République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 16 septembre 2005 à 14h
55e législature - 4e année - 11e session - 65e séance
PL 8970-A
Premier débat
Mme Loly Bolay (S), rapporteuse. Le projet de loi 8970, déposé par l'Alliance de gauche, proposait deux modifications législatives: la première à l'article 22 sur l'usage des armes et la deuxième à l'article 38 sur une commission à la déontologie.
La modification à l'article 22 sur l'usage des armes a été refusée par la majorité de la commission. Il faut souligner que, suite à l'affaire de la balle marquante qui a débouché sur le projet de loi dont on parle, les directives en la matière ont été changées. Le chef de la police, qui a assisté à tous nos travaux, nous a expliqué la nouvelle procédure mise en place: elle impose, dans un premier temps, d'annoncer au chef de la police toutes les nouvelles armes, qui sont ensuite examinées par une brigade scientifique qui engage une phase de tests.
Je souligne enfin que, lors du débat du 13 janvier dernier, l'AdG a renoncé à légiférer sur l'article 22.
Quant à l'article 38, je tiens à remercier verbalement - même si je l'ai déjà fait dans mon rapport - M. Vodoz, le commissaire à la déontologie, pour le travail qu'il a effectué.
L'article 38, dans sa nouvelle teneur, propose un commissariat à la déontologie qui sera composé - si la loi est votée, comme cela a été le cas en commission - d'un commissaire à la déontologie et de deux adjoints. Un secrétariat sera mis à leur disposition, et nous avons voulu, en commission, que les personnes qui le composent ne soient pas toutes du même sexe. Comme vous avez pu le voir dans mon rapport - si vous l'avez lu - ce projet a été voté presque à l'unanimité. Je vous demande, Mesdames et Messieurs les députés, de confirmer ce vote de la commission judiciaire. Je vous remercie.
Le président. Je vous remercie, Madame le rapporteur. La parole est à M. le député Pagani.
M. Rémy Pagani (AdG). Je ferai quelques remarques sur ce projet de loi. Mais, auparavant, je profite de cette occasion, Monsieur Halpérin, pour vous dire que vous êtes un piètre président ! (Protestations.)
J'ai été mis en cause par M. Weiss: vous avez refusé de me donner la parole. J'ai encore été mis en cause par M. Unger - qui n'est plus dans cette salle - et vous avez, une deuxième fois, refusé de me donner la parole ! Je la prends donc, car j'estime avoir été mis en cause et parce que le règlement me donne le droit de répondre ! Par conséquent, je réponds, et j'espère que vous n'allez pas m'interrompre...
Le président. Monsieur le député, je vais vous interrompre pour deux raisons ! La première, parce qu'il faut que je vous lise l'article 73, alinéa 4, de notre règlement qui stipule: «Si un orateur estime que l'on s'est mépris sur ses propos, ou s'il a été mis en cause, le président peut lui accorder une nouvelle fois la parole». Première remarque: il ne suffit pas d'être nommé pour être mis en cause. Deuxième remarque: il est écrit: «... le président «peut»...». Dans l'usage que je ferai de ce pouvoir, vous pouvez me juger «piètre», je l'accepte !
Deuxième raison, Monsieur le député, il est écrit à l'article 90: «Le président rappelle à l'ordre... - ce n'est pas une faculté, c'est un devoir ! - ... le député - notamment - qui emploie une expression méprisante ou outrageante...» - par exemple, à l'égard des conseillers d'Etat. Alors, je ne l'ai pas fait tout à l'heure, je m'abstiendrai de le faire maintenant. Je vous prie d'intervenir sur le sujet qui est à notre ordre du jour ! (Vifs applaudissements.)
M. Rémy Pagani. Monsieur le président, je vous remercie d'avoir rappelé le règlement, que je connais comme vous... Je n'ai pas l'impression - peut-être le Mémorial le confirmera - d'avoir tenu des propos outrageants envers le Conseil d'Etat. J'ai simplement regretté l'absence de Mme Brunschwig Graf dans ce débat, car j'estime qu'elle a pris, au nom du gouvernement...
