République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 décembre 2005 à 20h45
56e législature - 1re année - 2e session - 8e séance
RD 531-A et objet(s) lié(s)
Débat
Le président. Nous sommes au point 32 de notre ordre du jour, qui est le rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le rapport intermédiaire de la commission de contrôle de gestion relatif à son contrôle de la gestion de l'Hospice général. J'observe qu'au point 35 de notre ordre du jour figure le rapport final de la commission de contrôle de gestion relatif à son contrôle de la gestion de l'Hospice général. Il me semble, à première vue, qu'il y a un lien entre les deux textes. Pensez-vous que c'est une bonne idée de les traiter simultanément ?
Des voix. Oui !
Le président. Il n'y a pas d'opposition ?
Des voix. Non !
Le président. Très bien ! Mesdames et Messieurs les députés, nous traitons ensemble les points 32 et 35. Nous allons... (Remarque.) Madame Pürro, puisque vous reprenez le rapport du deuxième texte, je vous donne la parole.
Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse ad interim. Si je suis à la table des rapporteurs, c'est parce que les deux rapporteurs de la commission de contrôle de gestion qui ont rédigé le rapport 599, Mme Jeannine de Haller et M. Froidevaux, ne sont plus membres de notre Conseil. En tant qu'ancienne présidente de cette commission, je les remercie pour ce rapport qui a fait l'objet de nombreuses discussions au sein de notre commission l'an dernier.
J'aimerais faire référence au premier rapport, que nous avions appelé «le rapport intermédiaire», qui a donné lieu au rapport du Conseil d'Etat. Ce rapport faisait toute une série de constats relativement inquiétants sur l'Hospice général. En quelques mots, je vous les cite. Tout d'abord nous avions relevé - et plus particulièrement Mme Gobet-Winiger qui avait fait un considérable travail sur cette institution - l'absence d'un système de contrôle interne digne de ce nom, une informatique défaillante, une comptabilité totalement insatisfaisante, des lacunes importantes dans la gestion des ressources humaines, l'absence de leadership, l'absence de bases légales s'agissant des avances AI et, enfin, le rapport intermédiaire de Mme Gobet-Winiger avait formulé des interrogations quant au rôle voire quant à l'utilité du conseil d'administration. Voilà ce qui était dénoncé, Monsieur Unger, mais je pense que vous vous exprimerez sur ce point tout à l'heure.
Il s'agissait donc de constats fort inquiétants qui, selon nous, avaient plombé l'institution et l'avait positionnée de manière assez inquiétante. On pouvait s'interroger sur sa capacité à jouer correctement son rôle, à le jouer de manière rationnelle et avec une gestion digne de ce nom.
Ce rapport, à l'époque, avait été beaucoup décrié et certains avaient même dit qu'il avait démotivé le personnel, qu'il avait accentué les difficultés que rencontrait l'institution et qu'il coulerait définitivement l'Hospice général. Personnellement, je suis de celles et ceux qui pensent que ce rapport - même s'il n'était pas parfait et si nous n'avons pas pu faire le travail d'experts en qualité de miliciens qu'il aurait fallu à propos de cette institution - aura au moins eu le mérite de faire prendre conscience politiquement du problème de l'Hospice général et de la situation assez grave dans laquelle cette institution se trouvait à cette époque.
Depuis lors, le Conseil d'Etat a pris toute une série de mesures et j'imagine que M. Unger nous les présentera tout à l'heure. La première, une des plus importantes, est la nomination d'un nouveau directeur qui a lui-même remonté une équipe de direction en réengageant de nouveaux collaborateurs aux postes clef. Toute une série de mesures ont été prises aux niveaux informatique, financier, comptable et, enfin, la loi sur la gouvernance sur l'Hospice général a été déposée.
