République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 10 juin 2005 à 17h20
55e législature - 4e année - 9e session - 51e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 17h20, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.
Assistent à la séance: Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat ,et M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mme et MM. Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot, Robert Cramer, Micheline Spoerri et Charles Beer, conseillers d'Etat, ainsi que Mme et MM. Edouard Cuendet, Gilles Desplanches, Yvan Galeotto, Renaud Gautier, Nicole Lavanchy, Georges Letellier et Pierre Schifferli, députés.
Discussion et approbation de l'ordre du jour
Mme Sylvia Leuenberger (Ve). Comme nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner le point 116 lors de la précédente séance, soit le rapport 585 du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la formation initiale des enseignants primaires et secondaires, je demande qu'il soit traité en urgence ce soir. En effet, nous avons besoin de ce rapport à la commission de l'enseignement supérieur, car nous traitons un projet de loi qui s'y rapporte.
Mis aux voix, le traitement en urgence du RD 585 est adopté par 40 oui contre 4 non et 1 abstention.
M. Hugues Hiltpold (R). Je demande que le point 75 annoncé dans les extraits, rapport PL 9041-A de la commission des finances, soit également traité en urgence.
Mis aux voix, le traitement en urgence du PL 9041-A est adopté par 36 oui contre 15 non.
M. Jacques François (AdG). J'aimerais demander l'ajournement du point 39 de l'ordre du jour, PL 9165-B. Il s'agit du rapport de la commission des droits politiques concernant un projet de loi sur l'aménagement du temps de parole. Vous savez que c'est un premier projet ayant fait l'objet d'un débat de plus de deux heures dans cette enceinte; il a été renvoyé en commission et en revient. Cependant, nous avons vu hier qu'un projet a été déposé: le PL 9560 proposant un remaniement beaucoup plus considérable du fonctionnement de ce Grand Conseil. Par voie de conséquence, je me demande s'il est judicieux de discuter de ce rapport très partiel, alors que, ensuite et dans un délai très court, va arriver une refonte beaucoup plus fondamentale de ce projet. Je demande donc l'ajournement de ce projet de loi.
Mis aux voix, le traitement du projet de loi 9165-B est reporté sine die par 53 oui et 7 abstentions.
Annonces et dépôts
Néant.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons le cours de notre ordre du jour. Vous vous souvenez que nous allons traiter d'abord le point 99. Ensuite, nous enchaînerons avec le point 100 - que nous n'avons pas terminé hier soir - puis avec les autres urgences. Je vous rappelle que, de toute manière, nous terminerons nos débats de ce soir à 23h00 et que les urgences qui n'auront pas été traitées seront reportées à la session des 23 et 24 juin.
Pour l'instant, j'appelle à la table des rapporteurs MM. Weiss, Grobet et Hiler.
Premier débat
M. Pierre Weiss (L), rapporteur. Je ne devrais rien avoir à ajouter à ce rapport, si ce n'est pour féliciter l'ensemble des membres de la commission et, en particulier, ceux qui ont apporté leur contribution par des travaux dont la qualité se marque dans leur rapport. Je ne parle, par conséquent, pas du mien. Je pense en particulier à celui de M. Hiler et à celui de M. Grobet. Mais je pense aussi à Mme Grobet-Wellner et à notre ancien collège Bernard Lescaze. Tous ont apporté leur pierre à cet édifice important, dont certains ont sans doute pu questionner le coût et les avantages, mais dont nul n'a nié la nécessité en tant qu'instrument pour observer le fonctionnement, voire les dysfonctionnements, d'un Etat aussi complexe que notre République.
En ce sens, les rapports qui vous sont présentés ont fait l'objet, je crois, d'une attention, voire d'une unanimité rare dans notre commission, et d'une sérénité dans les débats qui mérite d'être soulignée. Je tenais à en remercier tous ceux qui y ont collaboré.
M. David Hiler (Ve), rapporteur. Nous sommes deux rapporteurs parce que les modifications à d'autres lois, dans le cas d'espèce, sont considérables, notamment en ce qui concerne la loi sur la surveillance de la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève. Ce que je tiens à vous dire à ce stade, avant que nous arrivions aux articles concernés, c'est que la commission, dans sa majorité, puis à l'unanimité, a procédé selon les critères suivants.
