République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 septembre 2005 à 14h
55e législature - 4e année - 10e session - 62e séance
PL 9263-A
Premier débat
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur de minorité. J'aimerais apporter une précision à propos du rapport. Au moment où le rapport a été rédigé, on n'a pas eu l'information de la Ville de Genève sur le fait que, pour une raison qui lui est propre, M. Pierre Muller ne pouvait pas participer à la séance de commission. On accepte bien volontiers les excuses de la Ville de Genève.
Le projet de loi n'est pas une idée nouvelle, car deux projets ont existé dans le passé. Le plus récent est celui du Conseil d'Etat datant de 1999 et qui avait été refusé par ce Grand Conseil, la même année. La question est de savoir pourquoi remettre l'ouvrage sur le métier. Ce projet de loi est le fruit d'un constat implacable: ce canton a accumulé une dette monétaire de plus de 13 milliards de francs.
Les relations entre la Ville et le canton - sauf sur le plan de la caserne des Vernets, dont on a entendu dire ce matin qu'il pourrait y avoir un consensus - sont dignes de la guerre froide. Les politiques entre la Ville et le canton sont antinomiques dans plusieurs secteurs importants comme les transports, l'organisation d'expositions, l'accueil de foires et les logements. Les effectifs de la fonction publique pour cette ville et ce canton sont deux fois plus importants que la moyenne suisse, et cinq fois plus importants que ceux du canton de Berne.
Les dossiers d'importance cantonale sont gérés lamentablement par la Ville. Je pense aux affaires du casino ou du Stade de Genève. Sur un territoire exigu, il y a pléthore de représentants politiques pour un résultat finalement peu enviable. Le budget cumulé de la Ville et du canton se monte à 7,5 milliards de francs et, malgré un budget aussi impressionnant, on constate un manque flagrant de collaboration dans l'utilisation des deniers publics. Je pense notamment au projet de la place Cornavin, à Expo 02 ou au Palais des Congrès.
Ce constat a des conséquences graves en termes de visibilité vis-à-vis de nos concitoyens, mais aussi vis-à-vis de nos partenaires. L'image de ce canton est celle d'un canton mal géré, voire ingérable. Nous donnons l'image d'un canton divisé et désuni sur des objets d'importance cantonale ou nationale, avec un taux d'endettement, par rapport au revenu, trois fois supérieur à la moyenne suisse. Nous avons une dette publique par habitant cinq fois supérieure à la moyenne suisse, et l'efficacité de l'administration est discutable - on y reviendra peut-être. Sans oublier des doublons inutiles: on l'a vu avec le service de la mobilité, que la Ville de Genève a mis sur pied alors qu'il en existe déjà deux au niveau du canton, ce qui entraîne des surcoûts, au détriment des citoyens. Bref, à l'exception de la question européenne où Ville et canton parlent d'une même voix, nous ne pouvons que déplorer l'existence d'une véritable guerre des tranchées.
A l'heure de la libre-circulation des personnes, la ligne Maginot qui sépare les exécutifs cantonaux et communaux est, certes, anachronique mais, malheureusement, bien réelle. Les représentants des différents partis sont davantage préoccupés à maintenir leur position dans cette situation qui date du XIXe siècle avec de vraies frontières qui n'en finissent pas, plutôt que de s'investir dans la formulation de solutions nouvelles.
Bref, le projet de loi proposé est une solution parmi d'autres qui malheureusement n'a pas pu aboutir. A l'heure où l'on vante la régionalisation et les fusions de communes, l'immobilisme genevois - son refus d'innover - donne l'image d'un canton incapable de mener les réformes indispensables à son redressement.
M. Jean-Michel Gros (L). Je voudrais corriger les paroles de M. Catelain concernant l'invitation de M. le Maire de Genève. Monsieur Catelain, vous avez eu la gentillesse d'expliquer ce qui s'est passé, mais vous ne l'avez fait qu'à moitié. En tant que président de la commission, je voulais spécifier qu'à la séance qui a suivi la décision concernant cet objet, j'ai présenté les excuses du secrétariat du Grand Conseil. Car c'est de ce secrétariat que venait le léger malentendu. J'ai demandé à la commission si elle voulait revenir sur son vote et procéder à une nouvelle convocation de M. le Maire. La commission n'a pas jugé nécessaire de faire cela, son opinion était faite et elle pensait bien que le maire de Genève n'allait pas prôner la suppression de sa ville. La commission a donc considéré que son vote restait valable. Je voulais le spécifier, pour que cela figure au Mémorial.
