République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 27 janvier 2006 à 20h30
56e législature - 1re année - 4e session - 19e séance
M 1621
Débat
M. Claude Marcet (UDC). L'affaire des puits de pétrole est l'histoire d'un monsieur qui a inventé le moyen d'éteindre les puits de pétrole au Koweit. Les droits pour ses inventions s'élèvent à quelques 30 milliards. Ces 30 milliards se sont baladés dans la nature et ont transité par Genève... (Brouhaha.) Si cela ne vous intéresse pas, c'est la même chose ! Il y a des places ailleurs...
Le président. MM. les députés et MM. les conseillers d'Etat qui se trouvent au fond de la salle voudront bien poursuivre leurs conversations particulières à l'écart de cette assemblée.
M. Claude Marcet. Il me paraît initialement utile de préciser que je ne fais nullement partie d'un comité de soutien, direct ou indirect, sous quelque forme que ce soit, à M. Ferrayé. J'ai vu ce monsieur une fois, pendant cinq minutes, lorsque l'un de ses conseillers juridiques m'a remis quelques documents.
Alors, pourquoi est-ce que j'interviens dans le cadre cette affaire ? Eh bien, parce que deux avocats, qui n'ont aucune relation entre eux, m'ont retransmis, chacun de leur côté, des informations. Ils m'ont remis des documents quelque peu curieux, c'est le moins que l'on puisse dire. J'ai également reçu copie d'autres courriers et informations de la part d'autres avocats, documents toujours aussi curieux. Je précise que j'interviens même si je sais que vous allez refuser cette motion, car il me semble que c'est mon devoir politique de le faire.
Les informations et documents que j'ai reçus me laissent réellement penser que cette affaire Ferrayé est hautement malsaine et qu'elle risque un jour de nous retomber sur le coin de la figure. Lorsqu'on lit, dans le cadre de cette seule affaire Ferrayé, que des classeurs disparaissent - ils sont une trentaine chez un juge, ils ne sont plus qu'une dizaine chez un autre juge quand celui-ci reprend le dossier - c'est curieux, non ? Que l'audition d'un avocat disparaît de la procédure - je dis bien «disparaît»; qu'une personne chez qui une perquisition a été effectuée peut venir ensuite au Palais et retirer tous les documents saisis qu'elle juge utile de reprendre; qu'une vingtaine de millions de droits d'enregistrement sont bien dans le circuit, mais qu'ensuite on nie l'existence des bases qui ont permis de les envisager. Un avocat fribourgeois écrit qu'un juge confirme implicitement l'existence de certaines opérations de transferts de fonds, mais le même juge dit ensuite: «Je ne vous ai rien dit». Un proche de M. Ferrayé se voit ensuite attaqué en justice, probablement par mesure de rétorsion, et la juge lui dit qu'elle va l'inculper pour faits graves, écrits sur un courriel. Ce proche demande à voir ce courriel; il n'existe pas, mais la juge l'a bien vu... Le prévenu dit simplement: «Madame le juge, lorsque ce courriel a été envoyé, je n'avais pas cette adresse internet.» Toujours très curieux, non ?
Il y a donc un sérieux problème à résoudre, quand bien même cela pourrait ne pas être considéré comme étant grave par certains au sein de ce parlement. Il faut préciser que j'en passe et des meilleures. Il faut lire l'entier du dossier Ferrayé sur internet et visionner la vidéo que l'on y trouve pour s'en convaincre. Je rappelle qu'une émission de télévision a été interdite en France parce qu'elle dérangeait. Je rappelle également, au passage, que celle que l'on a appelée gentiment ou très vulgairement «la putain de la République», a dit à l'un des avocats genevois: «Ne touchez pas à cette affaire, cela remonte au plus haut de la République française».
M. le député Eric Stauffer ici présent - eh oui, il arrive aussi dans le circuit de ce dossier ! - vient de me remettre un dossier complet sur le sujet, avec un CD; j'ai remis ce dernier au service du Grand Conseil à l'intention de qui veut bien le consulter.