S'il est vrai que cette série de mesures vont dans le bon sens, qu'elles améliorent la gestion de l'Hospice général et qu'une partie des difficultés que nous avions relevées à l'époque sont en passe d'être dépassées, je suis personnellement inquiète de voir qu'il subsiste politiquement des difficultés avec l'Hospice général, et je vais m'en expliquer. (Remarque.) Je vais m'en expliquer, Monsieur le conseiller d'Etat !
En effet, une autre des mesures présentées est un projet de loi visant à modifier la loi sur le chômage, qui supprime le plancher des indemnités actuelles accordées aux chômeurs en fin de droits - par lequel il est prévu de réaliser une économie de 12 millions cette année et de 18 millions l'an prochain. Eh bien, cette mesure, telle qu'elle a été prévue par le Conseil d'Etat, n'a pas son corollaire dans les dépenses sociales ! Le Conseil d'Etat n'a pas prévu que, si nous adoptons ce projet de loi, ceux qui ne pourront plus toucher le plancher actuel, puisqu'il sera supprimé, se retrouveront bien évidemment à l'assistance publique, à l'Hospice général. Et dans la mesure où le Conseil d'Etat n'a pas su prévoir la dépense correspondante, on est reparti dans la logique qui a également plombé l'Hospice général, à savoir l'incapacité du politique, du gouvernement en premier lieu et du Grand Conseil ensuite, de donner les ressources suffisantes à l'Hospice général, que ce soit dans ses budgets ou en termes de postes de travail, pour qu'il puisse faire face au volume de dossiers qui lui sont confiés.
Alors, on peut considérer - et certains dans cette salle le font sans problème - que nous consacrons trop d'argent dans le domaine social, mais, tant que nous avons les lois que nous avons, qui définissent clairement qui a droit aux prestations ainsi que le montant de ces dernières, eh bien, il faut être cohérents et conséquents ! Il faut voter dans les budgets les sommes qui permettent à l'Hospice général de jouer son rôle et d'accorder l'assistance publique, puisque c'est un de ses principaux rôles.
Tant que l'on persistera dans cette logique, de ne vouloir prendre en compte ni l'augmentation des dossiers ni la réalité sociale, difficile, dans laquelle notre canton se trouve, ou alors les reports de charges de certaines mesures d'économies prévues - comme celles que je vous ai décrites tout à l'heure - on poursuivra dans le processus qui a mis l'Hospice général en difficulté et qui a donné lieu aux deux rapports: le rapport intermédiaire et le rapport définitif de la commission de contrôle de gestion.
Le président. Il va vous falloir conclure, Madame la députée !
Mme Véronique Pürro. Je conclus, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs les députés, si l'on peut reconnaître qu'il y a eu une prise de conscience, que des mesures ont suivi et qu'elles vont dans le bon sens, qu'une nouvelle équipe à la direction de l'Hospice général est à même de faire avancer la machine en proposant les améliorations et en introduisant les changements souhaités, je crois que nous avons toutefois une part de responsabilités à assumer. Et, je vous en conjure, soit nous changeons les lois dont l'application est confiée à l'Hospice général, soit nous sommes cohérents et nous adoptons les budgets suffisants pour que l'institution puisse fonctionner de manière satisfaisante.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Je ne vais pas parler trop longtemps, puisque Mme Pürro a longuement expliqué le contenu du premier rapport et a ébauché la réponse présentée par le Conseil d'Etat, mais j'irai rapidement au coeur de notre propos: l'augmentation des cas de précarité à Genève - liés entre autres au chômage, à une situation économique et à une série de facteurs que l'on pourrait longuement analyser - est une réalité. Comme nous aurons un nouveau département, celui de l'aide sociale, de la solidarité et de l'emploi, qui disposera de toutes les données, l'idée serait de rattacher l'Hospice général à l'Etat sous forme d'un service d'aide sociale. Cela permettrait d'éviter toutes les tensions entre le Conseil d'administration et le Conseil d'Etat, d'avoir une cohérence du système informatique et, aussi, d'avoir toutes les informations en direct concernant l'emploi, la formation, le chômage, le revenu des gens et les mesures à confier à cet Hospice.
