République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 septembre 2005 à 14h
55e législature - 4e année - 10e session - 62e séance
PL 9197-A
Premier débat
M. Gilbert Catelain (UDC), rapporteur de majorité ad interim. Le rapporteur n'est en réalité pas absent, mais vu le problème de places de parc dans le parking Saint-Antoine, il en attend une pour nous rejoindre !
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. On pourrait dire en préambule que le rapporteur de majorité aurait dû venir à vélo, il aurait eu moins de problèmes !
Pour revenir à l'essentiel de cet objet, j'aimerais souligner une erreur qui se trouve au tout début du rapport de majorité, à la page 2. A la première ligne de l'introduction, il est marqué: «Selon les initiants, avec l'instauration d'une taxe incitative, il serait possible de voir la consommation d'énergies renouvelables augmenter.» C'est bien là le coeur du problème, ce projet de loi ne vise absolument pas à augmenter la consommation d'énergies renouvelables, mais bien au contraire à diminuer la consommation d'énergies dans son ensemble. (M. Reymond arrive et prend place à la table des rapporteurs.)La problématique telle qu'évoquée par le rapporteur de majorité - certes essoufflé - n'est pas tout à fait exacte et je voulais le relever.
Pour le reste, je pense que l'on aura l'occasion de reprendre la parole plus tard.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Comme le rapporteur de majorité vient d'arriver, je tiens à rappeler quelle est la teneur de ce projet de loi et pourquoi il est important que la majorité réfléchisse à son vote. Peut-être serait-il temps de le modifier... J'espère que c'est ce qui arrivera à la fin de nos débats.
Aujourd'hui, à Genève, que se passe-t-il ? On a une constitution antinucléaire, une loi sur l'énergie, une conception générale de l'énergie ambitieuse et que le Grand Conseil a voté, à une très large majorité. Cette conception générale de l'énergie - que nous avons tous votée - prévoit une baisse de la consommation d'énergie. Et que se passe-t-il concrètement ? Une augmentation de la consommation d'énergie.
Non seulement nous ne respectons pas ce que nous avons voté, mais, en plus, on pourrait se poser la question des moyens engagés pour faire respecter les lois que nous votons. C'est la première question. Une des réponses que nous proposons est d'utiliser un modèle qui a déjà fait ses preuves dans le canton de Bâle.
Nous ne voulons pas réinventer la roue, nous proposons d'importer un modèle qui fonctionne, avec des Services industriels qui font des bénéfices et qui se demandent comment gérer cela, sans forcément pratiquer une baisse des tarifs qui implique parfois - malheureusement - une augmentation de la consommation d'électricité. Il est vrai que la corrélation entre les deux n'est pas toujours avérée, mais on peut se poser la question de savoir s'il ne faut pas payer l'énergie à son juste prix. C'est-à-dire que l'énergie aujourd'hui est un bien qui coûte excessivement cher dans sa production, et pas seulement dans sa production immédiate. C'est donc à sa consommation globale qu'il faut réfléchir.
A Genève, nous avons choisi - je le répète - de ne pas réinventer la roue mais d'utiliser un moyen déjà connu et qui a fait ses preuves. Il est en place à Bâle depuis 1999. Nous avions mis en annexe de notre projet de loi le rapport d'évaluation de ce fonds bâlois.
Voilà comment cela se passe concrètement. Si la taxe était acceptée, vous verriez sur votre facture d'électricité le montant de kWh, votre choix d'énergie - bleue, jaune, verte ou mixte - et, en dessous, un pourcentage de taxe. Que fait-on de cette taxe ? Pourquoi paie-t-on l'énergie plus cher ? La question est plutôt de dire: on ne veut pas que ce soit une taxe incitative, mais un éco-bonus. C'est-à-dire que l'entier de la taxe est redistribué aux ménages, par le biais d'un chèque unitaire dans son montant, et aux entreprises, par le biais des cotisations sociales.
Ce système de reporter les charges du travail sur l'énergie est intéressant. Premièrement, cela diminue les charges salariales et, deuxièmement, cela permet aux gens de se responsabiliser davantage par rapport au comportement énergétique. C'est un moyen supplémentaire d'obtenir une baisse de la consommation générale dans notre canton, car elle ne fait qu'augmenter.
C'est un instrument économique souple qui permet à de toutes petites entreprises très fortement consommatrices d'électricité - on a par exemple vu le cas de boulangers qui avaient une très faible masse salariale mais qui avaient une très forte consommation - d'être exonérées. Cela permet également de gérer cela de manière fine et de donner un instrument économique souple, avec lequel tout le monde peut discuter.
