République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 1 décembre 2005 à 17h
56e législature - 1re année - 2e session - 4e séance
RD 611
Le président. Je rends hommage à M. Jean Babel, ancien député et ancien président du Grand Conseil, décédé il y a quelques jours.
Avant d'être conseiller d'Etat, M. Jean Babel fut député pendant dix-sept ans, de 1948 à 1965. Il siégea sur les bancs du parti Indépendant chrétien-social et fut président du Grand Conseil en 1960.
Elu conseiller d'Etat en 1965, M. Babel siégea jusqu'en 1977, soit douze années durant lesquelles il assura la présidence du Conseil d'Etat en 1970 et en 1976. Il apporta ses brillantes compétences à la présidence du département des finances. Il fut également conseiller national de 1966 à 1967.
Nous rendons hommage à ce grand magistrat, à son humanisme, au sens de l'Etat dont il a fait preuve tout au long de sa prestigieuse carrière politique, qui lui valut une reconnaissance dépassant les frontières de notre canton: il était également officier de la Légion d'honneur.
Tout en accomplissant ce remarquable parcours, il sut rester un homme d'une grande simplicité, qui touchait par cette simplicité tous ceux qui l'ont côtoyé.
Je voudrais livrer à votre méditation cet extrait d'un discours qu'il a prononcé en qualité de président du Conseil d'Etat, le 15 décembre 1969:
«Alors qu'autour de nous règne tant de misère, que s'exerce tant de violence, et que tant d'atteintes sont portées à la dignité humaine, nous avons l'étonnante chance de vivre dans une patrie prospère qui bénéficie de la paix et de la liberté. Ce privilège, sachons le mériter par une attitude positive à l'égard du monde !»
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire pour évoquer la personnalité de M. Babel à qui je rends hommage, et je vous demande, à sa mémoire, de bien vouloir vous lever pour une minute de silence.
(L'assemblée se lève et observe un instant de silence.)
M. Pierre-Louis Portier (PDC). A l'instar des députés et des sympathisants démocrates-chrétiens, beaucoup de Genevoises et de Genevois sont dans la peine, quelques jours après qu'ils eurent ensemble accompagné à sa dernière demeure l'homme de grande qualité qu'était M. Jean Babel. Homme d'Etat qui - comme vous venez de le rappeler, Monsieur le président - a occupé des fonctions gouvernementales en qualité de conseiller d'Etat chargé du département des finances, de 1965 à 1977. Il l'a fait avec une maîtrise rare grâce à sa formation d'expert-comptable qui l'avait mené à créer sa propre fiduciaire.
Peu après son entrée en fonction, il établit une réforme fiscale favorisant les revenus modestes. Il était l'auteur d'une loi sur le contrôle financier de la gestion étatique. Il a institué un fonds de péréquation intercommunale et a mis au point une réforme de l'administration dont les effets ont perduré durant des années. Par ailleurs, ce grand argentier a introduit un système de rétrocession à la France d'une partie des impôts des travailleurs frontaliers.
Jean Babel restera aussi dans les mémoires comme un acteur du logement social à Genève. On lui doit ainsi une impulsion décisive pour la construction de la cité des Avanchets. De surcroît, il a assuré la présidence du gouvernement à deux reprises. N'oublions pas non plus que M. Babel, qui nous a quittés le 21 novembre dernier à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, a également mené une brillante carrière parlementaire. Il a siégé au Grand Conseil de 1948 à 1965, soit durant dix-sept années, se montrant très actif en commission.
Il a aussi représenté, à deux reprises, notre canton à Berne comme conseiller national.
Il présida aux destinées de notre parti de 1962 à 1964 qui, à cette époque, s'appelait le PICS, vous l'avez dit, parti Indépendant chrétien-social. Il fut le président qui installa un secrétariat à plein-temps et, en collaboration avec le secrétaire général de l'époque, instaura la modernité dans l'organisation des organes du parti.
Cette démarche et son action renouvelée couronnée par quelques succès électoraux lui firent déclarer dans son rapport de 1964: «Nous n'en sommes plus au parti de Papa.»
Il resta viscéralement attaché, sa vie durant, à notre action et à nos idéaux. Animé d'une grande foi chrétienne, il s'est engagé avec détermination au sein de l'église catholique, dont il fut quelques années le président, et s'activa beaucoup en faveur de Caritas et de l'Institut Florimont. A propos de Caritas, il fut à l'origine d'une organisation performante et durable.
Sa droiture et son intégrité ont été appréciées de ses collègues magistrats. Pour l'anecdote, M. Guy Fontanet, ancien conseiller d'Etat qui lui a succédé à la présidence du parti en 1964, révélait il y a quelques jours, dans la «Tribune de Genève» que celui qui était son ami d'enfance voulait devenir instituteur, mais qu'il avait échoué à l'examen de chant. Cette anecdote prouve que le destin réserve parfois des surprises, et qu'avec du talent et de la détermination on peut exceller dans bien d'autres domaines que ceux parfois espérés ou imaginés.
Genève perd un homme profondément humain, qui a consacré sa vie à son canton, à sa région et à la mise en pratique de ses convictions religieuses imprégnées d'un profond sens de la solidarité et de la disponibilité. D'autres que nous l'ont admis, et la Légion d'honneur reçue par M. Babel pour son action et son soutien à la cause franco-suisse en est la meilleure preuve.
C'est dire que le parti démocrate-chrétien est attristé mais fier de rendre hommage à l'un des siens, fier de l'un de ces personnages qui ont marqué la vie et l'histoire, non seulement de notre mouvement politique, mais également celle de notre République et canton, de la communauté catholique et de la vie caritative.
C'est donc ému qu'une fois encore, au nom de tous ceux et celles qui lui sont infiniment reconnaissants de ses nombreuses activités, à son épouse Mme Anne-Marie Babel ainsi qu'à sa nombreuse famille, dont certains membres ont également joué et jouent encore des rôles essentiels dans la vie politique, religieuse et associative de notre région, je présente nos sincères condoléances et les assurent de nos affectueuses pensées. (Applaudissements.)