C'est une question que nous ne résoudrons évidemment pas ce soir, elle est prématurée, cependant je lance cette idée, que les Verts soutiennent. Nous pensons que le nouveau Conseil d'Etat doit se pencher sur un éventuel futur rattachement de l'Hospice général. Je ne résous rien, je lance une idée et propose que l'on y réfléchisse.
M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien vous encourage à prendre acte de ces deux rapports, et notamment du premier; nous serions éventuellement d'accord de renvoyer le second à la commission des affaires sociales si un autre parti le demandait. Nous tenons plutôt à en prendre acte, parce que les deux rapports contiennent des réponses extrêmement substantielles à tout ce qui s'est passé à l'Hospice général. Et nous tenons à remercier tant le Conseil d'Etat que la commission de contrôle de gestion pour leur travail.
Pour nous, ces rapports sont tout à fait exhaustifs. Et, en plus, Madame Pürro, si vous aviez eu l'occasion de parler avec votre collègue Velasco, avec qui j'ai rapporté pour le budget 2006 de l'Hospice général, vous auriez pu obtenir une réponse à chacune de vos nombreuses questions. En effet, le rapport qui nous a été remis à la commission des finances lors de cette audition est lui-même également très exhaustif et va même au-delà des questions que vous posez. Il répond notamment au problème de l'informatique, qui était effectivement catastrophique à l'Hospice général mais qui est en passe d'être sous contrôle et, même, en avance sur le programme de rénovation.
Deuxième chose: la vérité des coûts. C'est vrai qu'il y a quelques mois encore les coûts réels de l'Hospice général n'étaient pas correctement reportés. Désormais, nous sommes informés des coûts réels et la nouvelle direction a pris des mesures pour l'année à venir.
Vous avez parlé du nombre de dossiers... Si j'ai bonne mémoire, il y a 63 dossiers par assistant social. Et ce nombre n'augmentera pas, parce que, dans le budget 2006 que votre collègue et moi avons agréé, il est prévu trois millions de francs pour l'engagement de nouveaux assistants sociaux qui pourront traiter...
M. Gabriel Barrillier. Encore !
M. Guy Mettan. Oui, Monsieur Barrillier ! Qui pourront traiter l'énorme croissance - et, là, vous avez raison de dire «encore !» - des dossiers soumis à l'Hospice général.
Pour toutes ces raisons, je vous encourage à prendre acte de ces deux rapports et à travailler avec confiance pour l'avenir, sachant qu'avec la nouvelle direction les problèmes de l'Hospice général sont désormais derrière nous.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je tiens à remercier les auteurs des rapports parce que nous disposons ici d'une mine d'informations intéressantes sur le fonctionnement de l'Hospice général, bien que des zones d'ombre subsistent.
S'il reconnaît que des mesures d'amélioration ont été prises par le Conseil d'Etat par rapport au fonctionnement de l'Hospice général, le groupe UDC est toujours d'avis que les dysfonctionnements qui y ont prévalu auraient au moins nécessité la démission de son président. Il aurait fallu prendre des mesures beaucoup plus contraignantes pour remettre cette institution sur les rails. Nous ne sous-estimons pas le travail qui a été fait par le Conseil d'Etat, nous pensons simplement qu'il faut aller beaucoup plus loin.
Nous observons qu'il existe toujours une inadéquation entre le budget proposé par le Conseil d'Etat et les dépenses de l'Hospice, soit par une sous-estimation des besoins, soit par une surestimation des tâches qu'effectue l'Hospice général. Nous relevons simplement que l'Hospice général a, ces dernières années, pris en charge un certain nombre de tâches qui ne sont pas les siennes, notamment le problème des avances AI qui émargent au budget de l'Hospice général et que ce parlement est obligé de compenser dans le cadre de la garantie accordée à l'Hospice général dans la constitution. Et ce genre d'autodélégation de tâches à l'Hospice général par l'Hospice général est malsain.
