République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 15 septembre 2005 à 20h45
55e législature - 4e année - 11e session - 64e séance
PL 9163-B et objet(s) lié(s)
Premier débat
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Comme nous avons déjà mené le débat sur cet objet auparavant, il n'est pas utile d'y revenir longuement ce soir. Je voudrais juste attirer l'attention sur l'explication que nous avons tenté de donner, avec mon collègue Glatz, soit la traduction «en français courant» de ce projet de loi, qui permet de mieux comprendre ce que nous voulons avec ce frein au déficit des finances publiques; cette «traduction» se trouve en page 9 et 10 de mon rapport. Il était important que l'on puisse comprendre tous les enjeux figurant dans cet article. La dernière fois, le débat a montré, à la lecture des commentaires de certains de ceux qui s'y opposaient, que les enjeux de ce frein au déficit n'étaient pas clairs pour tout le monde.
Entre-temps, un élément concret s'est ajouté: il se trouve en effet que le canton de Vaud vient de publier son projet de budget 2006. On constate ainsi que ce canton a réussi à maintenir la croissance de ses dépenses à plus 0,4%, alors que les recettes, elles, croissaient de 0,7%. Cela montre que notre canton voisin, qui se trouvait dans les mêmes difficultés budgétaires que nous, a réussi assez brillamment à restaurer, sinon un équilibre budgétaire en tout cas un redressement spectaculaire. Si le canton de Vaud a réussi à accomplir cette performance, Genève le peut aussi. C'est le but de ce frein au déficit: nous fixer une cautèle - une barrière de sécurité, comme sur une autoroute, pour empêcher tout dérapage incontrôlé des dépenses de l'Etat. L'exemple vaudois montre que c'est possible, faisable et, en plus, tout à fait démocratique. Ce que nous proposons ce soir constitue même un accroissement de la démocratie, puisque le peuple aura finalement le dernier mot.
Je n'ajouterai rien, je suis persuadé que le débat sera serein et rapide, puisqu'une majorité de ce Grand Conseil vous recommande chaleureusement d'accueillir ce projet de loi.
Mme Michèle Künzler (Ve), rapporteuse de première minorité. Nous retrouvons donc ce projet de loi quelques mois après le premier débat à son sujet. En fait, nous avions renvoyé ce projet en commission pour étude; en commission, il n'y a quasiment pas eu de discussion, cette dernière avait lieu ailleurs, et seuls deux mots ont véritablement été changés.
Par conséquent, c'est pratiquement le même projet qui est à nouveau présenté devant le Grand Conseil. Or c'est le projet même que nous contestons, et les deux minorités se distinguent dans ce qu'elles contestent. En effet, en ce qui nous concerne, il s'agit d'une question de principe: pour nous, le système tel qu'il est proposé ne nous convient pas, parce qu'il introduit un déficit de démocratie, contrairement à ce qui a été dit, et, aussi, un déficit de responsabilité. En fait, ce projet pourrait tout aussi bien s'appeler: «Frein à l'intelligence et frein à la responsabilité»... Par conséquent, on pourrait... (Remarques.)Vous pensez maintenant, selon le rapport de majorité, qu'un refus de ce projet de loi serait «un échec cinglant pour toute la législature.» Pour ma part, je crois plutôt que c'est ce que vous, la majorité, avez fait pendant quatre ans qui constitue un échec cinglant ! En effet, vous étiez majoritaires: vous auriez donc pu prendre des décisions. Mais vous ne l'avez pas fait ! Maintenant, vous appelez à vous ligoter - pour que vous puissiez peut-être prendre des décisions... Nous, nous n'acceptons pas cette déresponsabilisation. Nous pensons que les élus doivent prendre des responsabilités et faire des choix, que le peuple peut désavouer, mais pas se ligoter pour surtout ne pas dépenser. C'est un syllogisme qui vous sert de réflexion: parce que les Verts et la gauche s'opposent à ce projet, vous pensez que cela vous donne raison... A votre place, je me poserais tout de même des questions. Si deux adversaires vous disent, avec des arguments différents, que votre projet est une erreur, peut-être est-ce le signe qu'il faudrait réfléchir. Vous ne l'avez pas voulu, vous ne l'avez pas fait en commission ! Tout ce qui vous intéresse, c'est de voter ce projet de loi maintenant, parce que vous avez l'assurance d'être majoritaires - ce que vous ne serez peut-être pas la prochaine fois. (Exclamations.)C'est une hypothèse de travail, que vous craignez précisément ! La seule chose sur laquelle nous sommes d'accord avec vous, c'est qu'il faut agir - il est vrai que la dette est importante. Mais nous pensons qu'il faut d'abord appliquer le principe de réalité: il y a des rentrées d'argent importantes, il y a des dépenses importantes, c'est vrai, et il nous faut trouver des solutions ! Mais ce n'est pas en se ligotant ou en attendant un hypothétique coup de bâton au bout de quatre ans que nous en trouverons.
Mesdames et Messieurs les députés, nous vous encourageons vivement à refuser ce projet de loi, parce qu'il représente le début de la déresponsabilisation des élus. C'est peut-être ce que vous cherchez, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, mais ce n'est pas ce que nous voulons ! Nous voulons une démocratie forte, et non pas un coup de bâton dans quatre ans pour empêcher des dépenses.
Il faut améliorer la gestion de l'Etat, débureaucratiser l'Etat et, peut-être aussi, augmenter les recettes fiscales, parce qu'elles ont été abaissées. Il faudrait peut-être revenir à leur niveau d'il y a quelques années, parce qu'il ne sert à rien de s'endetter davantage pour devoir ensuite payer encore plus cher: c'est comme lorsque vous achetez quelque chose à crédit. Et plutôt que de payer deux fois le montant de l'objet, il vaut peut-être mieux débourser une forte somme immédiatement.
Nous vous invitons donc à refuser fermement ces projets de lois, parce qu'ils ne nous apportent rien de bon.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Comme l'a dit le rapporteur de majorité, le débat a déjà eu lieu, longuement d'ailleurs, il y a quelques mois. Il s'agira donc d'être bref, en tout cas pour l'introduction.
Une voix. Ah !
M. Alberto Velasco. Je voulais ajouter, comme l'a relevé ma collègue des Verts, que nous avons été déçus en commission des finances parce que, lors du renvoi, nous nous attendions à ce que davantage de travail soit effectué. C'est dans cette optique que Mme la présidente du département des finances avait souhaité le renvoi de ce projet en commission. Tel n'a pas été le cas, la séance a été de très courte durée, et je crois qu'il y a eu un accord entre l'Entente et l'UDC dans le but de limiter au maximum les débats et de voter l'amendement de l'UDC. Par ailleurs, alors que le projet d'origine se basait sur un PFQ, un plan financier quadriennal, le terme «quadriennal» a été retiré suite à l'insistante demande de l'UDC, ce qui accentue encore l'effet de couperet du projet de loi que nous allons voter - puisque ce plan peut se réaliser sur trois ans, deux ans, voire une année. Cela nous semble une approche inacceptable, d'autant plus que nous, les socialistes, contrairement à nos collègues de la gauche et des Verts, nous avions proposé un projet de loi. En effet, il est possible de partager le constat que vous faites: le montant du déficit de la dette n'est pas supportable à long terme et, en outre, il serait bon d'analyser le fonctionnement de l'Etat. En revanche, nous ne partageons pas vos conclusions quant à l'origine de ce déficit - nous faisons un autre type de constat - et, surtout, notre avis diverge quant à la manière d'introduire les mécanismes d'assainissement. Nous avions proposé un projet de loi qui aurait permis, pendant quatre ans, d'observer la déviation tant de la dette que des dépenses de l'Etat, et c'était la moyenne de ces quatre années qui aurait permis, à ce moment-là, d'aller devant le peuple. Tout le projet de loi devait aller devant le peuple.