Par contre, pour le groupe libéral, le débat sur cette question a toujours mérité d'être mené. Le groupe libéral, au moment du dépôt par le Conseil d'Etat - il y a quelques années - d'un projet de loi visant à diviser la Ville en quatre communes, s'était prononcé pour le renvoi en commission et je sais - je ne faisais pas encore partie de ce Conseil - que ce projet a été renvoyé très sèchement à son auteur par l'ensemble des autres groupes. Le groupe libéral le regrette à nouveau, car un débat mérite absolument d'être mené à ce sujet. Que ce soit la division de la Ville en quatre communes ou la suppression de l'administration communale de la Ville de Genève, tout cela mérite une réflexion approfondie. Peut-être que, maintenant, la modification constitutionnelle totale, telle qu'envisagée par les travaux du professeur Auer et du groupe radical, nous replongera dans ce débat et nous donnera l'occasion de le reconduire.
Cependant, conduire le débat sur la base proposée par le projet UDC n'est pas sérieux. Ce projet est visiblement rédigé sur le coin d'une table. Proposer la suppression de la commune la plus importante du canton par une simple loi de trois articles assortis d'une modification de la loi sur l'administration des communes, Mesdames et Messieurs, même à la commission des droits politiques, la base juridique nous a semblé faire cruellement défaut ! Quand on sait que la constitution genevoise signale le nom de la Ville de Genève au moins à cinquante reprises et qu'un chapitre entier - le chapitre 2 de la constitution genevoise - est entièrement consacré à la Ville de Genève, il paraît quand même un peu court, Monsieur Catelain, de se contenter d'une modification de la loi sur l'administration des communes supprimant simplement les mots «Ville de Genève» et maintenant les 44 autres mentions.
C'est pourquoi nous vous demandons de mener ce débat une fois ou l'autre, car il existe des difficultés de relation entre la Ville de Genève et l'Etat, notamment avec ces doublons, ces conflits. Il faudra une fois aborder ce débat, mais certainement pas par le biais d'un tel projet de loi.
M. Rémy Pagani (AdG). On est dans la provocation la plus pure. M. Catelain propose, parce qu'il y a effectivement des difficultés entre la Ville et le canton, la solution la plus radicale, c'est-à-dire de supprimer le problème; comme si c'était aussi facile que cela. Il se dit que le corps électoral de la Ville de Genève - la population - ne mène pas une politique qui lui convient, par conséquent il se passera du corps électoral de la Ville de Genève. En l'occurrence, il est question de cela. Monsieur Catelain, il faut être sérieux.
J'ai, une fois, lu un texte qui m'a fortement troublé. Plus des 60% de la population de la planète habitent en ville. Or ce que vous faites, en ce moment, c'est prôner l'inverse. Vous êtes en train de dire que les villes n'existent plus et que ce sont les communes et les cantons qui s'occupent d'administrer les affaires. Cet article était écrit par M. Khadafi, qui est connu pour haïr les villes. M. Khadafi est un rural pour qui les villes amènent toute une série de choses très bizarres dont il ne comprend ni les effets positifs ni la magie. Il hait la ville et il habite dans une tente, à longueur d'année.
Je crois, Monsieur Catelain, que vous n'avez pas compris le sens de l'histoire. Les gens aiment habiter en ville, en tout cas la plupart d'entre nous. Je ne sais pas si c'est votre cas, vous habitez en France peut-être - enfin, sûrement. Mais la plupart d'entre nous aimons habiter dans cette ville et ne sommes pas près de voter un tel projet de loi.
Ce projet de loi est exceptionnel. Toutes les communes qui vous arrangent, vous les laissez en paix, si j'ose dire, et vous décidez que la Ville de Genève, au niveau communal, n'existe plus. Il y aurait alors un trou noir occupant la moitié de la circonscription du canton - la Ville de Genève - et 44 petites entités pourraient quand même subsister. Merci pour elles, Monsieur Catelain.
Nous estimons que tout cela relève d'une idéologie rétrograde qui ne correspond pas à l'histoire. Une fois de plus, Monsieur Catelain, vous êtes à revers du bon sens. Je ne pense pas que dans cent ou deux cents ans - vu l'augmentation de la population sur notre planète - on puisse encore considérer que vos thèses aient une quelconque efficacité.