L'existence de la Cour des comptes n'ôte aucune compétence, aucune prérogative, ni au Conseil d'Etat, ni à l'inspection cantonale des finances, ni à notre Parlement, ni, surtout, à ses deux commissions: la commission de contrôle de gestion et la commission des finances. Le rôle qui est attribué à l'Inspection cantonale des finances reste le même qu'aujourd'hui, c'est-à-dire, pour parler comme les entreprises, un rôle d'audit interne. Nous avons notre contrôle parlementaire, et c'est à nous de bien le faire. Le Conseil d'Etat a la haute surveillance de l'administration: il dirige le premier et le plus essentiel des échelon du contrôle, soit le contrôle de gestion départemental et interdépartemental.
Ce que nous avons simplement ajouté, c'est un regard extérieur, non pas un pouvoir capable de sanctionner, mais un pouvoir capable de dénoncer et d'informer: un pouvoir dont on pourrait dire, en fait, qu'on lui a donné les moyens qui manquent à notre presse pour faire une investigation et informer. Et je suis persuadé que les grands bénéficiaires de la création de la Cour des comptes, ce seront nos amis journalistes, puisqu'ils auront là matière à faire des articles particulièrement bien informés. J'ajoute enfin que l'existence de la Cour des comptes ne doit pas empêcher les députés, comme certains l'ont fait à de nombreuses reprises, d'eux-mêmes mettre le doigt sur des choses qui ne vont pas, informer ce Parlement, informer les médias.
C'est donc une loi qui maintient les prérogatives et les compétences existantes, qui insert cette nouvelle Cour des comptes dans le dispositif et - il faut quand même le dire et en remercier le département des finances - dont la rédaction et la systématique ont été sensiblement améliorées.
Voilà le projet général dont je suis personnellement rapporteur, ou sous-rapporteur, si vous le voulez bien. Il ne faut cependant pas oublier que la base essentielle du projet est la modification constitutionnelle.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur. J'aimerais tout d'abord souligner ce que M. Weiss a mis en évidence tout à l'heure, à savoir l'excellent climat dans lequel se sont déroulés les discussions et débats relatifs aux projets de lois sur lesquels nous rapportons - je le dis d'autant plus volontiers que je n'ai pas l'honneur de faire partie de la commission des finances. J'ai eu un grand plaisir à pouvoir y siéger pendant quelques séances pour discuter de ces lois et je dois dire que la discussion a effectivement été non seulement très intéressante, mais également d'un niveau élevé; elle s'est déroulée dans une parfaite harmonie et s'est terminée par une unanimité. Je pense que cela vaut la peine d'être souligné, car il est vrai que, sur des objets où il y a parfois des divergences de vue, on voit en séance plénière des débats qui peuvent tourner en confrontations assez fortes... Il est donc positif que le public sache aussi que, dans nos commissions, on fait beaucoup de travail productif. Je me souviens que, quand j'étais jeune député, un collègue libéral disait déjà à l'époque qu'il y avait dans les débats du parlement 80% des lois qui étaient adoptées à l'unanimité et qu'en fait les divergences ne dépassaient pas 20% des objets débattus.
La difficulté principale liée à la création de cette Cour des comptes est que l'instauration de cette nouvelle institution posait des problèmes institutionnels. Certains se sont même demandé si nous n'étions pas en train de créer un quatrième pouvoir qui aurait peut-être pris la place du quatrième pouvoir habituel - c'est-à-dire la presse, qui s'autoproclame comme étant le quatrième pouvoir. En voulant instituer une Cour des comptes qui soit totalement indépendante et qui, par là même, donne la garantie vis-à-vis de la population qu'il y a une institution pouvant contrôler à tout moment n'importe quelle question relevant du fonctionnement de l'Etat et des collectivités publiques, il est apparu, au terme de la discussion sur les lois dont M. Hiler est le rapporteur avec M. Pierre Weiss, qu'il ne suffisait pas de créer une base légale.
