République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 2 septembre 2005 à 14h
55e législature - 4e année - 10e session - 62e séance
P 1431-A
Débat
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Dans cette pétition qui concerne l'installation d'une terrasse à la pizzeria «Chez Marino» et avait recueilli 180 signatures, il y a en réalité un problème qui en cache un autre. Le premier problème est de nature technique. Il doit évidemment intéresser ce Grand Conseil, mais c'est un problème qui est essentiellement de la compétence de l'office des transports et de la circulation. Le problème est de savoir comment - dans les rapports avec l'administration de la Ville de Genève - il convient de répartir l'espace urbain entre ce qui est à disposition du stationnement des véhicules, d'une part, et, d'autre part, des clients d'établissements qui - notamment en saison estivale - aiment à se prélasser sur les terrasses de cafés, et pas seulement au café de l'Hôtel de Ville.
Mais il y a un deuxième problème qui est plus délicat. C'est un problème humain, de respect auquel ont droit les citoyens - les commerçants comme les autres. Il est apparu aux membres de la commission que, dans le traitement dont ont été victimes - je n'hésite pas à le dire - les propriétaires de la pizzeria en question, il y avait, de la part de l'administration, ce que j'appellerai de façon non excessive un manque de considération. Ce manque de considération a incité une majorité de la commission à transmettre au Conseil d'Etat la pétition afin qu'il nous fasse rapport.
Aujourd'hui, plus de deux ans après le dépôt de cette pétition, il serait intéressant d'entendre de la bouche du président du département où en est la situation, mais sur les deux points que j'ai mentionnés, celui du traitement technique et celui du traitement humain de ce commerçant et peut-être d'autres commerçants de notre République qui exploitent des terrasses de café.
M. Alain Etienne (S), rapporteur de minorité. Une partie de la commission a décidé de déposer un rapport de minorité pour plusieurs raisons. Elles ont été exposées dans mon rapport, mais j'aimerais les rappeler. Je pense que vous avez tous lu la pétition. Elle comporte des termes outranciers. On a pu y lire que le chef du service avait pris une décision arbitraire et qu'il avait eu une manière dictatoriale d'imposer des mesures aux commerçants. Pour terminer, la République et canton de Genève doit savoir comment M. Robert Cramer, conseiller d'Etat exposé à la vindicte populaire, traite les commerçants. Les termes de cette pétition ne sont pas acceptables, et je relève que les députés de l'Entente, à la commission des pétitions, classent tout simplement les pétitions qui comportent des termes beaucoup trop outranciers.
Deuxièmement, nous avons mené les auditions. Les pétitionnaires nous ont exposé leurs soucis et nous les avons entendus. Là aussi, les termes ont été extrêmement forts. Nous avons auditionné l'association des cafetiers qui a fait une critique très forte de la politique en matière d'aménagement urbain de la Ville de Genève, notamment à cause des rues fermées durant l'été, alors que ces aménagements cherchent à rendre convivial et attractif l'espace public. Ce sont les raisons pour lesquelles nous avons choisi de faire un rapport de minorité et de proposer le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil.
J'aimerais rappeler que c'est la commune qui donne l'autorisation en matière de terrasses et non l'OTC. L'égalité de traitement dépend de l'endroit où le restaurant se situe. J'aimerais rappeler que le restaurant en question se situe en bordure de la rue des Eaux-Vives et que c'est un lieu où passe le bus. Il n'est donc pas possible d'offrir plus de terrasses, et une négociation a eu lieu en février 2002 pour la mise en place des terrasses en 2003.
Il semble que les problèmes entre la politique des macarons et la politique de mise à disposition des terrasses aient été réglés. Apparemment, il n'y a plus de problèmes, d'autant plus que la motion 1532 a été renvoyée à la commission de l'économie et que nous pensions, à la commission des pétitions, qu'il fallait attendre les résultats des travaux de la commission de l'économie par rapport à la motion 1532. Pour ne pas renchérir, nous vous proposons le dépôt de cette pétition sur le bureau du Grand Conseil en attendant le rapport sur la motion 1532.
Mme Loly Bolay (S). La problématique des terrasses situées sur le domaine public a régulièrement été évoquée ici. Elle se situe souvent en antagonisme avec ceux qui demandent plus de places de macarons - il est vrai, nous l'avons souvent relevé ici que des gens paient un macaron et n'arrivent pas à se garer, tout dépend des quartiers - et la problématique de sauvegarder l'aspect économique.
Ce qui me fait réagir dans cette pétition - et je m'en excuse, car je n'étais pas du tout en commission - c'est le côté pugnace des pétitionnaires. Je lis, dans l'argumentaire de cette pétition, qu'ils s'attaquent aux macarons et qu'ils menacent même de lancer un référendum.
Mesdames et Messieurs les députés, les macarons ont aussi été voulus par les commerçants. Et, pour certains, qui réclament un intérêt individuel au lieu de l'intérêt collectif, cela revient à se tirer une balle dans le pied. Je trouve que c'est totalement inadmissible de venir dire ici que cet acte est inégal et que, par conséquent, ils prendraient le risque de lancer un référendum contre le macaron. Il n'y a pas qu'à Genève que les macarons existent et tout le monde est content de ces places bleues. Prendre une initiative aussi draconienne vis-à-vis d'une mesure qui a fait ses preuves est totalement inadmissible.
