République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 décembre 2005 à 10h
56e législature - 1re année - 3e session - 12e séance
M 1655
Débat
M. Eric Stauffer (MCG). Cette motion est importante ! (Brouhaha. Rires.) Vous pouvez rigoler, avec près de 30 000 chômeurs, ce n'est pas un sujet drôle. Aussi, je vous demande un peu de tenue, Mesdames et Messieurs les députés ! (Brouhaha. Rires.)
Dans le discours de Saint-Pierre, M. le président du Conseil d'Etat a dit, je cite: «Un chômeur est un chômeur de trop.» Mesdames et Messieurs, dans l'administration, nous savons qu'il y a plus de 8000 frontaliers étrangers qui dépendent directement de l'Etat. Aussi cette motion est de la plus haute importance, car différence est faite entre les secteurs administratifs - au sein de l'administration - et les secteurs où, pour l'instant, la formation prodiguée par l'Etat de Genève ne serait pas suffisante pour engager des résidents. Je parle ici du département de la santé et notamment des infirmières. J'espère que cela sera corrigé dans les années futures pour améliorer la formation de nos infirmières. (Brouhaha.) En attendant, cette motion est faite pour le secteur administratif. Je sous-entends... Monsieur le président, il y a un peu de brouhaha, je n'arrive pas à m'exprimer.
Le président. Non, je vous entends bien, Monsieur le député, vous pouvez poursuivre. Mesdames et Messieurs, ceux qui, par hasard, ne seraient pas intéressés par la proposition de M. Stauffer voudront bien se retirer, les autres écoutent silencieusement. Monsieur Stauffer, vous pouvez continuer avec votre filet de voix.
M. Eric Stauffer. Merci. D'autre part, je demande un vote nominal afin que la population sache qui veut défendre ou pas les résidents genevois.
Ensuite, il faut savoir que dans l'administration les chiffres existent. Il est vrai qu'ils sont difficiles à obtenir, car le service de la statistique genevois ne fait pas de différence entre les frontaliers dits suisses et les frontaliers dits étrangers, et effectivement cela est assez compliqué. En revanche, Berne a fait cette différence et selon les chiffres de l'OCSTAT à Berne, nous avons - dans différents secteurs comme l'administration publique, défense, sécurité, social - près de 300 frontaliers étrangers.
La différence est faite entre un frontalier suisse et un frontalier étranger. Si nous accueillons aujourd'hui une entreprise qui créerait 300 emplois administratifs, cela serait un bien pour tout le monde, car cela serait 300 chômeurs de moins. Et ces 300 chômeurs ne dépendraient plus de l'Hospice général. Nous savons que nous allons fabriquer de plus en plus de chômeurs de longue durée qui finissent à la charge de l'Hospice général et qui coûtent au canton. Le faux calcul de dire qu'un chômeur dépend d'une assurance fédérale est un calcul simpliste, à court terme, et qui est parfaitement irresponsable pour un parlement. Il faut donc tout faire - et je dis bien tout faire - pour respecter le discours de Saint-Pierre de M. le président du Conseil d'Etat, Pierre-François Unger: «Un chômeur est un chômeur de trop.»
Cette motion ne va concerner que quelques centaines de personnes. Mais ce sont déjà quelques centaines, et c'est un signal important que vous donnerez aux chômeurs résidents sur le canton de Genève. Aussi, je vous demande de bien vouloir soutenir cette motion, par respect pour nos concitoyens.
J'ajouterai que la réciproque n'est pas établie, avec la France notamment. J'en veux pour preuve que si un citoyen suisse ou un citoyen européen - à l'exclusion de la France - voulait travailler dans l'administration d'Annemasse ou de Saint-Julien, il se verrait opposer une fin de non-recevoir, car il n'a pas le passeport français.