Je vous propose simplement de renvoyer ce projet de loi là où il devrait se trouver, c'est-à-dire dans les limbes de l'histoire, car, en définitive, il ne fait que résumer vos pensées rurales, et malheureusement pour vous, l'histoire ne va pas dans ce sens.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits Mme Künzler et MM. Brunier, Marcet, Catelain ainsi que M. le conseiller d'Etat Robert Cramer.
Mme Michèle Künzler (Ve). Je ne vais pas insister sur l'analyse qu'a déjà faite M. Gros sur l'immense légèreté de ce projet. Vous prônez le respect et l'autorité, mais le parti UDC est le premier à ne pas respecter les institutions. Vous allez priver les citoyens de la Ville de Genève de leur droit de vote communal. Mais au nom de quoi ? Il est clair que si vous supprimez une commune, vous supprimez de facto le droit de vote au niveau communal, et c'est cela qui est grave. Comme cette politique ne vous plaît pas, vous imaginez qu'on peut simplement la supprimer. Mais ce n'est absolument pas normal et, en tout cas, c'est anticonstitutionnel.
J'ai été, pendant dix ans, conseillère municipale, et jamais nous n'avons abordé les mêmes thèmes qu'ici. Ce sont d'autres thèmes. Dans les communes, on parle parfois de «bordurettes» de trottoir, de cimetières, d'écoles à construire, de culture, de choses un peu anecdotiques. C'est cela qui est important. C'est une citoyenneté de proximité et c'est cela que nous voulons préserver.
Vous dites qu'il y a des politiques antinomiques, mais c'est strictement impossible. Le «GHI» rapporte sans arrêt ce genre de ragots - ou d'autres - et vous semblez le lire plus souvent que d'habitude.
Une des problématiques est bien sur la circulation, mais les compétences sont clairement définies. La Ville n'a quasiment aucun pouvoir en matière de circulation, elle a juste le devoir de payer. Et tous ces soi-disant problèmes sont montés en épingle parce que les majorités ne sont pas les mêmes qu'à la campagne. Soyons clairs, la chose la plus importante pour vous, c'est le non-respect des institutions et la privation du droit de vote pour 180 000 personnes. Cela n'est pas normal.
M. Christian Brunier (S). Merci, Madame la présidente... (Le téléphone portable de M. Brunier provoque des interférences avec le micro. Rires.)Souligner quelques problématiques n'autorise pas n'importe quel parti à proposer n'importe quoi. En fait, l'UDC me fait un peu penser à ceux qui souffrent de «fusionnite». Vous savez que c'est la grande mode; dans beaucoup d'entreprises il y a fusion. En principe, c'est pour enrichir les actionnaires, mais de temps en temps il y a aussi fusion lorsqu'il y a constat de mauvaise organisation. Nous nous trouvons ici un peu dans le même cas de figure, c'est-à-dire que l'on part d'un constat déformé et, comme les Verts viennent de le dire, on joue plutôt sur des rumeurs que sur des vérités. On parle de doublons mais on ne nous dit pas vraiment où ils sont - il n'y en a d'ailleurs pas tant que ça.
Il y a des vrais problèmes. Ce sont des problèmes d'efficacité de processus. Les processus, aujourd'hui, sont compliqués et peu lisibles par les citoyens. Dès qu'il y a des démarches entre les communes et l'Etat, on ne sait pas vraiment qui est responsable de quoi. Il faut mieux clarifier les rôles et responsabilités de chacun. Mais ce n'est pas parce qu'il y a un manque de synergie, un manque de lisibilité, un manque d'efficacité des procédures ou des processus qu'il faut forcément modifier l'organisation. L'organisation doit permettre une plus grande fluidité de ces fonctionnements. Mais si on ne corrige pas le fonctionnement, on a beau changer l'organisation, cela ne mènera pas à grand-chose. En plus, dans ce cas, une modification dans l'organisation signifierait une négation importante de la proximité. Aujourd'hui, le pouvoir municipal, qu'il fonctionne bien ou non, est quand même un pouvoir plus proche de la vie quotidienne des citoyens qu'un pouvoir cantonal. Supprimer les communes revient à supprimer la relation citoyenne de proximité entre une commune et ses citoyens.
Vous attaquez la Ville de Genève et, franchement, c'est une attaque très partisane. Il est vrai que c'est une commune depuis longtemps à gauche et qui risque de le rester encore très longtemps, vu le bilan relativement positif de cette majorité. Je crois que c'est cela qui dérange de nombreuses personnes dans ce parlement. Je rappelle que ce n'est pas la première fois. Beaucoup de projets ont été soit refusés soit approuvés, simplement pour lutter contre la Ville de Genève, sans que soit menée une réflexion globale sur le canton.