C'est la raison pour laquelle je vous invite à suivre le rapport de minorité et à donner à cette pétition la voie qu'elle mérite, celle d'un classement vertical.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Cette pétition appartient à une histoire un peu ancienne, car elle porte sur une situation qui nous ramène aux années 2002-2003. Que s'est-il passé durant cette période ? L'OTC a commencé à exercer une nouvelle compétence durant l'année 2000, laquelle était de répondre aux demandes des cafetiers souhaitant installer des terrasses, durant l'été, sur des places de stationnement. On voit immédiatement que ce type de demande implique, par la nature même de la question, un conflit entre l'intérêt des commerçants, des établissements de débit de boissons - et on sait à quel point ce sont des intérêts respectables et qui méritent d'être pris en considération - et les intérêts des habitants du quartier, qu'ils soient automobilistes à la recherche d'une place de stationnement - intérêts tout autant respectables - ou qu'ils soient simplement voisins et victimes de nuisances sonores.
La prise en considération de ces intérêts a dû être opérée durant les années 2001-2002. Et, en 2002, le nombre de demandes a littéralement explosé. Face à cette situation, l'OTC a indiqué qu'elle allait imposer des normes beaucoup plus strictes, car elle était submergée de plaintes d'habitants du quartier, qu'ils soient automobilistes à la recherche de places de stationnement ou simplement voisins importunés par le bruit.
Au début de l'année 2003, l'OTC a imposé un régime beaucoup plus restrictif en matière de dérogation pour ces terrasses d'établissements publics durant l'été. Cette annonce a évidemment entraîné d'autres types de réactions, celles des exploitants des débits de boisson qui s'étaient habitués à un système beaucoup plus souple. Et, du coup, cette annonce a entraîné le type de réactions dont fait état cette pétition. Elles sont assurément beaucoup trop vives, vous avez parfaitement raison de le souligner, mais, ma foi, sur le fond, elles sont compréhensibles: ils sont en train de défendre leurs intérêts économiques.
A la suite de ces réactions, l'OTC a réuni les parties intéressées. Elle les avait déjà consultées au préalable, car cette réglementation contre laquelle s'insurgent les pétitionnaires avait déjà été précédée d'une consultation auprès de l'association des cafetiers. Mais ils ont été consultés à nouveau; on leur a montré les différentes oppositions, les réactions recueillies, et un nouveau système plus individualisé a été mis sur pied dès l'année 2003. Il a donné satisfaction puisqu'on a pu constater que l'été 2003, l'été 2004 et bientôt l'été 2005 ont vu une situation tout à fait pacifiée. Les cafetiers ont le sentiment d'avoir été entendus, et les habitants trouvent que l'on arrive à gérer la situation. Cette façon de procéder à ces dérogations est de plus en plus fine, car on parvient - à travers tous les renseignements que l'OTC possède, notamment sur les chantiers dans les quartiers - à tenir compte de la situation de chaque établissement public pour rendre la décision la plus proportionnée et la plus favorable possible pour ces terrasses d'établissements publics auxquelles nous sommes toutes et tous attachés.
Voilà donc la situation actuelle. On voit qu'à travers un certain nombre d'oppositions qui ont pu s'exprimer de manière trop véhémente - vous avez raison de le soulever, Monsieur le rapporteur - on a pu arriver à une solution satisfaisante. A ce stade, je vous propose de prendre acte de ces explications, de considérer que mon propos équivaut à un rapport oral et de laisser la possibilité à l'OTC de disposer de son temps pour mieux répondre à ses clients que sont les personnes qui s'adressent à cette administration, plutôt que de consacrer ce temps à vous rédiger un rapport qui vous redira par écrit ce que je viens de vous exposer oralement.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Je pose une question de procédure. M. le président du département concerné vient de nous proposer la solution de considérer qu'en réalité sa réponse équivaut à un rapport du Conseil d'Etat. En d'autres termes, il reconnaît implicitement que nous aurions voté en faveur du renvoi au Conseil d'Etat et qu'il y aurait répondu. Par conséquent, je me demande s'il y a encore sens à voter sur le renvoi au Conseil d'Etat ou, au contraire, sur le dépôt sur le bureau du Grand Conseil, compte tenu de la phrase conclusive de M. Cramer. Voilà la raison pour laquelle je vous propose de renoncer à voter en la matière.
La présidente. Puisque cette proposition sage vient de votre part, il en sera fait ainsi. Cette pétition sera déposée sur le bureau du Grand Conseil. (Manifestation dans la salle.)Non ? Je ne vais pas faire voter... Monsieur le député, je n'ai pas dit de voter, j'ai dit que cette pétition sera déposée sur le bureau du Grand Conseil.
M. Pierre Weiss. Si cette pétition était déposée sur le bureau du Grand Conseil, M. Cramer n'aurait pas pu nous donner une réponse qui valait rapport.
La présidente. Puisqu'il y a unanimité pour le dépôt, nous allons voter sur le dépôt.
Mises aux voix, la proposition du rapporteur de majorité et les conclusions du rapport de minorité de la commission des pétitions (dépôt de la pétition sur le bureau du Grand Conseil à titre de renseignement) sont adoptées par 48 oui contre 11 non et 3 abstentions.