J'entends bien qu'un travailleur genevois - suisse - n'irait pas travailler en France pour des simples raisons salariales, puisque les salaires que leur administration propose sont de l'ordre de 800 ou 900 euros. Mais la question n'est pas là, la question porte seulement sur la réciproque.
D'un point de vue constitutionnel, il est inscrit dans les accords du 11 mars... Je vous donnerai la date ultérieurement, elle est dans l'interpellation urgente qui concerne aussi la péréquation fiscale transfrontalière. Dans ces textes signés entre la France et la Confédération suisse, il est prévu que certains secteurs n'ont pas la réciprocité et que la différence peut être faite entre les travailleurs nationaux et étrangers. Mais nous n'allons pas jusque-là. Nous demandons simplement qu'au sein de l'administration les fonctionnaires payés par les deniers publics soient simplement résidents genevois. Pourquoi ? Parce qu'ils vont payer leurs impôts en totalité sur le canton de Genève ! Nous savons que nous ne conservons que 60% environ des impôts perçus sur les frontaliers. C'est aussi un phénomène important car, dans une vision plus globale de cette équation, si chaque fois qu'un emploi se crée nous y mettons un frontalier, exponentiellement, nous devrons réduire le nombre de fonctionnaires et les prestations sociales, car il y aura une différence de plus en plus grande. C'est comme si aujourd'hui on faisait une réduction de 40% des impôts. Voilà à quoi équivaut l'engagement d'un frontalier.
Nous n'allons pas jusque-là. Cette motion est la version soft de ce que nous prônons, c'est-à-dire la suspension immédiate de l'engagement de frontaliers étrangers au sein de l'administration dans le secteur administratif.
Mesdames et Messieurs les députés, j'ai demandé le vote nominatif et j'espère que je serai suivi. Il est important de donner un bon signal aux chômeurs de ce canton.
M. Christian Brunier (S). «Un chômeur, c'est un chômeur de trop» est une idée largement partagée par l'ensemble des députés de ce parlement. Mais l'emploi est un sujet difficile et il faut éviter de traiter cette problématique complexe avec des solutions un peu trop simplistes qui créeraient des faux espoirs pour les chômeurs. M. Stauffer et le MCG ont pris comme cible les frontaliers à plusieurs reprises. Mais, aujourd'hui, quelle est la définition d'un frontalier ? Les gens vivent depuis des décennies à travers les frontières, d'une manière régionale. Les frontaliers, c'est une notion de plus en plus en mouvance.
Je vous l'ai dit dans les coulisses du Grand Conseil, Monsieur Stauffer, j'ai engagé dernièrement quatre personnes. Deux de ces personnes sont considérées comme frontalières, alors qu'elles sont nées à Genève et y ont fait leurs écoles, mais elles n'ont pas trouvé d'appartement à Genève. Les deux autres personnes que j'ai engagées vivent à Genève, mais ce sont des personnes d'origine étrangère - canadienne et française - qui se sont mariées avec des Genevois ou des Genevoises. Quelle est la définition aujourd'hui ? Nous sommes dans une région où les gens vivent au-delà des frontières et tant mieux, parce que c'est l'avenir de notre région - de notre bassin de population - de vivre au-delà des frontières, économiquement, socialement et culturellement.
Ensuite, c'est une motion qui vous arrange un peu. Vous ne voulez pas engager des frontaliers dans les secteurs administratifs de l'Etat, c'est-à-dire que lorsqu'on a vraiment besoin des frontaliers - comme dans le secteur de la santé - vous fermez les yeux, car vous savez très bien que, si vous demandez aux frontaliers et aux frontalières travaillant au HUG - entre autres - de quitter l'hôpital cantonal, nous n'aurions plus de quoi traiter les malades convenablement ! Nous ne trouvons tout simplement pas de main-d'oeuvre à Genève. Et, de nouveau, c'est normal. Nous travaillons dans un bassin régional.