Je pourrais aussi énoncer - dans d'autres domaines, mais dans un même état d'esprit - le cas d'une société financière de Genève tombée en faillite voilà bien des années, et dont l'instruction des responsables s'est fortement prolongée. Peut-être parce que l'un des prévenus dans le cadre de cette affaire avait d'excellentes relations. J'ai connu le cas d'une autre société financière dont l'instruction s'est certes ouverte, mais qui a été retirée des mains d'un juge très compétent et très consciencieux: pourquoi ? Parce que cette affaire s'approchait trop d'un parti politique en place et de politiques connus. Un élu présent dans ce parlement, M. Stauffer - je le cite puisqu'il le dit lui-même - a vu son dossier disparaître. Il s'en expliquera s'il le veut bien. J'ai les preuves de son avocat qui dit devoir reconstituer le dossier, car il a disparu, à l'instruction comme au parquet ! Et finalement, il y a le récent et scandaleux jugement cantonal traitant de la responsabilité des administrateurs dans la faillite de la banque cantonale... Mais je ne m'attarderai pas sur le sujet. Cela ne sera toujours pas considéré comme bien grave aux yeux de certains. Mais ici aussi, j'en passe et des meilleures.
Cet état d'esprit dans la gestion de certains dossiers - je dis: «état d'esprit» pour rester sympa - m'interpelle très sérieusement en tant que député. Au contraire de certains dans ce parlement, j'ai la conviction que nous sommes devant un très gros problème à résoudre, que cela concerne le cas Ferrayé ou d'autres cas du même type. Ce problème, à mes yeux, réside principalement dans le système de nomination de nos juges. Peut-être que le résultat des travaux d'une commission spéciale pourrait faire changer les choses. Je rappelle qu'il faut faire allégeance à un parti politique pour être sûr de devenir juge et qu'ensuite les partis décident de la nomination des juges dans le cadre d'une commission spéciale initiée par lesdits partis. On veut nous parler d'indépendance de la justice vis-à-vis du monde politique, alors que c'est de ce monde que dépend la poursuite ou non de la carrière d'un juge !
Mesdames et Messieurs les députés, il ne faut pas rêver ! Nous allons avoir le même problème avec la nomination des magistrats de la Cour des comptes. Dans d'autres pays, on appellerait cela un système bananier, voire maffieux, mais chez nous tout cela semble être considéré comme relevant du parfaitement normal, même c'est une affaire de famille.
Dans le cadre de l'affaire Ferrayé, les indices sont pourtant suffisamment nombreux et qualitativement importants pour faire prendre conscience à ce parlement qu'il doit intervenir pour faire toute la lumière dans cette affaire et voir principalement si les relations trop étroites entre le monde politique - au sein duquel on retrouve nombre d'avocats qui plaident devant des juges qu'ils ont nommés ou fait nommer - et la justice ne sont pas à l'origine de ce que l'on pourrait appeler, en restant encore sympa, des «dysfonctionnements importants au sein de notre justice». Mais je sais que cela ne sera malheureusement pas ! Il faudra peut-être attendre que les attaques viennent de l'extérieur du canton. Des procédures sont ouvertes aux Etats-Unis et les résultats de ces procédures, toujours dans le cadre de cette affaire Ferrayé, pourraient enfin nous faire prendre conscience que, dans ce canton, nous ne sommes peut-être pas aussi beaux et propres que d'aucuns voudraient nous le faire croire !
Si certains, au sein de notre magistrature, ont réellement fauté - je dis bien «certains», car je suis sûr que les magistrats du pouvoir judiciaire, dans leur immense majorité, sont honnêtes et intègres - et que cela soit ultérieurement prouvé, la facture risque d'être salée pour notre canton.
Il ne faut pas se voiler la face, Mesdames et Messieurs les députés, dans tous les domaines, dans toutes les professions, dans toutes les classes sociales, il y a des dérives. Trente-cinq ans de carrière professionnelle dans la révision comptable et financière me permettent d'affirmer cela.
Dans l'affaire Ferrayé, quand on connaît les sommes colossales en jeu - 30 milliards - il n'est pas interdit que certains se servent... Cet autisme en matière politique nous a déjà conduits à la faillite financière...
Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.