Le président. Monsieur le député, je vous prie de vous exprimer sur le point 107 de notre ordre du jour ! (Remarques. Exclamations.)
M. Rémy Pagani. J'ai quand même le droit de parler, dans ce parlement ! (Exclamations.)C'est quand même un comble !
Le président. Monsieur le député, vous vous exprimez sur le point 107 de l'ordre du jour ! (Exclamations.)
M. Rémy Pagani. Je continuerai ! Je continuerai, tant que vous ne me laisserez pas la parole...
Le président. Vous vous exprimez exclusivement sur le point 107 de l'ordre du jour ! (Exclamations.)
M. Rémy Pagani. Ça suffit ! Je peux m'exprimer, encore !
M. Christian Grobet. Taisez-vous, Halpérin !
Le président. Monsieur le député Grobet, vous n'êtes pas obligé de vous montrer discourtois ! (M. Grobet prend à partie le président. Exclamations. Remarque.)
M. Rémy Pagani. Etre courtois ? Quand M. Unger me traite... «d'artificier» ?! Excusez-moi de vous le dire: il y a tout de même des limites !
Le président. Monsieur le député, c'est vous qui avez commencé votre intervention tout à l'heure en disant que vous alliez «vous contenter» des conseillers d'Etat présents...
M. Rémy Pagani. Oui, tout à fait !
Le président. Par conséquent, vous avez employé une expression méprisante. Maintenant, vous avez la parole sur le projet de loi 8970: prenez-la et utilisez-la à cet effet !
M. Rémy Pagani. Monsieur le président, j'estime avoir été mis en cause... (Vives protestations.)Par conséquent, je demande à pouvoir m'exprimer deux minutes... (Exclamations.)Il n'y a pas de problème !
Le président. Vous vous êtes déjà expliqué sur ce sujet; maintenant ça suffit !
M. Rémy Pagani. Pas du tout, pas du tout !
Le président. Cela suffit ! Monsieur...
M. Rémy Pagani. J'entends bien que vous me donniez la parole deux minutes pour répondre aux invectives de M. le conseiller d'Etat !
Le président. Bien ! Monsieur le député, si vous n'avez rien à dire sur le projet de loi 8970, la parole vous est retirée !
Des voix. Voilà ! (Applaudissements.)
Le président. La parole est à M. le député Grobet, sur le projet de loi 8970 !
M. Christian Grobet (AdG). Monsieur le président, en guise de préambule, je tiens... (Rires et exclamations.)En guise de préambule - je vais parler de la loi, bien entendu ! - je tiens ici, au nom de l'Alliance de gauche...
Des voix. Laquelle ?
M. Christian Grobet. ... à protester vigoureusement contre la manière dont vous bafouez le droit de parole de certains députés dans ce parlement ! Vous avez montré une partialité qui n'est pas acceptable ! (Exclamations.)
Cela étant dit, je reviens à ce projet de loi, qui a été voté à l'unanimité, également par les députés de l'Alliance de gauche - quand bien même ce projet de loi ne nous satisfait pas tout à fait, nous l'avions dit, Madame Spoerri. (Brouhaha.)Il représente néanmoins un progrès par rapport à la situation actuelle, dans la mesure où la loi définit mieux la situation et prévoit que le commissaire à la déontologie aura deux adjoints.
Nous avions souhaité qu'une commission s'occupe de ces questions. Nous pensons en effet que devoir enquêter et prendre position, sur la base de dénonciations, sur d'éventuels actes répréhensibles commis par des membres de la fonction publique est une tâche très délicate. C'est si délicat que nous pensons qu'une appréciation donnée par plusieurs membres d'une commission serait une solution préférable à une décision prise par une seule personne. Certes, un demi-pas a été fait, puisque le commissaire sera assisté par deux adjoints, mais nous estimons que cette formule - même si, je le répète, c'est un progrès - n'est pas totalement satisfaisante.