Troisièmement. Vous considérez la région un peu quand cela vous arrange. Quand il y a des problèmes de logement à Genève, je n'entends pas le MCG crier contre le scandale des gens qui vivent au-delà de la frontière. Vous exportez assez facilement la crise du logement, par contre, pour accueillir des gens en termes d'emploi, vous fermez les frontières. Soit on développe une politique à l'albanaise où on ferme les frontières, où on est replié sur soi-même - comme aussi en Corée - soit on développe une vraie politique régionale, où l'on partage un certain nombre de difficultés, mais aussi un certain nombre d'opportunités. Et les projets régionaux aujourd'hui développés - par le Conseil d'Etat et une majorité du Grand Conseil qui dépasse largement le clivage droite-gauche - sont des projets porteurs pour l'avenir en termes économiques, sociaux et culturels.
Des études de l'université et de l'office cantonal de l'emploi confirment qu'il n'y a pas de corrélation entre l'augmentation des frontaliers et l'augmentation du chômage. Je vous rappelle que dans les années 1996-1997, le taux de chômage était supérieur à celui d'aujourd'hui et, pourtant, il y avait la moitié moins de frontaliers. Vous savez très bien qu'il n'y a pas de corrélation. Votre motion attaque le vrai problème du chômage, mais ce n'est pas avec de telles solutions que nous allons le résoudre. Nous demandons le refus de cette motion.
Le président. Le Bureau clôt la liste. Sont encore inscrits Mme et MM. Hodgers, Hiltpold, Nidegger, Stauffer et Borgeaud.
M. Antonio Hodgers (Ve). Quand on parle du chômage, on cherche volontiers des boucs émissaires. Ces quatre dernières années, le credo du parti libéral était de s'attaquer aux chômeurs: «Si ces gens-là ne trouvent pas d'emploi, c'est parce qu'ils ne sont pas assez compétents, pas assez appétents, on va donc leur couper leur aide.»
Historiquement, différents cercles de population ont été visés. Il y a quelques dizaines d'années, les femmes arrivaient sur le marché l'emploi et on disait que les femmes qui travaillent créent des pertes d'emploi chez les hommes. Après, l'immigration sud-européenne est venue sur des marchés spécifiques de l'emploi - parce que notre pays en avait besoin - et là encore, des mouvements comparables au vôtre, Monsieur Stauffer, ont crié au dumping, au fait que cette immigration créait du chômage. Plus récemment, c'était les illégaux, les Africains, et maintenant - en cette période d'Escalade peut-être - ce sont les frontaliers.
Vous soulevez le vrai problème du chômage et vous avez raison de dire que ce débat est très sérieux. Cela a été dit par M. Brunier et je partage son opinion. Ce problème est un problème complexe. Je prends à témoin les membres de la commission de l'économie qui, lors de notre dernière séance avec M. Lamprecht, et avec la sincérité qui le caractérise, nous a dit: «Quand je suis arrivé au département de l'économie, le chômage a baissé à Genève. Est-ce que je me suis glorifié de cela ? Non, car ce sont souvent des contextes internationaux qui font que le marché de l'emploi, dans une petite ville comme la nôtre, évolue de manière positive ou négative.»
Aujourd'hui, Genève est dans une situation négative au niveau de l'emploi, personne ne le conteste. Une grande partie de cette situation dépend du contexte international, et une autre partie dépend de la politique que l'on peut mettre en oeuvre. Mais alors, il faut que cette politique soit cohérente et efficace.
Genève s'engage de plus en plus dans une politique de la région, une politique de l'agglomération qui vise à développer avec nos voisins confédérés et français, une visée commune en termes économiques, sociaux, de transport et d'aménagement du territoire - on l'espère ! - et pourquoi pas aussi en termes fiscaux, puisque ces problèmes ont été soulevés et qu'ils sont pertinents. Dans ce cadre, imposer des limites à l'emploi pour des gens qui habitent juste de l'autre côté de la frontière n'a aucun sens. Cela n'a aucun sens et n'aura aucun effet sur le chômage parce que - cela a été dit aussi, et votre motion vise bien le secteur administratif - ces secteurs, où effectivement Genève connaît une population au chômage compétente en matière administrative, sont des secteurs très peu occupés par les frontaliers qui sont présents sur des secteurs où Genève manque de main-d'oeuvre.