Il y a toute une série de questions à résoudre pour créer cette nouvelle institution dont les magistrats seront élus par le peuple. Ils seront élus au scrutin majoritaire, comme c'est le cas pour les conseillers d'Etat, les conseillers administratifs et maires des communes, et comme c'est le cas également pour les magistrats du pouvoir judiciaire.
Il a donc fallu mettre au point une série de dispositions constitutionnelles dont la nécessité a été mise en évidence par un avis de droit sollicité auprès du Professeur Knapp. Cet avis de droit est joint au rapport que j'ai déposé, et je pense qu'il est très intéressant parce qu'il fixe un cadre. Ce dernier sera fort utile au moment où il s'agira de savoir comment la Cour des comptes doit fonctionner, quelles sont ses prérogatives et comment elle doit être élue.
J'aimerais simplement conclure en soulignant, Madame la présidente du Conseil d'Etat - si je peux attirer deux minutes votre attention - que l'idée était que cette Cour des comptes puisse entrer en fonction avec la nouvelle législature. Cela implique qu'une fois ces lois votées, la loi constitutionnelle devra être soumise en votation populaire. Et, selon le calendrier qu'on avait imaginé, il faudrait que le peuple se prononce à la fin de l'année, de manière qu'on puisse ensuite organiser les élections des magistrats de la Cour des comptes dans les délais prévus par l'article constitutionnel. J'espère que tel sera le cas.
Mme Mariane Grobet-Wellner (S). Le projet de loi présenté dans les rapports est le résultat de près de trois ans de travail en commission des finances, sur les propositions des députés du parti socialiste, des Verts, du PDC et du parti radical, visant à instaurer une Cour des comptes - propositions déposées, je le rappelle, en janvier 2001.
Je tiens ici, tout d'abord et tout particulièrement, à remercier Mme Arlette Stieger, juriste au département des finances, pour son assistance lors de nos travaux au début de cette année. Elle a permis de résoudre de multiples difficultés d'ordre juridique dans la rédaction des articles. Quand je l'ai contactée au début de cette année pour lui demander si elle était disponible pour nous assister dans nos travaux, elle a non seulement immédiatement accepté, mais également consacré un temps considérable à ces derniers, en plus de ses autres obligations au département des finances. Qu'elle en soit remerciée.
Ensuite, notre collègue Christian Grobet a accepté, à son tour, de mettre ses grandes compétences en droit constitutionnel à disposition de notre commission des finances, en participant à nos travaux, également depuis le début de l'année. Son engagement a grandement contribué à la qualité du résultat final de nos travaux et a été dûment apprécié par tous.
Je suis désolé de le répéter - on dit tous la même chose - mais la manière dont les membres de la commission ont su travailler ensemble sur ces deux projets mérite d'être mise en évidence et soulignée, tant elle tranche avec ce qui n'est peut-être pas la règle générale mais arrive trop souvent. Cette fois-ci la volonté d'aboutir était présente, et nous avons pu fonctionner comme un véritable groupe de travail, dans le respect et la confiance mutuels. Pour moi, ce fut un vrai plaisir ! Le résultat qui vous est présenté aujourd'hui est à la hauteur de cette volonté commune.
La Cour des comptes, formée de trois magistrats totalement indépendants du pouvoir politique - le Conseil d'Etat et le Grand Conseil - et du pouvoir judiciaire, est élue directement par le Conseil général et chargée du contrôle externe des institutions cantonales et des organismes subventionnés. Elle n'est pas pour autant un quatrième pouvoir, n'ayant pas de pouvoir de décision et ne pouvant pas formellement imposer ses conclusions aux entités contrôlées. Elle choisit librement les objets qu'elle entend contrôler et rend des rapports publics. La suite à donner à ces rapports dépend d'une décision, soit du pouvoir politique et/ou du pouvoir judiciaire.
D'un autre côté, l'Inspection cantonale des finances (ICF) assume la responsabilité de contrôle interne. Elle est également totalement autonome et indépendante dans l'exercice de ses fonctions de contrôle. Elle est uniquement soumise à la loi. Elle, à son tour, assiste le Conseil d'Etat et le Grand Conseil dans leur haute surveillance de l'administration et elle règle elle-même son organisation et son mode de fonctionnement. Ses objectifs sont clairement définis dans la loi. Elle établit son programme d'audit, qu'elle remet au Conseil d'Etat et aux commissions des finances et de contrôle de gestion du Grand Conseil.