Nous relevons également que le rapport de gestion du Conseil d'Etat comprendra un compte rendu sur le travail effectué par le commissariat à la déontologie. Nous aurions préféré que ce rapport soit distinct et fasse l'objet d'un débat au Grand Conseil au lieu d'être noyé au milieu du rapport annuel de gestion de l'Etat.
La question du respect des citoyennes et citoyens, tout particulièrement de la part des forces de l'ordre, qui assument une tâche difficile, et généralement tout à fait correctement, mais qui, de temps en temps - et cela est arrivé quelques fois - dérapent, doit être examinée avec beaucoup d'attention. Je le répète: je regrette personnellement que le compte rendu du commissariat à la déontologie ne fasse pas l'objet d'un rapport distinct, qui puisse être renvoyé en commission pour en débattre, par exemple à la commission judiciaire qui s'est préoccupée de cette question.
Bien entendu, nous voterons ce projet, cela d'autant plus que nous avons quand même obtenu, avec l'appui de Mme Bolay et d'autres commissaires, qu'il y ait des représentants des deux sexes au sein de ce commissariat, comme nous l'avions demandé.
Ce projet est donc un progrès, mais peut-être que nous reviendrons à la charge dans deux ou trois ans... Il faut savoir que, dans notre pays, on avance effectivement à petits pas ! Mais, il faut le reconnaître, ces petits pas ne sont pas négligeables. Nous vous remercions, Madame Spoerri d'avoir pris en compte notre projet de loi et de lui avoir donné une suite, qui va - en partie, en tout cas - dans le sens de ce que nous souhaitons.
M. Gilbert Catelain (UDC). L'objet qui nous est soumis aujourd'hui est effectivement important. En commission, nous avons pu prendre conscience de la place que donne la société à la déontologie par rapport à un corps constitué qui bénéficie de certains attributs et qui peut entraver fortement la liberté individuelle. Il faut donc renforcer les compétences et les capacités d'agir du commissariat à la déontologie, notamment en renforçant son effectif.
Sur le principe, l'UDC était plutôt sceptique au début, mais, au cours des débats, elle a constaté l'importance que prend cette notion au niveau international - au Canada, par exemple, dans les pays anglo-saxons et même en France. Nous reconnaissons qu'il est effectivement nécessaire de développer ce genre de pratique: cela permet à une entité neutre d'analyser librement, sans pressions, certaines mesures de contrainte. Sur cette base, on peut considérer que ce commissariat est efficace. A contrario, on peut se demander si ce parlement n'utilise pas toutes les occasions pour casser du sucre sur la police, qui fait son travail contre vents et marées alors qu'elle est déjà contrôlée - en interne par ses cadres, en externe par le commissariat à la déontologie - et alors que le département est directement informé des observations et des recommandations de ce commissariat.
Je souhaite donc que le renforcement de ce commissariat soit, pour ce parlement, le prélude d'une prise de conscience de ce qu'il pourra être tenu au courant par le rapport de gestion du Conseil d'Etat. En outre, cet organe neutre - le commissariat - permettra d'éviter, à terme, de devoir intervenir par des interpellations urgentes - voire par des campagnes de presse à la limite de la diffamation - pour agir sur les méthodes employées, à tort ou à raison, par la police genevoise.
L'UDC s'est opposée en partie à ce projet de loi pour un seul motif: c'est qu'en commission jamais - jamais ! - le coût de la modification de cette loi n'a été abordé. Je suis heureux d'apprendre que les partis de l'Entente proposent une motion demandant au Conseil d'Etat de présenter son projet 2006 dans les délais prévus par la loi; je suis heureux d'apprendre que tous les partis de l'Entente s'opposent à une croissance non maîtrisée des dépenses, qu'ils s'opposent tous à la croissance de la dette, etc., mais je leur rappelle à cet égard que ce projet représente tout de même une dépense supplémentaire, puisque, auparavant, ce commissariat à la déontologie fonctionnait avec un commissaire non rémunéré et non indemnisé. En ce qui me concerne, je ne suis pas opposé au fait que les personnes de ce commissariat soient dorénavant rémunérées, mais la moindre des choses serait d'en connaître le coût et les frais de fonctionnement. Cet aspect du projet n'a pas été abordé en commission, et je le regrette. Il faudrait au moins respecter la neutralité des coûts, question qui n'a, non plus, pas été évoquée. Alors, tant que les coûts et l'impact sur les budgets futurs de ce projet ne seront pas connus, il reste un goût d'inachevé.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). A l'occasion de ce débat sur le projet de loi 8970, je relève qu'une commission peut, même à partir d'un projet de loi relativement «malsain», terme que je me suis permis d'utiliser en débat de préconsultation, rectifier le tir et aboutir à un projet tout à fait satisfaisant à soumettre à ce plénum.
