République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 23 juin 2005 à 15h
55e législature - 4e année - 10e session - 53e séance
PL 9389-A
Premier débat
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur. Je voudrais ajouter deux ou trois choses à ce rapport qui porte sur une question extrêmement délicate, à savoir dans quelles conditions peut-on modifier des projets de lois après leur adoption par ce Conseil lorsque les lois votées comportent une erreur.
Notre commission législative a passé plusieurs séances à examiner la question de très près et il faut distinguer les erreurs purement formelles - dont la rectification ne pose en principe pas de problème - des erreurs matérielles. On entend par erreurs formelles les fautes de frappe et les fautes d'orthographe dans un texte législatif ou lorsque l'on doit modifier dans la loi des références à d'autres lois ou à d'autres autorités. On admet qu'il appartient à la chancellerie, une fois une loi adoptée, de faire corriger les questions formelles propres à une loi, notamment lorsque le nom d'un département ou une référence dans une loi sont modifiés.
Néanmoins, dans certains cas, il est difficile de faire la distinction entre la rectification d'une erreur formelle et celle d'une erreur matérielle. On a donc demandé que toutes les rectifications formelles apportées par la chancellerie dans notre recueil systématique des lois soient communiquées à la commission législative qui vérifiera en quelque sorte le bien-fondé de ces rectifications et leur caractère formel.
Si la commission législative devait constater qu'une rectification n'était pas justifiée, elle pourrait intervenir auprès du Bureau du Grand Conseil pour supprimer la rectification ou solliciter l'adoption d'un projet de loi pour modifier la loi rectifiée.
La question est encore plus délicate lorsque l'on se trouve en présence d'une rectification matérielle, c'est-à-dire lorsque l'on a indiqué, par exemple, le montant d'une somme d'argent dans un crédit et que ce montant ne correspond pas à la réalité. Dans ce cas, on admet que, en principe, une loi qui contient une erreur de ce type devrait être modifiée par l'adoption d'une autre loi.
La nécessité de recourir à un projet de loi pour corriger de telles erreurs peut paraître excessive dans certains cas: on a vu récemment deux ou trois cas qui ont amené la commission législative à prévoir la possibilité de faire des rectifications matérielles sans devoir adopter un projet de loi avec la procédure que cela implique et le délai référendaire qui en découle. C'est ainsi, par exemple, que lors de l'adoption de certaines lois liées au budget 2005, qui ont été votées en décembre 2004, il y a eu une inversion de paragraphes. Il s'agissait d'une erreur matérielle, mais évidente, et le Bureau a pris l'initiative de faire paraître dans la «Feuille d'avis officielle» une rectification au lieu de demander au Grand Conseil d'adopter une loi modifiant celle qui était entachée d'erreur. Il faut relever entre parenthèses que la loi en question faisait l'objet d'un référendum et qu'évidemment il aurait été assez désolant que les signatures récoltées pour cette loi deviennent sans objet et qu'il faille lancer un deuxième référendum simplement parce qu'il y avait une modeste erreur dans le texte. A notre avis, le Bureau a bien fait de considérer, après avoir consulté les chefs de groupe, que l'on pouvait publier une rectification dans la «Feuille d'avis officielle».
Un autre exemple est apparu tout récemment lors de l'adoption d'une loi comme celle que vous venez d'adopter, portant sur l'autorisation accordée à la Fondation de valorisation des actifs de la Banque cantonale de Genève d'aliéner une parcelle. Dans le titre et dans le texte de la loi figurait une erreur de numérotation, le dernier des quatre chiffres du numéro était erroné; ce numéro ne correspondait à aucune autre parcelle. Il était donc évident qu'il s'agissait simplement de rectifier ce chiffre et qu'il n'était pas nécessaire d'adopter un projet de loi à cet effet. Etant donné que la loi était muette sur cette possibilité de rectifier sans avoir recours à un projet de loi, le registre foncier s'est montré extrêmement formaliste et a refusé d'inscrire la vente de la parcelle à cause de l'erreur de chiffre, quand bien même le numéro de cette parcelle ne correspondait à rien du tout et que la rectification était de toute évidence extrêmement mineure. On a donc adopté un projet de loi, ce qui retarde de cinquante jours la vente de cet appartement en raison du délai référendaire.
