République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 décembre 2005 à 10h
56e législature - 1re année - 3e session - 12e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 10h, sous la présidence de M. Michel Halpérin, président.
Assistent à la séance: MM. Pierre-François Unger, président du Conseil d'Etat, Charles Beer, Laurent Moutinot, David Hiler, François Longchamp et Mark Muller, conseillers d'Etat.
Exhortation
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
Le président. Ont fait excuser leur absence à cette séance: M. Robert Cramer, conseiller d'Etat, ainsi que Mme et MM. Luc Barthassat, Caroline Bartl, Mario Cavaleri, Jean-Claude Egger, Christian Luscher, Claude Marcet, Jacques Pagan, Pascal Pétroz, André Reymond, Pierre Schifferli et Ivan Slatkine, députés.
Annonces et dépôts
Le président. Je passe la parole à M. le conseiller d'Etat David Hiler.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Je vous demande de prendre la parole en premier lors du débat sur les douzièmes, Monsieur le président.
Le président. Bien, Monsieur. Je passe la parole à M. Jacques Jeannerat.
M. Jacques Jeannerat (R). J'annonce le retrait du projet de loi suivant:
Projet de loi de Mme et MM. Pierre Froidevaux, Jacques Jeannerat, Hugues Hiltpold, Jacques Pagan, Pierre Schifferli, Marie-Françoise De Tassigny, Jean-Marc Odier modifiant la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève (B 1 01) (Fin de la session parlementaire) (PL-9161)
Interpellations urgentes écrites
Le président. Mesdames et Messieurs les députés, vous avez trouvé sur vos places les interpellations urgentes écrites suivantes:
Interpellation urgente écrite de M. Eric Stauffer : LHID ou la conformité fiscale au niveau fédéral en matière de péréquation transfrontalière (France) (IUE 242)
Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Salaires et caisses de pension : étude comparative des salaires, réalisée à partir de fonctions sélectionnées de l'administration fédérale et de fonctions équivalentes de l'économie privée. Où se situe le personnel de l'Etat de Genève ? (IUE 243)
Interpellation urgente écrite de M. Gilbert Catelain : Congés accordés au personnel de l'Etat de Genève : le Conseil d'Etat a-t-il encore les ressources financières pour faire preuve d'un telle générosité ? (IUE 244)
Interpellation urgente écrite de M. Hugues Hiltpold : CEVA : Que Carouge soit entendu ! (IUE 245)
IUE 242 IUE 243 IUE 244 IUE 245
Le président. Conformément à l'article 162D de notre règlement, le Conseil d'Etat, respectivement le conseiller d'Etat interpellé, répondra par écrit lors de la session suivante.
Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour.
Premier débat
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Dans les délais qui nous étaient impartis, l'exposé des motifs reste sommaire. Je souhaitais donc revenir sur les principaux points qui nous ont amenés à demander le gel du budget plutôt que d'accepter son renvoi au Conseil d'Etat, et vous donner un certain nombre d'informations sur la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement et les principales échéances qui nous attendent.
Tout d'abord, vous devez savoir que le déficit pour l'année 2005 sera très vraisemblablement supérieur à 500 millions. Aujourd'hui, dans les projections, il est même très largement supérieur à 500 millions, mais il est prudent d'attendre que nous ayons bouclé les comptes, car vous savez que nous travaillons selon un système très sophistiqué d'évaluation des recettes qui figurent dans nos comptes. Quoi qu'il en soit, que ce soit 450, 500 ou 550 millions, la situation n'est pas bonne.
J'en viens maintenant au budget tel que proposé par le Conseil d'Etat. Vu l'accueil mitigé réservé aux différents projets de lois déposés en annexe de ce budget qui a été fabriqué dans des conditions plus que difficiles par l'ancien Conseil d'Etat, une addition sommaire montre que, si nous n'avions fait qu'enregistrer les décisions du parlement sur ces différents projets de lois, nous en serions à plus de 500 millions de déficit - dans un budget-vérité. Et si nous prenions la précaution - celle qui me paraît la plus saine des précautions - de ne pas introduire des mesures susceptibles d'être soumises au peuple, alors là, je dois vous dire que ce n'est plus de 500 millions dont il s'agirait, mais pas loin de 600.
Dans ce contexte, le Conseil d'Etat a souhaité tabler sur le budget actuel pour continuer ses travaux. Cela signifie que l'ensemble des mesures préparées par les départements sont des mesures d'économie qui ont été étudiées. Elles peuvent entrer immédiatement en force et, ainsi, on ne recommence pas de zéro toute la procédure budgétaire au niveau de l'administration. Cela permet également à notre Conseil de préparer sereinement le plan de mesures qu'il s'est engagé à vous présenter d'ici le 31 mars, en partant de la base actuelle et en se reprononçant, projet de loi après projet de loi, soit sur l'opportunité de travailler comme nous le faisons à la commission fiscale - mais dans une optique différente, comme nous l'avons déjà fait - soit d'envisager pour certains cas l'éventualité politique d'un retrait, soit de remplacer un projet par un autre, soit encore - car cela peut se passer aussi - de maintenir le projet de loi et vous demander de l'accepter.
C'est la méthode que nous vous avons demandé de nous laisser adopter, car au fond, c'est vous qui êtes bastants, c'est votre parlement. Lorsque ce dernier est saisi d'un projet de budget que la loi nous interdit par ailleurs de retirer, c'est vous, en dernière analyse, qui décidez.
La commission des finances a été sensible aux arguments développés par le Conseil d'Etat et a accepté le gel des travaux pour nous permettre de travailler dans les meilleures conditions possibles. Nous vous en remercions. La commission des finances a également accepté le gel des projets de lois. Le gel ne signifie pas que l'on ne continue pas l'étude, mais simplement que l'on ne prend pas de décision définitive au niveau du parlement avant de voir l'ensemble des mesures proposées par le Conseil d'Etat, au 31 mars. Cela, au fond, n'a pas d'incidence directe, car les mesures qui pouvaient rapporter beaucoup sont de toute façon écartées à ce stade par votre parlement.
Nous essaierons d'être dignes de la confiance que la commission nous a d'ores et déjà accordée, et j'espère que vous nous l'accorderez aujourd'hui en votant ces douzièmes indispensables, ainsi que les normes extrêmement sévères qui figurent dans l'annexe, mais qui assurent que nous aurons les douzièmes les plus «économes» que nous puissions avoir. Vous vous doutez que notre tâche n'est pas extrêmement facile. J'aimerais, pour conclure, dire une ou deux choses.
La première est que nous ne partons pas de zéro. Je rends hommage au travail accompli successivement par la conseillère d'Etat Calmy-Rey et par la conseillère d'Etat Brunschwig Graf. Elles ont construit un département des finances solide et ont mis en place un système d'information dont vous allez être saisis à votre tour. Et elles ont développé des projets importants. Le seul écueil sur lequel elles se sont heurtées est que nous sommes allés, jusqu'ici, un peu lentement. Je vous donne un seul exemple. On parle depuis 1999 du transfert d'actifs aux entités autonomes, et nous sommes en 2005. Ce sont donc là des projets de Mme Calmy-Rey. Nous n'avons pas encore achevé l'informatisation complète de l'administration fiscale cantonale, et on en parle depuis 1998. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, avec votre aide, je crains qu'il ne faille aller un peu plus vite.
Pour le reste, deux ou trois éléments que vous devez connaître. La situation économique de notre canton est saine du point de vue des activités tournées vers l'extérieur, mais, l'élargissement de l'assiette de notre région et de notre métropole fait que le circuit économique classique qui nourrit l'économie locale ne fonctionne pas de la même manière qu'autrefois et une partie de ces économies locales est sinistrée. Nous avons donc des points positifs et des points négatifs. Par ailleurs, cela indique assez clairement que le retour à des finances saines et durables ne dépend pas seulement du travail de rationalisation que nous pouvons faire au sein de l'administration. Cela ne dépend pas seulement de ce que nous pouvons faire en termes d'efficience, mais cela dépend aussi des réponses que le Conseil d'Etat saura donner en matière d'emplois et en matière de logement.
A l'évidence, à problèmes structurels, il faut des réponses structurelles. Pour le reste, le Conseil d'Etat va travailler sur les axes cités dans le discours de Saint-Pierre. Si nous atteignons les objectifs formulés très simplement dans le discours de Saint-Pierre, en utilisant la méthode préconisée dans ce dernier et si, en quatre ans, nous arrivons à appliquer ces quelques lignes, cela se soldera effectivement par quelques centaines de millions. Car ce ne sont pas forcément les discours les plus longs qui ont la portée opérationnelle la plus forte. L'administration va se mobiliser. Et vous allez nous juger le 31 mars sur le premier paquet de mesures et, au dépôt du deuxième budget, sur le deuxième paquet de mesures.
Nous vous remercions de la confiance que vous nous avez accordée, et, selon l'expression de M. Gautier à la commission des finances, nous vous remercions de nous laisser reprendre la main. Nous sommes au travail, l'administration commence à être au travail et, au nom du Conseil d'Etat, je vous donne rendez-vous pour l'épreuve de vérité au 31 mars prochain.
M. Renaud Gautier (L), rapporteur. Que l'on me permette de rapporter sur le travail effectué. Si j'avais à raconter cette histoire synthétiquement, je dirais que l'on part de la problématique du beaujolais nouveau pour terminer avec une histoire de rois mages. C'est un projet de budget qui, comme le beaujolais nouveau, s'est fait attendre le temps qu'il fallait pour être mis en bouteille ou en forme et qui, une fois délivré, à créé une certaine unanimité - d'aucuns trouvaient qu'il était trop ceci, d'autres trouvaient qu'il n'était pas assez cela. Votre commission a donc reçu tard le Beaujolais nouveau et a décidé d'organiser ses travaux autour de quelques axes principaux qui, non contents de passer par l'audition traditionnelle des départements, soulevaient encore un certain nombre de questions transversales ou spécifiques. Nous nous mettons au travail à la commission des finances sur ce projet de budget initial, jusqu'à ce qu'arrive le tremblement de terre que nous connaissons tous et l'arrivée des nouveaux rois mages à la commission des finances, venus nous dire: «Halte-là ! Suspendons ce projet de budget.»
Mesdames et Messieurs, la suspension budgétaire est un nouveau concept économico-politique que le Conseil d'Etat - les rois mages - une fois de plus, se devait de mettre en place en premier. Ayant annoncé qu'il était impossible de retirer un projet de budget, ne restait donc que l'hypothèse de le suspendre. Ce projet de budget traîne donc au-dessus de nous, nul ne sait encore s'il va tomber par terre dans un fracas épouvantable ou si, au contraire, les nouveaux aruspices que l'on nous annonce, soit à Pâques soit à la Trinité, feront que c'était une bonne décision.
Les rois mages, disais-je, sont arrivés, qui portant l'encens, qui portant la myrte, qui portant l'or, clamant dans les gazettes locales et autres grands écrans la nécessité d'un travail basé sur la confiance et la transparence. C'était bien évidemment un discours qui ne pouvait que satisfaire la commission des finances, si tant est qu'il faut - comme aime à le dire l'un de nos collègues originaire d'Amérique du Sud qui aime aussi bien les vins genevois que les cassettes vidéos - être deux pour danser le tango. Sous-entendu que si les rois mages viennent demander à ce parlement de lui faire confiance, il est bon que ce parlement fasse aussi entendre sa voix, à savoir qu'il faut pour cela que nous puissions aussi faire confiance au Conseil d'Etat. Or, si je m'étends quelques minutes sur cette question, c'est que les travaux extrêmement rapides et néanmoins de qualité qu'a effectués la commission des finances pourraient laisser supposer à quelques esprits chagrins - dont je me dois d'être ici le porte-parole - qu'il est important que cette confiance, je le répète, aille dans les deux sens.
Au cours de ces auditions, nous avons eu la désagréable surprise de découvrir un département qui tout à coup souhaitait voir la titularisation de vingt postes alors que la commission des finances, depuis de nombreuses années - et avec l'aide de l'un des nôtres qui nous a quittés pour aller de l'autre côté du miroir - a souhaité que l'on cesse les titularisations d'auxiliaires. Cela a fait l'objet d'une déclaration du Conseil d'Etat, et la surprise fut grande à la commission des finances de voir que l'on venait encore avec ce genre de propos.
La problématique des subventions nous a passablement occupés. Je ne m'étendrai pas sur leurs bases légales ou sur leur l'historicité, car, depuis hier, grâce à un excellent rapporteur, nous avons un projet de loi sur les subventions qui devrait - j'imagine - éviter les tracas que nous avons connus et les auditions parfois difficiles avec ceux qui confondent «demander» de l'argent avec «exiger» de l'argent.
