout début de la législature, parce que ce sont des projets qui remontent à la législature précédente, vous avez été saisis dès les premières séances de la commission d'aménagement de plusieurs projets de lois de déclassements ponctuels, mais qui, ici permettent de réaliser cinquante logements, ici cent, ici cent-cinquante. Tout cela fait autant de projets de construction qui sont sur le point de démarrer. Je me réjouis d'ailleurs en lisant la liste des projets de lois que nous allons examiner demain aux extraits, c'est-à-dire, dans le cadre d'une procédure accélérée, de voir à quel point la commission d'aménagement a fait diligence et à quel point un certain nombre de ces projets que nous vous avons renvoyés durant cette législature seront déjà en mesure d'être votés demain. A côté de cela, d'autres grands projets nous attendent. Le Conseil d'Etat y a fait allusion dans son discours de Saint-Pierre. Il s'agit d'abord, bien sûr, du projet des Vergers à Meyrin. Ici, on peut aller très vite, avec l'appui de la commune. Je relève que c'est grâce à un travail conséquent qui a été fait ces dernières années que la commune a été emballée par ce projet. Eh bien, ce projet vous sera soumis dès la prochaine séance du Grand Conseil. Les Vergers, c'est mille logements. C'est de l'habitat pour 2500 personnes. Il y a également le projet de La Chapelle - Les Sciers et j'espère bien que ce projet qui est aussi porté depuis plusieurs années, comme le projet des communaux d'Ambilly, arrivera à chef assez rapidement. Notre ambition en tous cas, avec votre soutien, ce serait de voir des grues aux Vergers en 2007, de sorte que les premiers habitants puissent être là en 2008, avec le tram, avec le TCMC. Merci en tous cas pour votre soutien quant à ce projet de loi concernant la Tulette.
Mis aux voix, le projet de loi 9375 est adopté en premier débat par 71 oui et 1 abstention.
La loi 9375 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9375 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 71 oui et 2 abstentions.