Par conséquent, vous faites du populisme sur ce sujet et c'est regrettable, car je suis persuadé que votre préoccupation est sincère à la base, au moins en ce qui concerne les citoyens. Mais je regrette que vos solutions soient si simplistes.
Une autre préoccupation est - et là je m'adresse au reste du parlement - le dumping. Aujourd'hui, le recrutement à l'externe de notre canton doit être celui des compétences mais ne doit pas être celui dumping salarial, c'est-à-dire d'aller chercher des salaires plus bas. A ce niveau, j'engage le nouveau responsable du département de la solidarité et de l'emploi à être tout à fait attentif à cette problématique. Si, dans ces prochaines années, avec l'ouverture des frontières que nous avons votée et que nous avons pratiquement tous appelée de nos voeux, dans ce pays et dans ce canton, on voit les salaires des professions les plus basses baisser, notamment dans les secteurs où il y a une grande présence de frontaliers, la population va perdre confiance en ces ouvertures de marché et sera de plus en plus nombreuse à répondre aux discours du Mouvement Citoyen. Mme Emery-Torracinta parlait de la montée du fascisme à une certaine époque en Europe. Cette montée s'est basée sur ce type de frustrations, de voir une économie fonctionner sur le dos des plus faibles. La lutte contre le dumping est quelque chose de fondamental si l'on veut être crédible sur ce discours d'ouverture des marchés et de partage de la région avec nos voisins, en bonne entente.
Pour tous ces motifs, il faut bien sûr ne pas voter en faveur de cette motion, mais il faut aussi s'engager à traiter le problème du chômage sur ces problèmes structurels et non pas sur des petites gesticulations comme celle-la.
M. Hugues Hiltpold (R). Je tiens tout d'abord à préciser que je m'exprime au nom des partis de l'Entente et non pas uniquement au nom du groupe radical.
Genève a toujours compté, dans sa population, un peu plus de la moitié de personnes étrangères. Genève a construit sa notoriété et son rayonnement par la diversité de sa population et bien entendu par les personnes qui y travaillent, dont les frontaliers qui ont participé au développement économique de notre canton. Il faut être conscient que si les frontaliers n'exerçaient plus leur profession, Genève s'arrêterait de tourner du jour au lendemain.
S'agissant de la motion proposée par le groupe MCG. Les considérants font état d'un certain nombre de constats factuels qui ne semblent pas poser de problème à la plupart des groupes dans cette enceinte, à l'exception peut-être de la stigmatisation de l'Etat de Genève en matière d'embauche et de formation des résidents genevois.
Par contre, on ne peut pas soutenir l'invite, car on ne peut raisonnablement pas demander la suspension immédiate de tout engagement de frontalier au sein de l'administration. Cela poserait des problèmes d'effectifs conséquents. On a recensé une proportion conséquente de travailleurs frontaliers dans des secteurs d'activités connaissant d'importantes pénuries et que la main-d'oeuvre locale n'a pas été en mesure de combler. Je pense plus particulièrement aux secteurs de la santé, de l'informatique et de l'enseignement. L'Etat n'a pas suffisamment de personnes à sa disposition par rapport au nombre de postes à pourvoir et il faut en être conscient.
S'agissant des objectifs énoncés dans la motion, le problème du chômage est un problème majeur pour Genève. Notre Conseil et le Conseil d'Etat devront l'endiguer au plus vite, car on ne peut raisonnablement plus admettre un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Tous les partis dans cette enceinte sont d'accord avec ce constat et pour dire qu'il faut que nous y remédions au plus vite. Mais imaginer que la motion proposée par le groupe MCG résoudra quelque chose est purement illusoire. Elle ne fait que stigmatiser le problème et le reporter sur une catégorie des travailleurs, en disant que c'est de leur faute si on a une crise de l'emploi. Cela, Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas y souscrire. On pourrait même aller jusqu'à admettre que cela peut être considéré comme une chasse au sorcières.