Enfin, on ne peut que saluer la manière dont les conseillers d'Etat défendent leurs employés de la fonction publique. Même s'il peut parfois paraître que ceux-ci outrepassent très largement ce que l'on attend d'eux, à savoir que, si l'on pose une question, il apparaît logique que l'on obtienne une réponse. Ainsi, celui qui entend protéger ses collaborateurs, parce qu'il est chef a raison de le faire, c'est un exemple parfait, mais il se doit - et la commission s'est sentie obligée de le dire - d'apporter des réponses aux questions posées.
La commission des finances a été stoppée dans son envol par cette problématique de la suspension, mais elle fait confiance au Conseil d'Etat et attend le 31 mars. D'ici là, chacun peut se livrer au petit jeu de savoir combien de chiffres il y aura avant les zéros du déficit - pour autant, je le répète, que le Conseil d'Etat accepte lui aussi de donner sa confiance au parlement et à la commission des finances. C'est la raison pour laquelle la commission des finances, dans une touchante unanimité, a décidé de soutenir le projet des douzièmes, dont on rappellera qu'ils se composent d'une tranche mensuelle équivalant au budget le plus bas que cela soit, entre le budget 2005 ou «feu» le budget 2006. Cela est doublé d'une liste indiquant très clairement ce qui va se passer pour les institutions subventionnées soumises aux mécanismes salariaux applicables à la fonction publique, et ce qui va se passer pour la procédure d'application de ces douzièmes provisoires.
Sur la base de l'unanimité de la commission des finances et de la confiance ainsi déléguée au Conseil d'Etat, je vous invite, Mesdames et Messieurs les députés, à offrir le meilleur de vous-même en votant ces douzièmes provisionnels.
M. Gabriel Barrillier (R). Lors des élections au Grand Conseil, et plus récemment au Conseil d'Etat, le parti radical avait fait du redressement des finances cantonales et de la réduction de la dette faramineuse qui plombe le canton ses principales priorités. C'est la raison pour laquelle nous avions fort mal accueilli le projet de budget 2006 déposé par l'ancien Conseil d'Etat. Il n'est plus possible de repousser éternellement les mesures indispensables au redressement des finances cantonales. Fort heureusement, le nouveau Conseil d'Etat - comme nous venons de l'entendre de la bouche de son représentant M. David Hiler - donne l'impression de vouloir enfin empoigner à bras le corps les causes de ce déséquilibre structurel. Il demande un délai à mi-mars pour présenter des mesures susceptibles d'inverser le cours des choses. Le groupe radical veut bien accéder à cette proposition de suspension et voter les douzièmes provisionnels jusqu'en juin 2006.
Toutefois, en son nom, je dois d'ores et déjà avertir - par honnêteté - le Conseil d'Etat in corpore que les radicaux n'accepteront pas en mars ou en juin des demi-mesures. En particulier la présentation d'un budget allant au-delà d'un déficit supérieur au plan quadriennal financier pourtant moribond. Mesdames et Messieurs les députés, alors que d'autres cantons sont sur la voie du redressement - pensons à Neuchâtel et au canton de Vaud - Genève ne peut plus se permettre de continuer à s'enfoncer dans les abîmes financiers. Collègues, nous devenons la risée de la Confédération. Plus grave encore, notre incapacité à réduire notre dette pharaonique pourrait avoir des conséquences graves sur la participation de la Confédération à certains projets d'infrastructures et d'équipements indispensables à notre région.
Une voix. Comme le CEVA !
M. Gabriel Barrillier. Lors d'une récente réunion à Zurich avec des parlementaires fédéraux et des dirigeants d'organisations économiques nationales, il m'a été clairement indiqué par certains participants que Genève ferait bien de réduire sa dette avant de tendre la main à Berne pour obtenir des subventions pourtant dues. Nous passons pour des parvenus prétentieux, incapables de maîtriser notre ménage cantonal. Ces réticences un brin agacées concernent des investissements primordiaux en matière de transports et de mobilité dans notre région. Dois-je vous rappeler que le parlement fédéral doit au printemps prochain décider de la part de financement de la Confédération, notamment à la réalisation de la liaison CEVA-RER, mais aussi à d'autres infrastructures routières tels que les projets de traversée à Vésenaz, Meyrin et d'autres endroits ? C'est dire, Monsieur le président, Messieurs les conseillers d'Etat, que nous attendons de vous des remèdes de cheval. Nous avons la conviction qu'une majorité de la population est maintenant prête à accepter les efforts nécessaires d'austérité. Et vous le savez, ces mesures concernent tout à la fois la structure, l'organisation et le fonctionnement du canton. Il ne suffira pas d'annoncer le gel, voire une légère réduction des effectifs des employés de l'Etat. Les masses salariales du public et du parapublic doivent être réduites. On n'y arrivera pas sans toucher aux effectifs, selon des modalités qui peuvent être étalées et modulées en fonction du marché de l'emploi.
Les radicaux ont conscience que des prestations de qualité doivent être indemnisées correctement, en relation avec le marché et les emplois privés. Nous militons en faveur d'une modernisation des conditions de travail et de rémunération des employés de l'administration, mais il faut réduire la masse salariale en réduisant les effectifs et en supprimant de très nombreux doublons.
En conclusion, j'insisterai sur la nécessité d'agir vite pour corriger dès maintenant la trajectoire du navire, en sachant que la concrétisation de ce changement de direction prendra quelque temps. Dans le cas contraire, le groupe radical fera toute proposition utile au Grand Conseil pour assainir les finances publiques, regagner la confiance de la population et redonner à notre canton la place et la crédibilité qui lui reviennent en Suisse. Nous voterons le PL 9753-A sur les douzièmes.
Le président. Le Bureau clôt la liste. Sont encore inscrits Mmes et MM. Antoine Droin, Guy Mettan, Christian Bavarel, Pierre Weiss, Gilbert Catelain, Anne Emery-Torracinta, Claude Jeanneret, Eric Stauffer, Alberto Velasco, Pierre Kunz, Pierre Losio et Virginie Keller Lopez.
M. Antoine Droin (S). Le budget 2006 est mauvais, mais il n'est pas forcément mauvais pour les mêmes critères selon où l'on est assis dans ce parlement - ce n'est pas un scoop. Les comptes 2005, M. Hiler l'a dit, ne sont pas au beau fixe.
J'aimerais revenir sur quelque chose d'important: le message. Celui que l'on a reçu, et celui que nous allons transmettre.
A propos du message reçu. En octobre dernier, le peuple a voulu un certain nombre de changements dans notre législatif, ce n'est pas un scoop non plus, mais nous devons faire avec. Au mois de novembre dernier, le peuple a voulu effectuer un autre changement: une majorité de gauche au Conseil d'Etat. En somme, le message que nous recevons est qu'il n'y a plus de majorité au sein de nos deux chambres et nous devons composer les uns avec les autres, mais sans oublier le peuple. Nous devrons aussi composer avec lui pour avancer dans les années à venir pour que Genève ait une certaine pérennité, ou une pérennité certaine. Ce message, le message du peuple, est donc un message de confiance. Confiance que nous devons avoir entre le législatif et l'exécutif, et confiance que nous devons avoir entre nos instances et le peuple lui-même.
Dès lors, le gel - sur la demande du Conseil d'Etat - des projets de lois liés au budget nous paraît une bonne chose, puisque c'est la première marque de confiance que nous devons avoir.
Cela dit, le peuple devra aussi assumer une partie des conséquences de cette marque de confiance, car le vote des douzièmes fait que c'est le budget le «moins disant» qui fait foi. Si le budget «moins disant» est celui de 2005, ou alors le budget 2006, les subventionnés subiront des contraintes difficiles à assumer. Notre parlement et le Conseil d'Etat doivent dire au peuple que cette confiance que nous avons reçue de lui, nous devons aussi la transmettre aux subventionnés, pour que chacun fasse un effort vers la durabilité et vers des applications que le Conseil d'Etat nous promet pour le mois d'avril avec des amendements sur le budget 2006. Dans ces circonstances, je vous recommande de voter les douzièmes.
M. Guy Mettan (PDC). 500 millions de déficit pour l'exercice 2005; 400 ou 500 millions de déficit au budget 2006, d'après ce qu'on a pu entendre des différentes déclarations que le Conseil d'Etat a adressées à la commission des finances ou aux journaux. Cela fait un milliard de déficit sur deux ans pour le seul budget de fonctionnement. Il faut encore ajouter l'endettement dû à la Fondation de valorisation, cela représente 200 ou 300 millions, et celui dû aux insuffisances de financement des investissements, puisque Genève est à peu près le seul canton suisse à ne pas autofinancer ses investissements. On arrive donc à un déficit cumulé de 700 à 800 millions par année en 2005 et, très probablement, en 2006. Soit un emprunt d'un milliard et demi cumulé sur deux ans qui viendra alourdir la dette.
C'est vous dire, Mesdames et Messieurs, que face à ces perspectives, le parti démocrate-chrétien n'est pas enthousiaste. Et il n'était pas très enthousiaste non plus pour remettre l'examen du budget au mois de mars et le vote probablement au mois de juin. Pourquoi ? Parce que le budget qui nous a été présenté au mois d'octobre dans sa première version comportait évidemment beaucoup de défauts, beaucoup de propositions déplaisantes. Mais il avait quand même quelques avantages. Le premier était de bloquer le déficit de fonctionnement à 300 millions. Au mois de mars, ce seront probablement des propositions à 400 ou 500 millions. Je vois donc mal comment nous pourrions entrer en matière sur un déficit à 500 millions si l'on n'accepte pas un déficit à 300 millions. Nous aurions été favorables au fait d'examiner le plus tôt possible ce budget, afin que le parlement comme le nouveau Conseil d'Etat puissent prendre leurs responsabilités rapidement.
La deuxième raison est qu'en retardant le processus budgétaire l'ensemble du processus d'établissement des budgets futurs dirigé par les services de M. Pangallo est pénalisé. On l'a vu en votant le budget 2004 au mois de juin. Et vous savez que le budget 2007 est déjà en phase de préparation, mais comment établir le budget 2007 sans que l'on sache ce que sera le budget 2006 ? Nous trouvons important de «liquider» le budget 2006 pour concentrer l'essentiel des efforts du Conseil d'Etat et du parlement sur le budget 2007.
Voilà les deux raisons qui nous font accepter de mauvaise grâce ces douzièmes. Si nous nous sommes résolus à accepter cette proposition, c'est parce que nous devons tenir compte du résultat des élections et du fait qu'un nouveau Conseil d'Etat a pris place. Et il a montré une volonté de travailler en commun. C'est une chose suffisamment inédite dans notre République pour que l'on puisse lui donner quitus de cette volonté et attendre ses propositions.
Il est vrai que, si l'on se penche sur le bilan des quatre dernières années, on constate que toutes les propositions de réformer l'Etat ont échoué. On a assisté à une confrontation gauche-droite qui a totalement paralysé les institutions et les projets de réforme. Cette confrontation gauche-droite a atteint son paroxysme durant ces deux dernières années et s'est révélée très négative pour la république. On ne peut pas continuer à travailler dans cet esprit.
Compte tenu de ce facteur et souhaitant - bien que nous ne nous fassions pas trop d'illusions à ce sujet - qu'un certain consensus puisse enfin émerger afin de briser ces blocages, nous sommes d'accord d'entrer en matière sur ces douzièmes. Mais nous serons évidemment très vigilants sur les mesures qui nous seront proposées et sur le fait que - comme nous avons déjà eu l'occasion de l'annoncer en commission des finances - le parti démocrate-chrétien n'acceptera pas un budget 2006 dont les déficits seraient supérieurs à la première version proposée, c'est-à-dire à 300 millions de francs.
Cela dit, nous sommes prêts à oeuvrer pour qu'enfin une majorité de ce Grand Conseil - y compris peut-être sur les bancs des Verts et du parti socialiste - on puisse trouver un accord sur la politique à mener dans les quatre ans à venir pour que Genève sorte de cette mauvaise passe.
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts constatent que le déficit du budget, après le passage en commission, se situe autour du demi-milliard. Un demi-milliard, ce sont des sommes que l'on a de la peine à se représenter; chacun d'entre nous ne voit plus tellement ce que cela veut dire. Il y a un petit truc assez simple pour visualiser ce que cela veut dire. Vous voyez tous à peu près ce qu'est un million, cela représente une dizaine de postes de travail, une petite maison ou d'autres exemples de ce type. C'est aussi, si vous mettez des billets de mille francs l'un au-dessus de l'autre, une petite pile de douze centimètres.
Un milliard, Mesdames et Messieurs les députés, en mettant des petits billets de mille francs l'un au-dessus de l'autre, cela fait une pile de 120 mètres. Cela vous donne une idée l'ampleur des chiffres, et du niveau où nous sommes en train de travailler.