La dernière chose est qu'aujourd'hui, en matière d'énergie, nous sommes face à des défis colossaux. On le voit tous les jours, chacun peut le constater. Que ce soit au niveau de l'approvisionnement en énergie fossile ou électrique, les Verts optent pour deux positions. Premièrement, diminuer sa consommation électrique. Deuxièmement, bénéficier d'un approvisionnement plus respectueux de l'environnement, c'est-à-dire utiliser au maximum des énergies renouvelables.
Au sein de la commission de l'énergie, il a été question de savoir si ce fonds ne pouvait pas être investi pour des énergies renouvelables, comme le forage en grande profondeur qui est une possibilité d'avoir une énergie à faible coût d'ici quelques années. Cette solution a malheureusement été balayée d'un revers de main en fin de séance et nous n'avons même pas pu finir nos discussions. Dès qu'on a procédé aux dix auditions, on a parlé de taxes et d'un peu plus de finesse. Nous étions prêts - les Verts - à revoir notre projet de loi et, peut-être, à utiliser cet argent de bonus différemment plutôt que de le rendre directement aux ménages. Malheureusement, ces discussions n'ont pas toutes pu avoir lieu et je le regrette amèrement aujourd'hui.
Nous proposons un moyen de baisser la consommation d'énergie. Cela passe certes par une taxation financière; mais, si vous avez d'autres propositions, alors présentez-les et allons-y ! Ne continuons pas sur ce chemin de la consommation excessive d'électricité dans notre canton.
M. Jean-Claude Egger (PDC). Madame la députée, vous avez oublié de préciser deux choses. Bâle est un des cantons qui paie l'électricité la moins chère - pratiquement 35% de moins qu'à Genève - ils peuvent donc se permettre de l'augmenter un peu. Nous, nous sommes dans un des cantons qui a le tarif d'électricité parmi les plus chers, et je crois que ce serait vraiment ennuyer les entreprises que d'avoir une tarification encore plus élevée.
On a auditionné une entreprise de chimie qui note, avec les nouveaux tarifs NOE, une augmentation de tarification de 13%. On ne peut pas leur demander de faire des efforts supplémentaires.
Vous avez aussi parlé des artisans et de certaines petites entreprises. Vous dites que ceux qui ont beaucoup d'employés pourraient éventuellement retoucher cette taxe. Malheureusement, il y a aussi des petites entreprises et des artisans qui travaillent seuls ou en couple. Pour ces gens, il n'y aura aucun retour de cette taxe sur leur consommation et ils paieront plus cher leur électricité.
Vous oubliez de parler de la concurrence du transfrontalier à l'importation - quand je parle d'importation je parle du travail que pourraient venir faire les Français en Suisse. Des produits pourraient aussi être exportés vers d'autres pays. Vous n'en parlez pas non plus, mais ce serait également un handicap pour ces entreprises.
Maintenant, j'ai perdu le fil de notre discussion... Ecoutez, on va continuer les débats. En tout cas, on a refusé cette... vous me troublez, Madame la députée. (Rires.)On a refusé cette motion en commission, on continuera à la refuser en plénière et certainement que je reprendrai la parole tout à l'heure !
M. René Desbaillets (L). Le groupe libéral ne désire pas entrer en matière et refuse cette proposition de loi sur la taxation de l'énergie. Nous sommes conscients que l'énergie se fait de plus en plus rare - notamment l'énergie fossile - et nous sommes conscients qu'il faut réduire les consommations d'énergie et trouver des énergies renouvelables. Mais la solution de taxer pour essayer de réfréner est pour nous une mauvaise solution. Si on veut encourager à diminuer, il faut plutôt encourager à trouver des solutions de «défiscalisation» ou autres, pour aider les entreprises à investir dans des technologies nouvelles et leur permettre ainsi d'économiser de l'énergie.
Le modèle bâlois nous est proposé. Certes, s'il joue - quoique les avis soient partagés - à Bâle, il faut considérer que Bâle-Ville est une ville où il y a très peu d'industries - les seules industries sont des industries chimiques et elles ont été exemptées. Genève est un cas différent, il y a 160 kilomètres de frontières avec la France. Une multitude de PME se battent tous les jours pour être concurrentielles avec les entreprises françaises, que ce soit des carrossiers qui ont des fours électriques consommant beaucoup d'énergie pour faire des peintures, des boulangers ou des tas d'autres petites entreprises qui nécessitent de l'énergie pour pouvoir travailler. On ne peut pas taxer ces entreprises, faire augmenter leurs coûts de production et puis leur demander d'être concurrentielles avec l'étranger. On aura simplement de la délocalisation. Je pense qu'à trois semaines des prochaines votations ce n'est pas vraiment le but à atteindre si on veut que les gens votent oui, le 25 septembre.