Enfin, il faut rappeler une pratique en vigueur depuis plus de quinze ans à l'Etat de Genève qui prévoit qu'en matière d'embauche, à compétence et expérience équivalentes, les candidatures des personnes au chômage sont examinées en priorité.
Enfin, on ne peut pas passer sous silence le projet de loi actuellement en traitement à la commission ad hoc du personnel et qui prévoit de mettre en place un système de libre établissement, proposition faite par le groupe UDC.
Je conclurai sur une note historique et un peu humoristique - de circonstance en l'occurrence - l'Escalade. Vous le savez tous, les combattants genevois - morts aux combat - qui ont repoussé les assaillants savoyards, étaient pour la plupart des étrangers de passage venus faire commerce à Genève. Bref, les frontaliers de l'époque. (Applaudissements.)
M. Yves Nidegger (UDC). Le groupe UDC recommande également de rejeter cette motion. On peut penser ce que l'on veut du fait que les frontières se soient abaissées, voire aient disparues, il n'en reste pas moins qu'il faut vivre avec et que la solution n'est pas de se réfugier dans un autisme d'une sorte ou d'une autre, et des deux côtés de l'hémicycle.
Il faut s'adapter. Il faut s'adapter sur le terrain économique, sur celui de la formation et celui du social. Trois domaines où nous sommes absolument dépassés par l'ouverture des frontières. En matière d'économie, il faudra laisser respirer les entreprises et ne pas les accabler d'impôts et d'autres empêchements de fonctionner en rond. Et lorsqu'il y a de l'emploi parce que l'économie fonctionne, il y a de l'emploi pour tout le monde et d'autant plus facilement pour ceux qui habitent près de cet emploi que pour ceux qui habiteraient loin du même emploi.
En matière de formation, ce qui est choquant n'est pas qu'une grande partie des employés de certains secteurs habite de l'autre côté de la frontière, ce qui est choquant c'est que notre système scolaire et de formation soit incapable de former notre propre main-d'oeuvre, alors même qu'il existe un nombre croissant de nos résidents qui vivent d'aide sociale. Finalement, ce qui pose problème - on parle de fracture sociale en France - c'est qu'il y a une fracture de l'aide sociale. Lorsque nos minima d'assistance sociale locale qui s'appliquent aux résidents et à eux seuls sont trop proches des montants que l'on perçoit en travaillant, voire supérieurs au SMIC de l'autre côté de la frontière, l'attractivité ne joue évidemment pas.
Un chômeur frontalier à qui l'on propose un emploi convenable de l'autre côté de la frontière se dépêche d'en trouver un sur le territoire genevois, parce qu'il sera plus lucratif, alors qu'un chômeur genevois peut se permettre de refuser des emplois qui ne seraient évidemment par refusés par des frontaliers qui sont mangés à une autre sauce sociale, c'est là que se trouve le problème.
Il s'agit donc de regarder en face le fait que les frontières ne sont plus là, qu'il faut vivre avec un esprit de compétition et ce n'est pas en interdisant quelques centaines de postes dans l'administration qu'on résoudra ce type de problème structurel et beaucoup plus fondamental.
M. Eric Stauffer (MCG). Je suis outré de ce que j'entends. Dans cette motion, je ne parle que de quelques centaines d'emplois qui seraient donnés à nos résidents genevois. Si j'entends bien, entre l'Entente et la gauche, en haut et en bas, vous êtes tous contre. Vous en répondrez devant nos concitoyens, tôt ou tard ! Le jour où les 30 000 chômeurs vont descendre dans la rue pour dire: «Nous ne trouvons plus d'emploi, notre condition et notre pouvoir d'achat ont baissé !»... (L'orateur est interpellé.) Il y a 30 000 demandeurs d'emploi, dont 16 000 sont inscrits au chômage, 5 000 ou 6 000 dépendent de l'Hospice général et tous les autres ne sont inscrits nulle part mais sont demandeurs d'emploi.
