République et canton de Genève

Grand Conseil

IN 133
Initiative populaire 133 "Pour un financement juste et durable de la politique sociale du logement par l'or de la Banque Nationale Suisse"
IN 133-A
Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la validité et la prise en considération de l'initiative populaire 133 "Pour un financement juste et durable de la politique sociale du logement par l'or de la Banque Nationale Suisse"

Préconsultation

Le président. Je rappelle qu'il s'agit à nouveau d'un renvoi à la commission législative, et, par conséquent, la parole est donnée à un seul député par groupe. Madame la députée Michèle Künzler, vous avez la parole.

Mme Michèle Künzler (Ve). Merci, Monsieur le président. Là encore, une nouvelle politique du logement est proposée... Cette initiative - même si nous la soutenons - nous semble quelque peu inadéquate...

En fin de compte, comment décider que la partie des fonds attribuée - fonds provenant de l'or de la Banque nationale - serait particulièrement bienvenue pour le logement ? D'autant que nous étions d'accord pour attribuer ces fonds à la dette. Je pense qu'en l'état, il faut garder cet argent.

Il me semble utile de faire une pesée des intérêts et d'estimer quels sont les enjeux généraux les plus importants pour notre collectivité. Le logement est certes un enjeu très important, mais la santé et l'école aussi ! Par conséquent, il faut d'abord procéder à cette pesée des intérêts et, ensuite, au moment où nous déciderons de la politique du logement à suivre, nous déciderons aussi de la somme à y consacrer.

Il faut savoir que l'argent disponible actuellement représente une somme conséquente. Jusqu'à il y a dix ans, 100 millions par année étaient consacrés au logement HLM, mais, depuis, cette somme a beaucoup diminué, et je pense que c'est une bonne chose qu'il en soit ainsi. Mais les fonds ainsi dégagés doivent servir à mener une nouvelle politique en la matière. Et nous adhérons tout à fait à la nouvelle politique du logement, telle qu'elle est définie par le Conseil d'Etat, qui consiste à favoriser un socle de logement social pérenne, à alléger les procédures en zones de développement et à faire en sorte qu'il y ait une meilleure équité dans les communes s'agissant de la distribution du logement social et du logement pérenne. Dans ce sens-là, nous attendons un véritable contreprojet sur la base d'un accord sur le logement. C'est également dans ce sens que nous soutiendrons cette initiative, mais, en l'occurrence, nous préférerions qu'elle soit retirée au moment où un accord de type législatif sur le logement sera trouvé.

Mme Carole-Anne Kast (S). Le groupe socialiste remercie le Conseil d'Etat pour son rapport. Il va sans dire que, si nous partageons l'analyse du Conseil d'Etat quant à la recevabilité de l'initiative 133, nous ne saurions le suivre quant à sa recommandation concernant la prise en compte de cette initiative.

En effet, ce rapport a le grand mérite d'exposer publiquement la stratégie du Conseil d'Etat quant à la politique du logement pour les prochains mois. Cette stratégie, c'est la recherche d'un consensus, d'une paix du logement pour sortir de la crise. C'est un voeu, peut-être pieux, mais que nous partageons...

Mais, Mesdames et Messieurs les députés, ce consensus - que nous espérons, j'ose le croire, tous et toutes - n'est pas encore trouvé... Je dirai même que son financement n'est pas, en l'état, abordé.

Le Conseil d'Etat nous rappelle que l'article constitutionnel sur le logement - et Mme Virginie Keller Lopez nous en a rappelé quelques mots tout à l'heure - est la base constitutionnelle très complète qu'il nous faut. Certes, c'est une base constitutionnelle très complète, très satisfaisante, mais sa mise en oeuvre est très difficile. La réalisation de logements et leur acquisition nécessitent un financement. Actuellement, le sacro-saint «marché» ne fournit pas le logement économique pérenne qui est une nécessité urgente pour toute une partie non négligeable de la population. Il ne fournit pas non plus le logement pour les autres. Les logements d'urgence manquent. Et, donc, comment les personnes en évacuation, pour défaut de paiement ou pour d'autres raisons, peuvent-elles se reloger, alors que même le logement non urgent n'est pas disponible et que la pénurie qui frappe Genève rend tout relogement extrêmement difficile ?