Il faut économiser de l'énergie, mais la solution qui nous est proposée est une mauvaise solution. Il faut proposer d'encourager les gens à réfléchir et à investir dans des technologies nouvelles, mais ce n'est pas en taxant qu'on va faire plaisir aux gens et trouver des solutions. Voilà pourquoi le groupe libéral refuse ce projet de loi.
M. Thierry Charollais (S). M. Desbaillets vient d'affirmer qu'il s'agit d'une mauvaise solution et, en même temps, il reconnaît que tout le monde est conscient de la problématique énergétique. On est tous d'accord - on l'a vu en commission - sur la promotion des énergies renouvelables. Mais s'il y a accord général sur ce point, il faut maintenant se mettre d'accord sur les moyens que l'on veut donner à cette politique. Et, justement, ce projet de loi permet de répondre à cette problématique.
Comment faire pour arriver à répondre à cette problématique ? Ce projet de loi - et on l'a vu à de multiples reprises dans nos travaux de commission - va vers une promotion des énergies renouvelables. Cette taxe est incitative, sur un système qui en même temps respecte les impératifs de l'économie.
Il faudrait rappeler quel est le mode de fonctionnement de ce système. On a parlé du modèle bâlois, mais que dit-il, en deux mots ? C'est une taxe qui rapporte 50 millions par année. 40 millions de francs sont redistribués dans l'économie, 10 millions sont redistribués pour les ménages et de très grosses entreprises telles que la chimie sont exonérées, comme les petites entreprises, fortes consommatrices d'électricité. Par rapport à cela, que peut-il se passer, à Genève ? On le voit, si on introduit une taxe de 3 ou 4 centimes par kWh, cela devrait représenter des recettes comprises entre 50 millions et 68 millions. C'est donc encore plus que le montant de cette taxe, qui devrait revenir au consommateur.
A notre sens, il s'agit d'un système de remboursement qui est extrêmement intéressant. C'est-à-dire que, pour les ménages, en fonction du nombre de personnes, un remboursement est fait sur leur consommation en énergie. Un remboursement est fait aux entreprises en fonction de leur masse salariale. Enfin, pour les indépendants, un calcul sur ce remboursement est fait en fonction de leur revenu déterminant. Avec ce système, on a une taxe qui remettrait plus ou moins le prix du kWh SIG au niveau qu'il avait, précédemment à la tarification NOE - on a vu que cela posait un certain nombre de problèmes, cela a été dit en commission.
En même temps, par rapport à la consommation d'énergie en tant que telle, des économies seraient faites grâce à ce système de bonus. On voit donc que ce projet de loi consiste en un moyen qui est extrêmement intéressant. Les partisans de ce projet de loi veulent un accord de principe que l'on avait tous au niveau de la commission: que l'on nous propose des solutions. Malheureusement, la majorité ne l'a pas fait. Les Verts arrivent donc avec un projet que nous ne pouvons que soutenir.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont encore inscrits Mmes et MM. Leuenberger, Baud, Matthey, Egger, Gauthier, Pagani et le rapporteur de majorité.
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Ma collègue Morgane Gauthier a été exhaustive, alors je me permets de répondre à MM. Egger et Desbaillets. Vous avez dit que nous étions le pays le plus cher, c'est faux. Actuellement, avec la hausse du baril - bientôt à 72 dollars - le prix de l'électricité est de plus en plus haut partout, et la Suisse devient compétitive. Ensuite, nous ne sommes pas le canton le plus cher. Vous avez distingué Bâle de Genève en disant que nous sommes frontaliers. Bâle est frontalière avec l'Allemagne et la France, juste pour le rappeler. A Bâle, il y a beaucoup d'entreprises et d'industries et, en plus, il existe un fonds qui permet de faire des audits pour étudier les besoins en énergie des entreprises et, ainsi, de faire baisser leur consommation, de subventionner les entreprises qui ont de grosses factures d'électricité, d'acheter des instruments moins gourmands en énergie... Il existe donc tout un arsenal.
En commission, vous étiez ouverts, vous discutiez. Nous avons fait une dizaine d'auditions fort intéressantes et vous étiez intéressés par ce projet de loi qui pouvait être modulé. Et, tout à coup, à la fin, vous dites: «Oh non, quelle horreur, des taxes !». Il s'agit d'un éco-bonus qui est rétrocédé à 90%, voire 95%.