Je rappelle que le projet de loi initial prévoyait que ce ne soit plus la police qui puisse choisir les moyens, notamment du point de vue des armes en sa possession, pour se défendre, voire mener une action plus offensive que la balle marquante qui a fait couler beaucoup d'encre... (Commentaires.)C'est le cas de le dire, exactement ! (Rires.)
Personnellement, je trouverai tout à fait inacceptable qu'on ne laisse pas à cette même police - à ses spécialistes - le libre choix des outils dont elle a besoin, non seulement pour faire son travail mais aussi pour se défendre. Nous avons pu éviter cela, et c'est déjà un premier succès.
Le deuxième succès que je tiens à souligner, c'est d'avoir étoffé ce commissariat à la déontologie et, parce que la mission de ce dernier est complexe et très importante, le groupe démocrate-chrétien s'en félicite.
Je termine: M. Grobet a rappelé le devoir de respect de la police envers la population... Mais la population a aussi le devoir de respecter sa police. Et le commissariat à la déontologie aura également la tâche de faire respecter cela ! (Applaudissements.)
Le président. Merci, Monsieur Portier. Mesdames et Messieurs les députés, le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits: M. Pierre Froidevaux, M. Jean-Michel Gros, M. Antonio Hodgers. Monsieur Froidevaux, vous avez la parole.
M. Pierre Froidevaux (R). Merci, Monsieur le commissaire à la déontologie du parlement... Chers collègues, on vient de voir à quel point la présence de celui qui estime l'éthique est importante dans un parlement. En effet, dès qu'on a abordé le projet de loi 8970, les débats ont commencé à tourner au vinaigre - pour des raisons extrêmement futiles, Monsieur Pagani, et, même, hors sujet !
Le débat sur la police a fait l'objet de nombreuses interventions parlementaires, notamment lorsque la gauche était majoritaire au parlement. Le conseiller d'Etat en charge du département, M. Ramseyer, avait proposé de mettre en place un commissaire à la déontologie, pour qu'il renseigne avec sagesse nos autorités et qu'elles puissent ainsi faire la part des choses.
Je dois ici rendre hommage à M. Olivier Vodoz, qui s'est attelé à cette charge avec le soin qu'on lui connaît et avec beaucoup de coeur. Quand on devait le rencontrer à propos d'un dossier, on avait l'impression d'être dans un confessionnal tellement il était partie prenante.
Aujourd'hui, nous allons voter un projet de loi qui permet de faire le point sur toute l'activité déployée par M. Vodoz au cours de ces six dernières années et d'assurer la pérennité d'un système qu'il a établi à force de travail.
Nous vous proposons ce projet de loi; des critiques ont été formulées de part et d'autre. Monsieur Catelain, la vôtre, au sujet du coût, me semble peu pertinente. En l'occurrence, ce coût ne correspond pas à une prestation directe. Mais ne pas faire cette dépense, c'est générer des coûts indirects que vous ne pouvez pas estimer. Il faut donc assumer ce type d'investissement pour la pérennité du système, pour le calme au sein du parlement, pour la sérénité de la population, et cela a un prix que vous ne pouvez pas calculer ! Même si cela coûte 100 ou 200 000 F, il faut accepter de faire cette dépense. Si vous ne la faites pas, je le répète: les dépenses indirectes risquent d'être très importantes.
Je vous recommande donc, chers collègues, d'adopter ce projet de loi sans aucune modification.
Présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente
M. Jean-Michel Gros (L). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les libéraux... (Rires.)Excusez-moi: Mesdames et Messieurs les députés! Vous voyez, je vous considère tous comme faisant partie de notre grande famille !
M. Christian Brunier. On est en période électorale !
M. Jean-Michel Gros. Justement, j'allais commencer mon intervention en soulignant le miracle qui, une fois de plus, s'est produit à la commission judiciaire, puisqu'elle a réussi à élaborer un projet de loi qui a fait l'objet d'un consensus.
Mais tout d'abord, et au nom du groupe libéral - et c'est ce que je voulais dire de prime abord - je voudrais également rendre hommage à Olivier Vodoz, qui a rempli sa tâche de commissaire à la déontologie d'une manière remarquable. Il faut savoir que, rien qu'au cours de l'année 2004, ce sont 120 rapports mensuels qui sont parvenus sur son bureau ! Il les a examinés avec la plus grande attention, d'une façon complètement désintéressée, puisque bénévole, sans l'ombre d'une aide d'un quelconque secrétariat. Voilà, la réalité ! C'est pourquoi je tenais, au nom du groupe libéral, à rendre hommage à Olivier Vodoz.
C'est un miracle également, à la commission judiciaire, car ce projet, qui émane de l'Alliance de gauche, a débouché sur un projet qui a été voté par la quasi-unanimité de la commission. Mais il faut savoir que le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui n'a strictement plus rien à voir avec le projet de l'Alliance de gauche. Ce dernier prévoyait tout d'abord d'interdire quasiment l'usage des armes à notre police... Et, contrairement à ce que Mme le rapporteur a élégamment dit, ses collègues de l'Alliance de gauche n'ont pas «renoncé à légiférer»: c'est que, simplement, la majorité des commissaires leur ont dit que, s'ils ne renonçaient pas à l'article en question, ils n'entreraient pas en matière sur ce projet de loi. Ils ont donc été battus par la majorité de la commission. Ensuite, nous avons pu continuer plus sereinement nos travaux.
La quasi-interdiction d'utiliser des armes ayant été refusée, il a fallu rejeter la deuxième demande de l'Alliance de gauche, soit la création, à la place du commissariat à la déontologie, d'une gigantesque commission extraparlementaire composée d'au moins un membre par parti et qui aurait dû rendre son rapport au Grand Conseil à la fin de l'année, donnant lieu à un immense débat public pour savoir quels auraient été les éventuels excès de la police ou quels auraient été les éventuels excès de ceux dont la police était censée s'occuper... Tout cela a été supprimé !
Nous nous trouvons donc avec un commissariat à la déontologie, dont personne ne conteste ici l'utilité, renforcé par des adjoints - certes avec un quota féminin qu'il a bien fallu accepter, mode oblige ! Ce n'est pas bien grave, mais c'est dommage, car nous ne pourrons jamais avoir un commissariat entièrement composé de femmes ! (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)C'est extrêmement dommage, je le répète, car les femmes ont peut-être davantage de capacité à dialoguer, et parce qu'un commissariat composé de trois femmes aurait pu être bénéfique. Vous n'en avez pas voulu: tant pis !
Je vous demande néanmoins d'accepter ce projet de loi tel qu'il vous est soumis dans le rapport.
M. Antonio Hodgers (Ve). Les policiers - comme d'ailleurs le reste des fonctionnaires ou comme chaque être humain - peuvent déraper et commettre des abus dans le cadre de leur profession. La différence qui les caractérise par rapport à d'autres professions, c'est qu'ils ont le monopole de la force. Et c'est bien sur cette particularité, finalement, que porte tout le débat concernant un commissariat à la déontologie.
En effet, autant un fonctionnaire d'une administration, qui commettrait un abus et déciderait une action administrative non conforme à la loi, serait remis en place par une note interne, autant un policier qui s'emporte dans le cadre de ses fonctions et commet un abus physique sur un concitoyen connaîtrait des conséquences beaucoup plus graves. La faute est la même dans les deux cas - c'est-à-dire que tout être humain peut faire des erreurs - mais les conséquences sont beaucoup plus graves pour les policiers, ce qui implique une surveillance accrue à ce niveau-là.