Vous n'avez pas tenu compte de notre projet, vous n'avez retenu qu'une toute partie de ce qu'il proposait, celle qui concerne les mesures de sanction consistant à proposer au peuple, après que le plan financier quadriennal n'a pas fonctionné - c'est-à-dire si la sanction n'a pas été assez sévère ou n'a pas atteint les objectifs désirés - des mesures législatives, soit par le biais de la baisse des charges soit par celui de l'augmentation des impôts. Or cette façon de concevoir les choses ne nous convient pas, nous pensons que les mesures doivent être prises dans la durée. Face de ces mesures, il y a des problèmes sociaux, il y a des fonctionnaires, il y a le fonctionnement de l'Etat... Il ne s'agit donc pas de prendre des mesures n'importe comment, tout simplement pour faire correspondre une situation à des chiffres: derrière les chiffres, il y a des êtres humains ! Par conséquent, il faut savoir appliquer ces mesures avec parcimonie.
Pour toutes ces raisons, nous, socialistes, refuserons le projet de loi tel qu'il nous est soumis, parce que nous jugeons qu'il ne correspond absolument pas aux solutions que nous avions proposées en commission des finances.
M. Jean Spielmann (AdG). Voici la situation à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés: vous, députés de l'Entente et de l'UDC, cherchez, via une loi, des grandes déclarations et des grandes propositions sans effet concret direct, à vous faire passer pour ceux qui sont en faveur de la réduction de la dette. En fait, Mesdames et Messieurs les députés qui nous faites face, vous et votre politique vous caractérisez par le fait d'avoir voté tous les budgets lorsqu'ils étaient déficitaires, par celui de les avoir refusés les seules fois où ils étaient équilibrés, par le fait d'avoir mené une politique consistant à être dans l'opposition quand nous avions réussi, pour quatre ans, à équilibrer les comptes du canton, de vous être opposés à cette politique et, enfin, d'avoir malheureusement retrouvé la majorité pour, en une seule année, avoir réussi à faire passer les finances de la République de 400 millions de francs de boni à 400 millions de francs de déficit. Voilà le résultat de votre gestion !
Et vous proposez aujourd'hui une règle générale, un principe selon lequel il faut mettre un frein à l'endettement... Mais l'endettement résulte de la politique que vous menez ! Dans le cadre du budget et des dépenses... (Brouhaha.)... plus de 80% des dépenses sont liées à des lois. Ces lois, vous les avez votées. Partant de là, il s'agit de modifier concrètement le fonctionnement de l'Etat sur des points précis pour qu'il ne soit ensuite plus permis au Conseil d'Etat de dépenser les montants des lois que vous votez. A partir du moment où vous votez des lois contraignantes et que vous menez une politique conduisant à l'augmentation du déficit, comment voulez-vous que les gens acceptent qu'une loi de frein aux dépenses soit inscrite dans la constitution ? C'est un peu la méthode Coué ! Dans le fond, vous votez des lois qui nécessitent des dépenses et vous voulez, en même temps, instaurer une loi qui empêche la dette. Comment voulez-vous être crédibles ici en disant: «Nous voulons rééquilibrer les comptes»: avec un budget déficitaire, avec une politique de réduction des impôts pour les plus nantis et avec une politique qui continue à occasionner d'énormes gaspillages dans le budget de l'Etat ? C'est paradoxal autant qu'absurde, et je suis persuadé que le peuple me comprendra.
Vos propositions sont une restriction de la démocratie et, surtout, constituent fuite à l'égard de vos responsabilités majoritaires ! Le Conseil d'Etat se trouve aujourd'hui dans une situation tout de même paradoxale - personne n'en parle, bien sûr. Aujourd'hui, c'est le 15 septembre, date du délai légal pour le dépôt du budget: le Conseil d'Etat, l'organe de surveillance des communes, vérifie que chacune d'entre elles ait déposé leur budget dans le délai imparti; les lois doivent être respectées et les budgets équilibrés. La Ville de Genève, que vous critiquez abondamment, a distribué, voilà déjà plusieurs semaines, des documents complets sur son budget, avec l'exposé des motifs de chacune des dépenses, avec des documents qui permettent à la commission des finances de travailler et qui permettent aussi à cette commune d'avoir un budget équilibré et de faire des choix politiques. Où sont vos choix politiques ? En quoi consiste la politique du Conseil d'Etat ? Où se situe la responsabilité, lorsque l'on n'est même pas capable de respecter la loi alors qu'on est là pour la faire respecter ?
Le Conseil d'Etat, aujourd'hui, n'a pas présenté de budget. Pire que cela: non seulement il ne respecte pas la loi mais, de plus, il persistera dans ce non-respect, puisqu'il a déclaré qu'il présenterait le budget après les élections. Quelle belle preuve du sens des responsabilités ! Vous avez bonne mine de venir avec des projets de loi de frein aux dépenses, alors que vous n'êtes même pas capables de présenter un budget permettant à la population de comprendre que des responsables au Conseil d'Etat et au sein de la majorité politique présentent un budget équilibré permettant de réduire les dettes. Pourquoi ne le faites-vous pas ? Pourquoi ne présentez-vous pas un budget politique et des changements de loi ? (L'orateur est interpellé.)Oui, Monsieur Gros, c'est vous, les députés de la majorité, qui êtes responsables de la situation politique dans laquelle nous nous trouvons ! C'est vous qui êtes responsables d'avoir fait plonger la République dans l'illégalité, avec des budgets non présentés. Je prends ici le pari - et nous en reparlerons - que, lors du prochain budget, nous travaillerons sur la base de documents provisoires... Nous n'aurons à nouveau pas de documents ni de présentation concrète et cohérente, et nous ne serons pas à même d'examiner correctement les finances de l'Etat afin de prendre des décisions politiques réelles.
Je comprends maintenant pourquoi vous faites des propositions du type de celle qui se trouve dans ce projet de loi: vous fuyez vos responsabilités tout en feignant de présenter un grand projet de frein aux dépenses à la population. Ne croyez-vous pas que vous seriez plus crédibles en ayant déposé un budget dans les délais ? En ayant présenté des options politiques permettant à la population de comprendre que vous voulez équilibrer les comptes de l'Etat et réduire la dette ? Rien de tout cela ! Vous ne fournissez aucune discussion politique ni aucune présentation qui puisse rendre crédible... (L'orateur est interpellé.)Cela vous gêne, Monsieur Froidevaux, que l'on parle en ces termes, cela vous dérange, et je le comprends ! Mais ayez donc recours à des argumentations politiques ! (Brouhaha. Remarques.)Expliquez-nous pourquoi vous votez des budgets déficitaires avec plus de 5 millions de francs de déficit, sans broncher, et pourquoi vous nous faites voter un frein aux dépenses ! (Brouhaha.)Votre politique est le fait d'une contradiction extraordinaire... Un proverbe chinois dit qu'il est inutile d'aboyer lorsque l'on est incapable de mordre. (Exclamations.)
M. Jean Spielmann. Vous n'êtes pas capables de gérer les affaires financières de cette République, vous n'êtes pas capables de présenter un budget dans les limites des délais légaux, et vous nous présentez - avec l'ambition de contribuer à freiner les dépenses - un projet de loi ?! Qui vous croira ?
La population genevoise a pu se rendre compte, au cours des vingt dernières années, que ce n'est que pendant quatre années que les budgets ont été équilibrés et que la dette a été remboursée. (Exclamations.)Ce sont les quatre années durant lesquelles la gauche a été majoritaire au Grand Conseil - et malheureusement pas au Conseil d'Etat, sans quoi nous aurions peut-être pu faire encore mieux. La population sait donc que la gauche gère mieux les affaires financières de la population que ne le fait la droite. (Exclamations.)Ce sont les chiffres qui le montrent, c'est une réalité !
Alors, j'attends de voir le budget et de voir quelles sont vos solutions concrètes. Nous rediscuterons à ce moment-là ! Le fait qu'il y ait une couverture sociale insuffisante et qu'il n'y ait pas de véritable prévoyance augmentent les coûts de l'assistance. Il y a près de 25 000 chômeurs dans ce canton, et l'on dépense un argent considérable à cause d'une politique économique absurde ! Vous êtes responsables de cette politique, donc de la dette. Alors, une constitution qui prévoit le frein à l'endettement... Moi je vous attends au contour avec le prochain budget !