Vous dites qu'il faut proposer des choses, mais on ne voit pas de propositions ! Ce projet était souple. On aurait pu ne taxer que les personnes privées, sans taxer - ou «éco-bonuser» - les entreprises. Il y avait mille possibilités de l'assouplir, de l'arranger, et de faire un essai sur cinq ans ! Qu'est-ce qui nous empêchait de faire un essai sur cinq ans, d'évaluer et de modifier ? Nous sommes les législateurs, nous sommes maîtres de nos lois. Mais, chaque fois que l'on arrive avec des propositions un peu avant-gardistes, vous pensez que l'on va embêter ou gêner les industries. Ce n'est pas notre but ! On sait qu'il y aura des problèmes, à long terme. On sait que les anticiper - et même payer un peu plus cher maintenant - permettra d'économiser des sommes considérables d'ici dix, quinze ou vingt ans.
On regrette cela et on demande très clairement que vous essayiez de changer d'avis et que vous acceptiez ce projet. On peut encore éventuellement le moduler. Cela serait un signe que vous entrez en matière sur l'importance et l'urgence des problèmes énergétiques.
M. Jacques Baud (UDC). Des taxes, encore des taxes, toujours des taxes ! A Genève, tout est prétexte à taxes. Il y a autant de taxes que les aiguilles sur un sapin de Noël, sauf que, pour les cadeaux au pied de l'arbre, on y voit grippe-sous et pompes à finances. Le peuple en a ras le bol, de cela.
Pour un simple petit bistrot, il y a 27 taxes différentes ! On se fout de la gueule du monde ! Alors c'est non, non et non !
M. Blaise Matthey (L). On nous a indiqué, lors du débat et dans les rapports que nous avons reçus - en particulier dans les rapports de minorité - que les expériences faites avec cette taxe à Bâle étaient particulièrement favorables. Effectivement, le rapport officiel laisse entendre que tout est bénéfice depuis que l'on a instauré cette taxe. Je me suis permis de demander ce qu'en pensaient les intéressés, à savoir les milieux économiques bâlois, en particulier les chambres de commerce, pour avoir un avis un peu différent. C'est un avis qui est tout à fait officiel et je ne résiste pas au plaisir de vous donner les conclusions - je vous rassure, très brèves - que tirent les chambres de commerce des deux Bâle, sur l'introduction de cette taxe.
Le premier point est assez clair, la taxe a manqué son objectif incitatif. Quand on parle d'effet incitatif, il faut quand même être sûr qu'on puisse l'obtenir avec une taxe. Si on ne l'obtient pas, il ne reste que la taxe. Cela rejoint sur ce point le «non» de M. Baud.
Deuxièmement. La taxe n'a globalement pas eu d'effet, c'est donc une taxe sans effet. A nouveau, cela n'est qu'une taxe.
Troisième point, très important. A Bâle, il est clairement établi que ce sont les entreprises de service qui sont favorisées, au détriment des entreprises possédant beaucoup de main-d'oeuvre. On fait donc un choix par rapport au type d'entreprises et on ne peut pas tout aménager. Cela a été très clairement établi, lors des travaux que nous avons effectués.
Quatrième point. Les entreprises qui ont réalisé des mesures d'économies sont pénalisées en raison du mode de remboursement basé sur la masse salariale, soumise à la loi sur le chômage.
Cinquième point. Si les entreprises ont mis en oeuvre des mesures d'économies de la consommation d'électricité - et cela, nous l'avons vu également en commission - ce n'est pas à cause de la taxe, mais en raison de la pression due à la diminution des coûts de production. Et les entreprises que nous avons entendues nous l'ont dit et répété: aucune entreprise n'a intérêt à consommer davantage d'énergie.
Par conséquent, les effets décrits sont de nature purement spéculative et enfin, on n'a constaté aucun effet améliorant l'attractivité de Bâle, qui aurait permis de créer des emplois, d'améliorer la sensibilité aux questions environnementales ou qui aurait encouragé l'innovation. Telle est, aussi, la conclusion que tirent les milieux intéressés à Bâle et qui peuvent être, mutatis mutandis, transposés à Genève.
Encore un point pour dire que les Services industriels ont introduit une nouvelle tarification qui tient compte des efforts à faire, dans le domaine des énergies renouvelables. Nous ne les méprisons pas mais nous estimons que l'on ne doit pas tout mélanger. Si les Services industriels introduisent cette nouvelle tarification, il faut pouvoir en mesurer les effets - en particulier sur les entreprises qui se sont plaintes amèrement de la cherté de l'énergie à Genève - avant de rajouter une taxe, fut-elle «incitative».
M. Jean-Claude Egger (PDC). J'ai retrouvé le fil - pas électrique, mais bon... Madame la députée, oui. Bâle est un canton frontalier, mais il y a quand même cette différence de 30% à 35%. Vous le savez, elle a été publiée dans différents journaux, entre autres l'«Hebdo». Vous êtes étonnée qu'en commission on soit très intéressés et qu'on discute, mais c'est le but d'une commission que de se faire un avis et, à un moment donné, de prendre une décision. La décision que j'ai prise reflète aussi l'avis d'une partie de la commission, et c'est le refus de cette taxe.