Nous aimerions avoir des réponses sur la sensible augmentation, ces dernières années, du nombre des personnes qui émargent à l'Hospice général. En effet, pour autant que je sache, la diminution du nombre d'emplois entre 2001 et mi-2005 dans ce canton n'explique pas tout, d'autant moins que le marché du travail a repris de la vigueur depuis le mois de juin dernier. Mais la cause de ce nombre croissant d'émargements est certainement à chercher dans la politique d'immigration et dans la politique sociale menées dans ce canton. Parce qu'à force de faire venir des populations qui n'ont pas la même qualité de formation que celle dont nous pouvons bénéficier ici et qui ont du mal à s'intégrer socialement ainsi que professionnellement dans ce canton, il est clair que ces personnes, pénalisées sur le marché du travail, émargeront un jour ou l'autre à l'Hospice général. Donc, il faudra avoir une fois le courage de regarder les réalités en face et, pour éviter les problèmes qui se posent dans d'autres pays européens comme la France, admettre qu'une immigration non maîtrisée et non désirée est source de coûts sociaux auxquels il faudra trouver un remède !
Le bilan de l'Hospice général, qui est lui-même victime d'une situation voulue par le pouvoir politique et par ce parlement - parce qu'il ne maîtrise pas les contingences légales que nous lui fixons - nous amène à penser que le projet de loi libéral qui vise à modifier la structure du Conseil d'administration de cet Hospice pourrait être une piste intéressante pour un meilleur fonctionnement de cet établissement: les décisions seraient prises plus rapidement, dans un cadre plus restreint, sans d'inutiles pressions politiques, dans la mesure où l'Hospice général est un établissement autonome avec un budget. Si l'on veut que cet Hospice soit réellement un établissement autonome, il doit travailler dans le cadre du budget qui lui est alloué. L'UDC ne verrait donc pas d'un mauvais oeil la suppression de la garantie de l'Etat qui figure dans la constitution de ce canton.
Pour le surplus, et pour améliorer l'efficacité de cet Hospice, le groupe UDC pense qu'il est de bon aloi de soutenir le projet de loi sur le personnel de l'Etat, puisque l'on se rend compte que le taux d'absentéisme, bien qu'il ne soit pas forcément supérieur à d'autres établissements de l'Etat, est quand même relativement important. Nous admettons aussi que les conditions de travail de certains collaborateurs de l'Hospice général sont difficiles. D'ailleurs, à la page 23 du rapport 599 il est écrit: «Le stress est plus important au guichet que dans les bureaux de l'administration, notamment à cause de l'implication des collaborateurs...» - je ne savais pas que l'implication pouvait être une cause de stress mais, bon, pourquoi pas - «... et parfois de l'agressivité de certains demandeurs (menaces de mort, violences physiques). C'est du reste bien dans le secteur de l'ARA et de l'action sociale qu'il y a le plus gros taux d'absence.» Ce qui me paraît effarant, c'est que je n'ai jamais entendu parler, en tant que parlementaire, de ces problèmes de délits - parce que ce sont des délits ! Je vous rappelle qu'une menace physique ou une menace de mort sont des délits pénaux et qu'ils doivent être dénoncés ! Et il appartient à l'Hospice général, respectivement à sa direction, de soutenir ses collaborateurs et à ces derniers de dénoncer ces délits pour qu'ils soient poursuivis.
Le président. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député !
M. Gilbert Catelain. Parce que je rappelle que, mine de rien, l'Hospice général subventionne actuellement toute une série de délinquants, dont certains commettent des crimes graves. Un requérant d'asile qui aujourd'hui gagne 3 000 F par mois en revendant de la drogue dans le quartier de la gare... (Protestations.) ... est subventionné par l'Hospice général... (Brouhaha.)
