République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 15 décembre 2005 à 20h35
56e législature - 1re année - 3e session - 11e séance
RD 541-A et objet(s) lié(s)
Premier débat
M. Antoine Droin (S). J'allais dire «enfin !» parce que cela fait plusieurs séances que nous demandons l'urgence sur ce projet de loi. Jusqu'à maintenant, nous étions dans une situation que je qualifierai d'ubuesque, puisque, pour des questions de vice de forme, le projet de loi qui avait été accepté par notre parlement a été renvoyé en commission. La commission a tranché favorablement pour cette subvention à une forte majorité - dix voix pour, deux voix contre et deux abstentions. La décision concernant l'éventuel octroi de cette subvention qui concerne les années 2005 et 2006 traîne, alors que nous sommes aujourd'hui à mi-décembre 2005. Heureusement, nous traitons ce projet de loi ce soir car la ligue est actuellement dans une situation financière très difficile parce qu'elle a épuisé plus que toutes ses réserves et qu'elle ne peut plus répondre à toutes les sollicitations et au programme qu'elle a déjà engagé. Cela est problématique dans le système des subventions, puisque le projet de loi avait d'abord été traité au Grand Conseil en avril 2004: cela fait donc dix-huit mois que la subvention traîne dans notre parlement d'une manière ou d'une autre.
Je vous recommande donc de voter unanimement et rapidement ce projet de loi.
M. Pierre Weiss (L). Notre collègue Droin a tout à fait raison lorsqu'il dit qu'il ne s'agit pas ici de refaire tout le débat. Je me contenterai simplement de rappeler deux arguments qui militent - puisqu'on parle de ligue - contre l'adoption de ce crédit. Le premier est tout simplement le fait que le montant qui est ici inscrit pour aider au fonctionnement de cette Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples constitue un effort qui serait accompli par notre canton en faveur d'une organisation non gouvernementale. C'est un effort quasi unique, vu le peu de soutien dont elle dispose de la part des peuples, des régions ou des pays où elle entendrait exercer ses activités et dont elle entendrait défendre les intérêts. Par conséquent, il serait pour le moins étonnant que nous soyons, à ce titre-là, à la fois hôtes et «subventionneurs» de ces ONG: ce serait là créer un effet d'appel que je considérerais pour le moins malheureux.
Il y a une deuxième raison qui est peut-être un motif plus idéologique. Il se trouve que cette ligue défend non seulement certains peuples mais qu'elle défend aussi certains régimes. Il suffit de voir le soutien déployé par cette ligue pour le régime cubain et les droits des peuples qui s'y trouvent pour comprendre qu'elle ne mérite pas notre soutien.
M. Laurent Moutinot, conseiller d'Etat. Même M. Weiss, qui vous appelle à rejeter ce projet, a rappelé que le débat de fond avait déjà eu lieu. Le Conseil d'Etat a déjà dû vous renvoyer ce projet de loi pour des raisons techniques afin que soient précisés un certain nombre d'éléments qui le rendent compatible aux normes de la gestion administrative et financière de l'Etat.
Il me paraît particulièrement malvenu aujourd'hui que vous puissiez imaginer de le refuser, d'autant plus que vous venez d'adopter la loi qui règle précisément les conditions d'octroi des subventions. Par conséquent, s'il devait s'avérer, puisque ce projet de loi n'a que deux ans de vie, qu'à l'échéance de ce délai les indicateurs - le taux d'activité, le bon usage des fonds - devaient être critiqués, alors, il serait légitime de se poser la question de la poursuite de la subvention. Mais aujourd'hui, pour l'argument que vous donnez, dans les conditions que vous décrivez, Monsieur Weiss, je pense que ce serait un très mauvais signal à donner, que cela pourrait avoir pour effet de faire douter les partenaires de l'Etat dans le monde associatif, des engagements qui ont été pris. En effet, le bénéficiaire de cette subvention connaît votre premier vote, il comprend qu'il faille corriger un certain nombre d'aspects techniques mais il comprendrait à l'évidence mal qu'aujourd'hui la réponse soit négative, ce d'autant plus que d'autres organisations tout aussi honorables que celle-ci peuvent se trouver aujourd'hui ou demain dans des situations similaires. Je pense par conséquent que, par souci de continuité dans le domaine institutionnel dont j'ai la charge, il convient que vous acceptiez ce projet de loi.
Vous critiquez un certain nombre d'orientations des activités de cette ligue. Il est vrai qu'on peut ne pas adhérer à l'ensemble des activités qu'elle mène mais cela est le propre de la plupart des institutions que nous subventionnons dans des domaines idéaux: si précisément, par essence, nous les subventionnons, c'est quelquefois même pour qu'elles nous critiquent. Vous le savez pertinemment, c'est le cas pour un bon nombre d'associations à vocation locale, voire internationale.
Alors demander à une institution subventionnée qu'elle respecte les règles de droit, c'est la moindre des choses; lui demander en revanche qu'elle soit politiquement correcte, cela me paraît aller un tout petit peu loin ! Aujourd'hui, dans l'ensemble des circonstances que nous connaissons, je vous invite à approuver ce projet de loi qui est un projet de loi du Conseil d'Etat.
Le président. Merci, Monsieur le président. La prise en considération du projet de loi 8915-B-I est maintenant mise à vos suffrages.
M. Antoine Droin (S). Monsieur le président, je demande l'appel nominal. (Appuyé.)
Mis aux voix à l'appel nominal, le projet de loi 8915 est rejeté en premier débat par 49 non contre 39 oui et 1 abstention.
Le Grand Conseil prend acte du rapport de la commission RD 541-A