Les Verts, étant très soucieux et parcimonieux avec les énergies et tout ce qui touche à notre environnement, sont aussi soucieux - ils l'ont répété de multiples fois - des finances publiques ainsi que de l'argent des contribuables et de celui des générations futures. Nous constatons que la méthode utilisée jusqu'à présent, consistant à essayer d'atteindre des chiffres autour du déficit, n'était pas la bonne. Nous sommes très satisfaits de voir que le nouveau gouvernement a décidé de réformer l'Etat. Il l'a déjà fait en changeant la manière de voir les départements et a décidé de faire des réformes en profondeur.
Quant aux différents projets de lois qui étaient liés au budget, nous savons que le peuple nous a répondu plus d'une fois qu'il ne veut ni de hausses d'impôts ni de diminutions des prestations. Ne reste donc qu'une seule méthode pour l'instant à employer et après, peut-être, pourra-t-on reposer des questions au peuple sur ce qu'il compte faire. Ce que le peuple veut d'abord, c'est que l'Etat fonctionne le mieux possible et que l'on ait une efficience maximum.
Nous avons vraiment le sentiment que le gouvernement va dans ce sens. Nous savons que les douzièmes sont toujours un signe négatif - ce n'est jamais une solution positive. C'est bien pour cela que nous avons admis - pour l'instant - d'aller avec ces douzièmes, car il y a vraiment une position positive de la part du gouvernement. Nous attendons donc du gouvernement des propositions sur les modifications du budget. Nous avons été d'accord pour qu'il soit suspendu de manière que le signal donné par le parlement soit bel et bien un signal de soutien gouvernemental.
M. Pierre Weiss (L). En tant que dernier député représentant le pacte promis à notre président du Grand Conseil s'exprimant au nom de son groupe - et avant que d'autres ne prennent la parole - je tiens à dire que le parti libéral s'exprimera en faveur du projet de loi déposé par le Conseil d'Etat relatif aux douzièmes provisoires. Il s'exprimera ainsi, parce qu'il accorde sa confiance, certes de façon conditionnelle, mais il l'accorde à ce nouveau gouvernement dont je tiens à dire au passage qu'il n'est pas plus de gauche que d'autres qui l'ont précédé; il l'est peut-être dans sa composition, mais il ne l'est pas nécessairement dans la politique qu'il entend mener.
Le conseiller d'Etat qui s'est exprimé a eu raison de faire état de plusieurs scenarii concernant la suite des opérations. Parmi ces scenarii, il y a des douzièmes supplémentaires pour le reste de l'année, au cas où les amendements déposés ne satisferaient pas une majorité de ce parlement, ou ne justifieraient pas la confiance conditionnelle donnée aujourd'hui.
Le montant du déficit a été relevé par mon collègue Mettan. Le montant de l'augmentation de la dette pourrait avoisiner le milliard - et pas 700 ou 800 millions - si l'on analyse les trois composantes essentielles, le budget de fonctionnement, le lourd fardeau de la banque cantonale et les investissements non financés. La volonté de redressement est donc le point déterminant qui doit être considéré.
Certes, nous avons des regrets. Nous avons le regret que le PFQ soit considéré par ce nouveau gouvernement comme un chiffon de papier, et nous regrettons également que ce dernier repousse - sinon aux calendes grecques, en tout cas à la fin de la présente législature - le retour au petit équilibre - comme on dit dans le canton de Vaud - du budget de fonctionnement, l'amélioration de nos finances et donc la non-augmentation de la dette.
D'un autre côté, le soutien exprimé à GE-Pilote fait partie de ce qui peut être mis du côté positif de la balance.
Mais je suis curieux, sceptique, voire inquiet, à l'idée de la façon dont les instituts de cotation et l'institut de cotation principal contactés par notre canton analyseront ce report de l'échéance du redressement des finances cantonales. Je suis tout aussi sceptique, voire inquiet, quant à l'évolution des taux d'intérêt. On parlait tout à l'heure de 10 millions sur les bancs des Verts qui pourraient ne plus être affectés à telle ou telle tâche, eh bien, ces 10 millions ou plus pourraient être mangés par l'augmentation des taux. Dans ces circonstances, il faudra plus que mille mesures à 1000 F, il faudra des mesures à plusieurs millions. Il faudra notamment, en ce qui concerne la révision du statut de la fonction publique, faire preuve à la fois de doigté, d'intelligence, de détermination et de force - de force pour ne pas déclarer d'emblée que les mesures de réduction à la «neuchâteloise» ne sont pas nécessaires. Compte tenu de la situation genevoise, elles sont non seulement tout à fait nécessaires, elles sont même davantage que nécessaires.
A cet égard, j'aimerais ajouter deux choses quant à l'interprétation que l'on pourrait donner d'une déclaration de notre nouveau responsable des finances, comme quoi la détermination à la «neuchâteloise» n'est pas nécessaire. Soit l'on pourrait penser qu'elle a été dite pour ne pas désespérer l'Alliance de gauche soit elle a été prononcée parce que la mesure de la gravité de la situation n'avait pas encore été saisie dans toute son ampleur. Or, je fais - de ce point de vue - confiance à M. Hiler pour rapidement voir l'ampleur du gouffre vers lequel nous marchons.
Mais, si je lui fais confiance, j'aimerais pouvoir faire preuve de la même confiance envers tous les membres du gouvernement, je ne parle pas du gouvernement in globo, mais de chacun pris individuellement. Et lorsque tel ou tel membre déclare que nous ne sommes pas dans une situation de crise ou bien, même, présente des projets de dépassement de crédit, cela démontre que la compréhension de la crise n'est pas égale chez tous. Sur ce point, nous serons extrêmement attentifs.
Je vais conclure, Monsieur le président, en vous disant, au nom du parti libéral genevois et de la députation qui le représente ici - et qui représente les électeurs de notre parti - que nous voulons tous un budget. Mais un budget qui doit présenter un déficit inférieur au projet de budget actuellement déposé. Il ne doit pas non plus comprendre en aucune façon de hausse d'impôt, que celle-ci soit apparente comme aujourd'hui ou qu'elle soit subreptice.
Il s'agira non seulement de rationaliser le fonctionnement de l'administration, mais il s'agira aussi de cibler ce que l'Etat fournit en prestations. La détermination dont a fait preuve un autre magistrat qui est à la tête de ce Conseil d'Etat mérite d'être saluée, et elle devrait aussi inspirer la démarche de tous les départements pour la législature qui s'ouvre.
M. Gilbert Catelain (UDC). Lors du vote en commission des finances, le groupe UDC s'est abstenu sur ce projet de loi concernant les douzièmes. Cela ne veut pas dire que l'UDC ne fait pas confiance au Conseil d'Etat, mais l'UDC a été échaudé lors de ces dernières années. En votant le plan financier quadriennal, nous avons fait confiance au Conseil d'Etat. Mais, deux ans plus tard, on s'aperçoit que ce plan financier quadriennal n'est pas respecté, et on a le sentiment qu'il est abandonné par le Conseil d'Etat. Vous pouvez alors imaginer que l'on émette quelques réserves sur la capacité qu'aura le Conseil d'Etat à vraiment aller de l'avant pour mettre en oeuvre des mesures efficaces sur la durée afin d'assainir la situation financière du canton.
Cela étant dit, j'aimerais rappeler à ce parlement que la responsabilité du budget incombe non seulement au Conseil d'Etat, mais principalement à la commission des finances. En accordant des autorisations de dépenses au Conseil d'Etat, en acceptant ou en refusant les lignes budgétaires lors des débats en commission - enfin, par l'ensemble des votes qu'ils font au cours de l'année - les membres de cette commission assument une grosse responsabilité. Et, finalement, le parlement n'est que le dernier élément pouvant influer - de manière marginale - sur les débats concernant le vote du budget. Cette responsabilité des commissaires est d'autant plus importante que la dette monétaire du canton s'est accrue de 45% en quatre ans !
Avec un parlement de droite et un gouvernement de centre-droit, la dette monétaire s'est accrue de 45%. Et là, j'aimerais davantage responsabiliser le groupe démocrate-chrétien. En voulant faire le grand écart entre sa clientèle dans le milieu hospitalier - mais dans d'autres milieux aussi - et son discours de redressement des finances qu'il ne parvient jamais à tenir, il a une très large responsabilité dans la situation financière de ce canton. Il faut faire des choix et ces choix doivent être clairs. Et, jusqu'à preuve du contraire - on l'a vu dans divers débats sur différents projets de lois, notamment par rapport aux mécanismes de frein à l'endettement - ces choix ne nous engageaient pas très rapidement, en tout cas pas avant quatre ans; de là à déresponsabiliser le Conseil d'Etat et le parlement... La responsabilité est collégiale, elle incombe au Conseil d'Etat et à la commission des finances qui - je vous le rappelle - est à majorité de droite. Si cette majorité de droite veut s'exercer - elle a vocation à le faire - il appartiendra à l'ensemble des députés de droite d'être conséquents lors du vote sur les lignes budgétaires présentées par le Conseil d'Etat.
Nous avons une responsabilité non seulement vis-à-vis de la population genevoise jusqu'en 2009, mais aussi par rapport à la portée de nos décisions vis-à-vis de l'endettement et des générations futures auxquelles on livre ce magnifique cadeau empoisonné qu'est la dette monétaire, et la dette dans le sens large par rapport aux engagements de l'Etat.
Nous avons des exemples de courage, et c'est ce qui nous a manqué jusqu'à présent. Nous sommes très frileux. C'est comme pour le G8: on est très frileux, on n'ose pas prendre de décision, on n'ose pas utiliser des remèdes qui font un peu mal mais qui font beaucoup moins mal que les mesures que l'on devra prendre dans quelques années.
Le canton de Vaud est dans une meilleure situation financière, avec un taux d'endettement monétaire nettement inférieur à celui du canton de Genève, et il a pris des mesures difficiles. Pour la fonction publique, vous avez vu que le Conseil d'Etat a décidé d'allonger la période de cotisation et d'assainir les caisses de pension. Le canton de Neuchâtel - on en a déjà parlé - avec un gouvernement de gauche, ose prendre des mesures radicales qui seraient impensables à Genève. Depuis plus de dix ans, le canton de Berne instaure réforme après réforme. Ces réorganisations en profondeur permettent d'assainir la situation financière de ce canton et de verser à l'administration cantonale bernoise des salaires qui n'ont rien à envier à ceux du canton de Genève.
Donc, plus d'excès. On n'acceptera pas un projet de budget qui s'écarte du plan financier quadriennal. Le Conseil d'Etat s'est engagé sur ce projet de loi, c'est lui qui l'a rédigé, c'est lui qui l'a défendu, la moindre des choses est qu'il le respecte. Pour le groupe UDC, la limite «haute» est donc un projet de budget qui ne dépasse pas le déficit budgétaire planifié dans le plan financier quadriennal.
L'UDC n'acceptera pas non plus les mesures malsaines qui minent la confiance entre le Conseil d'Etat et les communes par des transferts de charges aux communes ou par des prises de bénéfices inconsidérées sur les SI - qui auront besoin de recettes financières pour faire place aux nouveaux investissements - ou sur l'Aéroport. Pour que les gens puissent travailler dans un esprit de confiance, il faut que les règles soient respectées sur la durée.
Par contre, l'UDC exige de la commission des finances et du Conseil d'Etat qu'ils soutiennent toutes les réformes structurelles qui seront proposées par le Conseil d'Etat et notamment par le chef du département des finances, M. Hiler. Je lui accorde ma confiance, parce que je suis persuadé qu'un homme de gauche - et notamment M. Hiler - est la personne la plus apte de ce Conseil d'Etat à avoir le courage de proposer des réformes structurelles. L'UDC exige une réorientation de l'action de l'Etat sur ses tâches régaliennes. Il va falloir se poser la question de savoir...
Le président. Monsieur le député, il va vous falloir conclure.
M. Gilbert Catelain. Je conclus, Monsieur le président.
Il va falloir se poser la question de savoir si toutes les tâches accomplies aujourd'hui par l'Etat sont forcément de sa compétence ou nécessaires.
Nous exigeons le remplacement de l'indexation des salaires par une allocation unique, ce qui a le gros avantage de faire une importante économie au niveau des caisses de pension. La décision de la Confédération a permis à la caisse Publica de faire une économie en 2005 - sur un an - de 54 millions de francs. Il y a des pistes, et il faut les exploiter.
Nous exigeons la révision de la relation qui lie le Conseil d'Etat aux caisses de pension. Les motions que l'UDC a déposées et qui traînent en commission des finances mériteraient d'être abordées assez rapidement, car nous avons là un potentiel d'économies important. Ce courage exige un certain nombre de changements de paradigmes. Nous sommes devant des échéances capitales, nous ne pouvons pas encore passer un an, deux ans, trois ans, à se regarder le nombril et à se demander quoi faire demain. Je vous invite tous à oeuvrer activement pour nous proposer un projet de budget qui, au moins, respecte le plan financier quadriennal.