Il n'y a en conséquence aucun doublon de ces deux instances et les rôles de chacune sont clairement définis: l'une assume le contrôle externe, l'autre le contrôle interne, les deux étant complémentaires et nécessaires, à notre avis, pour assurer le bon fonctionnement de nos institutions.
En conséquence, le groupe socialiste vous recommande de donner votre appui total à ces deux projets de lois tels qu'ils sortent des travaux de la commission. Je vous remercie de votre attention.
M. Jean Spielmann (AdG). Le projet de loi qui est déposé aujourd'hui en conclusion des travaux de la commission des finances a été débattu - c'est d'ailleurs relevé dans le très bon rapport de M. Pierre Weiss - pendant des années dans cette commission. Au départ - je pense qu'il faut quand même le rappeler ici - ce projet ne faisait pas l'unanimité: beaucoup se sont posé des questions sur l'utilité de la mise en place d'un tel système; de nombreuses discussions ont eu lieu en commission sur le modèle anglo-saxon, sur le modèle romain ou français. Nous avons d'ailleurs auditionné des représentants de la Cour des comptes de Belgique, de France, et aussi au niveau fédéral, avec le modèle appliqué à Berne. Avec toutes ces perspectives différentes, il faut reconnaître qu'à un moment donné les idées n'étaient pas très claires en commission sur l'orientation que nous allions donner à cette Cour des comptes.
Sur le principe, je crois que tout le monde était d'accord - ou s'est mis d'accord - pour instaurer un système qui fasse l'unanimité sur une technique de fonctionnement, c'est-à-dire de ne pas faire de l'outil un objet de discussion politique. Il a fallu se mettre d'accord sur une manière de fonctionner à partir de laquelle, ensuite, on puisse tirer des enseignements pour définir la politique des uns et des autres. Cela veut dire que l'instrument n'est pas utilisé comme instrument de pouvoir politique, mais qu'il est mis en place de manière qu'il soit possible de tirer ensuite des enseignements politiques en fonction des résultats produits.
Nous nous posions juste la question de savoir à quel niveau nous allions mettre en place cette Cour des comptes et quels moyens nous allions lui donner. La première question à se poser est évidemment de savoir quel est le rôle de l'ICF et quel est celui de l'administration qui réalise le contrôle aujourd'hui. Il est très vite apparu qu'on ne pouvait pas mélanger les deux choses, parce qu'il est nécessaire de faire, comme l'a dit M. Hiler, des audits internes et de poursuivre le contrôle des différentes caisses, des différents services, des différents fonctionnements. De l'avis de la commission des finances, la Cour des comptes a une autre mission: pas uniquement un mission de contrôle comptable, sous forme d'audit, pour voir si l'argent a été dépensé de manière précise par rapport aux lois sur le financement, mais un rôle visant à débattre aussi de l'opportunité politique de certaines décisions. Il est important de réfléchir aussi à la justesse des actions, parce qu'à un moment donné, même si tout est bien géré, même si les comptes sont en ordre, il n'est pas complètement absurde de se demander si la fonction est utile à la population, si elle rend service, si elle pose problème, s'il faut continuer dans cette direction ou s'il faut changer.
Par conséquent, la Cour des comptes ne pouvait pas être une commission ou une Cour soumise soit au parlement, soit à l'exécutif. En effet, le parlement lui-même, évidemment, en fonction de ses majorités, va couvrir des décisions qu'il a prises et des choix qu'il a faits ou les remettre en cause en fonction de ses intérêts politiques.
Ce que nous avons voulu, c'est que les problèmes soient abordés de manière publique, de manière que le débat s'instaure et que des choix politiques puissent être effectués. Une fois ce but défini, plusieurs questions se sont posées immédiatement: quel devrait être le pouvoir de la Cour des comptes et quelles devraient être ses possibilités d'intervention, et éventuellement de sanction? La commission a vu que, dans certains modèles, les sanctions appartenaient au parlement, dans d'autres à l'exécutif, et dans d'autres encore le système est beaucoup plus complexe que le nôtre.