M. Claude Marcet. Je termine. En toutes circonstances, il faut savoir faire face. Fermer les yeux ou regarder ailleurs est plus facile, mais l'expérience de la vie nous apprend que, si les circonstances nous imposent de devoir ouvrir les yeux pour régler des problèmes qu'initialement nous ne voulions pas voir, il est souvent trop tard. Je l'ai déjà dit, le dossier Ferrayé sent mauvais et pourrait nous revenir sur le coin de la figure.
Je vous invite à voter cette motion, car elle ne concerne pas que le dossier Ferrayé mais bien un système mis en place - même si je sais que cela ne sera pas, car trop d'intérêts politiques sont en jeu dans ce dossier.
M. Olivier Jornot (L). J'aimerais tout d'abord donner acte à notre collègue Claude Marcet. Je crois volontiers que c'est par souci de justice qu'il a déposé son projet de motion. J'aimerais lui donner acte, car c'est probablement de bonne foi qu'il a reproduit les propos de sa source, M. Ferrayé.
On nous demande d'instaurer une commission d'enquête parlementaire, c'est-à-dire la mesure la plus sévère que ce parlement puisse prendre lorsqu'il est confronté à une crise d'Etat. A l'appui de cette demande, on nous produit toute une série de documents hétéroclites. Nous avons tous, dans cette enceinte, été abreuvés à un moment ou l'autre de courriels de la part de M. Josef Ferrayé attirant l'attention sur le vaste complot mondial dont Genève n'est qu'une petite partie, et dont il est la victime.
Si l'on s'en tient simplement aux documents produits à l'appui du projet de motion de M. Marcet, vous avez pu voir que des plaintes innombrables ont été déposées, des plaintes pénales. Elles ont été instruites par des juges d'instruction de ce canton, elles ont été classées par des magistrats, et des recours ont pu être exercés. Bref, la justice a fonctionné, elle a parlé et elle a rendu ses décisions. Cela étant, M. Ferrayé n'a pas accepté ces décisions et il a porté de graves, de très graves accusations.
Vous vous souviendrez peut-être de M. Ferrayé dans cette pantalonnade où on l'a vu apparaître aux côtés de M. Marc Roger pour annoncer qu'il finançait la survie du Servette. Mais il y a plus grave. Par exemple, placer un document émanant de Gerhard Ulrich pour appuyer cette motion. Dans ce document, le célèbre animateur de l'Appel au Peuple nous met une photo de l'ancien Procureur général Bernard Bertossa en disant qu'il s'agit d'un magistrat soupçonné de corruption passive. Pour ceux qui l'ont connu un peu, la chose, vous en conviendrez, paraît légèrement étonnante. Mais, il y a plus que cela. Si vous prenez connaissance des e-mails dont nous avons été abreuvés, et si vous allez - comme le suggère M. Marcet - sur le site internet de M. Ferrayé, vous y trouverez quelque chose qui oscille entre le Da Vinci Code et Vol au-dessus d'un nid de coucou. On nous apprend que les banques suisses font toutes partie de ce complot visant à instaurer une domination mondiale et à voler des milliards à M. Ferrayé. On nous apprend qu'en France M. Strauss-Kahn, M. Rocard et Mme Cresson sont partie prenante de cette vaste opération. On nous apprend que la légion d'honneur - distinction franc-maçonne bien connue - a notamment été distribuée à Marc Bonnant, à Genève, pour garantir l'impunité de ce truand, ainsi qu'à Me Dominique Warluzel. Ou encore, que seul Me Pierre Mottu - notaire - ne l'a pas eue. On y apprend que Bernard Bertossa, avant qu'il n'ait été corrompu par le clan Bonnant-Warluzel, a touché x millions. Et on y apprend encore que parmi les personnalités corrompues figurent également Mme Micheline Calmy-Rey, qui était à l'époque responsable du département des finances, et Mme Brunschwig Graf, dont on nous apprend qu'elle était «libérale», avec des guillemets. C'est dire, Mesdames et Messieurs, s'il ne manque plus dans cette affaire que les Templiers, puisque, selon Umberto Eco, les Templiers y sont toujours pour quelque chose.