Si vous voulez fusionner les communes, pourquoi ne pas toutes les fusionner et ne faire qu'un seul canton ? Ce serait une erreur grave et nous vous combattrions autant que nous combattons ce projet. Mais je crois qu'à un moment donné il faut avoir le courage de ses opinions et, là, vous n'êtes pas allés jusqu'au bout de votre raisonnement.
La deuxième chose que vous niez, c'est la citoyenneté, les droits démocratiques des citoyens de pouvoir agir sur leur quotidien. Là aussi, vous les mettez un peu vite à la poubelle en proposant un projet de loi - le président de la commission l'a dit - rédigé sur un coin de table, alors qu'il aborde un problème important. Effectivement, il y a des problèmes et il faut réfléchir à l'organisation entre les communes et l'Etat. Il faut redéfinir les rôles et responsabilités, il faut trouver plus de synergie, plus de lisibilité pour les citoyens, mais pas proposer n'importe quelle solution à un vrai problème.
M. Claude Marcet (UDC). Il a été dit qu'il faut régler un certain nombre de problèmes au niveau des synergies. Il a été dit qu'il faut régler un certain nombre de problèmes par rapport aux administrations, parce qu'elles font exactement la même chose. Tout cela a été dit.
Nous, nous n'avons fait qu'une chose, c'est essayer d'ouvrir le débat. Vous parlez toujours de ces problèmes mais vous ne faites strictement rien. Il a été dit par les libéraux qu'en 1999 vous avez voulu ouvrir le débat. Vous avez certes voulu l'ouvrir, mais vous l'avez refermé aussitôt et, ensuite, vous avez laissé courir tous ces dysfonctionnements, tous ces problèmes et tout ce genre de choses qui font que cet Etat et cette Ville sont mal gérés. Mais, de cela, on ne veut pas entendre parler.
Nous, ce que nous avons voulu faire, c'est ouvrir le débat. Malheureusement, il va être refermé, comme d'habitude. La Ville continuera à avoir sa majorité de gauche et les dysfonctionnements que l'on connaît. Les dysfonctionnements de l'Etat-Ville continueront et peut-être que, dans cinq ans, un autre parti reviendra avec le même sujet, parce que, manifestement, il va falloir ouvrir le débat un jour. Il faudra trouver des solutions. Mais ce parlement - le projet est peut-être fait sur un coin de table - n'a pas les moyens ni la hauteur de permettre l'ouverture de ces débats.
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur de minorité. J'ai bien entendu les remarques des opposants à ce projet de loi qui parlent de ragots, de «fusionnite», de faux doublons, de manques, de dysfonctionnements. L'argumentation des opposants est au moins aussi faible que ce qu'ils veulent bien dire du projet de loi.
Concernant les ragots. Non, Madame la députée, je n'ai pas lu le «GHI». Par contre, j'ai lu le magazine «Bilan» numéro 46 qui traite de la fusion indispensable. Un grand magazine, dont on ne peut pas dire qu'il ne rapporte que des ragots, soutient l'idée de fusion et met en avant les zones de friction entre la Ville et le canton, que ce soit en termes de sécurité, d'aménagement du territoire, de sécurité civile, d'action sociale, de culture, de sport, d'affaires extérieures ou d'autorité.
Je vais argumenter, puisque c'est cela que vous attendiez, Madame la députée qui n'écoutez pas, puisque vous avez fait votre petit speech et que, maintenant, vous êtes contente, vous êtes passée devant la caméra. Allons-y !
En matière de sécurité, il y a deux sources; le magazine «Bilan» et M. Stéphane Bussard, qui, dans le «Malaise genevois», décrit très bien quels sont les doublons, en matière de sécurité. Même les Genevois ne s'y retrouvent plus. Six corps de police sont habilités à dresser des amendes d'ordre. Doublons et plus, cinq corps peuvent amender un véhicule mal garé, des rares signalisations sont évidentes.
Aménagement du territoire. A l'Etat, il y a un service du plan directeur cantonal, un service des plans localisés, un service des plans d'affectation, faut-il encore un service d'urbanisme qui coûte 3,5 millions à la Ville ?
Sécurité civile. On trouve toujours des doublons: dans les deux organigrammes des services de protection de la population, celui de la Ville frôle les 8,7 millions de charges.
