République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 septembre 2005 à 14h
55e législature - 4e année - 10e session - 62e séance
M 1632
Débat
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Il est important que cette proposition de motion aille en commission. La réflexion doit être approfondie. Si l'utilisation de bio-carburants est une chose louable, il serait utile de faire des auditions afin d'affiner notre prise de position. La démarche doit être ouverte et se faire sur toute l'«externalité» des coûts. En effet, il faut être attentifs au bilan écologique des bio-carburants, de leur production et de leur consommation. Le problème s'est posé pour le colza. Tout cela doit être étudié en commission.
M. Jean-Claude Egger (PDC). Cette motion proposée par le groupe PDC touche une partie des économies d'énergie qui n'avaient pas encore été traitées. On a beaucoup parlé des photovoltaïques ou de plusieurs autres mesures d'énergies vertes. Celle-ci en fait partie, mais elle n'a jamais été traitée par ce Grand Conseil ou par l'Etat. Le PDC invite le Conseil d'Etat à favoriser des démarches entre les milieux industriels et l'agriculture pour pouvoir créer un distributeur de bio-diesel à Genève.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser de prime abord, cela ne représente qu'un petit débouché pour l'agriculture. Il faut, par conséquent, plutôt considérer les choses du côté environnemental, car un tel projet entraîne une diminution du rejet de produits nocifs.
En renvoyant cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture, il serait très intéressant - Mme Schenk-Gottret a déjà émis une opinion similaire - d'étudier cette motion pour que, à Genève, il y ait une dizaine de pourcents de bio-diesel dans le diesel.
Il faut aussi rappeler que la Confédération, avec Alcosuisse, cherche à mettre pratiquement 10% d'éthanol dans l'essence. On se rend compte que cette démarche n'est pas inutile, puisque même la Confédération y a recours. On peut aussi rappeler que la France et l'Espagne sont bien plus en avance que nous, sans parler d'autres pays et d'autres continents. C'est pour cela, Mesdames et Messieurs les députés, que je vous demande de renvoyer cette motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture.
La présidente. J'ai pris note de votre demande de renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits MM. Pagani, Desbaillets, Mme Leuenberger, le conseiller d'Etat Cramer et M. Reymond. Monsieur Pagani, sur le renvoi en commission.
M. Rémy Pagani (AdG). Nous avons déjà traité ce problème en commission, mais je trouve que cela vaut la peine qu'on se penche à nouveau sur cette question. Lorsqu'il a été question de faire des économies d'énergie, nous avons eu, pour une fois, l'occasion de nous pencher sur l'ensemble de la problématique des économies d'énergie.
Nous nous sommes penchés sur la production de cette bio-énergie, et quelle n'a pas été ma stupéfaction de voir que le lobby pétrolier en Suisse - je ne sais pas ce qu'il en est dans les autres pays européens - avait réussi à imposer un quota maximum de bio-énergie à mettre dans l'essence. On ne peut pas mettre tout ce que l'on veut dans l'essence, alors qu'au Brésil, par exemple, on roule avec des énergies produites directement de l'agriculture, que ce soit du colza ou d'autres productions. Dès lors, je veux bien discuter en commission du pourcentage, tout en sachant que la limite est fixée par un monopole de grandes centrales de distribution de l'énergie pétrolière qui veulent se préserver une manne financière extraordinaire. On le voit encore ces jours, avec ce quota que nous devrons obligatoirement respecter.
Un autre problème technique se pose - on l'a vu dans l'étude que nous avons menée - c'est qu'il faut qu'il y ait une grande surface de culture pour ne pas gaspiller de l'énergie en amenant les produits à manufacturer sur le lieu de production, car cela entraîne une perte d'énergie, augmentant par conséquent le coût de cette énergie.
Nous avons donc deux problèmes dans notre pays. D'une part, nous n'avons pas des surfaces agricoles extrêmement grandes, comme c'est le cas au Brésil: une usine de production de bio-énergie y est installée au centre et c'est rentable.
D'autre part, il s'agit du problème récurrent et incontournable - et j'attends de connaître la position du Conseil d'Etat à ce sujet - du lobby pétrolier qui nous imposera à l'avenir de n'utiliser qu'un pourcentage défini de bio-énergie. Ces messieurs de Total, Shell et d'autres compagnies pétrolières daignent nous laisser le droit de mettre 6% à 10% de bio-énergie dans l'essence pour, enfin, accéder à une énergie renouvelable.
En conséquence, on attend de voir le gouvernement se retrousser les manches pour faire sauter ce lobby et, enfin, arriver à une production d'énergies renouvelables.
M. René Desbaillets (L). Enfin ! Serais-je tenté de dire, quand je vois le texte de cette motion. Utilisons l'herbe, l'or vert de notre canton ! Ce n'est pas parce que je suis libéral - sous-entendu le parti des banquiers - que, dès qu'on parle d'or, je me réveille, mais, je dois dire que c'est un peu triste d'avoir dû attendre que le prix du baril de pétrole soit à 70 dollars pour que tout à coup cela commence à germer dans nos petites têtes. Il y a longtemps que je m'efforce de faire comprendre aux milieux de l'agriculture genevoise, les paysans, qu'il faut que l'on exploite nous-mêmes cette filière d'or vert. Malheureusement, changer les habitudes prend du temps.