La commission législative est arrivée à la conclusion qu'elle pouvait recommander au Grand Conseil d'approuver une rectification matérielle à une loi déjà votée lorsque cette rectification est de peu d'importance et qu'elle porte sur une erreur manifeste, ce qui était le cas dans l'exemple que je viens de citer. Ces deux conditions sont cumulatives. Cette correction serait approuvée par une résolution qui n'est pas sujette à référendum, et la rectification serait publiée dans la «Feuille d'avis officielle», comme ce fut le cas au début de l'année.
Les juristes de la chancellerie et du département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie ont évidemment demandé si l'on pouvait procéder de la sorte ou non. La commission a estimé à l'unanimité que lorsqu'il s'agissait véritablement d'une petite erreur manifeste, on pouvait prendre le risque de procéder comme la loi le recommande. On ne peut cependant pas exclure qu'un jour ou l'autre un citoyen fasse un recours contre ce mode de faire en disant qu'une erreur aurait dû être corrigée par un projet de loi. Si l'on veut être très légaliste et très prudent, les collaborateurs de la chancellerie et du département de l'intérieur, de l'agriculture, de l'environnement et de l'énergie ont raison. Nous avons parié sur le fait que, dans un cas semblable, le Tribunal fédéral admettrait que l'on procède ainsi, sur la base du principe de la proportionnalité. Les Chambres fédérales procèdent de la sorte, et c'est la raison pour laquelle nous vous recommandons d'approuver l'intégralité de ce projet de loi, tout particulièrement l'article 216A de notre règlement du Grand Conseil qui prévoira à l'avenir, si cette disposition est adoptée, la possibilité de rectification que je viens d'expliquer.
M. Robert Cramer, conseiller d'Etat. Je n'ai que fort peu de choses à ajouter à ce que vient d'indiquer le rapporteur de la commission, puisque je souscris à tous ses propos. Dans ce domaine, avec l'article 216A, alinéa 3, on fait un peu d'innovation législative, mais je suis prêt à prendre le pari qu'a pris le rapporteur de la commission.
En effet, si un recours devait être interjeté contre une décision du Grand Conseil prise par voie de résolution de procéder à l'une de ces corrections, c'est que nous ne serions probablement déjà plus dans le domaine de la correction de peu d'importance portant sur une erreur manifeste, ce genre de correction ne prêtant pas à recours.
Au fond, il me semble que l'on met en place un système pragmatique. Le jour où il y aura une volonté d'utiliser le système inventé aujourd'hui pour lui donner une autre portée que celle voulue par ses auteurs, des juridictions seront là pour sanctionner cet abus. Ainsi, au nom du Conseil d'Etat, je me rapporte totalement au résultat des travaux de la commission législative sur ce sujet.
Pour le surplus, je tiens à remercier cette commission qui, dans sa façon d'apprécier ce projet de loi, s'est efforcée d'adopter un point de vue institutionnel, en d'autres termes de faire abstraction d'intérêts partisans - ceux du législatif et ceux de l'exécutif - pour essayer de trouver un système équilibré qui ménage la séparation des pouvoirs. Je tiens, Monsieur le rapporteur, à vous remercier de l'esprit dans lequel les travaux de la commission ont été conduits.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur. Je remercie M. le conseiller d'Etat Robert Cramer pour ses propos. Je voudrais simplement dire que, dans l'hypothèse où un monsieur X voudrait porter un recours au Tribunal fédéral contre le fait qu'une correction n'aurait pas été faite par le biais d'un projet de loi, bien entendu que le Grand Conseil aura la sagesse de ne pas attendre que le Tribunal fédéral tranche la question pour voter un projet de loi rectificatif. Le moyen d'éluder ce genre d'obstacle est tout simplement l'adoption d'un projet de loi.
La présidente. Madame Bolay, bien que cela ne se fasse pas après que le Conseil d'Etat s'est exprimé, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Mme Loly Bolay (S). Excusez-moi, Madame la présidente, ne vous fâchez-pas, mais je voulais remercier brièvement notre collègue Christian Grobet qui a fait un excellent travail à la commission législative pour que ce projet de loi aboutisse rapidement. Je relève que telle est son habitude dans cette commission.
La présidente. Quant à moi, Madame la députée, je ne crois pas avoir l'habitude de me fâcher...
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 54 oui (unanimité des votants).
La loi 9389 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9389 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 54 oui (unanimité des votants).