On a un peu peur que cette taxe-bonus ne se transforme, à l'avenir, en une simple taxe. Vous l'avez dit vous-même, vous cherchez de l'argent pour les énergies renouvelables géothermiques. Vous cherchez des subventionnements pour les énergies renouvelables et on ne peut pas vous reprocher de vouloir trouver des énergies renouvelables.
Mais - c'est là où j'avais perdu le fil de mon discours tout à l'heure - la politique des Services industriels est aussi un élément très important. Ils propose maintenant quatre tarifs: l'énergie verte, bleue et je ne me rappelle plus... Comment vont réagir ceux qui auront une taxe ? Ils vont choisir le tarif qui est en dessous. Il est certain que des gens sont à l'énergie verte, qu'ils ont fait ce sacrifice, mais ils vont redescendre à une énergie un peu plus polluante. En tout cas, les SIG - ils me l'ont dit clairement en commission - n'acceptent pas cette nouvelle taxe, dans leur politique actuelle.
Mme Morgane Gauthier (Ve). Certes, Monsieur Matthey, vous êtes président de la commission et vous savez tout aussi bien que moi que NOE - la nouvelle tarification des SIG - en est à ses débuts. La commission va demander un rapport d'évaluation. Là-dessus, nous sommes tout à fait d'accord, il faut que l'on voie les effets de la politique SIG. Mais qui tient les rênes de la politique énergétique, dans ce canton ? C'est le Grand Conseil, c'est M. Cramer, en charge de l'énergie. Les Services industriels sont une entreprise, certes étatique, mais c'est une entreprise. C'est à nous de fixer les règles de la politique énergétique du canton.
Bien sûr que les SIG sont pionniers en la matière, bien sûr que leur nouvelle tarification a plusieurs mérites, dont celui de clarifier les tarifs. Le tarif vert est le tarif, à notre sens, le plus écolo - il utilise une énergie moins polluante, bien que la meilleure énergie soit toujours celle qui n'est pas dépensée... Le comportement écolo n'est jamais valorisé. C'est celui qui veut consommer les énergies les plus propres qui paie le plus cher ! Balançons les choses à l'envers, changeons de posture ! Essayons de voir les personnes qui consomment le mieux, qui consomment le moins, payer le moins.
Mme Leuenberger a rappelé certains outils dont bénéficie le canton de Genève, qui a aussi été pionnier en la matière: les audits, le fonds des SIG. Il y a toute une série d'outils, mais arrive-t-on vraiment à une diminution de la consommation ? La réponse est non.
Je vous entends bien, Messieurs Desbaillets et Egger, alors cherchons des solutions, mais cherchons-les activement pour respecter le conception générale de l'énergie que nous avons tous votée ici ! Essayons de faire un effort ! Je suis tout à fait prête à discuter, à ouvrir de nouveau les débats. Cela ne doit pas forcément être sous la forme de cet éco-bonus; quoiqu'il en soit, il faut qu'on en vienne à une fiscalité écologique cohérente n'ayant qu'un seul but, diminuer la consommation d'énergie.
M. Rémy Pagani (AdG). En ces temps de disette - si j'ose dire - en matière de pétrole, on voit à quel point nos sociétés sont fragiles, en ce qui concerne leurs ressources en énergies non renouvelables. Nous avons travaillé au sein de la commission - comme l'a dit Mme Morgane Gauthier - de manière assez cohérente, pour essayer de voir où il est possible de faire des économies d'énergie.
Mesdames et Messieurs les députés, nous sommes condamnés à faire des économies d'énergie dans les quarante ou cinquante années à venir. Nous ne pourrons pas faire autrement et nous le voyons déjà aujourd'hui. Il y a eu les prémices de cela avec les crises pétrolières d'il y a une dizaine d'années. Nous sommes à l'orée d'une nouvelle crise pétrolière et nous devons faire des économies d'énergie.
Pour M. Matthey, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes parce que les entreprises se préoccupent déjà suffisamment de faire des économies d'énergie. Je m'excuse, Monsieur Matthey, mais vous péchez un peu par optimisme. En fait, les entreprises qui économisent sont peut-être celles qui consomment le plus d'énergie dans leur production. Un boulanger s'occupe de faire des économies d'énergie, mais un particulier ou une autre entreprise qui voient tout à coup leurs charges électriques augmenter de 4% ou 5% ne se préoccuperont pas de faire des économies sur cette augmentation de 4% ou 5%. En tout cas, pas automatiquement; ils essaieront de faire des économies sur d'autres de leurs charges financières.