Le président. Je le répète: il va vous falloir conclure, Monsieur le député !
M. Gilbert Catelain. Des mesures d'économies existent et il est inadmissible que des délits qui sont constatés par le personnel de l'Hospice général ne soient pas dénoncés et que le parlement n'ait pas de rapport sur ce type d'infractions.
M. Ivan Slatkine (L). Permettez-moi de préciser que je parle ici en tant que président de la commission de contrôle de gestion et non pas en tant qu'administrateur de l'Hospice général.
La commission de contrôle de gestion, par son rapport intermédiaire, a permis que soit menée une réflexion de fond sur le fonctionnement de l'Hospice général. Le rapport final ne fait que constater que le Conseil d'Etat a pris ce dossier en charge, que la nouvelle direction a repris l'Hospice général en main, qu'aujourd'hui les réformes sont en cours, que des projets de lois sont en train d'être traités, que la direction réforme énormément de choses, et l'on ne peut que s'en réjouir.
Pour ma part, je tiens simplement à dire que le groupe libéral tient à l'autonomie de l'Hospice général. De notre point de vue, c'est une erreur fondamentale que de dire que l'Hospice général devrait être rattaché à l'Etat: il perdrait en effet une grande force - qu'il a aujourd'hui - pour lutter contre l'exclusion.
Je me réjouis que la commission de contrôle de gestion ait permis au gouvernement de faire progresser l'Hospice général. Il faut faire confiance à la nouvelle direction qui réalise un excellent travail. Mesdames et Messieurs les députés, je vous prie de laisser l'Hospice général travailler en toute sérénité et de laisser le Conseil d'Etat faire aboutir les lois qu'il a présentées. Lorsque notre commission se repenchera dans un an sur le cas de l'Hospice général, je suis certain que nos conclusions seront extrêmement positives.
M. Alberto Velasco (S). Je ne voulais pas participer à ce débat mais le député Catelain a fait une intervention qui mérite qu'on lui réponde. Vous avez dit, Monsieur Catelain, que le personnel de l'Hospice général se trouvait parfois face à certains requérants d'asile qui, excédés pour x raisons, avaient des comportements difficiles. Mais si les requérants d'asile en arrivent à ce point, c'est parce qu'on les a placés dans cette situation ! C'est la politique de l'UDC au niveau fédéral qui a fait que les conditions de vie de ces personnes deviennent insupportables... N'importe quel être humain, lorsqu'il est acculé de telle sorte, peut commettre des actes excessifs. C'est le résultat de votre politique !
Vous trouvez qu'il faudrait protéger le personnel de l'Hospice général, soumis à l'ingratitude et à la violence des requérants d'asile, et que l'on devrait mettre ces derniers à la porte à cause de leur comportement... C'est extraordinaire, ce raisonnement ! D'abord vous «précarisez» les requérants d'asile, qui en arrivent - excédés par le traitement dont ils font l'objet - à des agissements que l'on ne peut certes pas admettre mais qui sont provoqués par votre attitude. Et ensuite, vous voulez protéger le personnel de l'Hospice général en lui disant: «Nous, l'UDC, nous allons vous protéger contre ces salopards de requérants qui sont ingrats envers vous...». Je trouve cela en dessous de tout, Monsieur ! Et vous devriez arrêter de diminuer, par le biais de votre politique au niveau fédéral, les prestations !
D'ailleurs, un rapport a clairement démontré que cette politique était tout à fait néfaste et qu'elle produisait l'effet contraire à celui qui était recherché: ces gens doivent rester quand même en Suisse et nous devons leur prêter l'assistance qu'ils nécessitent. Et s'ils en bénéficient, c'est dans des conditions très difficiles ! En effet, deux ou trois personnes sont mortes dans la rue, dans notre pays, l'un des plus riches au monde, à cause de votre politique ! Il faut quand même le rappeler. (Applaudissements.)
Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits: M. Mettan, M. Letellier, Mme Pürro et M. le conseiller d'Etat Unger.
M. Guy Mettan (PDC). Je voulais juste rassurer M. Catelain, parce qu'entre-temps j'ai remis la main sur le fameux dossier que l'Hospice général a lui-même retrouvé. Si l'Hospice général a du travail, ce n'est pas du tout à cause des requérants d'asile ou des étrangers qui ne pourraient pas s'intégrer au marché de l'emploi genevois, puisque ce nombre est en diminution rapide et régulière depuis maintenant vingt-quatre mois: il est passé de 5317 en 2003 à 4300 en 2005; il est projeté à 3800 en 2006.
Ce ne sont donc pas ces personnes-là qui surchargent l'Hospice général, ce sont, au contraire, des bons Genevois bien de chez nous qui, eux, n'arrivent malheureusement pas à s'intégrer ! Et il est vrai que le nombre de ces dossiers-là explose. C'est pourquoi nous voulons que l'Hospice général ait désormais les moyens de les traiter et de travailler tranquillement, sans pression politique et sans vaines polémiques.
Aussi, je vous recommande donc de prendre acte de ces deux rapports.
M. Georges Letellier (MCG). J'aimerais prendre la parole à titre personnel et soutenir les propos courageux de M. Catelain ! (Exclamations. Applaudissements.) Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un a le courage de dire une certaine vérité et qui dénonce les choses telles qu'elles sont ! Il faudra bien, un jour, empoigner le problème à bras-le-corps pour arriver à se sortir du pétrin dans lequel on se plonge aujourd'hui.
Le président. Monsieur le député, nous vous avons bien entendu. Méfiez-vous quand vous vous saisissez vous-même à bras-le-corps, vous pourriez vous faire mal ! (Rires.)
Mme Véronique Pürro (S), rapporteuse ad interim. J'ai oublié tout à l'heure de relever - comme vous l'aurez probablement remarqué en lisant le rapport de Mme de Haller et de M. Froidevaux - que les libéraux se sont abstenus en commission, non pas parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec les conclusions du rapport mais parce que tous deux étaient membres du Conseil d'administration... (Remarque.) Mme Hagmann me souffle qu'ils n'étaient même pas présents lors du vote. Je dois relever que même s'ils ont participé aux travaux de la commission, lorsque nous avons parlé de l'Hospice général ils se sont abstenus - et je les en remercie - de faire référence à des données qu'ils possédaient en tant que membres du Conseil d'administration. Enfin, Mme Hagmann et M. Slatkine sont partis lorsque nous avons eu à adopter ce rapport.
Je voudrais aussi réagir aux propos de M. Catelain, car il y a des choses que l'on ne peut pas laisser passer. Monsieur Catelain, vous avez dit votre souhait que le président du Conseil d'administration démissionne... Lors des travaux de la commission de contrôle de gestion, il n'a jamais été question de demander la démission du président: au contraire, nous avons toujours relevé que son rôle n'était pas facile parce qu'il était pris entre la réalité de l'institution - les exigences découlant du nombre croissant de dossiers, la pression qui, elle aussi, va en augmentant - et les contraintes politiques, j'en ai parlé tout à l'heure. Ce rôle n'est pas facile, d'autant moins que la composition du conseil d'administration n'est pas évidente.
Enfin - et cela a fait l'objet du dépôt d'un projet de loi par le Conseil d'Etat - subsiste la question de l'autonomie, que nous réglerons: faudra-t-il rattacher une partie de l'Hospice général à l'Etat ? Faudra-t-il suivre le Conseil d'Etat en revoyant la composition du Conseil d'administration ? Quoi qu'il en soit et quel que soit notre choix, il est vrai que le conseil d'administration d'aujourd'hui ne peut plus fonctionner correctement. Et cela n'a absolument rien à voir avec sa présidence. Tout le monde reconnaît que la personne qui assume cette présidence est un homme de valeur qui a su donner beaucoup de son temps et consacrer beaucoup de son énergie pour faire fonctionner au mieux cette institution.