Il faut maintenant être sérieux. Oui, Monsieur Marcet, les juges peuvent se tromper. Oui, les juges peuvent être corrompus. Oui, il faut que nous nous préoccupions du fonctionnement de la justice et que nous veillions à ce qu'elle puisse travailler sereinement. Mais, non, il ne faut pas tomber dans le n'importe quoi et l'hystérie anti-juges. Il ne faut pas, sur la base de ce mauvais dossier, instruire un procès qui n'a pas lieu d'être. Quelque part, Monsieur Marcet, dans votre motion, vous dites: «Je ne peux pas juger». Eh bien, Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas juger ! Nous ne pouvons que dire non à ce projet de motion. (Applaudissements.)
M. Eric Stauffer (MCG). Je vais faire une très brève intervention, car j'ai été mis en cause par le député Marcet. Simplement pour dire que ce n'est pas une lettre de l'avocat, c'est l'IUE 176 que le député Marcet avait déposée. C'est une lettre signée de la main de M. le Procureur général Bernard Bertossa qui atteste de la perte de l'intégralité d'un dossier qui me concernait. Comme c'est une affaire qui me concerne, je n'en dirai pas davantage, mais je tenais à rectifier cela.
Pour revenir à ce que disait M. le député Marcet, suivi par le député Jornot, il faut prendre ces affaires au sérieux. Il est vrai que des dysfonctionnements existent. Ils sont arbitraires et dévastateurs pour ceux qui en font les frais et ce n'est pas un sujet qu'il faut prendre à la légère, tant les dommages collatéraux peuvent être conséquents.
Partant de ce principe, il est vrai que l'affaire Ferrayé est une affaire complexe et qu'il m'a été remis toute une série d'annexes que j'ai transmises à M. le député Marcet - puisqu'il était le titulaire de cette motion - et que chaque député pourra consulter au secrétariat du Grand Conseil.
Encore une fois, quand on se plonge dans ce dossier, il y a à boire et à manger. Néanmoins, il y a des choses troublantes qui méritent notre attention. Je ne sais pas si la bonne mesure est une commission d'enquête parlementaire, en tout cas ce que j'ai à dire, c'est que la vérité ne réside pas dans les journaux.
M. Roger Deneys (S). Je n'ai pas spécialement à intervenir sur ce sujet, peut-être seulement pour dire que je suis d'accord avec M. Jornot - une fois n'est pas coutume. Fondamentalement, M. Marcet a raison. La question mérite d'être posée. Par contre, je vous invite à consulter la liste des interpellations urgentes écrites, notamment la IUE 250 que je viens de déposer et qui pose la question de la criminalité économique: «Y a-t-il une politique de classement des plaintes à Genève ?»
Plutôt que d'utiliser un dossier particulier, d'en faire une sorte de généralité et de dire que la justice ne fonctionne pas ou qu'il y a des magouilles - ou toutes sortes de sous-entendus - je pense que c'est important d'avoir des données chiffrées et objectives. J'espère bien que nous les obtiendrons et, le cas échéant, qu'on se posera la question dans son principe général. C'est bien connu dans la République, toute personne qui n'est pas satisfaite par une décision de justice va invoquer le fait qu'il y a des magouilles, des copinages ou toutes sortes de raisons.
C'est dommage d'avoir focalisé votre motion sur ce dossier où - comme l'a relevé aussi M. Stauffer - il y a à boire et à manger. Je n'ai pas lu ce dossier, cela ne m'intéresse pas spécialement. En revanche, ce qui m'intéresse est que la justice genevoise fonctionne bien et qu'elle ait les moyens de bien fonctionner. Je vous propose donc de regarder ce problème dans son ensemble, s'il y a un problème. Mais pour cela, on a besoin d'avoir des chiffres et pas seulement une affaire que tout d'un coup quelqu'un sort parce qu'il y a des relais médiatiques plus ou moins importants.
M. Claude Marcet (UDC). Quand j'entends certains propos, je me dis qu'Héraclès a pu nettoyer les écuries d'Augias en détournant le fleuve Alphée, mais je ne sais pas si le Rhône lui suffirait actuellement pour nettoyer tout ce qu'il y a à nettoyer dans ce canton ! (Exclamations.) Mesdames et Messieurs, je vous rappelle que vous n'êtes pas ici pour défendre vos petits copains politiques, mais pour assurer une gestion saine de l'ensemble de cette communauté !