Les Services industriels l'ont bien compris, ce type de taxe incitative doit être réfléchi et nous estimons que c'est une possibilité parmi d'autres. On a vu le succès qu'avaient eu les différents types d'énergies proposées, les Services industriels étant même surpris de la bonne volonté et de l'enthousiasme de nos concitoyens à préférer l'énergie hydraulique - donc renouvelable - en payant même un peu plus cher que l'énergie nucléaire.
En conséquence, je trouve déplorable que la majorité actuelle rejette, une fois de plus d'un revers de main, un tel projet. Evidemment, on s'est donné le temps d'étudier tout cela, de faire venir les gens de Bâle... Ils persistent et le rejettent, mais certains députés ont trouvé ce type de système très intéressant, car c'est un système où l'on vous prend pour mieux vous redonner si vous faites des économies. C'est un système qui permet de valoriser celles et ceux qui font un effort.
Malheureusement, la majorité de ce parlement n'en a pas voulu, nous le regrettons et nous reviendrons à la charge pour mettre sur pied un système intelligent qui permette de réaliser de réelles économies, car, une nouvelle fois: nous sommes condamnés et nos enfants seront condamnés à faire des économies d'énergie; c'est la seule ressource qui nous restera à l'avenir.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. Pour résumer ce qui vient d'être dit par Mme Gauthier et MM. Charollais et Pagani, le problème numéro un est qu'actuellement, à Genève, les SIG ont certes une politique encourageant les énergies le plus renouvelables possible, mais nous n'avons pas de dispositif légal concernant tous les distributeurs d'électricité.
Dans la situation actuelle de monopole SIG, cela ne pose pas de problème particulier: il n'y a qu'un seul acteur sur le marché. Mais en cas d'ouverture à d'autres distributeurs, que se passerait-il ? Les SIG encourageraient les énergies renouvelables et les autres distributeurs pourraient tout à fait proposer de l'éolien bradé qui vient de la mer du Nord, avec des éoliennes mal foutues... On n'en sait rien. Toujours est-il que tout est possible.
Il manque un dispositif cantonal visant à encourager les économies d'énergie. L'objectif de cette taxe est d'économiser l'énergie. Peut-être que ce modèle n'est pas parfait, peut-être que les options évoquées en commission ont un peu compliqué le débat, car le modèle bâlois, auquel les écologistes sont très attachés, vise essentiellement à redistribuer l'argent prélevé aux consommateurs d'électricité et non pas à d'autres projets.
Il ne s'agit pas de faire de la grande profondeur avec ces taxes. Je suis désolé, mais je trouve que la droite n'est franchement pas très sérieuse. Mesdames et Messieurs les députés, vous êtes prêts à subir le prix de l'électricité quand le marché augmente, vous êtes prêts à augmenter le prix de l'électricité, quand cela arrange le bouclement d'un budget avec un déficit un peu plus bas - on rajoute une taxe aux Services industriels sans problème - mais quand il s'agit d'encourager les économies d'énergie, vous n'êtes pas là. C'est un peu problématique, car c'est une vision à relativement court terme.
Pour le reste, j'aimerais rappeler que ce modèle exempte les entreprises exportatrices. Firmenich et d'autres entreprises chimiques seraient exonérées de ce modèle. A Bâle, les petites entreprises qui consomment beaucoup d'énergie sont exemptées également. Et si vous lisez mon rapport de minorité correctement - il n'est pas écrit en bâlois donc vous devriez pouvoir le comprendre - il y est indiqué que, pour une petite boulangerie, le retour d'argent est supérieur à ce qui est taxé, car il y a une rétrocession par collaborateurs.
Le discours de l'UDC qui refuse les taxes est absolument ridicule et simpliste. De nouveau, il s'agit de savoir ce que l'on taxe et ce qu'on fait de cette taxe. C'est quand on a l'équation totale et complète que l'on peut déterminer si cela est positif ou non. En l'occurrence, ce modèle bâlois est positif et je vous encourage donc à le voter.
M. André Reymond (UDC), rapporteur de majorité. Il est vrai que le rapport du rapporteur de minorité est écrit en français et non en bâlois, l'UDC en a pris note. Que va-t-il se passer avec l'ouverture du marché de l'électricité ? Comme vous l'avez dit, tout sera possible. Et qui n'est pas sensible aux énergies renouvelables ? Des fonds de recherche sont débloqués dans les universités et tout le monde est très sensible à ce sujet, surtout que l'on sait que l'électricité est de plus en plus chère. Mais, malheureusement, ces énergies renouvelables resteront toujours des énergies d'appoint et complémentaires. Dans le monde dans lequel nous vivons, la consommation d'électricité augmente régulièrement, qu'on le veuille ou non.