Le parti démocrate-chrétien a pris sur lui de faire une motion, je l'en félicite et je le soutiens. Les démocrates-chrétiens ont eu cette idée, maintenant c'est la politique qui va s'occuper un peu de ce problème, à la commission de l'environnement.
Un point important - car il s'agit quand même de quelque chose de technique et qui doit rester dans le domaine privé - c'est qu'il faut absolument mettre en avant le partenariat entre les milieux industriel et paysan. Il ne faudrait pas que cette énergie verte devienne une énergie étatique; il faut absolument que les milieux privés eux-mêmes s'emparent du problème.
Je vous rappelle que dans l'invite de la motion on parle de faire du carburant. Pour ceux qui sont au courant, un département de l'école d'ingénieurs de Genève, dirigé par le professeur Perraudin, a participé, il n'y a guère plus de trois mois, au «Mobil Economy Run», une compétition mondiale d'économie de carburant, avec un véhicule propulsé par un carburant composé de gaz issu de compost liquide, inventé et élaboré à Genève. Ce carburant existe, donc. Mais il ne demande qu'une chose, c'est que des fonds soient débloqués pour qu'il soit développé. Les Français - je ne sais pas qui l'a dit parmi mes préopinants - ont une nette avance. Vous savez qu'à l'heure actuelle, en France, on travaille sur des usines clefs en main pour faire de l'électricité avec le compost de marc de raisin. Allons voir ce qui se fait à l'étranger, allons de l'avant ! Le baril est à 70 dollars et on sait qu'à partir de 80 dollars, il devient intéressant financièrement de faire de l'énergie verte.
Il faudra faire un choix - cela pourra peut-être être très grave un jour dans la population mondiale - entre nourrir le monde ou faire de l'énergie avec de la verdure. Cela sera un problème agricole, économique et social. Ce n'est pas l'objet du débat d'aujourd'hui mais il faudra y réfléchir avant que cela ne soit trop tard.
Le groupe libéral soutient donc le renvoi de cette motion à la commission de l'agriculture et de l'environnement.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Il est évident que cette motion est louable et que nous soutenons son renvoi en commission.
Cependant, comme M. Desbaillets l'a dit, il faut étudier exactement ce que sont les bio-carburants. Dans le «Science et Vie» de septembre 2005, il est dit que les bio-carburants sont quand même gourmands en énergie. Si les bio-carburants demandent plus d'énergie, pour être produits, qu'ils n'en produisent, cela pose effectivement un problème.
Par contre, M. Desbaillets a raison, le bio-gaz est peut-être une énergie plus intéressante. Et c'est pour cela que cette motion pourrait être l'objet d'études en commission, pour que l'on ait toutes les données, que l'on agisse en connaissance de cause et que l'on évite de produire un bio-carburant qui a plus d'effets négatifs que positifs. Nous nous réjouissons d'étudier tout cela en commission.
M. André Reymond (UDC). Comme indiqué dans le courant de cet après-midi, des montants très importants sont consacrés, dans diverses universités en Suisse, à la recherche dans ce domaine. Il est vrai qu'avec les surfaces cultivables que nous avons à disposition en Suisse, l'énergie verte - le bio-éthanol - sera peut-être une source pour nos carburants, en tout cas un complément pour l'avenir. En tenant compte du fait que les énergies renouvelables joueront un rôle complémentaire, dans le futur, je suis d'accord pour que cet encouragement soit poursuivi. C'est du reste un thème de discussion, à la commission de l'énergie du Conseil national.
Je me permettrai de faire encore une petite parenthèse. Il faudra faire attention au fait que tout ce qui est produit au Brésil en bio-éthanol revient livré en Suisse à 40% moins cher - avec le transport qui pollue - que le bio-éthanol qui serait produit en Suisse.
Néanmoins, je vous propose de renvoyer cette motion à la commission de l'environnement.
M. Jean-Claude Egger (PDC). Quand j'entends M. Pagani et Mme Leuenberger parler de non-rentabilité pour le bio-diesel, je me réjouis d'entendre parler, en commission, de la production de bio-diesel à Etoy. Cela fait pratiquement dix ans qu'ils produisent du bio-diesel, et je ne crois pas qu'ils soient en faillite. C'est un procédé qui marche très bien. Le bio-diesel est réutilisé par les agriculteurs et cause moins de pollution. Cela vaut la peine d'étudier cela. Je confirme, votez le renvoi à la commission de l'environnement et de l'agriculture !
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. C'est bien volontiers que j'apprendrai avec vous, Mesdames et Messieurs les commissaires, un certain nombre de choses nouvelles sur ces énergies vertes en commission. Et, du reste, spontanément, je vois quelques domaines d'application - qui seraient bienheureux - notamment du côté des transports publics, au cas où il s'avérerait que ces énergies vertes sont des procédés intéressants.
Je me permets d'intervenir à ce stade du débat pour vous dire, Mesdames et Messieurs les députés et, notamment, les signataires de cette proposition, que nous devrons être attentifs en commission quant à la formulation de l'invite.
Telle qu'elle est rédigée, elle semble suggérer que c'est à l'Etat qu'il incombera d'implanter une usine. Connaissant bien les motionnaires, je suis persuadé que ce n'est pas là leur intention. Il faudra donc que l'on calibre peut-être un peu mieux le type d'intervention de l'Etat souhaité dans ce dossier. Mais c'est effectivement avec beaucoup d'intérêt que nous pourrons discuter de tout cela en commission.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission de l'environnement et de l'agriculture est adopté par 46 oui (unanimité des votants).