Alors, je vais vous lire certaines lettres. Lettre d'un avocat genevois: «Dans ce contexte, j'ai écrit au juge d'instruction, puis j'ai effectivement accompagné la personne devant être entendue et qui l'a été. Lorsque, plus tard, j'ai lu que cette affaire connaissait de curieux rebondissements, j'ai cherché à retrouver ce dossier à l'étude. Ne le trouvant pas, j'ai pris contact avec le juge d'instruction, lequel m'a indiqué qu'il n'avait aucune trace de mon intervention.» Est-ce que c'est normal dans une justice qui fonctionne ? Non.
Deuxième lettre. Un avocat - pas le même, ils ne se connaissent pas - peut confirmer que, lors de l'audience qui s'est déroulée à Genève, «Mme le juge d'instruction Etc.», alors en charge de l'enquête pénale, a déclaré avoir reçu des documents bancaires de la part de «M. Etc.», en audience. En 1999, des documents bancaires concernent un montant de 24 milliards, provenant des systèmes développés par M. Ferrayé. Toutefois, concernant ces mêmes documents bancaires, «Mme Etc.g» a précisé, avant la fin de l'audience: «Je ne vous ai rien dit.» Lettre d'un avocat signée ! Le dossier, à l'époque, comporte sept classeurs, pourquoi n'en reçoit-elle que quatre ? Je cite: «Le dossier que j'ai consulté n'est ni classé, ni numéroté, de sorte qu'il m'est impossible de savoir où commence et où finit réellement cette procédure.» Est-ce que c'est normal ? Non.
Je poursuis: «Dans ces documents que vous m'avez soumis, je n'ai trouvé aucune trace d'aucun procès-verbal de la perquisition, ni aucun bordereau détaillé de pièces. Le rapport de police du 8 février 1996 fait pourtant état du fait que des documents ont été inventoriés, mais seule figure au dossier une liste sommaire.» Est-ce normal ? Non. «Je n'ai trouvé aucune trace non plus des documents saisis chez «Tartempion», auxquels ce dernier s'est référé tout au long de sa déclaration à la justice.» Excusez-moi, Mesdames et Messieurs, mais si cela n'est pas un dysfonctionnement grave de notre justice, je suis archevêque de Canterbury !
Le président. Monsieur le député, je vous félicite de cette prestigieuse ascension dans la hiérarchie ecclésiale. La liste est close, il reste à entendre MM. Pascal Pétroz et le président du département des institutions. Monsieur Pétroz, je vous donne la parole et j'en profite pour vous souhaiter un bon anniversaire. (Applaudissements.)
M. Pascal Pétroz (PDC). Merci, Monsieur le président, pour vos aimables paroles. Monsieur Marcet, je vous respecte beaucoup, je sais que vous êtes un homme de parole, vous êtes quelqu'un de bien. Par conséquent, point n'est chez moi la volonté de vous critiquer personnellement. Cela étant, il faut se rappeler dans quel cadre institutionnel nous nous trouvons. Nous avons un principe cardinal à Genève qui est la séparation des pouvoirs et nous avons comme principe de ne pas refaire les procès dans notre parlement et de ne pas évoquer les affaires judiciaires qui ont été jugées ou qui sont en voie de l'être, car ce n'est pas notre rôle. Notre rôle est de voter des lois, d'élaborer un budget et de rester strictement dans les compétences que nous confèrent la constitution et la loi.
M. Ferrayé a peut-être raison, mais je n'en sais rien, je n'y étais pas et vous non plus, et personne dans cette salle ne peut prétendre connaître la vérité sur cette affaire. Peut-être que vingt classeurs fédéraux ont mystérieusement disparu, je n'en sais rien et personne ici ne le sait. Ce que je sais, c'est que nous n'allons pas parler de trente classeurs fédéraux, car, si nous commencions à entrer dans ce genre de débat, nos sessions dureraient trois semaines d'affilée.