Action sociale, une priorité du «désenchevêtrement»: le canton distribue des aides, la Ville distribue des aides, et les revenus déterminants ne sont pas les mêmes. L'étanchéité entre les systèmes est totale.
En matière de culture, les activités de la Ville profitent à tout le canton. A l'allure d'un escargot, une Conférence culturelle, censée régler le financement des grandes institutions, est initiée depuis trois ans. Elle ne s'est pas encore réunie.
Les sports sont de la responsabilité de la Ville, mais l'aventure du Stade de Genève démontre qu'aucun équipement d'envergure n'est envisageable sans l'Etat. C'est un gisement de conflits et de dérapages. On aurait d'ailleurs pu se demander, avec le dossier du Stade de Genève, si ce projet aurait encore moins bien abouti si la Ville et le canton n'avaient fait qu'un.
Affaires extérieures. Pur doublon de prestige qui figure, pour 3 millions, au budget de la Ville. Pour les autorités à ce poste - Conseil municipal, Conseil administratif secrétariat général - le budget de la Ville prévoit 25 millions de dépenses. En fusionnant Ville et canton, combien d'économies envisageables ? Mais c'est clair qu'avec ce canton qui ne vit apparemment pas au-dessus de ses moyens et qui ne cumule apparemment pas de dettes, et qu'avec une Ville qui ne cumule apparemment pas de dettes non plus, on peut effectivement faire l'économie d'un débat !
Je vous l'accorde, le projet n'est pas très bien ficelé. Ce n'était peut-être pas le rôle d'un seul parti politique, de ficeler un projet en entier. Je rappelle que vous pouvez très bien faire appel aux services de l'Etat et de ce parlement, pour améliorer le projet. Il y a effectivement des points faibles, comme la participation de la Ville dans certains établissements ou les SIG qui aiment bien la «fusionnite», puisqu'ils commencent à amasser des tâches dans différents domaines. Mais cela ne gêne pas le parti socialiste, M. Brunier en particulier. Là, on trouve que la fusion est jugée bonne. Par contre, dès qu'il s'agit de gouvernance et d'efficacité au profit du citoyen, cela pose un tel problème que - comme je l'ai dit tout à l'heure - Genève comptabilise, avec la Ville, 40 000 fonctionnaires, soit le double de la moyenne suisse. Donc, en capacité d'économies, c'est au minimum 10 000 personnes - à 100 000 F, je vous laisse le soin de faire le calcul.
L'idée de fusion est une idée qui progresse. Dans un pays comme l'Autriche - petit pays - la ville de Vienne a fusionné avec le «Land». Est-ce que cela a posé de graves problèmes démocratiques ? Apparemment pas. Et les citoyens de la ville de Vienne ne se portent pas plus mal qu'auparavant, alors que l'Etat du «Land» et la commune étaient deux entités différentes. Les synergies ont apparemment été profitables pour l'ensemble des citoyens du «Land» et de la ville de Vienne.
C'est ce que nous souhaitions faire et c'est ce qu'a déjà fait le canton de Bâle. Et apparemment, les citoyens de la ville de Bâle ne se plaignent pas non plus d'avoir peut-être perdu un certain nombre de droits - puisque, finalement, ils n'ont plus la nécessité de les exercer, les exerçant au niveau cantonal.
Je crois que le procès qui est fait à l'UDC est un mauvais procès. C'est le procès de l'autruche qui met la tête dans le sable, parce qu'elle ne veut pas ouvrir le débat. Il est beaucoup plus simple de garder ses prérogatives actuelles. Je rappelle que la Ville de Genève est quand même une source de financement importante pour de nombreuses entités politiques et c'est là que ça gêne...
La présidente. Il faudra terminer, Monsieur le rapporteur.
M. Gilbert Catelain. A partir du moment où vous allez fusionner deux entités, vous allez effectivement restreindre les sources de financement de certains partis politiques, pas seulement au niveau des jetons de présence, mais bien évidemment au niveau des places de travail qu'elles procurent à un certain nombre de membres de ces partis.