Permettez-moi de rappeler que l'entrée en matière de ce projet de loi a été votée grâce à la présence d'une majorité de gauche de circonstance, présente au moment du vote d'entrée en matière en commission.
Pour les ménages, moins consommer, c'est éteindre la lumière lorsque l'on sort d'une pièce, ne jamais laisser l'ordinateur allumé ou bien la télévision en stand-by - si vous me permettez, puisque vous aimez le franglais...
M. Roger Deneys. Je n'ai pas la télévision.
M. André Reymond. Pour les familles, c'est choisir les meilleurs appareils ménagers - comme il a été mentionné en commission - en «cliquant» par exemple sur www.topten.ch. Mais en fin de compte, ces économies d'énergies ne représentent que quelques francs par année, pour une famille de quatre personnes.
Au niveau des entreprises, dites-moi, Mesdames et Messieurs, quelle est l'entreprise qui ne cherche pas à avoir le moins de charges possible, donc à économiser de l'électricité ? Le rapport de minorité admet lui-même qu'un artisan boulanger auditionné ne pourra que subir cette taxe. C'est une raison pour laquelle la plupart des boulangers utilisent le gaz, malgré une hausse récente de 15% environ. A propos de gaz, le Conseil fédéral, dans une réponse au début du mois de mai, a déclaré qu'à moyen et long terme, les centrales électriques à gaz conserveront un rôle essentiel dans la production d'électricité grâce à la relance et aux nouvelles technologies en cours d'élaboration sous la direction de l'OFEN, qui est l'Office fédéral de l'énergie.
Je suis d'accord avec le rapporteur de minorité quand il souligne - en rapportant les paroles d'une personne auditionnée - que pour être efficace, la taxe d'incitation devrait être de 100% au moins. Il a été prouvé dans bien des domaines que la consommation ne diminue pas par l'instauration d'une taxe ou par une augmentation d'impôt. Rappelez-vous le prix de l'essence: en quelques années, il a augmenté de plus de 40%. Cela n'a pas empêché les amateurs de gros véhicules 4x4 - que vous n'aimez pas forcément, Monsieur le rapporteur - d'en acheter.
L'examen environnemental de la Suède, annexé à votre rapport de minorité, n'apporte pas plus d'arguments convaincants sur la taxe d'incitation. En effet, il n'est pas nécessaire d'aller jusqu'en Suède pour citer un exemple de pollution atmosphérique transfrontalière. La Suisse - parfaitement conforme aux normes exigées - a pu ratifier sans problèmes le protocole de Göteborg lors d'une session récente au Conseil national, cela dit en passant.
Contrairement à Genève, le prix de l'énergie est très bas, à Bâle. A Genève, le prix de l'énergie est beaucoup trop élevé. Une nouvelle taxe serait trop lourde pour le marché genevois. Le coût supplémentaire administratif et la gestion de cette taxe ne seraient pas simples du tout.
Je rappelle que la direction des SIG a mentionné que cette taxe d'incitation bâloise ne pourrait pas être applicable à Genève. Permettez-moi de terminer en disant qu'une augmentation du prix de l'électricité aurait un impact très négatif à Genève, pour les PME et pour l'industrie. Je vous demande donc de soutenir le rapport de majorité en refusant ce projet de loi.
M. Roger Deneys (S), rapporteur de minorité. J'aimerais apporter une toute petite précision concernant le rapport de l'OCDE concernant la Suède, que j'ai mis en annexe. Ce n'était pas du tout pour parler de la Suède et de ce qu'elle accomplit, c'était plutôt pour faire part d'une remarque dans ce rapport qui dit que les Etats occidentaux ont tendance à surestimer l'aide aux énergies renouvelables, par rapport à l'aide aux économies d'énergie. Car cela coûte plus cher de produire du solaire ou de l'éolien que d'inciter à économiser l'énergie.
Il est vrai que nous sommes dans une société de consommation et quelque part, même si l'on fait du solaire et de l'éolien, cela vient toujours s'ajouter au reste. Alors que si l'on incite les gens à consommer moins, cela devrait un jour permettre de diminuer la consommation totale. Mais ce n'est pas dans la logique de notre système et on ne peut que le regretter.