La présidente. Merci, Monsieur le député. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. MM. Muller, Odier, Kanaan, Marcet, Bavarel, Gautier, Glatz, Mouhanna, Iselin et Spielmann sont encore inscrits.
M. Mark Muller (L). Je déplore les propos que M. Spielmann vient de tenir. Ce sont des propos guerriers que même M. Velasco ne partage pas dans son rapport, puisque lui-même a l'honnêteté de reconnaître que lors de la fameuse législature pendant laquelle l'Alternative a été majoritaire, c'est grâce à une embellie de la conjoncture que nous avons pu bénéficier de recettes fiscales supplémentaires et de finances saines. Faisons donc tous preuve d'honnêteté ! Nous pourrons alors avancer ensemble afin de trouver des solutions au problème, grave - personne ne le conteste - de la situation de nos finances publiques.
Après une législature où, il faut bien le dire, les cigales ont gouverné la République... (Rires.)Il y a eu une prise de conscience en 2003. (Exclamations.)En 2003, nous avons réalisé que les finances n'étaient pas si saines que cela...
Une voix. Oh non!
M. Mark Muller. ... que certaines recettes fiscales étaient surévaluées...
Une voix. C'est vrai!
M. Mark Muller. ... et que les dépenses explosaient.
Une voix. C'est vrai !
M. Mark Muller. C'est à ce moment-là que les «fourmis libérales» sont entrées en action... (Chahut.)... et ont demandé au Conseil d'Etat de prendre un certain nombre de mesures. Et nous avons demandé un plan financier quadriennal, un programme d'évaluation des prestations et des économies. Nous le reconnaissons, le Conseil d'Etat a fait un excellent travail puisque, aujourd'hui, nous avons un plan financier quadriennal - difficile à tenir, je vous l'accorde - et puisque le projet GE-Pilote est en cours et que des efforts d'économies sont réalisés. En 2003, le groupe libéral s'est dit qu'il fallait que davantage soit accompli, il s'est dit qu'il fallait adopter dans notre canton un véritable système de frein au déficit, donc de frein à l'endettement.
Pourquoi faut-il un tel système ? Eh bien, parce que dans notre canton il existe déjà un certain nombre de mécanismes légaux: une loi impose l'équilibre des finances depuis 1997, une autre loi - par exemple - demande que toutes les dépenses nouvelles fassent l'objet d'une couverture financière. Malheureusement, nous avons une certaine difficulté à respecter ces lois parce que, principalement, il n'y a pas de sanction lorsque nous ne les respectons pas. C'est la raison pour laquelle le système de frein aux dépenses est nécessaire.
Vous nous accusez d'être indisciplinés, de dépenser à tort et à travers, mais vous soutenez également toutes ces dépenses ! Vous êtes par conséquent coresponsables de toutes les dépenses qui sont engagées dans cette République. Par ailleurs, il faut reconnaître que vous ne nous aidez pas beaucoup: l'année dernière, dans le cadre du budget 2005, certaines des mesures allaient dans votre sens - je pense par exemple aux augmentations d'impôts - et cela a été le monde à l'envers: c'est la droite qui a soutenu ces augmentations, alors que la gauche les combattait, allant même jusqu'au référendum. C'est donc bien le signal qu'à l'heure actuelle il est très difficile d'engager un véritable dialogue et d'avancer vers un consensus dans ce domaine.
Que propose ce projet ? Il propose un système extrêmement raisonnable et sérieux: tout d'abord, l'exigence de l'équilibre des budgets. Par ailleurs, en cas de dépassement d'un certain déficit, ce projet exige que l'on comble le trou: on se donne quatre ans pour rattraper le retard et pour rembourser ce déficit. Et c'est après ces quatre années - au cours desquelles on aura fait des efforts, des propositions, et mis en place un plan financier quadriennal - qu'en cas d'échec on en vient à la sanction. Monsieur Spielmann vous avez tort lorsque vous dites que ce système-ci ne sera pas plus respecté qu'un autre. Parce qu'il s'agit d'un système de sanctions contraignantes que nous proposons. Or c'est bien là que se situe la nouveauté, et c'est ce qui en fera, cher Monsieur, l'efficacité ! Alors, après quatre ans, nous proposerons un système très simple: nous demanderons au peuple de choisir la méthode d'assainissement des finances publiques. Nous lui demanderons: «Voulez-vous que nous procédions par le biais d'économies ou par celui d'une augmentation des impôts ?»
Et je suis très étonné ce soir que les socialistes et les Verts ne soutiennent pas ce principe, les socialistes qui eux-mêmes avaient déposé un projet de frein à l'endettement ! Alors, pour des raisons qui me dépassent, tout d'un coup vous vous retrouvez rapporteur de minorité... Vous auriez pu vous contenter de vous opposer au projet, parce qu'il ne vous convient pas entièrement, mais, de là à déposer un rapport de minorité, je trouve cela excessif !
Autre élément qu'il est important de rappeler: Genève est, aujourd'hui, le seul canton de Suisse romande qui ne dispose pas d'un système de frein à l'endettement. Fribourg le connaît depuis longtemps; le peuple valaisan l'a plébiscité il y a quelques mois; même le canton de Neuchâtel, qui est majoritairement de gauche depuis quelques temps, vient de se doter d'un tel système.
Et l'argument - je parlerais plutôt d'argutie - que vous nous servez ce soir est que se doter d'un tel système serait antidémocratique. Là, vraiment, je trouve que vous allez loin ! En effet, à partir du moment où l'on reconnaît qu'il est important de redresser les finances publiques, qu'y a-t-il de plus démocratique que de demander au peuple, à un moment donné - c'est-à-dire après un long processus de maturation où nous ne serions pas parvenus à rétablir les finances - quelle méthode il veut privilégier pour ce redressement ? Je ne connais pas de système plus démocratique que cela, nous offrons à la population le choix du moyen de redresser les finances publiques !
C'est un peu comme si vous nous disiez - je prends un exemple au hasard, imaginons une élection populaire où il y a deux candidats pour un seul poste: «Il est antidémocratique de ne présenter que deux candidats pour une élection, parce qu'il faut choisir l'un des deux.» Eh bien, c'est exactement ce que nous proposons: nous proposons au peuple de choisir entre des économies ou des impôts, et cela est parfaitement démocratique.
Vous devez reconnaître que ce que nous proposons n'est ni excessif ni dogmatique. Ce n'est pas excessif parce que ce ne serait qu'après quatre ans que ce système serait appliqué. Et surtout, cela n'est pas dogmatique, vous devez le reconnaître, parce que nous prenons le risque...
Une voix. Ah !
M. Mark Muller. ... de redresser les finances par une mesure d'augmentation des impôts. Donc, nous offrons le choix entre des économies et des augmentations d'impôts, et j'aurais aimé que vous reconnaissiez notre ouverture d'esprit à cet égard.
Dernier mot pour conclure: ce système est extrêmement efficace. Deux cantons le connaissent depuis longtemps, Fribourg et Saint-Gall. Ce sont les deux cantons suisses où les finances sont les plus saines. Je pense qu'il y a un rapport de cause à effet entre la santé des finances de ces cantons et l'existence du système de frein à l'endettement qui fait, in fine, appel au peuple. Pourquoi ? Parce qu'un gouvernement ne voudra jamais en arriver au point où il devra se soumettre à la sanction du peuple - quel aveu d'échec que de devoir s'en remettre au peuple pour que ce dernier décide de ce qu'il faut faire ! Par conséquent, le peuple n'a jamais eu à se prononcer, ni à Fribourg ni à Saint-Gall. L'effet préventif du système est tel qu'on se débrouille avant pour assainir les finances et pour adopter des budgets et des comptes équilibrés.
Sur la base de ces arguments, je vous propose d'adopter ce projet de loi, qui sera soumis au peuple puisqu'il entraîne une modification constitutionnelle, et je suis sûr que le peuple nous suivra. (Applaudissements.)