Mme Anne Emery-Torracinta (S). Mon propos portera sur une des mesures d'économie proposée en accompagnement à ce projet de budget. Cette mesure est le PL 9682 qui propose d'aligner, pour les bénéficiaires de l'assurance-invalidité, leurs prestations complémentaires sur celles versées aux bénéficiaires de l'assurance-vieillesse. Si je voulais aborder cette question, c'est parce que ce projet de loi est typiquement - à mes yeux - l'illustration d'un certain nombre de dérives de la vie politique de ce canton depuis quelques mois, voire quelques années.
Effectivement, cette mesure n'est pas nouvelle. Il y a tout juste une année, le 17 décembre 2004, elle était proposée au parlement, et le Grand Conseil l'avait acceptée. Cela avait débouché sur un référendum - parmi d'autres lois soumises à référendum - et le 24 avril 2005, près de 60% de la population de ce canton refusait cette mesure.
Ma question est la suivante. Comment peut-on, six mois après, revenir avec une mesure balayée en votation populaire ?
Une voix. C'est comme les droits de succession.
Mme Anne Emery-Torracinta. Monsieur le député, je n'ai pas participé au vote hier, je vous saurai donc gré de ne pas me donner de leçon de démocratie, s'il vous plaît. Ma remarque est la suivante. En revenant avec de telles mesures, on affaiblit la démocratie et on fait le lit du populisme. Lors de la campagne électorale de cet automne, j'ai participé à de nombreuses reprises à des discussions sur les stands, avec des gens de tous bords de la population. Et à plusieurs reprises, il m'a été dit: «La gauche, la droite, c'est du pareil au même, les politiques, c'est tous des pourris, de toute façon, ils n'en font qu'à leur tête, etc.» Eh bien, non ! Mesdames et Messieurs les députés, la gauche et la droite, ce n'est pas la même chose. Avec ce type de mesures, on sème la confusion dans la population et on affaiblit la démocratie.
Autre remarque du même type. Lors de cette campagne électorale également, j'ai entendu plusieurs représentants de l'actuelle majorité parlementaire traiter le nouveau mouvement arrivé - de manière tonitruante sur la scène politique genevoise - de mouvement fasciste. J'aimerais simplement vous rappeler comment est né et comment s'est développé le fascisme. Il est né certes de l'écroulement d'un ordre ancien, à la suite de la première guerre mondiale et de la Révolution russe, mais il s'est surtout développé lorsque les gouvernements, les politiques, ont été incapables de prendre en compte la détresse, la misère et les espérances des gens qui souffraient de la crise économique. Mesdames et Messieurs, l'Histoire ne se répète pas, mais nous devons parfois en tirer des leçons et savoir écouter ce que la population a à nous dire.
Pour en revenir au fond de cette mesure d'économie, il y a une année, lors du débat parlementaire, il avait été dit, je cite: «Même les handicapés doivent contribuer pour un peu à redresser la situation de Genève.» A mon sens, il n'y a pas de sujet tabou en politique. Toute mesure peut être discutée. Mais elle doit être débattue, et dans un cadre beaucoup plus global. Je ne vois pas comment on peut oser demander à la partie de la population la plus fragilisée de faire des économies, sans parallèlement demander plus de solidarité à celles et ceux qui ont plus. La solidarité n'est pas à sens unique. Nous devons, et nous ne pourrons pas en faire l'économie, avoir une réflexion de fond sur ce que doit être l'Etat social, sur ce que doit être son mode de financement. Si nous continuons avec des mesures d'économie de ce style, au coup par coup, nous allons droit dans le mur.
Pour conclure, la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres. Cette affirmation n'est pas extraite du programme du parti socialiste, quand bien même le peuple de gauche l'a faite sienne depuis bien longtemps. Cette affirmation, Mesdames et Messieurs les députés, est tirée du préambule de notre Constitution fédérale. J'ose espérer qu'elle saura trouver grâce aux yeux de celles et ceux qui élaboreront le prochain projet de budget.
M. Claude Jeanneret (MCG). Le MCG, en tant que nouveau parti, s'est rallié à la proposition de la majorité d'accepter la suspension du budget et la gestion par douzièmes. Nous n'allons pas faire ici l'historique d'un gouvernement où nous n'étions pas présents. Il y a cependant une chose qui nous a un peu surpris.
L'ancien gouvernement avait prévu un redressement des finances en quatre ans. Le nouveau gouvernement arrive et chambarde sa structure - ce qui est peut-être très bien - et recommence une proposition d'assainissement des finances en quatre ans. C'est-à-dire que l'on a un projet d'assainissement des finances depuis quelque temps, et on accumule, on agrandit une dette qui sera de plus en plus lourde à porter. C'est un peu ennuyeux, mais il faut faire confiance à un état d'esprit qui semble nouveau, et basé sur la transparence que tout le monde souhaite avoir. Il semble aussi basé sur un certain dynamisme que nous attendions de voir à l'oeuvre. En somme, il est clair que nous attendons la proposition du mois de mars pour prendre des dispositions.
J'aimerais quand même rappeler que le MCG a mentionné dans ses propositions électorales que l'équilibre du budget était un de ses grands soucis, c'est-à-dire arrêter la condamnation de Genève à accroître sa dette.
Il faut aussi arrêter de penser qu'en baissant les impôts on diminue la capacité du canton, ou, à l'inverse, qu'en augmentant les impôts on va trouver une solution. Avant tout, il faut que le gouvernement pense que dans une région comme la nôtre, qui est la Regio Genevensis, il s'agit d'établir un partenariat où nous n'apportons pas seulement du travail pour les gens qui ne sont pas d'ici, mais où nous prenons une partie pour nous et laissons une partie pour les autres. Pour que nous puissions bénéficier du développement, cela doit être fait dans une collaboration intelligente et non pas en travaillant chacun dans son coin.
Contrairement à ce que l'on entend, je ne pense pas que Genève soit totalement sinistrée. Nous avons enregistré plus de 10 000 nouveaux permis de travail en moins d'une année, cela veut dire qu'il y a de l'emploi à Genève. Mais il faut aussi que l'on puisse conserver les gens à Genève, pour qu'ils paient leurs impôts à Genève. Si on a arrêté pendant dix ans de construire des appartements décents et qu'on impose aux gens travaillant ici d'aller vivre ailleurs, il est clair que l'on ne peut pas bénéficier d'un renouveau de l'économie genevoise.
Je ne vais pas donner des recettes aujourd'hui, ce n'est pas le but. Nous ne sommes pas là pour trouver des solutions maintenant. Nous sommes là dans l'espoir que des solutions vont nous être proposées.
J'aimerais dire une dernière chose à notre nouveau gouvernement: quand on veut faire quelque chose, on trouve des solutions. Quand on ne veut pas faire quelque chose, on trouve des excuses. Il me semble que dans les rapports que j'ai lus, j'ai vu beaucoup d'excuses, et pas beaucoup de solutions. J'espère qu'à l'avenir, on nous proposera beaucoup de solutions.
M. Eric Stauffer (MCG). Je vais être bref. Pour faire suite à mon collègue Claude Jeanneret: budget, budget... «To be or not to be ?», telle est la question. Vous parlez de bloquer les mécanismes salariaux, vous parlez de mesures d'austérité, de baisser la masse salariale... Je n'entends que des choses négatives. Si on continue comme cela, dans quatre ans vous recommencerez en disant qu'il faut des mesures d'austérité, qu'il faut encore réduire le nombre des fonctionnaires, qu'il faut encore bloquer les mécanismes salariaux et c'est une histoire sans fin.
Aussi, il faut soigner le mal, non pas dans ses effets, mais dans sa cause. Et les causes, Mesdames et Messieurs les députés et Messieurs les conseillers d'Etat, sont connues. Nous savons qu'il y a des remèdes à apporter qui pourront faire économiser des dizaines, voire des centaines de millions de francs.
Par exemple, la péréquation transfrontalière. Il vous faut savoir que l'Etat de Genève reverse 156 millions de francs par année pour les 48 600 frontaliers travaillant à Genève. Ce chiffre est énorme. Aujourd'hui, par cette ouverture incontrôlée, le marché de l'emploi genevois n'a pas réussi à faire front à cette concurrence de tous les instants. Si nous continuons dans cette voie, si l'on arrive encore à doubler ce nombre de frontaliers, dans quatre ans, ce seront 300 millions que nous devrons payer à la France. Et encore, si la France n'arrive pas à annuler cette péréquation. Un procès est en cours au niveau européen, il a été initié par la France contre Genève pour annuler purement et simplement les impôts que nous percevons sur les frontaliers. Je vous rappelle que Genève est une exception suisse à ce niveau.
Encore une fois, les solutions existent. Il faut avoir une maîtrise et une vision globales. Il faut construire des logements pour conserver nos contribuables sur le territoire genevois. Il faut favoriser les emplois de tous les résidents genevois. Sinon, dans quatre ans, vous reviendrez devant le peuple avec des mesures d'austérité. Il était important de vous sensibiliser à cette vision plus globale.
M. Alberto Velasco (S). Vous savez que je me suis abstenu au vote final de ces douzièmes provisionnels. La raison est que j'ai été étonné de découvrir que nous prenions comme références le budget 2005 et le 2006 «moins disant». Certaines associations, notamment dans le monde du social, risquent d'être désavantagées et c'est la raison pour laquelle je me suis abstenu. On aurait très bien pu s'arrêter au budget 2005, comme la loi le prévoyait.
Cela dit, année après année, notre canton voit son revenu cantonal augmenter. C'est indéniable. Par ailleurs, certains collègues parlent du niveau de la dette. Mais si, par exemple, je considère la norme européenne qui est de 60% par rapport au produit intérieur brut, on arrive dans les eaux actuelles au niveau du revenu cantonal.
Il faudrait qu'à un moment donné - et j'espère que vous le ferez, Monsieur le président - on ait des chiffres qui disent jusqu'où la dette est supportable, à partir d'où elle ne l'est plus, jusqu'où on peut aller, quelle est la partie du financement de la dette correspondant au financement des investissements et quelle est celle qui a contribué à celui du fonctionnement. Ce sont des analyses dont nous, députés, avons besoin pour ne pas dire n'importe quoi ! Sinon, effectivement, on entend beaucoup de choses et l'on n'a pas de valeur de référence de travail.
S'agissant du déficit du canton. Il est vrai que ce déficit est insupportable, car nous ne produisons pas des excédents primaires pour amortir notre dette. Il faudra qu'un jour on nous explique pourquoi ce canton produit des richesses qui augmentent année après année, et pourquoi les finances publiques sont déficitaires.
Un jour peut-être, on verra que l'assiette fiscale n'est pas correcte, ou que l'application des impôts n'est pas correcte, ou bien, tout simplement, que la solidarité n'est plus de mise, c'est-à-dire que la redistribution de la richesse produite dans ce canton ne se réalise plus. C'est peut-être quelque chose que nous aurons à étudier, ou dont le département aura à nous informer. Personnellement, j'ai besoin de ces données pour décider de certaines mesures qui nous seront proposées et que nous devrons voter. Il est nécessaire de savoir où l'on va.
A l'heure actuelle, on progresse au coup par coup et cela n'est pas possible. J'ai entendu dire que les mesures de rationalisation et d'efficience que vous allez introduire ne sont pas forcément nécessaires et qu'il faudrait en envisager d'autres. En ce qui me concerne, j'attends d'apprendre quelles seront ces mesures pour prendre mes décisions et voter en conséquence.
M. Pierre Kunz (R). Il faut le dire au Conseil d'Etat et à certains préopinants. L'objectif annoncé en matière budgétaire par le nouveau Conseil d'Etat est certes crédible, mais, enfin, il n'est pas tellement ambitieux. L'objectif en question revient à dire que nous allons faire à peu près 500 millions d'économies de caractère structurel, en quatre ans, dans le fonctionnement de l'administration publique. Or, ce chiffre convient d'être mis en relation avec deux autres chiffres.
Les dépenses de fonctionnement de l'Etat ont augmenté entre 1998 et 2005 de plus de 1,3 milliard. 25% en huit ans. Quant au nombre de fonctionnaires - dans l'administration cantonale seulement, sans parler des autres - il a augmenté de 3400, plus 16% !
Certains me diront qu'il y a l'inflation. Mais elle a été de 5% pendant cette période. D'autres me diront qu'il y a eu une augmentation de la population. Mais elle a été de 8,5% durant cette période. Voilà qui éclaire bien, Mesdames et Messieurs, nos folies dépensières de ces huit dernières années et qui relativise nettement l'objectif du Conseil d'Etat. Cela éclaire aussi fortement les gisements de productivité qui existent dans l'administration cantonale dont dispose le Conseil d'Etat. Alors, Messieurs, rendez-vous au 31 mars.