La décision et l'orientation que nous avons rapidement prises étaient de séparer les activités de la Cour des comptes des activités judiciaires. Dans les cas où il y a des malversations ou des choses anormales, soit au niveau comptable, soit au niveau des décisions prises, la Cour des comptes a la possibilité de faire la lumière, c'est-à-dire préparer un rapport. C'est là que nous nous sommes mis d'accord sur le fait que cette Cour des comptes aurait la liberté d'intervenir partout dans l'administration, déliant les gens du secret de fonction et allant faire ses investigations à tous les niveaux, y compris dans le cadre de décisions politiques et dans le cadre du fonctionnement des services, sur la base de plaintes ou d'interpellations émises auprès de la Cour des comptes par des personnes - que ce soit le public, que ce soient des administrés, que ce soient des fonctionnaires, que ce soient des députés ou l'exécutif. Le rôle de cette Cour des comptes est d'établir ensuite un rapport et de donner un compte rendu de ce qu'elle a observé et des pistes qu'elle entend donner et, éventuellement, des délais de mise en application des décisions qu'elle a prises.
En observant les différentes informations dont disposent les autres Cours des comptes, on se rend compte qu'elles sont de natures très diverses. L'idée qui est apparue et qu'on vous propose aujourd'hui est que tout le monde peut saisir la Cour des comptes. Les magistrats de la Cour des comptes sont élus séparément de l'exécutif et du législatif - c'est-à-dire un pouvoir totalement à part - mais ils ne sont pas non plus liés au pouvoir judiciaire. La Cour peut d'ailleurs aussi contrôler le fonctionnement du pouvoir judiciaire pour voir s'il y a des problèmes au niveau des justiciables ou au niveau de l'administration de la justice. Par conséquent, elle doit être au-dessus de tout ça. Et pour être au-dessus de tout ça, il faut qu'elle puisse établir des rapports et ne pas avoir de moyens coercitifs d'intervention, si ce n'est l'information et le débat.
Partant de là, nous nous sommes mis d'accord sur un mode de fonctionnement et cette Cour des comptes pourrait très bien rendre un service qui manque aujourd'hui à cette République au travers de ce pouvoir d'investiguer et de présenter des rapports sur des modes de fonctionnement, sur des affaires dont on entend parler souvent mais dont personne en définitive ne connaît les tenants et les aboutissants. La Cour des comptes, à partir du moment où les problèmes peuvent prendre un tour pénal, dépose son dossier au Parquet, et c'est la justice qui s'occupe du dossier. Ce n'est pas à la Cour des comptes de faire les investigations au niveau judiciaire. Donc, il y a des séparations claires !
Je crois pouvoir dire ici que l'instrument que nous proposons de mettre en place sera très utile. Pour certains, il allait coûter cher - et c'était un des autres objets du débat - parce qu'on se dote d'un nouvel instrument mais aussi de nouvelles personnalités qui peuvent ensuite investiguer et intervenir. Cependant, il est possible de voir l'utilité d'un tel instrument: les réponses qu'il peut donner et ce qu'il apporte à notre collectivité laissent penser qu'il sera beaucoup plus rentable au niveau financier que de laisser se prolonger certains errements ou dysfonctionnements. Et les économies, réalisées grâce aux rapports ayant pointé et, surtout, empêché certaines erreurs, permettront certainement de ne pas dépenser davantage que le coût de fonctionnement de cette Cour des comptes - somme toute modeste, puisqu'elle est composée de trois magistrats élus par le peuple, et nécessitant un dispositif administratif relativement léger.
Voici donc les propositions faites, et je vous remercie de les accepter. Nous avons réussi à faire l'unanimité sur cet objet, il s'agit d'une question technique et de principe de fond. Restera à adapter, à moduler, en fonction des expériences, le fonctionnement de cette Cour des comptes.
M. Hugues Hiltpold (R). Je voudrais rappeler qu'un radical, en la personne de Bernard Lescaze, a été partie prenante de cette volonté de créer cette Cour des comptes et que les radicaux l'ont votée en commission, mais qu'ils ont émis un certain nombre de réserves. Ces réserves ont également été émises lors de notre caucus.