M. Jean-Marc Odier (R). Il y a au moins un point sur lequel nous sommes tous d'accord: la situation des finances publiques est désastreuse.
Nous avons entendu tout à l'heure l'envolée de M. Spielmann... Cela fait bientôt trente ans qu'il nous sert le même couplet. Aujourd'hui, il nous donne encore des leçons, notamment au Conseil d'Etat qui ne présente pas le budget à la date prévue par la loi, c'est-à-dire le 15 septembre. Sur ce point - et seulement sur ce point - Monsieur Spielmann, vous avez raison ! Je pense en effet qu'il n'est pas normal que le Conseil d'Etat ne présente pas un budget en temps utile. Cela me donne plutôt l'impression que l'approche des élections entraîne une esquive du débat.
Si l'on a parlé des cigales et des fourmis, je vous parlerai des castors: les radicaux...
Une voix. Bravo !
M. Jean-Marc Odier. ... les radicaux qui, déjà en 2002, avaient déposé un projet de loi de réduction des dépenses et de frein à l'endettement, projet de loi qu'ils ont réactualisé en 2003 et en 2004. C'est vous dire si, pour le groupe radical, la situation financière de l'Etat est importante et combien il a à coeur de résoudre le problème du cumul du déficit de fonctionnement. Nous avons plus de 12 milliards de francs de dettes, que nous reporterons sur les générations futures si nous ne prenons pas les choses en main.
Le mécanisme proposé aujourd'hui est soutenu par les partis de l'Entente, auxquels l'UDC s'est jointe afin que nous soyons, dans cette enceinte, majoritaires à ce sujet. Ce projet de loi est extrêmement raisonnable, il est progressif dans les efforts qu'il demande. Sur quatre ans, il propose des réductions régulières de déficit. Après quoi, au bout de quatre ans, si nous n'arrivons pas à l'objectif fixé, le fait nouveau qui est proposé consiste à demander au souverain, le peuple, de se déterminer sur les moyens de redressement des finances: une augmentation d'impôts ou une réduction des dépenses. Il doit se déterminer par rapport à une opposition. En effet, jusqu'à maintenant, il n'était pas très difficile d'imaginer le résultat d'une votation si l'on posait aux Genevois la question suivante: «Voulez-vous payer plus d'impôts ?»
M. Jacques Pagan. Oui !
Une voix. Ah, bravo Pagan ! Bravo !
M. Jean-Marc Odier. Ou: «Voulez-vous réduire les prestations ?» Il était évident que les Genevois répondraient par la négative à chacune de ces questions. Avec ce projet de loi, on dit que si, dans quatre ans, on n'est pas arrivé à réduire les dépenses, le Conseil d'Etat devra proposer l'alternative opposant l'augmentation des impôts à la réduction des prestations. Nous pensons que ce système est bon, surtout lorsque majorité et minorité parlementaires sont très proches l'une de l'autre - en termes de nombre.
Cela ne m'étonne pas que le parti socialiste soit complètement opposé à ce système, mais j'ai cru que les Verts pourraient l'accepter. Seulement, les Verts rejettent ce système pour une question de principe: ils estiment que le peuple doit avoir la possibilité de répondre non aux deux questions. Eh bien, Mesdames et Messieurs les députés, nous n'avons plus la possibilité, dans la situation financière actuelle de l'Etat, de proposer des votations à l'issue desquelles il peut y avoir un double non ! Alors, si vous n'êtes pas conscients de cela, vous essayez de conserver ce principe comme ligne de mire et vous vous réfugiez derrière pour vous opposer à tout... Vous ne proposez rien ! Or il faut absolument que ce projet de loi aboutisse, et j'invite cette assemblée à le voter. (Applaudissements.)
M. Sami Kanaan (S). En fait, le seul avantage du renvoi en commission de ce projet de loi en juin, c'est que nous pouvons en parler à l'avant-dernière session de la législature. Je trouve qu'il s'agit d'un très bon moment pour en parler, parce que c'est le point culminant pour conclure une législature désastreuse en termes de gestion des finances publiques. Evidemment, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, que vous êtes très pressés de faire voter ce projet de loi, parce que vous souhaitez pouvoir dire à vos électeurs que vous avez fait quelque chose... Il s'agit en fait d'un aveu d'échec - je ne répéterai pas ce qu'a dit notre collègue Spielmann. Certains ont relevé que M. Spielmann se répétait... Oui, parce que, malheureusement, la situation se répète, législature après législature, à part pour celle durant laquelle nous avons été majoritaires. Bilan objectif de cette législature: 3,5 milliards de francs de plus sur la dette ! A votre place, je ne serais pas très fier.
En juin, ce dossier a été renvoyé en commission afin que soit trouvé un compromis - parce que nous, socialistes, étions prêts à discuter, je reviendrai sur cela ultérieurement. Le jour venu, comme l'a dit le rapporteur de minorité socialiste, la discussion a été bâclée. Parce que, la veille, l'Entente avait réussi, à force de la supplier, à convaincre l'UDC... (Exclamations.)... de se rallier à ses positions. Précisons tout de même que ce n'est pas tellement l'Entente qui a réussi à convaincre l'UDC, mais plutôt l'UDC qui a convaincu l'Entente ! En effet, il ne faut pas sous-estimer le seul changement important de ce projet de loi entre la version de juin et la version actuelle: à l'époque, on parlait encore d'un plan quadriennal. L'UDC a réussi à vous convaincre que c'était quadriennal, donc sur quatre ans au grand maximum, et que l'assainissement pouvait se réaliser en une année... Nous nous trouvons donc encore plus dans la fantasmagorie ! Ce que vous faites est une arnaque démocratique et politique.
En juin, nous avons voté la loi constitutionnelle, qui été amputée de tout mécanisme relatif aux finances publiques. Cette loi se contente de définir le mécanisme de vote, dont cette fameuse clause interdisant le double non. Nous aurions pu entrer en matière si dans la même loi - constitutionnelle - un mécanisme transparent et ouvert avait été intégré, et si ce mécanisme avait été défini, au niveau de la constitution, en matière de finances publiques. Vous n'avez évidemment pas osé inscrire cela dans la Constitution, vous préférez le faire figurer dans une loi. Nous prétendons que, de cette manière, ce sera inapplicable et que, par ailleurs, c'est irréaliste.
En outre, il est faux de parler d'un frein à l'endettement, et vous le savez très bien. En effet, dans le meilleur des cas, en supposant que cela marche, cette loi constituera éventuellement un frein à l'augmentation des déficits publics, mais la dette ne diminuera en tout cas pas ! Elle continuera d'augmenter, peut-être simplement un peu moins vite.
Aussi, l'histoire du plan financier quadriennal n'est pas anodine, parce que vouloir faire encore plus vite qu'un plan sur quatre ans, c'est prétendre qu'en un an ou deux, en théorie, on pourrait assainir les finances publiques de l'Etat de Genève. C'est carrément une arnaque de prétendre cela aujourd'hui, et vous le savez très bien ! Il est impossible d'assainir les finances publiques de Genève aujourd'hui ! Et c'est un pur mensonge que de le promettre au peuple, à moins que vous ne fassiez ce que Jean Spielmann a proposé, c'est-à-dire assumer vos positions et assainir à la hache... Evidemment, vous pourriez aussi supprimer l'équivalent de 800 millions de francs en termes d'activités publiques ! Vous n'avez pas osé le faire ces dernières quatre années. La seule fois que vous avez vaguement essayé, c'est l'année passée, et le peuple, à juste titre, vous a renvoyés à vos études.
Donc, vous faites essentiellement de la cosmétique ! C'est regrettable. Parce que nous l'avions déjà dit - en juin - et le redisons aujourd'hui: nous avons un problème de finances publiques, et nous les socialistes étions prêts à en discuter sérieusement. Vous avez préféré bâcler le travail et vous allier à l'UDC. Chacun ses choix politiques ! Ensuite, vous venez nous donnez des leçons en matière d'apparentements...