M. Pierre Losio (Ve). Après avoir entendu la très belle parabole de Noël de notre rapporteur M. Gautier, qu'il convient de remercier pour la rapidité avec laquelle il a rendu son travail, puisque nous avons terminé nos travaux mercredi soir et, le lendemain, nous avions déjà le rapport sur nos places. Il y disait qu'il est presque confortable d'intervenir dans un tel oecuménisme budgétaire, puisque la messe semble être dite et que ces douzièmes vont être acceptés.
C'est la première fois que nous nous trouvons dans une situation où les douzièmes ne sont pas imposés par le parlement au gouvernement, mais où c'est le gouvernement qui vient au-devant du parlement pour lui proposer la solution des douzièmes.
En effet, ce gouvernement s'est trouvé dans une situation consistant à se prononcer soit en faveur du vide, soit en faveur de la glaciation. En faveur du vide, c'est-à-dire en faveur de la vacuité complète du budget 2006 déposé, car on y retrouvait deux mesures déjà refusées - à des moment différents - par le souverain, et d'autres mesures prêtant presque à sourire et qui consistaient à supprimer 100 000 F à une association s'occupant de l'engagement des civilistes. C'est dire l'absence complète de sens de telles mesures.
Mais ces mesures, on les a déjà souvent dans un contexte budgétaire retrouvé. On peut observer qu'il ne s'agissait pas d'un remède sur le long terme, mais d'un empilement de Dermaplast pour essayer d'arranger une situation momentanée, et on sait très bien qu'un Dermaplast dure ce qu'il peut durer et que l'année d'après il convient d'en remettre une couche. Et cette année, on nous en a remis une couche, en tapant dans la caisse des SI, en ponctionnant les communes, ou en tirant au bazooka sur les mouches du service civil. Vous pouvez constater vous-mêmes la vacuité de telles solutions.
Il semble que le Conseil d'Etat ait choisi la glaciation. Vous savez que le retrait des glaciers, pour les écologistes, est quelque chose de préoccupant. Nous voudrons bien accepter qu'elle ne dure que trois mois. Et dans trois mois, nous pourrons prendre la mesure des solutions que proposera le Conseil d'Etat.
A ce sujet, j'ai relevé un paragraphe dans le rapport de notre collègue Gautier à propos de certains commissaires qui voyaient dans la démarche du Conseil d'Etat une manoeuvre politique. Quand on entend le mot manoeuvre, on a le sentiment qu'il se passe des choses pas très claires en coulisses. En fait, s'il s'agissait d'une manoeuvre stratégique, la ficelle était un peu grosse, puisque le conseiller d'Etat David Hiler accompagné par le président du Conseil d'Etat sont venus exprimer les choses de manière très claire et très simple devant la commission: «Nous vous demandons de nous faire confiance, nous demandons de pouvoir faire nos preuves, et il n'y a là derrière aucune manoeuvre.»
Quant au remède de cheval dont j'ai entendu parler, je pense que cela n'est pas de rigueur à l'heure actuelle. Si la rigueur doit être appliquée à nos finances cantonales, ce type de mesures un peu spectaculaires et à l'emporte-pièce n'ont jusqu'à aujourd'hui donné aucun effet. Et si remède de cheval il doit y avoir, ce remède de cheval doit durer au moins trois fois la piste de l'hippodrome, disons quatre, puisqu'à la fin du quatrième tour, il semblerait que le Conseil d'Etat envisage d'absorber le déficit structurel du budget de fonctionnement.
Quant à nous, nous ne pouvons que nous féliciter de cette démarche, car, en fait, ce n'est pas une manoeuvre, c'est une démarche très claire. Il y a une méthode et des échéances. Et nous attendons très volontiers le Conseil d'Etat à la fin de la période qu'il s'est fixée lui-même pour nous soumettre des propositions.
Je ne voudrais pas terminer sans reprendre une des phrases que le rapporteur a mentionnée tout à l'heure, quand il disait que pour danser le tango il faut être deux. En tout cas jusqu'à fin mars, nous serons deux, et nous, les Verts, nous nous en félicitons. Il ne s'agit pas d'un acte de foi, la confiance n'est pas la foi. Je ne sais pas si la grâce que notre président a évoquée hier à propos du ministre Hiler sera encore de rigueur à la fin des trois mois que l'on nous annonce. Nous attendons - non pas dans un acte de foi, mais dans un acte de vraie confiance - ce gouvernement. Et, s'il faut être deux pour danser le tango, il faut également de temps en temps donner des coups de pied dans les chevilles de son partenaire, pour lui rappeler que nous sommes deux. Et je pense qu'à cet égard le Grand Conseil, ses commissions spécialisées et la commission des finances ne manqueront pas de le faire.
Mme Virginie Keller Lopez (S). Il nous faudra bien des capacités de négociation et bien de l'imagination pour arriver à redresser les finances publiques tout en préservant notre Etat social, comme l'a démontré très justement et brillamment ma préopinante Anne Emery-Torracinta.
J'avais l'impression que l'on commençait cette législature avec une certaine volonté de négocier ou, au mois, d'essayer d'imaginer des consensus possibles. Et j'espère que l'on pourra travailler dans cet état d'esprit. Je suis donc aujourd'hui très déçue par le discours du parti radical, qui annonce d'ores et déjà des coupes drastiques dans les prestations, dans l'administration, dans un esprit menaçant. C'est dommage, votre discours, Monsieur Barrillier. On aura besoin de capacité de négociation et c'est là-dessus que je voudrais alerter le nouveau gouvernement, car je crois qu'on a la chance de pouvoir - peut-être - commencer à travailler... (L'oratrice est interrompue par des problèmes de micro.)
Je pense que la question de la méthode de travail est très importante. D'abord, parce que l'on a un nouveau gouvernement et un nouveau parlement qui ont montré des signes au niveau de leur volonté de négociation. Si on veut arriver dans quatre ans avec un bilan positif par rapport aux objectifs que l'on s'est fixés, il faudra que le Conseil d'Etat et le parlement fassent avec les gens. Au lieu de proposer n'importe quelles coupes aux communes, aux institutions, aux fondations parapubliques, etc., il nous faut travailler avec les gens, avec les partenaires sociaux, évidemment. Une réforme de l'Etat se fait avec les gens concernés, cela ne se décrète pas de nos bureaux ou de notre parlement sans avoir cet esprit de négociation et d'écoute. Les personnes ont des idées et, certainement, des propositions aussi.
La négociation se fera avec les communes. C'est quelque chose de fondamental. Quand on se promène dans notre canton, on n'a pas tellement l'impression d'avoir 13 milliards de dette. On a plutôt l'impression d'être dans une région relativement riche, aisée, avec une belle campagne, une belle urbanisation, de belles écoles. On n'a pas cette impression désastreuse que l'on entend à l'intérieur du département. Je pense qu'il y a beaucoup de richesses dans ce canton et qu'elles ne sont peut-être pas toujours si bien partagées et redistribuées que cela. Le gouvernement a une possibilité d'entrer en matière dans des négociations fondamentales pour que, sur un petit territoire comme le nôtre, tout le monde puisse bénéficier des mêmes prestations et payer la même chose en termes d'impôts.
Ensuite, si tout le monde se met autour de la table et propose de négocier et de travailler de manière consensuelle, j'attendrais des partis de la droite - et je ne crois pas que l'on soit parti comme cela avec le projet de lois que nous avons étudié hier - j'attendrais des partis de l'Entente qu'ils cessent de proposer des projets de lois qui péjorent... (L'oratrice est interpellée.) Qu'ils cessent de proposer des coupes par le biais de projets de lois qui entraînent des baisses d'impôts.
Il est fondamental que, vous aussi, vous marquiez votre volonté de négocier en vous inscrivant dans un processus de consensus pour redresser les finances de l'Etat. Si chacun d'entre nous arrivons avec des propositions dans ce cadre-là, peut-être arriverons-nous dans quatre ans à redresser les finances.
J'aimerais dire maintenant une chose par rapport à la position du groupe socialiste. Certes, le redressement des finances publiques est une chose importante, fondamentale, car, à long terme, ce sont aussi des finances saines qui permettent un Etat social. Mais ce ne sont pas les seuls objectifs du parti socialiste. Comme mes préopinants l'ont très bien montré, un Etat social fort, une redistribution des richesses et une solidarité dans la population, ce sont des valeurs auxquelles nous ne dérogerons pas, et nous espérons que là aussi nous pourrons trouver un consensus.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. Mesdames et Messieurs les députés, j'ai écouté avec intérêt les nombreux - pour ne pas dire plus - intervenants. A ceux qui ont brandi des chiffres - ils sont peu - j'aimerais dire que je suis prêt à discuter des chiffres en commission. Je n'entends pas demander à mes services de vérifier chaque chiffre brandi dans cette enceinte. Il serait plus simple que l'on discute assez soigneusement de l'état des lieux, que l'on vérifie si les informations sont exactes et que l'enceinte de ce parlement ne serve pas à utiliser - au gré des humeurs politiques ou de l'enthousiasme - des chiffres qui, isolés de leur contexte, ne disent pas grand-chose.
Deuxième chose. J'aimerais être précis à l'égard du groupe démocrate-chrétien pour qui - chacun le sait - j'ai la plus grande amitié. Mais alors, Mesdames et Messieurs les membres du groupe démocrate-chrétien, si vous vouliez, par extraordinaire, un budget à 300 millions, il fallait commencer par dire que vous souteniez l'ensemble des mesures proposées par le Conseil d'Etat. Il vous fallait, tâche un peu plus difficile, trouver 51 voix qui partagent cet état d'esprit, car, je vous le répète, il n'y a pas de budget à 300 millions aujourd'hui. Ce n'est pas vrai, il n'existe pas, tout simplement parce que les mesures les plus lourdes sont d'ores et déjà refusées par le parlement, sous réserve du peuple. Je l'ai dit en commission des finances, et je le redis pour être très clair: je n'entends pas jouer à la patate chaude que l'on se balance d'année en année. A quoi sert-il d'inscrire au budget des mesures qui n'ont pas l'aval du parlement ou du peuple au moment où on les inscrit au budget ? Cela sert à avoir des budgets meilleurs que les comptes, très bien. Mais ce que l'on doit avoir, ce sont des comptes meilleurs que le budget, et pas l'inverse. J'insiste sur ce point, car c'est la méthode que le Conseil d'Etat vous a proposée et vous proposera d'adopter - il n'y en a pas d'autre.
Le projet du Conseil d'Etat porte sur un paquet de mesures sur l'efficience. On peut les annoncer, les chiffrer, mais elles prennent un certain temps à être mises en place. Nous en parlions en aparté avec mon collègue Muller qui a quelques pistes. Evidemment, il faut tout de même que l'on planifie les économies que cela induit, car on ne peut pas mettre n'importe quelle mesure en place demain matin. C'est donc bien l'objectif zéro que nous devons atteindre à la fin de la législature. Mais, contrairement à ce qui s'est passé jusqu'ici, nous entendons vous tenir au courant au fur et à mesure. Et, effectivement, rendez-vous au 31 mars. Nous vous dirons quelles sont les décisions que nous entendons prendre, en quelle année elles seront effectives du point de vue de l'impact budgétaire, et qui a le pouvoir de décision - pour une partie c'est bel et bien le Conseil d'Etat - de sorte que vous ayez une vue d'ensemble.
Si vous demandez que nous atteignons les objectifs du plan financier quadriennal, je suis désolé de vous dire qu'il y a fort peu de chances que nous présentions un budget atteignant cela - sauf à tricher, on peut le faire - mais peut-être aurez-vous des idées dans ce sens.
Si vous avez l'intention de nous dire: «Nous exigeons que vous atteignez les 300 millions», alors même que vous savez que cela était fondé sur l'espoir - assez vain - que tant le parlement que le peuple accepteraient des mesures un peu bricolées en fin de législature, nous vous disons que nous ne le pouvons pas.