On ne peut s'empêcher, Mesdames et Messieurs les députés, de considérer la Cour des comptes comme un quatrième pouvoir, avec une définition institutionnelle qui pourrait prêter à confusion, puisque le Cour des comptes est indépendante tant du pouvoir législatif que du pouvoir exécutif, et, surtout, du fait que le rattachement au pouvoir judiciaire a été supprimé par la commission des finances de par l'élection des trois magistrats par le peuple. Cette élection lui garantit une indépendance et une légitimité populaire, ce qui est une bonne chose.
On doit relever également une soustraction du devoir de surveillance et de gestion de l'Etat - devoir que le peuple a confié à notre Parlement - ou plutôt, devrais-je dire: un partage de ce devoir de surveillance avec une autre entité que nous créerons, à savoir cette Cour des comptes.
Actuellement, l'autorité est attribuée tout à fait indépendamment entre les trois pouvoirs qui ont une souveraineté propre et un pouvoir décisionnel spécifique, comme cela a été très bien rappelé dans le rapport de M. Grobet. Ce n'est pas le cas de cette Cour des comptes qui aura des compétences limitées du fait des rapports qu'elle devra produire et rendre sur les entités qu'elle contrôle. Elle n'aura en aucun cas un pouvoir décisionnel, et, de ce fait, on peut se poser légitimement la question de savoir s'il est nécessaire de créer cette entité.
On peut également douter du concret de la mission de contrôle qui sera conférée à cette Cour des comptes du fait qu'elle s'ajoute aux mécanismes de contrôle déjà existant. Je pense notamment à la commission des finances, à la commission de contrôle de gestion, à l'ICF et à la CEPP. On pourrait alors craindre - et c'est une crainte légitime, somme toute - une confusion des genres, même si différents schémas présentés dans le rapport de M. Weiss tendent à prouver le contraire.
Comme vous le savez, Mesdames et Messieurs les députés, les radicaux, forts du constat du dysfonctionnement des institutions, ont déposé un projet de loi demandant une refonte complète de nos institutions et de notre constitution en remettant en cause, notamment, le fonctionnement des deux pouvoirs qui siègent dans cette enceinte. Nous aurions trouvé plus pertinent de remettre à plat l'ensemble des mécanismes de contrôle existants ou qui sont à créer, de façon à proposer un certain nombre de modifications législatives avec une vue d'ensemble sur les buts à atteindre et sur les moyens qu'il faut y consacrer.
Je conclurai simplement, Mesdames et Messieurs, en vous disant que nous ne sommes pas opposés au principe d'une Cour des comptes, car la peur du gendarme n'a jamais été mauvaise pour celui qui n'a rien à craindre, et il est vrai que cela pourrait contribuer à une meilleure efficience de la gestion des deniers publics. Cela étant, au vu des moyens déjà existants, nous avons quelques doutes sur l'instrument qui va être mis sur pied, et c'est pour toutes ces raisons que le groupe radical ne refusera pas la création d'une Cour des comptes, mais qu'il s'abstiendra.
M. Alain Meylan (L). J'aimerai apporter une petite note critique à l'analyse de ces projets de loi concernant la Cour des comptes. Comme beaucoup l'ont dit, cette analyse a été exemplaire jusque là. Je reconnais aussi la qualité des travaux et la bonne tenue des débats techniques lors des nombreuses auditions et, notamment, dans l'analyse des différentes Cours des comptes qui existent tant en Suisse qu'à l'étranger. Ainsi, nous avons pu nous faire une idée de la façon dont ces Cours des comptes fonctionnaient dans ces autres régions ou pays. Ce système de Cour des comptes est, sur le principe, très certainement une bonne chose.