Vous niez les réalités du service public et de la société. En effet, Mark Muller a pertinemment relevé que des lois déjà existantes, votées et en principe en vigueur, n'étaient pas respectées. Par conséquent, comment le fait de voter une nouvelle loi va-t-il changer quoi que ce soit à cet état de fait ? Il faut maintenant s'attaquer aux problèmes financiers de l'Etat par un travail concret, et non pas travailler, en vase clos et de manière abstraite, en commission, en étant coupés de toute réalité.
Nous avons aussi dit, et nous le répétons, que le vrai problème, c'est la dette. Aujourd'hui, si l'on voulait vraiment non seulement stabiliser la dette mais également commencer à la réduire, il faudrait améliorer le résultat annuel de l'Etat de Genève d'au moins 600 millions, voire 800 millions. Alors, nous attendons toujours vos solutions concrètes, et pas seulement vos solutions techniques et législatives pour atteindre ce fameux résultat de 800 millions ! Mais vous n'avez visiblement rien de crédible à proposer.
Une voix. Cela viendra !
M. Sami Kanaan. Nous attendons toujours ! Cela fait quatre ans que nous attendons. Evidemment, avant les élections, il n'est pas facile de présenter des solutions !
On a beaucoup parlé de la démocratie et du rôle du peuple... Là, nous introduisons une petite nuance quant à la conception de nos amis Verts, avec qui nous sommes très proches en matière de finances publiques. En effet, il faut admettre que si nous présentons séparément au peuple d'une part des questions fiscales et, d'autre part, des questions liées aux prestations, on risque le double non. C'est d'ailleurs ce qui se passe actuellement: le 24 avril, le peuple, avec raison, a dit non à des baisses de prestations mais, en même temps, à d'autres occasions, le peuple a dit non - en tout cas ces dernières années - à des hausses fiscales. (Brouhaha.)Ce n'est toutefois pas une situation inextricable... Il est vrai qu'une partie des économies et des diminutions de dépenses peuvent venir d'un programme d'économies sur le fonctionnement de l'Etat, s'il est fait intelligemment - cela ne se fait pas en six ou en douze mois. Et surtout, cela ne suffira pas ! Cela suffira éventuellement à réduire quelque peu le déficit, mais en tout cas pas à l'éliminer, donc pas à supprimer la dette. C'est pourquoi nous avions, à l'époque, proposé au peuple le projet de loi constitutionnel - constitutionnel ! - avec l'ensemble du mécanisme ! Mais vous n'avez pas eu le courage d'aller jusqu'au bout de cette démarche devant le peuple, et nous le regrettons.
Alors, aujourd'hui il est évident nous refuserons cette loi, qui n'est même pas amendable en l'état parce qu'elle est totalement inutilisable: elle est digne des autres lois que vous avez votées durant cette législature. C'est comme sur la fonction publique, c'est comme sur l'aménagement du territoire: vous vous êtes fait plaisir avec des idéologies à bon marché et vous n'avez réglé aucun problème de cette République ! (Applaudissements.)
M. Claude Marcet (UDC). Le groupe UDC votera cette loi. Mais il faut bien être conscient du fait que, pour le groupe UDC, c'est une toute petite mesure. En effet, cela équivaut à un tout petit frein. Par ailleurs, demain, de toute façon, l'endettement continuera à croître, même avec le vote de cette loi. «Freiner» ne veut pas dire «s'arrêter», encore moins «réduire la dette». Il est clair que nous sommes ici dans le cadre d'un projet de loi qui ne vise qu'à prendre de toutes petites mesures. Demain, d'autres mesures, beaucoup plus drastiques, devront être envisagées, si l'on veut inverser le flux des réacteurs qui nous mènent actuellement dans le mur ! Il faut que vous le sachiez: nous ne pouvons pas continuer comme cela, faute de quoi, demain, ce sont nos gamins qui paieront notre incompétence à tous, celle qui consiste à ne pas savoir prendre les décisions nécessaires si nous voulons assainir les finances de ce canton.
Notre groupe a proposé des amendements, les seuls qui allaient dans le sens d'une mécanique visant à la réduction. Ces amendements étaient de type monétaire. Tout ce que vous voyez dans la loi est de type comptable; mais derrière la question comptable se trouve la question monétaire. Tant que vous n'aurez pas compris que l'endettement est de type monétaire et que certaines des mesures proposées ne sont pas suffisantes, nous continuerons à faire valoir la question monétaire dans ce domaine.
Monsieur Spielmann, vous avez raison sur un point: tout est issu de lois. Dans ce cas, et je m'adresse alors à M. Brunier: pourquoi nous enfiler 100 000 balles de plus, alors même que nous continuons à nous endetter ? 100 000 balles par-ci, 100 000 balles par-là... Parce que nous n'avons pas une vision globale de l'ensemble du problème ! Nous avançons par petits pas, par petites dépenses successives, sans nous rendre compte qu'un petit peu plus et un petit peu plus finit par faire beaucoup plus. Par conséquent, si vous ne comprenez pas ces phénomènes, il faudra alors que d'autres réalisent ce que nous ne sommes pas capables de faire.
J'ai entendu la sempiternelle remarque à propos de la réduction fiscale de 12% accordée... Je me permets, pour la énième fois, Messieurs de la gauche, de souligner que, s'il y a eu une réduction d'impôts de 12%, il y a eu en six ans quelque 18% d'augmentation des recettes. Par contre, expliquez-moi comment on arrive à quelque 30% d'augmentation des charges !
Pour être vraiment cohérents et pour assainir les finances de ce canton, il faut d'abord réduire ses charges, avant même de se dire que nous pourrions encore faire quelque chose qui, demain, augmentera l'endettement. (Applaudissements.)
M. Christian Bavarel (Ve). C'est avec un plaisir non dissimulé que j'ai entendu tout à l'heure cet aveu de M. Mark Muller: cette République a été gérée, pendant quatre ans, par des cigales. C'est un aveu ! Et vous aviez la majorité. Je ne sais pas pourquoi vous appelez le peuple à voter pour vous... C'est une erreur ! (Remarques. Brouhaha.)Si vous avez mal géré cette République pendant quatre ans, demandez honnêtement au peuple de changer de majorité ! Cela me semble évident.
Quant aux fourmis dont parlait M. Muller, il s'agit peut-être de celles qu'il trouvait sur les anciens billets de mille francs qui devaient remplir son porte-monnaie ! Maintenant, il doit tout payer en argent plastique, c'est pourquoi il n'a pas vu que les billets avaient changé. (Commentaires.)Mais la fourmi libérale, autrement, je ne l'ai pas vue !
Une voix. Pense aux castors !
M. Christian Bavarel. Quant aux castors, j'éviterai quelques blagues grivoises, ce n'est pas le lieu, je vous les raconterai à la buvette si vous y tenez vraiment.
Je vous rappelle donc que la majorité, c'est vous, cela fait quatre ans que vous l'avez, et que vous deviez vous occuper des finances publiques de manière plus efficace. Avec vos règles et votre idéologie vous n'avez pourtant pas réussi à le faire ! (Exclamations.)
Le projet que vous nous proposez ce soir - le mécanisme qui entraîne l'interdiction du double non, soit le oui à l'un des deux projets - revient à dire que vous pourriez présenter d'un côté la suppression de l'Université et, de l'autre, une augmentation des impôts de l'ordre de 300 millions de francs ?! Et que le peuple serait obligé d'accepter l'une de deux solutions ?! Voilà pourquoi nous vous disons qu'il y a confiscation de la démocratie ! Parce que, sur deux solutions qui sont iniques, vous forcez le peuple à en accepter une !
Selon notre conception de la démocratie helvétique, le peuple a le droit de dire aux parlementaires, et vous l'avez fait lors du dernier débat: «Retournez à votre travail, vous n'avez pas fait votre boulot comme il se doit !» C'est pourquoi nous avons une démocratie semi-directe: pour que le peuple ait un droit de veto. Ce n'est pas pour le contraindre, mais pour lui permettre de dire au système politique qu'il n'a pas fait son travail comme il le devait. Nous devons accomplir notre travail et, au lieu de rêver de sanctions et de vouloir s'autosanctionner, ne pourrait-on pas instaurer un système de récompenses ?