En revanche, et là je voudrais être sérieux une minute. Neuchâtel. Il se trouve que je reçois les procès-verbaux de la conférence romande des ministres des finances. M. Studer dit la chose suivante: «Un certain nombre de mesures sont intelligentes et vont vers l'efficience». Et puis - je le paraphrase - la situation du canton «est tellement désastreuse que l'on a pris des mesures idiotes». Prendre des mesures systématiquement en termes d'indexation - nous le ferons - et en termes de blocage des mécanismes salariaux - nous le ferons - n'est pas la solution à la crise des finances publiques. Il y a un moment où ces palliatifs incessants vont contre l'efficience. Est-ce que vous pensez que l'on peut raisonnablement demander toujours et encore à des jeunes collaborateurs qui travaillent depuis longtemps sur la réforme de l'Etat - car celle-ci n'est pas achevée mais elle est en cours depuis des années - est-ce que vous pensez vraiment que l'on peut leur demander d'être compétents, d'avoir une bonne formation, de travailler au-delà des heures de travail prévues, et en plus, de ne jamais toucher la moindre annuité ? Il y a un moment où cela s'arrête. Est-ce que vous pensez vraiment que je peux demander à des collaborateurs de ne pas toucher d'annuités pendant cinq ans et d'être - puisqu'ils sont au début de l'échelle - les seuls à payer, alors que certains touchent toutes leurs annuités ? Je ne pense pas que cela soit une très bonne idée. On devra faire des choses qui ne sont pas très intelligentes, parce que, dans la vie, on ne fait pas toujours ce que l'on veut. Mais, dire que c'est cela la politique, non ! Ce n'est pas une politique.
En ce qui concerne le statut de la fonction publique - je le dis et le répète, Mesdames et Messieurs - c'est effectivement une question politique centrale. D'expérience, je n'ai jamais constaté que les changements de système apportent des économies à court terme, car, généralement, pour faire passer le nouveau système, on est obligé d'en mettre un peu plus, c'est comme cela. Il n'y a pas de tabou, on peut parler de cela comme on peut parler de tout - comme on peut parler des impôts - ce que nous souhaitons, avec vous, et c'est cela la méthode, c'est de mettre en vigueur tout de suite ce sur quoi une forte majorité de ce parlement est d'accord, et ce sur quoi le peuple a priori doit être d'accord aussi. Il ne faut pas perdre trop de temps à parler de ce que nous pouvons raisonnablement penser que le peuple n'acceptera pas sans broncher et de ce qui provoquera des débats incessants dans ce parlement.
Politique sociale. Politique sociale, oui, Monsieur Kunz. Le problème n'est pas exclusivement son coût, à vrai dire. La question est de savoir si elle est efficace ou pas. Permet-elle ou non la réinsertion des gens ? Ce sont les questions que l'on doit se poser. Si, par hypothèse, elle n'est pas efficace, ou si elle n'est que modérément efficace, nous devrons la changer. Je ne crois pas que la bonne idée soit forcément de la changer dans une perspective financière. S'il faut la changer, c'est dans une perspective d'efficacité. Je ne vous cache pas qu'évidemment, si la réinsertion des personnes aujourd'hui à l'assistance est meilleure, c'est un fort soulagement pour notre canton et pour nos finances.
De ce point de vue, je profite pour dire à M. Velasco que les prestations sociales ne sont absolument pas visées par la question des douzièmes. En principe, comme vous avez gelé les projets de lois qui concernent le social, ils ne peuvent pas s'appliquer avant d'être votés. Ce sont donc les lois actuelles qui s'appliquent et il n'y a donc pas à inventer des choses inquiétantes là où il n'y en a pas.
Effectivement, nous viendrons avec un paquet de mesures et nous accepterons d'être jugés sur ce paquet de mesures. Mais ces mesures ne s'appliqueront pas toutes en 2006, certaines s'appliqueront en 2007. D'autres s'appliqueront progressivement en 2008-2009. Toutes ces mesures seront connues et la base de référence sera bien sûr les comptes 2005.
Nous n'avons pas 500 millions à rattraper. Ce que nous devons avoir en réalité c'est une croissance des dépenses sensiblement inférieure à celle des recettes. L'ensemble du travail sur l'efficience va nous permettre de dégager des postes qui tantôt serviront à permettre de réduire le déficit, mais qui nous permettront également de faire face à de nouvelles tâches. Et, si nous n'avions pas cette allocation optimale, nous devrions créer de nouveaux postes, alors que dans le cas d'espèce nous les transférons. C'est bien la démarche que nous vous proposons. Ceux qui l'ont fait - parce qu'il y en a qui l'ont fait, assez largement, notamment le canton de Berne - disent une chose que je vous remercie de bien enregistrer. On peut se faire pas mal de centaines de millions comme cela, mais ce n'est pas du tout certain que l'on puisse combler l'ensemble de notre déficit par ce type de mesure d'efficience. Commençons par celles-là, mettons-les en marche. Décidons ce que nous pouvons décider ensemble. Et, à un moment donné, le débat politique va reprendre ses droits.
Il y a peut-être un moment, Mesdames et Messieurs les députés, où vous allez bel et bien devoir trancher entre des coupes - qui font mal - et des augmentations d'impôts - qui font mal. Mais, je vous en conjure, laissez le Conseil d'Etat mener l'opération d'amélioration de l'efficience en paix, car je suis persuadé que nous ne faisons de mal à personne, et surtout pas aux collaborateurs qui sont les premiers à souhaiter ne pas être bloqués constamment pour des questions de procédure ou pour un manque de transversalité dans leur travail. Je remercie le Grand Conseil - après la commission des finances - de l'esprit constructif dans lequel il travaille. Je m'engage à améliorer très sensiblement l'information mensuelle dont la commission peut avoir besoin sur les grands chiffres et à répondre rapidement aux questions que vous pouvez vous poser - et je vous rappelle que je me les pose en même temps que vous.
Le seul petit bémol est le suivant. Nous viendrons avec les mesures le 31 mars et il n'y aura pas de point intermédiaire. Mais, dès lors, vous aurez le reporting - je m'excuse Monsieur Marcet - qui vous permettra de suivre mois par mois, l'avancement des mesures selon le calendrier prévu par le Conseil d'Etat. Cela je peux le faire, trois mois, c'est tout ce qui vous est demandé. L'information s'améliorera déjà pendant ces trois mois, à mesure qu'elle s'améliore pour votre serviteur et l'ensemble des conseillers d'Etat. Je vous le garantis, quel avantage aurait le Conseil d'Etat à s'écarter de la transparence ? Merci, Mesdames et Messieurs les députés. (Applaudissements.)
Le président. Monsieur le conseiller d'Etat veut ajouter quelque chose ?
M. David Hiler. Oui, à la commission des finances, dans le projet d'annexe, le Conseil d'Etat retire le projet de loi sur l'Armée du Salut - pour des raisons que chacun connaît - de la liste à laquelle les mécanismes salariaux s'appliquent, non pas pour favoriser ladite institution, mais tout simplement parce que les rapports que nous entretenons avec elle méritent quelques éclaircissements suite à des révélations dont j'ai pris connaissance à la dernière commission des finances. Le Conseil d'Etat partage tout à fait le voeu de la commission des finances mais ne souhaite pas que cette question soit longuement discutée ici.
Le président. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. J'espère que vous n'avez pas pensé que les coups que l'on entendait étaient une manifestation d'impatience du parlement. Je crois qu'il y a des travaux au département du territoire. Vous me direz que c'est bien la moindre des choses...
Mis aux voix, le projet de loi 9753 est adopté en premier débat par 80 oui et 1 abstention.
La loi 9753 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9753 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 75 oui et 7 abstentions.
Le président. Il me semble que vous êtes dissipés, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez de la peine à vous concentrer. Rassurez-vous, dans vingt minutes, nous prendrons une petite pause pour aller manger la soupe offerte par l'Union des maraîchers. D'ici là, je vous demande encore un petit effort. Imaginez ce qui se serait produit si nous avions commencé - comme le voulaient certains chefs de groupe - à 8h au lieu de 10h. Il n'est que 11h40.
Mise aux voix, la proposition de motion 1654 est rejetée par 36 non contre 25 oui et 2 abstentions.
Débat
M. Eric Stauffer (MCG). Cette motion est importante ! (Brouhaha. Rires.) Vous pouvez rigoler, avec près de 30 000 chômeurs, ce n'est pas un sujet drôle. Aussi, je vous demande un peu de tenue, Mesdames et Messieurs les députés ! (Brouhaha. Rires.)
Dans le discours de Saint-Pierre, M. le président du Conseil d'Etat a dit, je cite: «Un chômeur est un chômeur de trop.» Mesdames et Messieurs, dans l'administration, nous savons qu'il y a plus de 8000 frontaliers étrangers qui dépendent directement de l'Etat. Aussi cette motion est de la plus haute importance, car différence est faite entre les secteurs administratifs - au sein de l'administration - et les secteurs où, pour l'instant, la formation prodiguée par l'Etat de Genève ne serait pas suffisante pour engager des résidents. Je parle ici du département de la santé et notamment des infirmières. J'espère que cela sera corrigé dans les années futures pour améliorer la formation de nos infirmières. (Brouhaha.) En attendant, cette motion est faite pour le secteur administratif. Je sous-entends... Monsieur le président, il y a un peu de brouhaha, je n'arrive pas à m'exprimer.
Le président. Non, je vous entends bien, Monsieur le député, vous pouvez poursuivre. Mesdames et Messieurs, ceux qui, par hasard, ne seraient pas intéressés par la proposition de M. Stauffer voudront bien se retirer, les autres écoutent silencieusement. Monsieur Stauffer, vous pouvez continuer avec votre filet de voix.
M. Eric Stauffer. Merci. D'autre part, je demande un vote nominal afin que la population sache qui veut défendre ou pas les résidents genevois.
Ensuite, il faut savoir que dans l'administration les chiffres existent. Il est vrai qu'ils sont difficiles à obtenir, car le service de la statistique genevois ne fait pas de différence entre les frontaliers dits suisses et les frontaliers dits étrangers, et effectivement cela est assez compliqué. En revanche, Berne a fait cette différence et selon les chiffres de l'OCSTAT à Berne, nous avons - dans différents secteurs comme l'administration publique, défense, sécurité, social - près de 300 frontaliers étrangers.
La différence est faite entre un frontalier suisse et un frontalier étranger. Si nous accueillons aujourd'hui une entreprise qui créerait 300 emplois administratifs, cela serait un bien pour tout le monde, car cela serait 300 chômeurs de moins. Et ces 300 chômeurs ne dépendraient plus de l'Hospice général. Nous savons que nous allons fabriquer de plus en plus de chômeurs de longue durée qui finissent à la charge de l'Hospice général et qui coûtent au canton. Le faux calcul de dire qu'un chômeur dépend d'une assurance fédérale est un calcul simpliste, à court terme, et qui est parfaitement irresponsable pour un parlement. Il faut donc tout faire - et je dis bien tout faire - pour respecter le discours de Saint-Pierre de M. le président du Conseil d'Etat, Pierre-François Unger: «Un chômeur est un chômeur de trop.»
Cette motion ne va concerner que quelques centaines de personnes. Mais ce sont déjà quelques centaines, et c'est un signal important que vous donnerez aux chômeurs résidents sur le canton de Genève. Aussi, je vous demande de bien vouloir soutenir cette motion, par respect pour nos concitoyens.
J'ajouterai que la réciproque n'est pas établie, avec la France notamment. J'en veux pour preuve que si un citoyen suisse ou un citoyen européen - à l'exclusion de la France - voulait travailler dans l'administration d'Annemasse ou de Saint-Julien, il se verrait opposer une fin de non-recevoir, car il n'a pas le passeport français.
J'entends bien qu'un travailleur genevois - suisse - n'irait pas travailler en France pour des simples raisons salariales, puisque les salaires que leur administration propose sont de l'ordre de 800 ou 900 euros. Mais la question n'est pas là, la question porte seulement sur la réciproque.
D'un point de vue constitutionnel, il est inscrit dans les accords du 11 mars... Je vous donnerai la date ultérieurement, elle est dans l'interpellation urgente qui concerne aussi la péréquation fiscale transfrontalière. Dans ces textes signés entre la France et la Confédération suisse, il est prévu que certains secteurs n'ont pas la réciprocité et que la différence peut être faite entre les travailleurs nationaux et étrangers. Mais nous n'allons pas jusque-là. Nous demandons simplement qu'au sein de l'administration les fonctionnaires payés par les deniers publics soient simplement résidents genevois. Pourquoi ? Parce qu'ils vont payer leurs impôts en totalité sur le canton de Genève ! Nous savons que nous ne conservons que 60% environ des impôts perçus sur les frontaliers. C'est aussi un phénomène important car, dans une vision plus globale de cette équation, si chaque fois qu'un emploi se crée nous y mettons un frontalier, exponentiellement, nous devrons réduire le nombre de fonctionnaires et les prestations sociales, car il y aura une différence de plus en plus grande. C'est comme si aujourd'hui on faisait une réduction de 40% des impôts. Voilà à quoi équivaut l'engagement d'un frontalier.
Nous n'allons pas jusque-là. Cette motion est la version soft de ce que nous prônons, c'est-à-dire la suspension immédiate de l'engagement de frontaliers étrangers au sein de l'administration dans le secteur administratif.