Quand ces gens descendront dans la rue pour vous demander des comptes, vous demander ce que vous avez fait pour...
Le président. Monsieur le député, nous ne sommes pas sourds.
M. Eric Stauffer. Excusez-moi, c'est de nature, j'ai la voix qui porte. (Rires.)
Le président. Oui, mais justement, nous ne sommes pas sourds.
M. Eric Stauffer. Vous expliquerez à ces braves gens qu'en prônant l'ouverture où nous n'avons pas la réciprocité, et bien, il fallait aussi refuser de protéger nos résidents genevois. Et ce n'est pas une forme de populisme, comme je l'ai entendu dire avant. C'est scandaleux d'utiliser des termes comme cela quand on veut protéger et défendre nos concitoyens résidents à Genève. Et je vous rappelle que, parmi les résidents, nous avons quasiment 50% d'étrangers à Genève. C'est aussi eux que l'on veut protéger, ce sont des gens qui viennent partager le quotidien des Genevois et pas des gens qui viennent seulement se servir dans la manne financière pour aller vivre de l'autre côté. (Exclamations.)
D'autre part, encore une fois, vous êtes tous partis sur la problématique des frontaliers dans le concept global. Ce n'est pas l'objet de la motion, Mesdames et Messieurs. L'objet de la motion est dans l'administration. Nous comprenons dans ce terme les employés de bureau, les réceptionnistes et tout ce qui est lié à l'administratif.
Il était de votre devoir de députés face à la population de donner l'exemple pour favoriser les résidents genevois. Encore une fois, je demande le vote nominatif. Je vous fais une promesse, Mesdames et Messieurs, dans quatre ans, je rappellerai qui a voté pour et qui a voté contre. Et j'espère sincèrement qu'un jour les gens de la Genève d'en bas - vous savez, ceux qui pour vous sont très abstraits, surtout pour ceux qui sont avocats et qui gagnent des centaines de milliers de francs par année - j'espère qu'un jour ces gens vous feront entendre leur voix. (Huées.) J'en ai terminé Monsieur le président.
Le président. Je pense que c'était le bon moment pour s'arrêter. J'indique à MM. Kunz et Deneys que la liste était close et que par conséquent je ne leur donnerai pas la parole.
Mme Sandra Borgeaud (MCG). Je constate une seule chose... (Bruit de larsen provenant du micro de l'oratrice.) Je constate une seule chose, c'est que le chômage n'arrête pas d'augmenter. Vous rigolez systématiquement du Mouvement Citoyen Genevois qui vient d'entrer dans la nouvelle députation, suite au choix du peuple.
J'aimerais connaître les propositions que vous avez faites concrètement ces dernières années, car, pour dire aux femmes qu'elles restent à la maison pour faire des enfants, il faudrait pour cela que les hommes aient du travail et un salaire décent, ce qui n'est absolument pas le cas.
Au niveau de l'instruction publique, il faudrait trouver des bonnes propositions afin de motiver les élèves à choisir des métiers peut-être salissants à vos yeux, comme d'aller travailler dans des hôpitaux, des EMS ou ailleurs, mais où l'on a besoin de personnel. Vous pensez peut-être aussi que le fait d'engager des personnes à l'extérieur fait que vous les payez moins cher, mais vous oubliez une chose: les loyers ne cessent d'augmenter, de même que les assurances-maladie, les impôts, etc.
Si, aujourd'hui, une personne au chômage se permet éventuellement de refuser un poste à 1000 F de moins que ce qu'elle touche au chômage, c'est peut-être parce que personne ne va venir payer ses factures à la fin du mois.