Lors de la présentation du dernier budget, nous avons entendu ce que vous avez répondu à celui qui a fait réaliser des économies à l'Etat, qu'il soit conseiller d'Etat ou chef de service: «Si vous avez géré l'argent de l'Etat de manière précautionneuse, vous allez voir votre secteur se faire couper de manière linéaire... » (Rires. Commentaires.)Bref: «Faire l'objet de coupes linéaires, et vous vous retrouverez dans une situation où vous ne pourrez pas travailler correctement!» Quant à celui qui s'est constitué un «matelas», qui a de l'argent ou des postes de côté, il devrait se retrouver dans une situation somme toute pas désagréable... Il va donc falloir trouver un système pour récompenser les personnes qui font des économies dans cette République et que nous arrêtions de punir celles qui ont des comportements vertueux. C'est ce mécanisme-là qui nous permettra de mettre un frein aux dépenses et d'avoir de meilleures finances !
Les Verts vous recommandent donc de rejeter ce projet de loi. Et comme les deux objets sont liés, il y a de fortes chances pour que nous fassions un référendum aussi sur le projet de loi, l'autre étant soumis automatiquement au peuple. (Applaudissements.)
M. Renaud Gautier (L). Noël, trois fois Noël ! Il nous faut reconnaître ici, une fois tous les quatre ans, que M. Spielmann et M. Mark Muller ont raison.
Une voix. Quoi ?
M. Renaud Gautier. L'affaire est suffisamment intéressante, ou suffisamment rare, pour qu'elle soit ici soulignée. M. Spielmann faisait bien évidemment référence à l'article 80 de la constitution qui stipule: «Le Grand Conseil vote les impôts, décrète les dépenses, les emprunts et les aliénations du domaine public; reçoit et arrête les comptes de l'Etat, lesquels sont rendus publics et doivent nécessairement être soumis à l'examen d'une commission.» M. Spielmann a dit, à raison: «Nous ne sommes pas, nous parlementaires, tous partis confondus, capables de rester à l'intérieur d'une limite qui est celle de nos recettes.» Nous ne sommes pas toujours aidés non plus par l'exécutif, mais c'est tout de même un fait. Le reconnaître, raison pour laquelle on apprécie M. Spielmann, c'est faire preuve de cette humilité qu'il sait avoir en reconnaissant - au nom de tous les membres de cette assemblée ! - nos limites.
Une fois le constat posé, quelles sont les conclusions qu'il faut en tirer ? Il faut, Mesdames et Messieurs les députés, avoir l'humilité de reconnaître que nous devons nous-mêmes nous fixer des cautèles pour rester à l'intérieur de l'enveloppe qui nous est donnée. Or, quelle autre meilleure cautèle que celle qui vous est proposée ce soir: à savoir que si ce parlement, droite et gauche confondues, arrive à dépasser en dépenses ce qu'il doit réaliser en recettes, il faut demander au souverain ce qu'il en pense ! Plus démocratique que ça, tu meurs ! Quoi qu'en pense le sécateur de M. Bavarel...
Et, dans la mesure où M. Spielmann et M. Muller sont d'accord sur les causes et où nous arrivons ici à vous proposer une solution qui satisfait tout le monde, j'ai de la peine à comprendre que nous ne votions pas tout de suite ce projet de loi ! (Applaudissements.)
Une voix. Très bien !
M. Philippe Glatz (PDC). Comme je l'ai dit la dernière fois, ce projet de loi a pour mérite d'énoncer un certain nombre de principes extrêmement clairs et parfaitement compréhensibles par l'ensemble de nos concitoyens. M. Mettan l'a parfaitement résumé aux pages 9 et 10 de son rapport, le premier principe consiste à dire que lorsque l'on prévoit de gagner cent francs, on ne peut pas dépenser cent vingt francs. La majorité des concitoyens qui nous écoutent ce soir vivent cette réalité au quotidien, je vous le rappelle; lorsque nos concitoyens sont endettés, les banques ou ceux qui leur ont prêté de l'argent leur demandent de réduire leur endettement, et ils n'ont pas d'alternative. Eh bien, il s'agirait d'être aussi raisonnable que l'ensemble de nos concitoyens, c'est-à-dire de ne pas poursuivre cet accroissement des dépenses !
Monsieur Spielmann, je vous ai entendu, tout à l'heure, dire très vertueusement que vous aviez contribué à faire réaliser des économies. Mais je me suis attaché à reprendre le Mémorial de l'année 2003, et que disiez-vous à cette époque ? Voici: «Nous considérons qu'il y a des besoins à satisfaire et qu'il faut y répondre. Il y a de l'argent, dans ce canton, de l'argent qui permet de répondre aux besoins.» Voilà ce que disait M. Spielmann en 2003 ! Ce n'est pas avec une attitude comme celle-là, qui considère que l'argent tombe du ciel, que nous pourrons réduire l'endettement.
M. Jean Spielmann. Il ne tombe pas du ciel, il est dans vos poches. (Exclamations.)
Une voix. Vends ton bateau !
M. Philippe Glatz. Tous les concitoyens qui nous entendent aujourd'hui apprécieront la manière... (Brouhaha.)
La présidente. S'il vous plaît ! (La présidente agite la cloche.)
M. Philippe Glatz. ... dont vous gérez l'argent qu'ils nous confient. Nos concitoyens nous demandent simplement de mieux utiliser l'argent qu'ils nous confient. Et je suis extrêmement frappé que vous refusiez de souscrire à ces quelques principes clairs, qui sont le lot de la vie quotidienne de tous nos concitoyens. Pourquoi pensez-vous pouvoir vous placer au-dessus des réalités ? Le peuple, lui, est confronté à ces réalités au quotidien, alors que vous pensez que, dans cette enceinte, on pourrait se permettre d'envisager les choses différemment...
Le groupe des Verts déclare, à propos de ce projet de loi, qu'il entraîne un déficit de démocratie. Non, cela n'entraîne pas de déficit de démocratie ! Il faut bien, à un moment donné, faire un choix. Nous sommes obligés de faire un choix ! Soit on dépense moins, soit on donne plus d'argent aux impôts. Il faut choisir, c'est ce que nous proposons, et je ne peux pas comprendre que, lorsque l'on interroge le peuple, vous considériez que c'est le signe d'un déficit de démocratie. En réalité, vous aimeriez poursuivre avec la même politique que vous avez exercée jusqu'à maintenant: vous aimeriez continuer à pouvoir dépenser sans sanctions ! Alors aujourd'hui, nous vous demandons de souscrire à des principes clairs, ceux selon lesquels on ne peut pas vivre au-dessus de ses moyens.
M. Souhail Mouhanna (AdG). En écoutant les uns et les autres, je me suis mis à croire que nous étions au pouvoir et que vous, députés de la droite, étiez dans l'opposition. Vous semblez oublier que c'est vous qui dirigez cette République depuis quelques décennies, sauf pendant la législature 1997-2001 où un redressement spectaculaire des finances publiques a eu lieu. Vous dites que ce redressement était dû à la conjoncture. Alors, il semble que la conjoncture soit avec nous, par conséquent nous avons la baraka... Peut-être que la population genevoise nous donnera prochainement les moyens d'être majoritaires et, dans ce cas, il se pourrait que la conjoncture s'améliore... En tout cas, même si ce n'était pas le cas, c'est la gestion des affaires qui s'améliorerait quand même nettement. J'aimerais rappeler que, la dette, c'est vous qui en êtes responsables ! Si l'on examine les comptes de l'Etat de Genève durant les dernières décennies, on s'aperçoit que c'est sous votre double majorité que la dette a été accumulée.
Puisque M. Kunz et le parti radical se plaisent à parler de castors, je prends le projet de loi ici... (L'orateur est interpellé.)Vous allez être servi, Monsieur, puisque vous êtes en train de courir dans tous les sens dans une sorte de zoo: entre les cigales, les fourmis et les castors ! D'autant plus que, tout à l'heure, il s'agissait du Vivarium... Mais vous allez être servi, cher collègue !