Respectons la séparation des pouvoirs. Ce que le Palais et le pouvoir judiciaire font est une chose, ce que nous faisons ici en est une autre. Quand quelqu'un n'est pas content d'une décision de justice, il dispose de voies de droit, il peut aller à la Cour de justice, en matière civile ou en matière pénale et il peut aller au Tribunal fédéral. Et, s'il n'est pas content du comportement de ces magistrats, il peut saisir une instance qui s'appelle le Conseil supérieur de la magistrature et qui a précisément pour but de sanctionner les manquements éventuels d'un magistrat. C'est dans ce cadre-là qu'il convient d'agir et non pas devant notre Conseil. Mais, si M. Ferrayé s'estime avoir été lésé, il lui appartient de saisir le Conseil supérieur de la magistrature d'une plainte dûment motivée, et c'est dans ce cadre que le débat se fera. Parce qu'on doit débattre là où il le faut, et non dans des endroits qui n'ont pas pour compétence de débattre de ce genre de questions.
Merci, Monsieur Marcet, d'avoir posé cette question, c'est un débat intéressant. Cela étant, le groupe PDC rejettera votre motion. Non parce que la question ne mérite pas d'être traitée, mais parce elle ne doit pas être traitée ici.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Les propos que M. Marcet a tenus à l'égard de votre parlement, à l'égard du Grand Conseil et à l'égard du pouvoir judiciaire ne sont pas acceptables. Nos institutions ne fonctionnent pas sur le copinage, sur le vol de dossiers, sur la combine ou sur des pratiques de république bananière. Cela n'est pas le fonctionnement global des institutions.
S'il arrive, dans un dossier, à l'égard d'un magistrat, à l'égard d'une affaire ou d'une autre, qu'il y ait un dysfonctionnement, alors, il y a en premier lieu les voies de recours, puisque nous sommes dans le domaine judiciaire.
En second lieu, la dénonciation des manquements des magistrats au Conseil supérieur de la magistrature.
En troisième et dernier lieu, il y a effectivement l'enquête parlementaire. Encore que, dans l'intervalle, il y a la haute surveillance du Conseil d'Etat. Il y a ces armes-là.
Mais il n'est possible de mettre en oeuvre ces armes que lorsqu'il y a véritablement une suspicion claire et précise, ou qu'il y a eu dans un cas clair et précis un comportement inacceptable. On ne peut pas venir nous dire qu'il y a un vaste complot auquel nous participerions tous - vous qui élisez les juges, nous qui les surveillons et eux qui jugent - et qui vise en permanence à ce que les dossiers se perdent au Palais de Justice ou que les décisions soient rendues par copinage. Monsieur Marcet, vous jetez un discrédit inqualifiable sur nos institutions et sur celle-là même à laquelle vous appartenez.
Bon nombre des pièces que vous citez ici ont précisément fait l'objet d'examens à un moment ou à un autre, par une institution de recours - pas forcément cantonale, d'ailleurs - puisqu'un certain nombre de ces procédures ont été traitées au niveau fédéral ou se sont déroulées dans d'autres pays. Il y a dans cette affaire un amalgame intolérable entre des éléments certainement exacts... Je dois vous dire que j'ai vu des dossiers qui se perdaient au Palais de justice où personne n'avait le moindre intérêt à ce qu'ils se perdent, mais parce qu'ils étaient restés bêtement coincés dans l'ascenseur ! Cela arrive aussi...
Entre des faits précis et un montage qui tend à dire que les professeurs sont éminents, les Italiens charmeurs et les politiciens pourris - comme c'est logique et cela correspond, dit-on, à la sagesse populaire ! - l'on finit par accréditer cette thèse détestable selon laquelle nous vivrions dans une république bananière. Or, quelles que soient les opinions divergentes que nous avons les uns et les autres dans cette enceinte, j'ai la certitude que ce parlement et ce gouvernement ne sont pas formés de citoyens et de magistrats qui se comportent de manière bananière.
Par conséquent, je vous demande de rejeter avec la plus extrême fermeté la motion qui vous est proposée. (Applaudissements.)
Mise aux voix, la proposition de motion 1621 est rejetée par 62 non contre 9 oui et 7 abstentions.