République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 26 janvier 2006 à 17h
56e législature - 1re année - 4e session - 15e séance
RD 618 et objet(s) lié(s)
Le président. Je vous prie de rester debout. Nous avons appris avec grande tristesse le décès qui a touché notre collègue M. Claude Aubert, député, en la personne de son épouse, Mme Jacqueline Lalive Aubert. Nous lui avons, au nom du parlement, transmis nos condoléances. Nous lui redisons encore toute notre sympathie et l'assurons de notre soutien pendant cette dure épreuve.
Nous avons également appris avec tristesse le décès de notre ancienne collègue, Mme Catherine Fatio, qui fut députée libérale de 1989 à 1997. Nous présentons à sa famille nos plus sincères condoléances.
Nous avons appris aussi avec une grande peine le décès de Bernard Annen, député dans notre Grand Conseil pendant plus de vingt ans, entre 1985 et 2005. Premier vice-président en 2001, puis président de notre assemblée en 2002, Bernard Annen a eu l'honneur de présider, à la cathédrale Saint-Pierre en 2001 et 2002, les séances de prestation de serment du Conseil d'Etat et du pouvoir judiciaire. C'est également au cours de sa présidence que le service du Grand Conseil a pu se doter de postes supplémentaires, dont plusieurs secrétaires scientifiques de commission.
Bernard Annen restera dans nos souvenirs comme un homme dévoué à la cause publique et à ses amis, y compris pendant la longue période de maladie qu'il a affrontée avec un grand courage, et qui a pour nous valeur d'exemple. Libéral humaniste, nous avons été marqués par sa générosité exercée avec discrétion en faveur des causes qui lui tenaient à coeur.
Sa grande expérience professionnelle a fait de lui un homme de création et un expert au sein de notre parlement, dont l'avis était toujours écouté avec attention, notamment lorsqu'il dénonçait la politique de blocs comme une «politique qui débloque».
Nous gardons aussi en mémoire son fameux accent genevois, avec lequel il nous racontait la dernière histoire drôle du moment, et cet humour dont il avait su faire son atout, et même parfois une arme redoutable, et encore pendant les mois de sa maladie.
Enfin nous aurons une pensée particulière pour lui chaque fois que nous appuierons sur un des boutons vert rouge ou blanc du vote électronique, qu'il inaugura au cours de sa présidence.
Conformément aux voeux de Bernard et de sa famille, le Grand Conseil a effectué un don à l'Association Les Happy Clowns et Fondation Theodora. Je voudrais ajouter, Mesdames et Messieurs, qu'au moment où il a mis un terme à ses fonctions de président du Grand Conseil Bernard Annen nous a dit à peu près ceci: «J'ai tenu ma promesse, j'avais promis que je ferai de mon mieux. J'ai fait de mon mieux.» Je souhaite que nous tous dans cette salle puissions faire un constat à la fois aussi ambitieux et aussi modeste.
Pour honorer leur mémoire, je vous invite Mesdames et Messieurs, à observer un instant de silence. (L'assemblée, debout, observe un instant de silence.) Vous pouvez vous asseoir.
La parole est demandée par M. Pagan et par Mme Bolay. Madame Bolay, je crois que vous voulez vous exprimer au sujet de M. Annen. Je vous donne la parole, puisque nous sommes encore à ce point.
Mme Loly Bolay (S). Mesdames et Messieurs les députés, chers collègues, j'aimerais simplement dire quelques mots en hommage à Bernard Annen, au nom de ceux qui, comme moi, ont eu la chance de mieux le connaître, un peu tard il est vrai, à l'occasion de la mise sur pied de la revue des députés. On a pu voir à quel point Bernard était généreux, ouvert, engagé, et surtout courageux.
Lorsqu'il nous a annoncé au début d'une répétition, un peu avant Noël 2004, qu'il était atteint d'une grave maladie, il l'a fait avec un tel naturel, une telle douceur, sans rancoeur, et une telle confiance en nous, que nous avions tous l'impression d'être ses amis proches, et nous le sommes devenus. Lors de nos nombreuses réunions et répétitions, parfois semées de doutes, de peur du ridicule, du qu'en dira-t-on, de ne pas être à la hauteur, Bernard s'est totalement révélé à nous dans sa plus belle expression.
C'est lui, malgré la fatigue liée à ses traitements, qui nous remontait le moral par son exemple, sa détermination, sa pugnacité. Il n'aurait raté une répétition pour rien au monde, afin de ne pas nous inquiéter. Cela a l'air futile de parler comme cela de la revue des députés, mais Bernard y tenait beaucoup, non pas pour se mettre en valeur, mais parce que l'idée de créer une équipe avec des hommes et des femmes de tous partis politiques confondus autour d'un projet commun l'enchantait.
Il aimait rire et surtout faire rire, parce que faire rire cela fait du bien aux autres. Il avait la moquerie facile, parce que se moquer des autres c'est une manière de les aimer, et il aimait aussi se moquer de lui-même.
Il avait l'étoffe d'un bon libéral, mais le tissu dont était faite cette étoffe avait la fibre sociale. Son apparente désinvolture cachait une âme sensible. Sa générosité se voyait dans ses actes, mais il trouvait que ce n'était pas nécessaire d'en parler. Si Bernard pouvait nous entendre, il dirait certainement qu'on en fait un peu trop et que tous ces éloges sont un peu gênants, voire un peu barbants, car, pour lui, il ne faudrait pas qu'on se force à dire trop de bien rien que parce qu'il n'est plus là ! Non, Bernard, crois-moi, on te le dirait même si tu étais là ! Rien que pour te voir sourire d'un air gêné en nous disant: «à propos, tu connais l'histoire du mec qui n'aimait pas qu'on lui fasse des compliments ?» Eh bien, salut Bernard ! Et éclaire-nous encore longtemps !