Ce projet de loi est le résultat de trois projets de lois. Le PL 9163, c' est le projet des radicaux, «les castors ». Or qu'indique-t-il ? Que «Les budgets administratifs...» (Remarques. Brouhaha.)Ils ne veulent pas entendre ce qu'ils ont écrit... Je poursuis: «Les budgets administratifs 2005 et 2006 - je vous rappelle que les radicaux ont déjà voté le budget 2005 - doivent présenter un résultat positif - positif ! - correspondant à, au moins, 100 et 150 millions de francs.» Eh bien, ils ont voté un budget déficitaire ! De plus de 200 millions ! Et ils viennent nous faire croire... (L'orateur est interpellé.)...Vous êtes des castors, peut-être, mais en réalité votre parti est devenu une sorte de Castorama,... (Rires.)... vous dites aux gens: «Venez chez nous, vous trouverez tout ce que vous voulez !» (Exclamations. Applaudissements.)Vous l'avez cherché !
Quant au PDC, il oublie qu'il a deux conseillers d'Etat - qu'il a toujours eu des conseillers d'Etat - comme s'ils n'y étaient pour rien... Les membres du PDC viennent nous parler du gouffre des finances publiques, or ce sont les mêmes, faisant preuve d'une démagogie incroyable, qui viennent nous dire: «Regardez nos projets de lois !» Ils veulent tripler l'allocation de naissance, augmenter les allocations familiales, mais ils votent des lois contre les handicapés, contre les retraités, etc. ! Et ils viennent nous faire croire qu'ils veulent défendre les droits des familles alors qu'ils sont en train de plonger ces dernières dans les difficultés les plus crasses ! (Exclamations.)
Une voix. Menteur ! Menteur !
M. Souhail Mouhanna. M. Muller a tout à l'heure parlé d'un aveu de faiblesse de notre part. Mais l'aveu de faiblesse vous appartient: c'est vous qui dirigez et qui êtes majoritaires ! Le Conseil d'Etat est aussi majoritairement composé de représentants de la droite ! Et qu'est-ce qui vous empêche de voter ce que vous voulez voter ? Rien ! L'année dernière, vous avez renvoyé le budget au Conseil d'Etat. Vous ne vous êtes pas privés de le faire... Vous agissez comme ces alcooliques qui, le soir, écrivent: «Je ne me soûlerai plus jamais», comme si cela suffisait... (Brouhaha.) Eh bien non ! Vous êtes des soûlards, et vous ne pourrez pas redresser pas les finances publiques, parce que vous ne le voulez pas vraiment ! Quand on ampute les recettes de l'Etat de 450 à 500 millions de francs par année - cadeaux fiscaux évidemment accordés aux gens les plus aisés de ce canton - eh bien, on ne peut pas prétendre vouloir redresser les finances publiques !
Vous dites que la population doit pouvoir décider. Mais le problème n'est pas de savoir s'il est démocratique de dire oui ou non à l'une ou à l'autre des propositions ! Lorsque vous parlez d'augmentation d'impôts, vous faites croire aux gens que tout le monde paiera des impôts... Nous, nous sommes en faveur d'une augmentation des impôts: mais pour une toute petite minorité de gens qui ont trop d'argent ! Car, lorsque quand la situation est difficile - par votre faute, puisque vous faites des cadeaux aux plus aisés - vous demandez de faire des efforts, non pas à ceux qui ont trop d'argent mais à ceux qui n'en ont pas assez !
Et là, j'aimerais répondre à M. Marcet qui a dit: «Comment expliquez-vous que les 12% ont baissé mais qu'il y a quand même 18% de charges en plus ?» (Remarques. Brouhaha.)Depuis qu'il y a eu cette votation sur les 12%, Monsieur Marcet, regardez les chiffres du chômage: il y a 10 000 chômeurs de plus ! Il y a des dizaines de milliers de personnes supplémentaires dans la précarité ! (L'orateur est interpellé.)Regardez les chiffres ! Regardez l'explosion des dépenses dues à l'aide sociale, à cause des dégâts de votre politique néo-libérale ! C'est vous qui causez le gouffre financier, uniquement pour rendre service aux plus riches et pour détruire le maximum de prestations destinées à la population. Ce projet de loi n'est qu'un instrument de démantèlement social ! (Exclamations. Applaudissements.)Un exemple très connu illustre cela: la Confédération a voté une loi de frein à l'endettement. Quelles sont les conséquences ? La suppression de dizaines de milliers d'emplois, au niveau de la Confédération et des régies publiques; des pressions sur le personnel, sur ses conditions de travail; des atteintes contre les retraites, contre les assurances maladie, contre tout ce qui rend service à l'immense majorité de la population ! Pourquoi ? Précisément au nom de cette loi scélérate que le Conseil fédéral a utilisée contre les prestations sociales et le service public en général ! (Manifestation dans la salle. La présidente sonne la cloche.)
Dans l'éventualité d'une diminution des prestations, le peuple devrait pouvoir dire qu'il est d'accord avec la réduction de telle ou telle dépense, mais pas de tout le paquet qui lui est présenté. Il se peut aussi que le peuple décide d'augmenter les impôts: mais pour une infime partie de gens qui ont beaucoup d'argent ! Alors qu'en même temps il veuille épargner les autres ! Or ce n'est pas ce qui va se passer: vous voulez faire croire aux gens que tous seront taxés, mais en réalité les gens d'en haut le seront très peu alors que les autres le seront pleinement. Par conséquent, les citoyens voteront non à l'augmentation des impôts, parce qu'ils n'auront pas de quoi payer une augmentation supplémentaire et, fatalement, se prononceront pour la réduction des prestations.
Aussi, votre loi ne servira à rien d'autre qu'à dire, le moment venu, soit au moment de l'établissement des budgets: «Une loi nous empêche d'assurer un certain nombre de prestations.» Il faudra donc s'en prendre aux prestations sociales, au personnel, etc. En définitive, vous épargnerez les gens que vous défendez depuis toujours: une petite catégorie de nantis ! Au détriment de l'immense majorité de la population.
Eh bien, nous serons, une fois de plus, contre vous ! Et vous verrez que la réalité prendra le dessus. Et la résistance, le moment venu, vous renverra à vos études ! (Applaudissements.)
M. Robert Iselin (UDC). Je ne sais pas si je suis castor, loutre ou marmotte... (M. Robert Iselin est interpellé.) (Rires.)Certains me diront que je suis marmotte parce que, de temps en temps, je pique un roupillon... (Brouhaha.)
L'UDC crie «au loup !» - il est vrai qu'au début c'était sotto voce- de manière plus vociférante, chaque année, sur la question de l'endettement et de sa situation financière.
Nous soutiendrons donc ce projet de loi qui est un début bien timide - mais il faut bien commencer quelque part. Il est timide d'un côté et bigrement sinueux et compliqué de l'autre, du moins du point de vue de l'UDC - mon collègue Marcet l'a parfaitement expliqué.
Ces mesures sont toutefois bien édulcorées et ne soignent que les manifestations extérieures des problèmes. La comparaison qui vient à l'esprit est celle du malade qui prend des aspirines parce qu'il souffre. C'est un peu ce que nous faisons avec cette loi: les symptômes disparaissent mais le mal est toujours là. Il faudra, le plus vite possible, s'attaquer au mal lui-même, c'est-à-dire à la désorganisation de l'Etat de Genève dont la gestion, au sens moderne, est absolument désastreuse.
J'ai des relations d'amitié avec certains membres du gouvernement et, cela me fait de la peine de le dire, je n'arrive pas à comprendre comment il se fait que ce gouvernement ne voie pas le problème. C'est inimaginable ! Si l'on ne croit que 25 ou 30% des cas relatés sur l'organisation de l'Etat de Genève, il n'y a aucune hésitation à avoir. Dans ce contexte, c'est avec plaisir et avec un certain étonnement que j'entends la représentante des Verts, Mme Künzler, parler de réorganisation de l'Etat - si je l'ai bien comprise. Cette conversion est une toute petite lueur d'espoir à l'horizon.