M. André Reymond (UDC), rapporteur de majorité. Pour terminer, je crois que tout le monde - comme je l'ai dit en début de ce rapport - est sensible aux énergies renouvelables. Nous serons obligés d'en tenir compte et je crois que tout le monde en tiendra compte. Mais, dans le monde dans lequel nous vivons, nous consommerons toujours plus d'électricité. Je ne vais pas faire un exposé sur ce sujet, mais nous serons obligés de passer par là et, que vous le vouliez ou non, la consommation d'électricité augmentera avec le temps.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Nous en sommes au stade du premier débat sur un projet de loi émanant du Grand Conseil, sur lequel le Conseil d'Etat n'a pas eu à prendre position, car ce n'est pas lui qui l'a souhaité. Je ne suis cependant pas opposé à ce projet de loi pour une double raison.
La première est que le système prévu n'est pas - contrairement à ce qui a été imaginé ici ou là, à l'occasion d'autres débats, notamment le débat budgétaire - une sorte d'impôt sur la consommation où l'on taxe les gens qui consomment de l'énergie. Il s'agit d'un dispositif visant à redistribuer de l'argent. A partir de là, nous sommes dans un jeu à somme nulle. Le projet de loi proposé ne s'oppose pas au système légal actuel, il le complète et, dans ce sens, il n'y a pas de raison d'y voir des modifications fondamentales par rapport à nos pratiques et à nos usages.
A ce stade, je me permettrai d'intervenir sur une ou deux choses que j'ai entendues. La première est que plusieurs personnes ont indiqué qu'à Genève le prix de l'électricité est cher. Cela dépend par rapport à quoi. Si on la compare au prix de l'électricité distribuée et consommée en Suisse, l'électricité genevoise n'est pas chère; elle n'est pas bon marché non plus, mais elle se trouve tout à fait dans la moyenne, notamment après la dernière diminution - importante - du prix de l'électricité. Cette diminution, d'environ 10%, a essentiellement été voulue pour les entreprises - qui ont bénéficié de l'enveloppe de diminution du coût de l'électricité à hauteur de 8%. Avec les 2% pour les ménages, ce sont 50 millions qui ont été redistribués et, au fond, cela est normal.
Il est normal que lorsque les Services industriels n'ont pas suffisamment d'argent pour mener leurs activités, cela se traduise par des augmentations de tarifs. Il est, de la même façon, normal que lorsque les Services industriels arrivent à faire des bénéfices - pour toutes sortes de raisons, en l'occurrence par des gains obtenus grâce à une bonne gestion et aussi parce que les fournisseurs des Services industriels leur vendent l'électricité moins chère - que cette diminution des coûts de l'électricité achetée par les Services industriels soit répercutée sur le consommateur. Vous avez vu que, dans la façon de répercuter les choses, on a très largement tenu compte des intérêts des entreprises. C'est ce qu'a voulu le Conseil d'Etat lorsqu'il a approuvé ces nouveaux tarifs.
Et, dans le même temps - comme certains l'ont relevé - ces nouveaux tarifs ont été reconstruits dans un esprit de développement durable, de façon à être très favorables à ceux qui consomment de façon intelligente, c'est-à-dire qui ne consomment pas beaucoup d'énergie de pointe et de façon à inciter ceux qui ont des systèmes peu performants à les modifier. Il y a donc une diminution des tarifs et, en même temps, une incitation à des consommations plus intelligentes car plus économiques à la fois pour les Services industriels et les consommateurs.
Je souhaitais relever un deuxième point. Au détour de son intervention, M. Pagani a parlé de choix, à Genève, entre acheter de l'électricité issue d'installations nucléaires ou d'installations fonctionnant à base d'énergie renouvelable. Cela a été vrai il y a un certain temps mais cela n'est plus le cas. J'ai la satisfaction de vous dire qu'aujourd'hui - M. Brunier connaît bien ces questions liées aux Services industriels - la totalité de l'énergie distribuée à Genève par les Services industriels est garantie sans nucléaire. J'entends par là que les Services industriels achètent 100% d'énergie non nucléaire. Ensuite, ce sont les consommateurs qui choisissent quel type d'énergie ils veulent acheter. A peu près 90% des consommateurs achètent de l'énergie renouvelable - pour l'essentiel de l'hydraulique; une petite partie d'entre eux achète de l'énergie fossile qui provient de centrales à gaz très performantes. Il s'agit de centrales à cycle combiné qui sont - dans le domaine des énergies fossiles - ce que l'on fait de moins polluant.
Je conclurai en disant que, quelle que soit l'issue de ce vote, je tiens à vous remercier toutes et tous d'avoir été soucieux d'exprimer votre attachement à une politique de l'énergie fondée sur les économies d'énergie et sur le recours aux énergies renouvelables. C'est ce que veut notre constitution, je suis heureux de voir à quel point le Grand Conseil est unanime pour soutenir cette politique, et je vous en remercie.
Mis aux voix, ce projet de loi est rejeté en premier débat par 45 non contre 34 oui.