Nous connaissons une grave crise du logement. C'est un constat admis par tous: aujourd'hui, c'est le seul point sur lequel nous sommes d'accord en matière de politique du logement. Par conséquent, il faut mener une action énergique, efficace, avec un financement conséquent, pour arriver à sortir de cette crise du logement.

Nous sommes convaincus que c'est l'intention du Conseil d'Etat, mais, en l'état, ce plan d'action n'est qu'un projet: il n'est pas réalisé.

Et c'est la raison pour laquelle nous considérons que cette initiative garde aujourd'hui toute sa pertinence, toute son actualité. Quand on voit les loyers augmenter tous les jours, quand on entend - comme tout à l'heure - les considérations sur le logement associatif, le logement alternatif, il est évident que cette initiative garde sa pertinence et que nous ne pouvons que vous recommander d'entrer en matière, de la prendre en considération, et donc, de la voter.

Toutefois, si un contreprojet pouvait être élaboré, dans le cadre d'un plan d'action global, nous serions tout à fait intéressés à en discuter en commission du logement.

Mme Michèle Ducret (R). Cette initiative est venue un peu en retard: de deux jours exactement, puisque c'est deux jours après la décision du Conseil d'Etat d'affecter notre part genevoise de l'or de la Banque nationale que l'initiative a été lancée. Je vous rappellerai - parce que je n'y résiste pas - que la décision du Conseil d'Etat a été prise après une motion, qui a été lancée par les radicaux et défendue brillamment par M. Hiltpold à l'époque, pour affecter l'or de la Banque nationale à la réduction de la dette. Evidemment, pour ce qui est du fond du problème - vous l'imaginez bien - nous continuons à penser que c'est une bonne chose que cet argent soit consacré à la réduction de la dette.

Nous acceptons, bien entendu, le renvoi en commission législative.

Le président. Merci, Madame la députée. Oui, il n'est question que de cela, aujourd'hui ! Monsieur le député Eric Bertinat, vous avez la parole.

M. Eric Bertinat (UDC). L'initiative 133 prétend résoudre en partie le problème du logement social en faisant une proposition...

Nous relevons, comme le Conseil d'Etat, qu'une politique du logement social est menée à Genève. Et nous sommes un peu surpris, je l'avoue, de lire dans les conclusions de son rapport que, s'il n'entend pas pour l'heure exclure la formulation d'un contreprojet - ce que nous pouvons comprendre - il laisse tout de même ouverte l'option d'un contreprojet, ce qui est curieux, car il reviendrait de fait sur le problème de la politique du logement social. Quoi qu'on en dise, la politique du logement social à Genève est assez mal définie, puisqu'elle touche, malgré tout ce que l'on peut penser, l'immigration, immigration dont on a de la peine à voir dans quelle mesure on peut la maîtriser sans avoir une discussion plus précise en la matière. L'UDC souhaite une politique des équilibres. Et espère qu'après le passage de cette initiative à la commission de la législature...

Une voix. Législative !

M. Eric Bertinat. ...le débat sera aussi lancé sur cet aspect de la question, à savoir le problème du logement social et l'arrivée de nombreuses personnes à Genève, car l'UDC comprend mal où le canton veut en venir.

M. Christian Luscher (L). Je n'ai pas été insensible aux paroles du conseiller d'Etat Mark Muller tout à l'heure, lorsque, parlant des largesses dont le Conseil d'Etat fait preuve lorsqu'il apprécie la validité d'une initiative, il a rappelé que celle de Rhino était de toute évidence irrecevable, mais qu'une autre l'était peut-être aussi et qu'il fallait s'interroger à ce sujet... C'est évidemment de celle-ci dont il s'agit !