Il faut essayer de promouvoir les métiers manuels, de donner un peu plus de motivation aux élèves. Quand on voit ce qu'ils font dans la rue - je m'excuse - mais cela ne donne pas franchement envie d'aller à l'école. Et quand on voit le comportement de certains professeurs... Il n'y plus aucune éducation, plus aucune instruction.
Tout cela entre en ligne de compte pour le chômage qui va continuer d'augmenter si on ne parvient pas à trouver des personnes résidentes à Genève et à les motiver à rester chez nous. Apportez des propositions avant de critiquer, ce serait une bonne chose.
Le président. Je serais reconnaissant au service du Grand Conseil de profiter de la pause de tout à l'heure pour examiner comment supprimer les bruit de larsen. Parce que même s'il y en a un à droite et un à gauche, c'est tout de même un peu difficile.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. La première chose que je souhaite bien établir, c'est que le Conseil d'Etat a grand souci par rapport à toutes celles et à tous ceux qui se trouvent dans une situation de chômage de longue durée, qu'ils soient dépendants de l'assurance-chômage ou que malheureusement ils soient déjà assistés par l'Hospice général. Nous avons grand souci. Tout simplement parce que pour ceux qui sont dans un régime d'assistance, c'est tout sauf une vie agréable. Bien sûr, les gens ont un revenu. Mais quelles perspectives ? Vous imaginez-vous les uns et les autres pouvoir vivre sans perspectives ? Non.
Monsieur Stauffer, vous proposez une solution. La majorité de ce parlement, vous l'avez entendu, ne la trouve pas très bonne - pour être modéré. Cela n'implique pas que nous ne puissions pas être d'accord sur le diagnostic. Les efforts que nous faisons à tous niveaux en faveur de ceux qui souffrent du chômage de longue durée sont-ils suffisants ? Je pense que nous sommes cent à considérer qu'ils ne le sont pas. Enfin, vous êtes cent et, pour notre part, nous sommes sept - de cela je suis sûr...
Mais quelles sont les bonnes mesures ? Tout d'abord, il faut se demander d'où vient le problème. C'est important que vous en preniez conscience. On a vécu avec un marché extrêmement protégé à deux niveaux. Le marché de l'emploi était protégé tant au niveau de l'immigration - malgré le fait que 50% de notre population active soient d'origine étrangère. Il y avait là un premier robinet. Il y en avait un deuxième, c'était la possibilité que nous avions de jouer sur les frontaliers. Ce système a disparu.
Ce n'est effectivement pas ce système que nous connaissons, mais restent des modes de régulation. Celui que vous proposez d'imposer est effectivement - vous avez raison - celui de l'administration française. La France possède un certain nombre de barrages dans la politique de l'emploi et ils concernent notamment l'Etat.
Je ne suis pas sûr - désolé, Monsieur Stauffer - que cela soit la mesure efficace dans la situation qui est la nôtre. Je pense même qu'elle est relativement inefficace. En revanche, elle est inefficace simplement parce qu'au Conseil d'Etat nous pensons que le destin des départements qui nous entourent est étroitement lié à celui de Genève, et nous ne devons pas commettre l'erreur d'opposer les uns aux autres. Nous ne pouvons pas non plus nous permettre d'opposer la moitié de notre population active à l'autre - ce que vous ne faites pas, Monsieur Stauffer... D'autres le font, mais pas vous. Mais je ne pense pas que l'on résolve le problème en réunissant ceux qui ont deux pieds sur le territoire pour les opposer à ceux qui ne les ont pas. Maintenant, nous avons une responsabilité, oui.
Que pouvons-nous faire ? L'inconvénient des systèmes de protection est que les gens s'y habituent et qu'ils peuvent se trouver assez brusquement - c'est ce qui s'est passé dans une situation - sur un marché du travail que l'on va qualifier d'ouvert - pour ne pas le qualifier de normal - mais où les compétences qu'ils ont ne leur permettent plus de trouver du travail.