Mesdames et Messieurs les députés, j'ai demandé le vote nominatif et j'espère que je serai suivi. Il est important de donner un bon signal aux chômeurs de ce canton.
M. Christian Brunier (S). «Un chômeur, c'est un chômeur de trop» est une idée largement partagée par l'ensemble des députés de ce parlement. Mais l'emploi est un sujet difficile et il faut éviter de traiter cette problématique complexe avec des solutions un peu trop simplistes qui créeraient des faux espoirs pour les chômeurs. M. Stauffer et le MCG ont pris comme cible les frontaliers à plusieurs reprises. Mais, aujourd'hui, quelle est la définition d'un frontalier ? Les gens vivent depuis des décennies à travers les frontières, d'une manière régionale. Les frontaliers, c'est une notion de plus en plus en mouvance.
Je vous l'ai dit dans les coulisses du Grand Conseil, Monsieur Stauffer, j'ai engagé dernièrement quatre personnes. Deux de ces personnes sont considérées comme frontalières, alors qu'elles sont nées à Genève et y ont fait leurs écoles, mais elles n'ont pas trouvé d'appartement à Genève. Les deux autres personnes que j'ai engagées vivent à Genève, mais ce sont des personnes d'origine étrangère - canadienne et française - qui se sont mariées avec des Genevois ou des Genevoises. Quelle est la définition aujourd'hui ? Nous sommes dans une région où les gens vivent au-delà des frontières et tant mieux, parce que c'est l'avenir de notre région - de notre bassin de population - de vivre au-delà des frontières, économiquement, socialement et culturellement.
Ensuite, c'est une motion qui vous arrange un peu. Vous ne voulez pas engager des frontaliers dans les secteurs administratifs de l'Etat, c'est-à-dire que lorsqu'on a vraiment besoin des frontaliers - comme dans le secteur de la santé - vous fermez les yeux, car vous savez très bien que, si vous demandez aux frontaliers et aux frontalières travaillant au HUG - entre autres - de quitter l'hôpital cantonal, nous n'aurions plus de quoi traiter les malades convenablement ! Nous ne trouvons tout simplement pas de main-d'oeuvre à Genève. Et, de nouveau, c'est normal. Nous travaillons dans un bassin régional.
Troisièmement. Vous considérez la région un peu quand cela vous arrange. Quand il y a des problèmes de logement à Genève, je n'entends pas le MCG crier contre le scandale des gens qui vivent au-delà de la frontière. Vous exportez assez facilement la crise du logement, par contre, pour accueillir des gens en termes d'emploi, vous fermez les frontières. Soit on développe une politique à l'albanaise où on ferme les frontières, où on est replié sur soi-même - comme aussi en Corée - soit on développe une vraie politique régionale, où l'on partage un certain nombre de difficultés, mais aussi un certain nombre d'opportunités. Et les projets régionaux aujourd'hui développés - par le Conseil d'Etat et une majorité du Grand Conseil qui dépasse largement le clivage droite-gauche - sont des projets porteurs pour l'avenir en termes économiques, sociaux et culturels.
Des études de l'université et de l'office cantonal de l'emploi confirment qu'il n'y a pas de corrélation entre l'augmentation des frontaliers et l'augmentation du chômage. Je vous rappelle que dans les années 1996-1997, le taux de chômage était supérieur à celui d'aujourd'hui et, pourtant, il y avait la moitié moins de frontaliers. Vous savez très bien qu'il n'y a pas de corrélation. Votre motion attaque le vrai problème du chômage, mais ce n'est pas avec de telles solutions que nous allons le résoudre. Nous demandons le refus de cette motion.
Le président. Le Bureau clôt la liste. Sont encore inscrits Mme et MM. Hodgers, Hiltpold, Nidegger, Stauffer et Borgeaud.
M. Antonio Hodgers (Ve). Quand on parle du chômage, on cherche volontiers des boucs émissaires. Ces quatre dernières années, le credo du parti libéral était de s'attaquer aux chômeurs: «Si ces gens-là ne trouvent pas d'emploi, c'est parce qu'ils ne sont pas assez compétents, pas assez appétents, on va donc leur couper leur aide.»
Historiquement, différents cercles de population ont été visés. Il y a quelques dizaines d'années, les femmes arrivaient sur le marché l'emploi et on disait que les femmes qui travaillent créent des pertes d'emploi chez les hommes. Après, l'immigration sud-européenne est venue sur des marchés spécifiques de l'emploi - parce que notre pays en avait besoin - et là encore, des mouvements comparables au vôtre, Monsieur Stauffer, ont crié au dumping, au fait que cette immigration créait du chômage. Plus récemment, c'était les illégaux, les Africains, et maintenant - en cette période d'Escalade peut-être - ce sont les frontaliers.
Vous soulevez le vrai problème du chômage et vous avez raison de dire que ce débat est très sérieux. Cela a été dit par M. Brunier et je partage son opinion. Ce problème est un problème complexe. Je prends à témoin les membres de la commission de l'économie qui, lors de notre dernière séance avec M. Lamprecht, et avec la sincérité qui le caractérise, nous a dit: «Quand je suis arrivé au département de l'économie, le chômage a baissé à Genève. Est-ce que je me suis glorifié de cela ? Non, car ce sont souvent des contextes internationaux qui font que le marché de l'emploi, dans une petite ville comme la nôtre, évolue de manière positive ou négative.»
Aujourd'hui, Genève est dans une situation négative au niveau de l'emploi, personne ne le conteste. Une grande partie de cette situation dépend du contexte international, et une autre partie dépend de la politique que l'on peut mettre en oeuvre. Mais alors, il faut que cette politique soit cohérente et efficace.
Genève s'engage de plus en plus dans une politique de la région, une politique de l'agglomération qui vise à développer avec nos voisins confédérés et français, une visée commune en termes économiques, sociaux, de transport et d'aménagement du territoire - on l'espère ! - et pourquoi pas aussi en termes fiscaux, puisque ces problèmes ont été soulevés et qu'ils sont pertinents. Dans ce cadre, imposer des limites à l'emploi pour des gens qui habitent juste de l'autre côté de la frontière n'a aucun sens. Cela n'a aucun sens et n'aura aucun effet sur le chômage parce que - cela a été dit aussi, et votre motion vise bien le secteur administratif - ces secteurs, où effectivement Genève connaît une population au chômage compétente en matière administrative, sont des secteurs très peu occupés par les frontaliers qui sont présents sur des secteurs où Genève manque de main-d'oeuvre.
Par conséquent, vous faites du populisme sur ce sujet et c'est regrettable, car je suis persuadé que votre préoccupation est sincère à la base, au moins en ce qui concerne les citoyens. Mais je regrette que vos solutions soient si simplistes.
Une autre préoccupation est - et là je m'adresse au reste du parlement - le dumping. Aujourd'hui, le recrutement à l'externe de notre canton doit être celui des compétences mais ne doit pas être celui dumping salarial, c'est-à-dire d'aller chercher des salaires plus bas. A ce niveau, j'engage le nouveau responsable du département de la solidarité et de l'emploi à être tout à fait attentif à cette problématique. Si, dans ces prochaines années, avec l'ouverture des frontières que nous avons votée et que nous avons pratiquement tous appelée de nos voeux, dans ce pays et dans ce canton, on voit les salaires des professions les plus basses baisser, notamment dans les secteurs où il y a une grande présence de frontaliers, la population va perdre confiance en ces ouvertures de marché et sera de plus en plus nombreuse à répondre aux discours du Mouvement Citoyen. Mme Emery-Torracinta parlait de la montée du fascisme à une certaine époque en Europe. Cette montée s'est basée sur ce type de frustrations, de voir une économie fonctionner sur le dos des plus faibles. La lutte contre le dumping est quelque chose de fondamental si l'on veut être crédible sur ce discours d'ouverture des marchés et de partage de la région avec nos voisins, en bonne entente.
Pour tous ces motifs, il faut bien sûr ne pas voter en faveur de cette motion, mais il faut aussi s'engager à traiter le problème du chômage sur ces problèmes structurels et non pas sur des petites gesticulations comme celle-la.
M. Hugues Hiltpold (R). Je tiens tout d'abord à préciser que je m'exprime au nom des partis de l'Entente et non pas uniquement au nom du groupe radical.
Genève a toujours compté, dans sa population, un peu plus de la moitié de personnes étrangères. Genève a construit sa notoriété et son rayonnement par la diversité de sa population et bien entendu par les personnes qui y travaillent, dont les frontaliers qui ont participé au développement économique de notre canton. Il faut être conscient que si les frontaliers n'exerçaient plus leur profession, Genève s'arrêterait de tourner du jour au lendemain.
S'agissant de la motion proposée par le groupe MCG. Les considérants font état d'un certain nombre de constats factuels qui ne semblent pas poser de problème à la plupart des groupes dans cette enceinte, à l'exception peut-être de la stigmatisation de l'Etat de Genève en matière d'embauche et de formation des résidents genevois.
Par contre, on ne peut pas soutenir l'invite, car on ne peut raisonnablement pas demander la suspension immédiate de tout engagement de frontalier au sein de l'administration. Cela poserait des problèmes d'effectifs conséquents. On a recensé une proportion conséquente de travailleurs frontaliers dans des secteurs d'activités connaissant d'importantes pénuries et que la main-d'oeuvre locale n'a pas été en mesure de combler. Je pense plus particulièrement aux secteurs de la santé, de l'informatique et de l'enseignement. L'Etat n'a pas suffisamment de personnes à sa disposition par rapport au nombre de postes à pourvoir et il faut en être conscient.
S'agissant des objectifs énoncés dans la motion, le problème du chômage est un problème majeur pour Genève. Notre Conseil et le Conseil d'Etat devront l'endiguer au plus vite, car on ne peut raisonnablement plus admettre un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Tous les partis dans cette enceinte sont d'accord avec ce constat et pour dire qu'il faut que nous y remédions au plus vite. Mais imaginer que la motion proposée par le groupe MCG résoudra quelque chose est purement illusoire. Elle ne fait que stigmatiser le problème et le reporter sur une catégorie des travailleurs, en disant que c'est de leur faute si on a une crise de l'emploi. Cela, Mesdames et Messieurs, nous ne pouvons pas y souscrire. On pourrait même aller jusqu'à admettre que cela peut être considéré comme une chasse au sorcières.
Enfin, il faut rappeler une pratique en vigueur depuis plus de quinze ans à l'Etat de Genève qui prévoit qu'en matière d'embauche, à compétence et expérience équivalentes, les candidatures des personnes au chômage sont examinées en priorité.
Enfin, on ne peut pas passer sous silence le projet de loi actuellement en traitement à la commission ad hoc du personnel et qui prévoit de mettre en place un système de libre établissement, proposition faite par le groupe UDC.
Je conclurai sur une note historique et un peu humoristique - de circonstance en l'occurrence - l'Escalade. Vous le savez tous, les combattants genevois - morts aux combat - qui ont repoussé les assaillants savoyards, étaient pour la plupart des étrangers de passage venus faire commerce à Genève. Bref, les frontaliers de l'époque. (Applaudissements.)
M. Yves Nidegger (UDC). Le groupe UDC recommande également de rejeter cette motion. On peut penser ce que l'on veut du fait que les frontières se soient abaissées, voire aient disparues, il n'en reste pas moins qu'il faut vivre avec et que la solution n'est pas de se réfugier dans un autisme d'une sorte ou d'une autre, et des deux côtés de l'hémicycle.
Il faut s'adapter. Il faut s'adapter sur le terrain économique, sur celui de la formation et celui du social. Trois domaines où nous sommes absolument dépassés par l'ouverture des frontières. En matière d'économie, il faudra laisser respirer les entreprises et ne pas les accabler d'impôts et d'autres empêchements de fonctionner en rond. Et lorsqu'il y a de l'emploi parce que l'économie fonctionne, il y a de l'emploi pour tout le monde et d'autant plus facilement pour ceux qui habitent près de cet emploi que pour ceux qui habiteraient loin du même emploi.
En matière de formation, ce qui est choquant n'est pas qu'une grande partie des employés de certains secteurs habite de l'autre côté de la frontière, ce qui est choquant c'est que notre système scolaire et de formation soit incapable de former notre propre main-d'oeuvre, alors même qu'il existe un nombre croissant de nos résidents qui vivent d'aide sociale. Finalement, ce qui pose problème - on parle de fracture sociale en France - c'est qu'il y a une fracture de l'aide sociale. Lorsque nos minima d'assistance sociale locale qui s'appliquent aux résidents et à eux seuls sont trop proches des montants que l'on perçoit en travaillant, voire supérieurs au SMIC de l'autre côté de la frontière, l'attractivité ne joue évidemment pas.