Maintenant, les étrangers - sujet qui est votre cheval de bataille. Il est totalement faux de laisser entendre que parmi les bénéficiaires de l'assistance publique il y a plus d'étrangers que de ressortissants suisses. La proportion d'étrangers bénéficiant des services de l'Hospice général est la même que celle que l'on retrouve dans notre population: 60% de Suisses et 40% d'étrangers. Si nous avons souhaité et accueilli ces étrangers, c'est peut-être parce que nous en avions aussi besoin. Malheureusement, il y en a parmi eux qui, comme les Suisses, rencontrent quelques difficultés et pour lesquels également l'assistance publique est faite. Ne faisons donc pas d'amalgame entre les quelques requérants d'asile qui font du trafic de drogue et l'ensemble des étrangers qui ont également participé à la construction de la Genève d'aujourd'hui !
Vous avez relevé le taux d'absentéisme comme étant particulièrement élevé, et vous avez raison. Mais le travail d'assistant social n'est pas un travail facile, tout comme ne l'est pas celui de gendarme ou celui d'enseignant. Il s'agit de fonctions dont nous attendons beaucoup; nous avons besoin qu'elles règlent tous les problèmes de la société, or ces derniers sont tels que, parfois, ce n'est pas possible. Parmi les personnes qui les exercent et qui se présentent à l'Hospice général, on peut relever une augmentation de cas psychiatriques pour lesquels les assistants sociaux ne sont souvent pas armés ni formés. Reconnaissons donc que ce sont des métiers difficiles qui usent ! Mais, comme l'a relevé M. Slatkine, des réformes sont en cours, qui portent déjà leurs fruits puisque le taux d'absentéisme n'est aujourd'hui plus aussi élevé qu'il l'était à l'époque du rapport définitif.
J'aimerais enfin rappeler à M. Catelain qu'un requérant d'asile touchait, il y a quelques temps encore, 400 F par mois; le Conseil d'Etat a diminué l'assistance financière dévolue aux requérants d'asile - je n'ai pas la somme exacte en tête, mais elle est d'à peine 300 F. Par conséquent, si nous voulons lutter contre les requérants d'asile qui font du trafic de drogue - parce que, pour certains, c'est la seule façon de survivre - eh bien, plutôt que de les montrer du doigt, réfléchissons à ce que nous sommes capables de leur octroyer en termes de prestations et d'accueil - plutôt que de faire comme vous le faites, parce que c'est trop facile, Monsieur Catelain !
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat vous proposera de prendre acte de ces deux rapports en soulignant qu'à l'occasion du premier rapport intermédiaire, qui a été le déclencheur de l'action publique visible, s'est engagée une collaboration particulièrement intéressante entre le Grand Conseil et le Conseil d'Etat pour aider la grande institution d'aide sociale de notre canton à retrouver le droit chemin en matière de gestion.
Les rapports - le premier en particulier - soulevaient des questions ayant trait à l'informatique, de manière de manière à la fois très claire, très forte, mais un peu surproportionnée par rapport au fait que les malaises informatiques n'étaient, en réalité, rien d'autre - et le phénomène était connu - que la révélation d'une mauvaise maîtrise «managériale» des procédures et des processus, qui forcément avait débouché sur un cataclysme informatique que, d'ailleurs, le personnel avait annoncé avant même qu'il se réalise.