La société que nous connaissons - affreusement exigeante - est une société tertiairisée qui demande de hauts niveaux de formation. La plupart de ce que l'on appelait «les boulots que tout le monde peut faire» - vous et moi, mais aussi tous les autres, quelle que soit leur maladresse - n'existent plus. Ils ont été supprimés, et nous nous trouvons avec des personnes - qu'elles soient migrantes à l'origine ou qu'elles ne le soient pas - qui ne peuvent pas faire face à cette situation.
Le Conseil d'Etat entend plutôt travailler à la requalification de ces personnes. Il a annoncé clairement sa politique en matière de chômage et - c'est là peut-être que vous y trouverez quelque consolation à défaut de satisfaction, Monsieur Stauffer - en termes d'utilisation de l'occupation temporaire cantonale à l'intérieur de nos services. Pour amener les gens à des postes stables, franchement, nous ne sommes pas très bons. En termes de possibilités données à des adultes de passer un CFC lorsqu'ils n'en ont pas, dans le cadre de l'administration cantonale, jusqu'à aujourd'hui et aujourd'hui encore, je ne suis pas sûr que cela soit la préoccupation majeure de notre administration. Je ne suis pas sûr encore qu'en matière de formation nous ne puissions pas faire mieux que le nombre d'apprentis que nous entendons engager l'année prochaine - je le trouve franchement faible. Clairement, nous allons nous pencher sur cet élément, et quand je dis «nous», c'est vraiment nous, car je ne vois pas un département qui ne soit pas concerné par cette problématique. Chacun doit apporter sa pierre à l'édifice. Ce n'est pas parce que l'office du personnel de l'Etat est dans le département des finances que l'on tient le quart de la moitié de la solution ! On peut simplement travailler avec les collègues pour essayer de trouver. Cet engagement, je le prends, non pas tellement devant le groupe que devant la Genève d'en bas. Oui, elle me tient à coeur. Oui, Monsieur Stauffer, il se trouve que j'ai été élu premier à Vernier et à Onex. Et donc, elle me tient à coeur et elle tient à coeur au Conseil d'Etat.
Nous devons faire quelque chose. Les mesures précédentes ne sont pas efficaces. La solution - vulgairement dit - ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval. Mais nous allons travailler et nous allons vous informer. Le Grand Conseil va prendre la décision qui est de sa compétence sur cette motion, mais nous allons nous occuper de ces problèmes et je prends rendez-vous avec vous dans des délais raisonnables pour une politique de mise en oeuvre, pour voir ce que nous avons fait de plus et pour écouter vos suggestions sur ce que nous pourrions faire de plus. Et si ce débat assez vif pouvait avoir pour conséquence que nous - le Conseil d'Etat et vous le parlement - soyons d'accord pour faire de la lutte contre le chômage de longue durée une vraie priorité, dans tous les actes de l'administration, au quotidien, dans la mesure où nous concevons notre système social, alors, peut-être, n'aura-t-il pas été inutile. Même si, j'en conviens, une partie de la Genève d'en bas pense que la solution de M. Stauffer est préférable à celle que le Conseil d'Etat défend. Nous devons la convaincre par des actes que c'est bel et bien dans le domaine de la requalification et de la mobilisation de l'Etat, de la société et des entreprises dans la société, que nous parviendrons à des résultats qui puissent ôter quelques douleurs dans notre société et quelques remords dans notre conscience. (Applaudissements.)
Le président. M. Stauffer a demandé l'appel nominal, est-il soutenu... Le Bureau a vérifié: il n'y a que dix-huit voix, le vote n'est donc pas nominal.
Communication du président: Session 03 (décembre 2005) - Séance 13 du 16.12.2005
Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de motion 1655 est rejetée par 70 non contre 9 oui.