Je vous invite donc à ne pas rejeter ce projet de loi, à voter son entrée en matière et à le soutenir. Si vous voulez, vous pouvez aussi le renvoyer en commission, cela m'est égal. Mais je pense que, dans une période financière difficile où les citoyens de ce canton ont du mal à joindre les deux bouts, ce projet de loi mérite davantage que l'accueil qui lui a été réservé jusqu'à présent. Un débat sur cet objet n'est de loin pas inutile.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je commencerai mon intervention en reprenant le dernier propos de M. Catelain. Assurément, nous traitons d'un objet sérieux qui mérite un débat sérieux. Mais si on considère qu'il s'agit d'un objet sérieux qui mérite un débat sérieux, Monsieur Catelain, ce n'est pas ainsi qu'on l'initie. On essaie de l'initier sérieusement, pour montrer que l'on prend l'objet au sérieux. Or, le projet de loi que vous avez déposé présente des faiblesses insignes, aussi bien dans la forme que dans le fond.
Sur la forme. Il tombe sous le sens - même si l'on n'est pas professeur d'université, comme M. Auer qui s'intéresse beaucoup à ces questions institutionnelles, et même si l'on n'est pas avocat - qu'une modification de nos institutions d'une telle importance passe par une modification de la constitution. Elle passe par une modification de la constitution, parce que tout simplement cela signifie que la constitution doit être modifiée dans plusieurs de ses rubriques.
Dans le même temps, il est totalement inadmissible de donner le signal aux citoyens genevois que l'on entend changer de façon aussi fondamentale nos institutions en évitant un vote populaire. Sur ce point déjà, ce projet de loi n'a simplement pas à être pris en considération. Si l'on estime que l'on traite un objet sérieux, on se donne la peine d'essayer de rédiger un peu sérieusement ce dont on traite. Voilà pour ce qui est de la forme.
Quant au fond. Si l'on traite d'un objet sérieux, on s'efforce de réfléchir un peu à ce que l'on fait. Et l'on ne crée pas, comme le crée ce projet de loi, une espèce de trou noir dans ce canton, où un gros tiers de la population se verrait privée de ses droits politiques au niveau communal. Cette question ne peut pas être éludée, elle doit être réfléchie, car il s'agit d'une question institutionnelle d'importance.
La meilleure preuve que ces questions méritent totalement d'être examinées et débattues est que le Conseil d'Etat avait déposé un projet de loi important sur ce thème. Mais, dans le projet de loi du Conseil d'Etat, on ne voyait pas disparaître la Ville. On voyait la Ville transformée en quatre ou cinq communes nouvelles au sein desquelles les habitants auraient joui de l'entier de leurs droits populaires. L'esprit de ce que nous souhaitions était de créer une agglomération genevoise et, donc, de passer de la République et canton de Genève à la Ville et canton de Genève, c'est-à-dire à un canton avec une cinquantaine de communes, certaines communes ayant un caractère de quartier urbain et d'autres un caractère plus villageois. Le Grand Conseil n'a pas estimé utile d'entrer en matière sur cette proposition. Qui sait, peut-être qu'un jour quelqu'un s'en ressaisira, et ce projet du Conseil d'Etat cheminera au moins jusqu'à une commission parlementaire.
Au-delà de cela, et pour dire encore une fois que les questions dont traite - mal - ce projet sont des questions sérieuses. Effectivement, Monsieur Catelain, il y a, dans ce canton, des problèmes de répartition des tâches, des compétences et des charges. Ces questions méritent d'être traitées. Votre Conseil, à juste titre et à plusieurs reprises, a demandé qu'une réflexion soit initiée. Le Conseil d'Etat est saisi d'une motion sur cet objet. Nous l'examinons et cela fait déjà plusieurs mois que nous travaillons sur ces objets avec les communes du canton, réunies au sein de l'Association des communes genevoises. Mais cela ne s'improvise pas et cela doit forcément se faire en coopération avec les intéressés.
Au fond, et ce sera le dernier objet de mon intervention, il va de soi que lorsque l'on entend traiter des questions de ce type, il faut tout de même s'efforcer de les traiter, chaque fois qu'on le peut, avec les personnes directement intéressées. Je suis mal placé pour le dire trop fortement, parce que, parfois, l'urgence nous a amenés à raccourcir un peu les procédures. Cependant, lorsque l'on a un peu de temps devant soi, efforçons-nous de susciter le débat en voyant tout d'abord ce que les premiers intéressés peuvent en penser !
Voilà tout autant de bonnes raisons, me semble-t-il, non pour dire que cette question est sans objet, non plus pour dire qu'elle doit être enterrée, mais pour dire résolument que ce n'est pas ce projet de loi qui est le bon texte pour initier la discussion et qu'il faut donc éviter d'entrer en matière.
Mis aux voix, ce projet de loi est rejeté en premier débat par 63 non contre 9 oui et 6 abstentions.