Un chômeur frontalier à qui l'on propose un emploi convenable de l'autre côté de la frontière se dépêche d'en trouver un sur le territoire genevois, parce qu'il sera plus lucratif, alors qu'un chômeur genevois peut se permettre de refuser des emplois qui ne seraient évidemment par refusés par des frontaliers qui sont mangés à une autre sauce sociale, c'est là que se trouve le problème.
Il s'agit donc de regarder en face le fait que les frontières ne sont plus là, qu'il faut vivre avec un esprit de compétition et ce n'est pas en interdisant quelques centaines de postes dans l'administration qu'on résoudra ce type de problème structurel et beaucoup plus fondamental.
M. Eric Stauffer (MCG). Je suis outré de ce que j'entends. Dans cette motion, je ne parle que de quelques centaines d'emplois qui seraient donnés à nos résidents genevois. Si j'entends bien, entre l'Entente et la gauche, en haut et en bas, vous êtes tous contre. Vous en répondrez devant nos concitoyens, tôt ou tard ! Le jour où les 30 000 chômeurs vont descendre dans la rue pour dire: «Nous ne trouvons plus d'emploi, notre condition et notre pouvoir d'achat ont baissé !»... (L'orateur est interpellé.) Il y a 30 000 demandeurs d'emploi, dont 16 000 sont inscrits au chômage, 5 000 ou 6 000 dépendent de l'Hospice général et tous les autres ne sont inscrits nulle part mais sont demandeurs d'emploi.
Quand ces gens descendront dans la rue pour vous demander des comptes, vous demander ce que vous avez fait pour...
Le président. Monsieur le député, nous ne sommes pas sourds.
M. Eric Stauffer. Excusez-moi, c'est de nature, j'ai la voix qui porte. (Rires.)
Le président. Oui, mais justement, nous ne sommes pas sourds.
M. Eric Stauffer. Vous expliquerez à ces braves gens qu'en prônant l'ouverture où nous n'avons pas la réciprocité, et bien, il fallait aussi refuser de protéger nos résidents genevois. Et ce n'est pas une forme de populisme, comme je l'ai entendu dire avant. C'est scandaleux d'utiliser des termes comme cela quand on veut protéger et défendre nos concitoyens résidents à Genève. Et je vous rappelle que, parmi les résidents, nous avons quasiment 50% d'étrangers à Genève. C'est aussi eux que l'on veut protéger, ce sont des gens qui viennent partager le quotidien des Genevois et pas des gens qui viennent seulement se servir dans la manne financière pour aller vivre de l'autre côté. (Exclamations.)
D'autre part, encore une fois, vous êtes tous partis sur la problématique des frontaliers dans le concept global. Ce n'est pas l'objet de la motion, Mesdames et Messieurs. L'objet de la motion est dans l'administration. Nous comprenons dans ce terme les employés de bureau, les réceptionnistes et tout ce qui est lié à l'administratif.
Il était de votre devoir de députés face à la population de donner l'exemple pour favoriser les résidents genevois. Encore une fois, je demande le vote nominatif. Je vous fais une promesse, Mesdames et Messieurs, dans quatre ans, je rappellerai qui a voté pour et qui a voté contre. Et j'espère sincèrement qu'un jour les gens de la Genève d'en bas - vous savez, ceux qui pour vous sont très abstraits, surtout pour ceux qui sont avocats et qui gagnent des centaines de milliers de francs par année - j'espère qu'un jour ces gens vous feront entendre leur voix. (Huées.) J'en ai terminé Monsieur le président.
Le président. Je pense que c'était le bon moment pour s'arrêter. J'indique à MM. Kunz et Deneys que la liste était close et que par conséquent je ne leur donnerai pas la parole.
Mme Sandra Borgeaud (MCG). Je constate une seule chose... (Bruit de larsen provenant du micro de l'oratrice.) Je constate une seule chose, c'est que le chômage n'arrête pas d'augmenter. Vous rigolez systématiquement du Mouvement Citoyen Genevois qui vient d'entrer dans la nouvelle députation, suite au choix du peuple.
J'aimerais connaître les propositions que vous avez faites concrètement ces dernières années, car, pour dire aux femmes qu'elles restent à la maison pour faire des enfants, il faudrait pour cela que les hommes aient du travail et un salaire décent, ce qui n'est absolument pas le cas.
Au niveau de l'instruction publique, il faudrait trouver des bonnes propositions afin de motiver les élèves à choisir des métiers peut-être salissants à vos yeux, comme d'aller travailler dans des hôpitaux, des EMS ou ailleurs, mais où l'on a besoin de personnel. Vous pensez peut-être aussi que le fait d'engager des personnes à l'extérieur fait que vous les payez moins cher, mais vous oubliez une chose: les loyers ne cessent d'augmenter, de même que les assurances-maladie, les impôts, etc.
Si, aujourd'hui, une personne au chômage se permet éventuellement de refuser un poste à 1000 F de moins que ce qu'elle touche au chômage, c'est peut-être parce que personne ne va venir payer ses factures à la fin du mois.
Il faut essayer de promouvoir les métiers manuels, de donner un peu plus de motivation aux élèves. Quand on voit ce qu'ils font dans la rue - je m'excuse - mais cela ne donne pas franchement envie d'aller à l'école. Et quand on voit le comportement de certains professeurs... Il n'y plus aucune éducation, plus aucune instruction.
Tout cela entre en ligne de compte pour le chômage qui va continuer d'augmenter si on ne parvient pas à trouver des personnes résidentes à Genève et à les motiver à rester chez nous. Apportez des propositions avant de critiquer, ce serait une bonne chose.
Le président. Je serais reconnaissant au service du Grand Conseil de profiter de la pause de tout à l'heure pour examiner comment supprimer les bruit de larsen. Parce que même s'il y en a un à droite et un à gauche, c'est tout de même un peu difficile.
M. David Hiler, conseiller d'Etat. La première chose que je souhaite bien établir, c'est que le Conseil d'Etat a grand souci par rapport à toutes celles et à tous ceux qui se trouvent dans une situation de chômage de longue durée, qu'ils soient dépendants de l'assurance-chômage ou que malheureusement ils soient déjà assistés par l'Hospice général. Nous avons grand souci. Tout simplement parce que pour ceux qui sont dans un régime d'assistance, c'est tout sauf une vie agréable. Bien sûr, les gens ont un revenu. Mais quelles perspectives ? Vous imaginez-vous les uns et les autres pouvoir vivre sans perspectives ? Non.
Monsieur Stauffer, vous proposez une solution. La majorité de ce parlement, vous l'avez entendu, ne la trouve pas très bonne - pour être modéré. Cela n'implique pas que nous ne puissions pas être d'accord sur le diagnostic. Les efforts que nous faisons à tous niveaux en faveur de ceux qui souffrent du chômage de longue durée sont-ils suffisants ? Je pense que nous sommes cent à considérer qu'ils ne le sont pas. Enfin, vous êtes cent et, pour notre part, nous sommes sept - de cela je suis sûr...
Mais quelles sont les bonnes mesures ? Tout d'abord, il faut se demander d'où vient le problème. C'est important que vous en preniez conscience. On a vécu avec un marché extrêmement protégé à deux niveaux. Le marché de l'emploi était protégé tant au niveau de l'immigration - malgré le fait que 50% de notre population active soient d'origine étrangère. Il y avait là un premier robinet. Il y en avait un deuxième, c'était la possibilité que nous avions de jouer sur les frontaliers. Ce système a disparu.
Ce n'est effectivement pas ce système que nous connaissons, mais restent des modes de régulation. Celui que vous proposez d'imposer est effectivement - vous avez raison - celui de l'administration française. La France possède un certain nombre de barrages dans la politique de l'emploi et ils concernent notamment l'Etat.
Je ne suis pas sûr - désolé, Monsieur Stauffer - que cela soit la mesure efficace dans la situation qui est la nôtre. Je pense même qu'elle est relativement inefficace. En revanche, elle est inefficace simplement parce qu'au Conseil d'Etat nous pensons que le destin des départements qui nous entourent est étroitement lié à celui de Genève, et nous ne devons pas commettre l'erreur d'opposer les uns aux autres. Nous ne pouvons pas non plus nous permettre d'opposer la moitié de notre population active à l'autre - ce que vous ne faites pas, Monsieur Stauffer... D'autres le font, mais pas vous. Mais je ne pense pas que l'on résolve le problème en réunissant ceux qui ont deux pieds sur le territoire pour les opposer à ceux qui ne les ont pas. Maintenant, nous avons une responsabilité, oui.
Que pouvons-nous faire ? L'inconvénient des systèmes de protection est que les gens s'y habituent et qu'ils peuvent se trouver assez brusquement - c'est ce qui s'est passé dans une situation - sur un marché du travail que l'on va qualifier d'ouvert - pour ne pas le qualifier de normal - mais où les compétences qu'ils ont ne leur permettent plus de trouver du travail.
La société que nous connaissons - affreusement exigeante - est une société tertiairisée qui demande de hauts niveaux de formation. La plupart de ce que l'on appelait «les boulots que tout le monde peut faire» - vous et moi, mais aussi tous les autres, quelle que soit leur maladresse - n'existent plus. Ils ont été supprimés, et nous nous trouvons avec des personnes - qu'elles soient migrantes à l'origine ou qu'elles ne le soient pas - qui ne peuvent pas faire face à cette situation.
Le Conseil d'Etat entend plutôt travailler à la requalification de ces personnes. Il a annoncé clairement sa politique en matière de chômage et - c'est là peut-être que vous y trouverez quelque consolation à défaut de satisfaction, Monsieur Stauffer - en termes d'utilisation de l'occupation temporaire cantonale à l'intérieur de nos services. Pour amener les gens à des postes stables, franchement, nous ne sommes pas très bons. En termes de possibilités données à des adultes de passer un CFC lorsqu'ils n'en ont pas, dans le cadre de l'administration cantonale, jusqu'à aujourd'hui et aujourd'hui encore, je ne suis pas sûr que cela soit la préoccupation majeure de notre administration. Je ne suis pas sûr encore qu'en matière de formation nous ne puissions pas faire mieux que le nombre d'apprentis que nous entendons engager l'année prochaine - je le trouve franchement faible. Clairement, nous allons nous pencher sur cet élément, et quand je dis «nous», c'est vraiment nous, car je ne vois pas un département qui ne soit pas concerné par cette problématique. Chacun doit apporter sa pierre à l'édifice. Ce n'est pas parce que l'office du personnel de l'Etat est dans le département des finances que l'on tient le quart de la moitié de la solution ! On peut simplement travailler avec les collègues pour essayer de trouver. Cet engagement, je le prends, non pas tellement devant le groupe que devant la Genève d'en bas. Oui, elle me tient à coeur. Oui, Monsieur Stauffer, il se trouve que j'ai été élu premier à Vernier et à Onex. Et donc, elle me tient à coeur et elle tient à coeur au Conseil d'Etat.
Nous devons faire quelque chose. Les mesures précédentes ne sont pas efficaces. La solution - vulgairement dit - ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval. Mais nous allons travailler et nous allons vous informer. Le Grand Conseil va prendre la décision qui est de sa compétence sur cette motion, mais nous allons nous occuper de ces problèmes et je prends rendez-vous avec vous dans des délais raisonnables pour une politique de mise en oeuvre, pour voir ce que nous avons fait de plus et pour écouter vos suggestions sur ce que nous pourrions faire de plus. Et si ce débat assez vif pouvait avoir pour conséquence que nous - le Conseil d'Etat et vous le parlement - soyons d'accord pour faire de la lutte contre le chômage de longue durée une vraie priorité, dans tous les actes de l'administration, au quotidien, dans la mesure où nous concevons notre système social, alors, peut-être, n'aura-t-il pas été inutile. Même si, j'en conviens, une partie de la Genève d'en bas pense que la solution de M. Stauffer est préférable à celle que le Conseil d'Etat défend. Nous devons la convaincre par des actes que c'est bel et bien dans le domaine de la requalification et de la mobilisation de l'Etat, de la société et des entreprises dans la société, que nous parviendrons à des résultats qui puissent ôter quelques douleurs dans notre société et quelques remords dans notre conscience. (Applaudissements.)
Le président. M. Stauffer a demandé l'appel nominal, est-il soutenu... Le Bureau a vérifié: il n'y a que dix-huit voix, le vote n'est donc pas nominal.
Communication du président: Session 03 (décembre 2005) - Séance 13 du 16.12.2005
Mise aux voix à l'appel nominal, la proposition de motion 1655 est rejetée par 70 non contre 9 oui.
Le président. Nous levons la séance. Je vous rappelle que l'Union des maraîchers vous attend dans la cour de l'Hôtel de Ville pour une soupe. Nous reprenons nos travaux à 14h.
La séance est levée à 12h15.