Le groupe libéral le dit d'emblée: il est hors de question d'entrer en matière sur cette initiative qui est irrecevable ! Et cela, pour une raison extrêmement simple: c'est que, pour une fois, nous sommes en présence d'une initiative qui pose très clairement le problème de l'exécutabilité. Cette initiative est absolument inexécutable, parce qu'on a fait croire aux personnes qui ont signé cette initiative que l'argent provenant de l'or de la BNS pouvait être affecté au logement, alors que celui-ci a déjà été dépensé. En effet, cet argent a été affecté à sa destination naturelle: le remboursement de la dette ! Et, si on devait aujourd'hui allouer la somme équivalente au montant que l'or de la BNS a rapporté à Genève, il faudrait prendre l'argent ailleurs !

Donc, une fois encore et comme pour Rhino, on a trompé la population en faisant signer une initiative qui n'est tout simplement pas exécutable ! C'est la raison pour laquelle, je vous le dis d'entrée de cause, en commission législative - et non en commission de la législature... (Rires.) - le groupe libéral votera pour que cette initiative soit déclarée irrecevable. (Applaudissements.)

M. Mark Muller, conseiller d'Etat. Je ne m'exprimerai pas sur la recevabilité de cette initiative, qui est reconnue par le Conseil d'Etat - même s'il émet des doutes, certes - mais plutôt sur le fond...

Dans un premier temps, le Conseil d'Etat estime qu'il n'y a pas lieu d'affecter l'argent provenant de l'or de la BNS à la politique du logement plus qu'à un autre type de politique publique cantonale, qu'il s'agisse de formation, de prestations sociales, d'aide aux personnes âgées ou que sais-je encore... Pour ce motif-là déjà, le Conseil d'Etat n'y est pas favorable.

Deuxième élément. Le Conseil d'Etat a fait le choix, a décidé, d'affecter ces moyens financiers au remboursement de la dette. Cette décision formelle a été soutenue par ce Grand Conseil, et le Conseil d'Etat n'entend pas revenir dessus.

Cela étant, au-delà des aspects purement financiers, le problème de fond soulevé par cette initiative est, bien évidemment, la politique du logement.

C'est sur ce point, Monsieur Bertinat - si vous me permettez de donner quelques éléments de réponse aux questions que vous avez formulées tout à l'heure - qu'il y a effectivement de la place, éventuellement, en temps utile, pour un contreprojet. Pourquoi ? Parce que nous sommes aujourd'hui dans une phase transitoire de la politique sociale du logement; nous sommes dans une période où tout le monde, ou presque, reconnaît que le système que nous connaissons en matière de logement social - c'est-à-dire le système HLM, qui date de la fin des années 50 et qui a rendu d'éminents services - arrive au bout, car il n'est plus adapté à notre société. Dans ces circonstances, nous devons réfléchir à «l'après HLM». Nous devons nous demander quelle future politique sociale du logement nous voulons. C'est cette discussion que je souhaite mener avec l'ensemble des partis, avec l'ensemble des partenaires concernés. De ces discussions - peut-être ! - émergera un élément qui nous permettra de formuler un contreprojet à cette initiative, s'agissant du financement de la politique sociale du logement. Parce que la politique sociale du logement - comme, d'ailleurs, tout type de politique publique - doit être financée, et c'est effectivement ce que propose cette initiative.

Donc, si, dans le cadre des discussions que nous mènerons sur la politique sociale du logement, nous considérons - sur la base d'un consensus, je l'espère - que des moyens financiers doivent être alloués à l'Etat pour mener une politique active dans ce domaine, eh bien, pourquoi ne pas inscrire la concrétisation de cette politique dans le cadre d'un contreprojet à l'initiative dont nous parlons ? C'est une éventualité: cela dépendra de beaucoup de choses... C'est la raison pour laquelle, pour l'instant, le Conseil d'Etat ne propose pas de contreprojet, mais il ne souhaite pas, en l'état, fermer complètement la porte à cette idée.

Le rapport du Conseil d'Etat IN 133-A est renvoyé à la commission législative.

L'IN 133 est renvoyée à la commission législative.

Le président. Mesdames et Messieurs les députés, nous allons encore traiter le point 27 de notre ordre du jour.