Le deuxième élément évoqué concernait la ségrégation des tâches. Nous avions mandaté un groupe spécialisé dans l'évaluation des politiques publiques pour qu'il nous dise quel était le système le meilleur: entre pas d'assistant social du tout, modèle tessinois où les gens - comme ils l'auraient pu si le projet de loi sur l'inscription des montants d'assistance avait été accepté - reçoivent une obole mais aucun accompagnement, modèle décrié par ces évaluateurs; ou l'autre modèle, le modèle bâlois, avec une prise en charge très intensive par un grand nombre de professionnels - et ce ne sont pas que des assistants sociaux mais également des formateur ou des orientateurs en emploi - dans ce qu'ils appellent un intake, c'est-à-dire au début du processus d'assistance où les Bâlois, si j'ose dire, «mettent le paquet» pendant trois mois, et les gens, s'ils ne s'en sortent pas, sont laissés avec un viatique des plus modestes; enfin, un système pour le moment virtuel proposé par le groupe, qui se situe à mi-chemin entre les deux et ressemble terriblement à ce qui est mis en place par l'Hospice général maintenant et ce qui est proposé dans la loi sur l'aide sociale individuelle.
Le troisième point qui avait été soulevé - il l'est également dans le rapport final - c'est l'absence de base légale pour les avances AI. Et là, malgré mon affection pour la collaboration que nous avons eue pendant dix-huit mois sur cette affaire, les bras m'en tombent ! Les bras m'en tombent: parce que qui a la base légale d'avancer de l'argent à quelqu'un qui n'en a pas ? C'est évidemment une institution d'aide sociale ! Il n'y en a pas d'autre, c'est tout à fait naturel, cela se fait comme ça dans tous les cantons et probablement dans tous les pays. Je ne vois pas qui avancerait de l'argent à quelqu'un qui n'en a pas, qui est en demande d'AI - dont la décision de l'AI n'est pas encore connue - et qui n'est plus au bénéfice d'aucune assurance sociale connue... Eh bien, oui, c'est l'assistance sociale qui supplée à tous les autres ! La base légale à Genève est, j'en conviens, un peu modeste, il s'agit d'un arrêté du Conseil d'Etat. Mais il n'y a pas aucune base du tout: il y a un arrêté du Conseil d'Etat qui définit cela.
Le dernier point qui a été évoqué, c'est la gouvernance, sur laquelle on ne s'étendra pas ici puisque la discussion a lieu en ce moment à la commission des affaires sociales.
Alors, j'aimerais conclure sur l'impératif de prendre acte de ces rapports, non seulement parce que le travail a été effectué, non seulement parce que les rapports du Grand Conseil ont encouragé le Conseil d'Etat à poursuivre dans les projets qu'il vous a, depuis, soumis et dans des projets qui ne sont qu'opérationnels - par exemple, le projet informatique - mais pour que nous puissions surtout - par le fait d'en prendre acte - prendre acte aussi de ce que l'Hospice général est désormais sorti non seulement des «soins intensifs», mais, on peut le dire, de «l'hôpital», et qu'au fond sa convalescence doit se faire un petit peu à l'abri - comme il la ferait à Montana, à l'abri des gens qui vous téléphonent tout le temps et qui viennent vous voir quand vous avez encore besoin de souffle et de repos. Et cela, pour laisser aux collaboratrices et collaborateurs la capacité de reprendre leur travail sans la menace permanente d'une nouvelle interpellation, d'un nouveau rapport, d'une nouvelle manchette qui, convenons-en, et quels que soient les motifs fondés qui ont prévalu à ceux-ci, devraient maintenant leur permettre de travailler dans la plus grande sérénité.
Le Grand Conseil prend acte du rapport du Conseil d'Etat RD 531-A.
Le président. Le rapport 599 fait l'objet d'une demande de renvoi à la commission chargée d'examiner les projets de lois du Conseil d'Etat engageant une réforme structurelle en profondeur de l'Hospice général. Si ce renvoi est rejeté, il sera simplement pris acte de ce rapport.
Mis aux voix, le renvoi du rapport divers 599 à la commission de contrôle de gestion est rejeté par 69 non contre 3 oui et 2 abstentions.
Le Grand Conseil prend acte du rapport divers 599.