Ainsi, le commissariat à la déontologie est, à notre sens, un instrument dont l'intérêt est double: d'une part, bien évidemment, il permet de défendre les victimes - de reconnaître qu'elles ont subi des abus manifestes de policiers - et, d'autre part, également de blanchir, le cas échéant, les policiers qui seraient accusés à tort d'actes qu'ils n'ont pas commis.
Et, dans ce sens - je tiens à le dire, parce que c'est important, et on l'a vu avec l'actualité de ces deux dernières années notamment - je regrette l'attitude du corps de police ou de son syndicat qui, à chaque critique émise sur une affaire précise, défend d'emblée le collègue mis en cause... Parce que cette attitude, de défense systématique des collègues policiers, a engendré une perte de crédibilité du corps de police, et aujourd'hui on voit bien dans les sondages d'opinion parus dans la presse que les citoyens n'ont pas très confiance en leur police.
Donc, un bon travail du commissaire à la déontologie, avec une approche intelligente de la part du corps de police, pourrait revaloriser l'image de notre police cantonale. Il faut comprendre qu'un policier qui commet un délit, c'est un homme qui dysfonctionne; si l'institution le protège, c'est l'institution qui dysfonctionne ! Et le rôle du commissaire à la déontologie est de mettre les choses à plat. Il faut absolument que le corps de police perçoive ce commissaire comme un allié, comme quelqu'un qui va clarifier les responsabilités, et pas du tout comme un instrument anti-flics. A ce niveau, le corps de police doit vraiment collaborer avec le commissaire, c'est vraiment dans son intérêt.
Mme Micheline Spoerri, conseillère d'Etat. Je suis extrêmement satisfaite, comme vous, que nous soyons arrivés à trouver une solution quant au renforcement du commissariat à la déontologie. Je prétends que l'utilité de ce commissariat et de son renforcement ne sont, en fait, contestés par personne aujourd'hui et, je le précise, y compris à l'intérieur de l'institution policière.
J'ajoute d'ailleurs que l'entrée en vigueur de cette loi coïncide - ou coïncidera - avec l'obtention du brevet fédéral de police qui a également été évoqué en commission, qui réserve une place extrêmement importante au volet consacré aux droits de l'Homme et aux règles de la déontologie, qui prennent aussi de plus en plus d'importance, compte tenu de la complexité grandissante du métier de policier.
Le principal est que nous soyons arrivés à ce résultat, et je suis convaincue que la police pourra aussi s'appuyer sur une structure plus étoffée.
En ce qui concerne les coûts, Monsieur Catelain, on ne peut pas, ici et là, demander d'améliorer la sécurité à Genève sans en améliorer la gestion. Genève tout entière, et à juste titre, réclame une amélioration dans ce domaine... A un moment donné, il faut savoir ce que l'on veut: on ne peut pas améliorer un système sans, dans certains domaines, en améliorer aussi le financement ! Alors, Monsieur Catelain, puisque vous allez bientôt devoir examiner les chiffres du budget, vous devez savoir que le département de justice et police a ramené aujourd'hui ses frais - les dépenses générales en particulier - au niveau de ce qu'ils étaient en 2002. On peut donc améliorer une situation et, aussi, en améliorer la gestion.
Je vais évidemment m'associer aux vifs remerciements adressés à M. Olivier Vodoz, pour sa motivation et tout le soin qu'il a apporté à son travail. On peut lui rendre hommage, dans la mesure où il a instauré cette culture. Je tiens également à remercier M. Gaillard, notre nouveau commissaire en fonction, qui a pris la relève et qui travaille aussi de façon remarquable.
Je vous enjoins donc, Mesdames et Messieurs, à approuver ce projet de loi et je m'engage, évidemment, à ce qu'il entre en vigueur extrêmement rapidement.
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 47 oui et 11 abstentions.
La loi 8970 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 8970 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 45 oui et 12 abstentions.