Quant à faire des propositions, comme le répète pour la vingt-septième fois M. Spielmann, elles peuvent bien venir, de façon générale, du parlement... Le parlement existe pour décider d'une politique et dire, en l'occurrence, qu'il faut économiser, changer tout le truc et réorganiser. Mais c'est au gouvernement à le réaliser ! Le parlement est en fait un groupe de personnes de l'extérieur; il revient au gouvernement de s'atteler de toute urgence à cette tâche, en s'inspirant de ce que font la Confédération et presque tous les cantons. Je ne m'étendrai pas sur ce que fait la Confédération, parce que d'autres de mes collègues l'ont déjà dit et qu'il ne nous reste plus beaucoup de temps.
J'apprends aujourd'hui, par le bulletin du jour diffusé à Berne - et il faut croire que c'est vrai parce que, sans cela, je ne le lirais pas dans ce bulletin, ou alors c'est à désespérer du sérieux bernois - que le gouvernement a décidé de repousser au 11 octobre, soit après la votation du 10 octobre... (Rires.)... la question du budget. (Commentaires.)
Une voix. C'est le 9 octobre !
M. Robert Iselin. Je dois vous dire que, pour quelqu'un qui a vécu quarante ans dans le privé, j'essaie de mesurer mes termes, mais je trouve que c'est une honte.
M. Jean Spielmann (AdG). Je voudrais reprendre un certain nombre d'arguments qui ont été développés.
M. Iselin dit que nous, députés du Grand Conseil, sommes ici pour prendre des décisions, regarder les choses de loin, et que c'est au gouvernement de réaliser et d'appliquer ces décisions. Monsieur Iselin, mais c'est exactement le contraire que vous proposez maintenant par le biais de votre projet de loi ! Le gouvernement est effectivement responsable de la gestion des décisions que nous prenons; le gouvernement, théoriquement, devrait respecter les lois votées par le parlement; le gouvernement devrait dépenser les montants pour lequels vous avez donné votre autorisation par les voies budgétaires ! Avec un système complexe et des ventilations qui le sont tout autant, mais qui permettent d'examiner l'ensemble des dépenses de l'Etat et la ventilation des différentes dépenses et recettes que nous voulons. Pensez-vous... Parce que vous allez fuir vos responsabilités, comme vous les avez fuies jusqu'à présent. Je prends un exemple: au dernier budget, vous avez décidé de transférer aux communes un certain nombre de dépenses. Il s'agissait de sommes entre 80 et 100 millions de francs, et ces dépenses était relatives à des prestations pour personnes âgées et à des centres pour les jeunes, etc. Je savais très bien, et certains d'entre vous l'ont d'ailleurs dit, que le peuple allait refuser cela. Mais... «Qu'est-ce que cela peut faire ? Au moins il y a un budget dans l'enveloppe ciblée...» - ça, c'est de la politique «intelligente »... Mais une fois que vous n'avez pas pu faire ces choix, vous en avez fait dont vous saviez qu'ils n'étaient pas réalisables, puisque les communes avaient, en respectant la loi, voté leur budget dans les délais et ne pouvaient plus changer ce que vous aviez décidé... Or vous avez quand même voté parce que vous vous êtes dit: «Eh bien, nous avons un budget qui est dans l'enveloppe du plan financier quadriennal; le résultat, nous le verrons dans les comptes. » Et vous saviez déjà que cela dépasserait le résultat !
Or je vois les choses différemment: les dépenses de l'Etat, Monsieur Iselin, ce sont des lois qui les fixent. Le Conseil d'Etat dépend de nos choix, et nous fixons les dépenses par des lois. Et toutes les dépenses dont j'ai parlé tout à l'heure étaient liées ! Par conséquent, vous ne pouvez pas accuser le Conseil d'Etat de gérer et de dépenser les sommes que vous avez déterminées ! Et que proposez-vous dans votre loi ?! Vous n'allez pas examiner les budgets; vous n'allez pas prendre vos responsabilités quant aux dépenses...
Monsieur Glatz, ce que j'ai dit en 2003, je continue à le penser aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il y a, dans cette République, les moyens de mener une politique autre que la vôtre; qu'une injustice criante croît de jour en jour; que des milliers de personnes touchent des revenus ne leur permettant même pas de payer une assurance-maladie; qu'il y a désormais 25 000 chômeurs; que la population connaît d'énormes difficultés. Et, parallèlement à l'augmentation de ces difficultés et de la paupérisation, il n'y a jamais eu autant de millionnaires ! Jamais ! Et leur nombre augmente à vitesse grand V ! Et vous venez nous dire de prendre l'argent là où il se trouve ?! Je dis simplement que cette société injuste, cette société dans laquelle les déséquilibres s'accentuent, ne doit pas continuer à se développer ainsi ! Il faut trouver des solutions pour que l'équilibre soit rétabli.
Or quelles solutions proposez-vous ? Vous nous avez dit que la réduction de l'impôt permettrait la relance économique, le plein emploi et que ce canton redémarre... Vous avez donc réduit les impôts - je n'entends plus grand-chose à ce sujet - réduisant par la même occasion les recettes de l'Etat de 400 millions de francs, et vous avez parallèlement appliqué ces réductions d'impôts à ceux qui profitent le plus de la crise, et non pas sur ceux qui la subissent et qui connaissent des difficultés ! Vous avez encore aidé ceux qui poussent le canton vers la crise, notamment par la spéculation. Alors, les responsabilités quant à la dette et au déficit incombent à vos choix politiques dans ce Grand Conseil ! Votre politique a abouti à un échec et il faut désormais la changer. Effectivement, un budget plus équilibré est nécessaire et il faut économiser; on le peut, mais de manière intelligente et ciblée. Mais vous ne le faites pas ! Et cette loi démontre que vous n'en avez pas la volonté politique, parce que vous n'allez pas voter le budget, vous n'allez pas vous présenter aux élections avec votre bilan et vous n'allez pas présenter votre politique: vous comptez seulement pouvoir dire qu'une mesure de frein à l'endettement a été intégrée à la constitution. De surcroît, vous votez des lois qui produisent exactement l'effet contraire de cette mesure...
Pensez-vous sérieusement que votre politique a une chance d'aboutir ? Les choix difficiles que nous devons faire dans cette enceinte, concernant le développement de la société, ne s'effectuent pas par le biais d'un oui ou d'un non: ils doivent être faits de manière beaucoup plus ciblée ! Et l'enseignement, la santé, le chômage, l'emploi sont des questions importantes ! Mais vous ne voulez pas prendre vos responsabilités politiques: vous prétendez que vous allez réduire le déficit, mais vous ne dites pas comment... (Brouhaha.)Quelles dépenses allez-vous réduire ou supprimer ? (Exclamations.)Vous dites que vous allez poser une question simple au peuple parce que, selon vous, le peuple ne comprend que les questions simples... Mais il n'est pas aussi bête que vous l'imaginez ! Cette question simple reviendra à demander à la population si elle veut des économies ou si elle veut plus d'impôts. (Remarques.)Eh bien, vous savez comme moi comment la population répondra ! Où et comment économiser ? Et quelles seront les victimes de votre politique ?
La population a un moyen de se défendre et de changer cela: c'est lors des prochaines élections, pour vous renvoyer à vos tâches et faire respecter la loi pour qu'un budget équilibré soit présenté et la dette de l'Etat réduite. Voilà ce qu'attend la population, et non pas vos grandes manipulations qui tentent de cacher votre incapacité ! (Applaudissements.)
La présidente. Comme il est 23h précises, je vous propose de poursuivre ce débat demain, dès 17h, avec les interventions des rapporteurs et de Mme la conseillère d'Etat. Cependant, nous nous retrouverons à 14h pour traiter les extraits.
Fin du débat: Session 11 (septembre 2005) - Séance 66 du 16.09.2005