Cependant, j'aimerai relever que, si le vote a eu lieu à l'unanimité, comme l'a prétendu le rapporteur Hiler, il y a quand même eu une abstention. Je vais l'expliquer. En effet, j'ai eu à plusieurs reprises l'occasion de demander, pour me faire une idée, ce que la Cour des comptes allait coûter. Et si on lit bien le projet de loi, il est possible de constater qu'aucune couverture financière n'est prévue, ce dont on peut éventuellement s'étonner eu égard à notre législation cantonale. Et s'il n'y a pas de couverture financière, c'est tout simplement parce qu'on ne sait pas exactement ce que ça va coûter ! C'est pourquoi je pense que nos travaux doivent se poursuivre. Effectivement, on a parlé en commission d'un coût - grosso modo - de 3 à 4 millions, en fonction des engagements réalisés... Mais alors - et c'est là ma deuxième critique - je pense qu'on n'a pas été au bout de la réflexion et que, si l'on vote ces projets de lois, il faudra la poursuivre sur l'ensemble du système de contrôle existant dans notre République. Si nous admettons qu'il faut pour le Conseil d'Etat un contrôle interne, que l'on peut considérer comme l'ICF, on peut, par contre, se demander s'il est nécessaire d'avoir une ICF aussi bien dotée. Pourquoi ne pas se permettre, par des transferts de postes et sans augmenter la charge financière de l'Etat, de doter cette Cour des comptes de moyens et de personnes tout à fait qualifiées pour l'audit ? Je pense que, de ce côté-là, nous n'avons pas été assez loin dans la discussion.
En parallèle à cette réflexion, je me demande si, tout simplement, la commission de contrôle de gestion, dès le moment où l'on instaure une Cour des comptes qui fera son travail, est encore utile... La question est posée - et très certainement qu'il faudra se la reposer. Très probablement que la réponse est non. Mais probablement aussi que la commission de contrôle de gestion devra revoir son but et ses objectifs. Peut-être pour devenir une commission censée contrôler, par exemple, les rapports de la commission d'évaluation des politiques publiques, pour observer le suivi qui est fait de ces rapports. Ou alors, en fonction des réponses, pourquoi ne pas la supprimer? C'est quelque chose dont il faudra parler, de façon à ne pas ajouter - excusez-moi de l'expression: «un machin sur ce qui existe». Si c'est de cela qu'il s'agit, cela veut dire que ce qui existe n'a pas fonctionné et qu'on rajoute un «truc» sans se poser la question de ce qui se faisait, et de quelle manière, dans nos autres organes de contrôle. C'est la raison pour laquelle, personnellement, je me suis abstenu de me prononcer sur ce projet de loi. Je le dis très clairement: c'est pour montrer qu'il manquait un élément de la réflexion.
Cependant, je soutiens ce projet de loi et, à ce stade, je le voterai. Mais je pense qu'il serait utile d'entamer une réflexion, après que le peuple aura voté cette modification constitutionnelle.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste. Sont inscrits: MM. Bavarel, Iselin, Mettan, Spielmann et, pour terminer, Mme la présidente du Conseil d'Etat.
M. Christian Bavarel (Ve). Les Verts sont spécialement heureux aujourd'hui d'arriver à traiter enfin dans cette enceinte la Cour des comptes. En effet, nous avons porté le projet depuis quelques années, et l'excellent travail réalisé en commission a permis de se réunir vraiment pour que les choses puissent se construire et avancer dans un sens qui nous satisfait pleinement.
Nous avons besoin d'un audit externe. Nous avons pour l'instant d'autres outils en interne, qui fonctionnent, mais nous avons vu leurs limites. Et ce qui vous est proposé aujourd'hui n'est bel et bien pas un quatrième pouvoir ! Il n'y a pas ce risque-là, dans le sens où la Cour des comptes n'a pas de pouvoir: elle va uniquement rendre des rapports. Nous sommes donc bien face à une nouvelle entité sui generis. Cette entité, nous l'avons voulue, en commission, indépendante des trois pouvoirs existants: indépendante du Conseil d'Etat; indépendante du Grand conseil. Et, là, je tiens vraiment à saluer mes collègues qui étaient à la commission: il est quand même rare de voir des parlementaires qui créent une structure pour se contrôler eux-mêmes et pour avoir un regard critique sur leur propre travail.
La Cour des comptes est également une structure extérieure et indépendante du pouvoir judiciaire, de sorte qu'il y ait aussi une surveillance. Nous avons voulu cette Cour des comptes d'une totale indépendance et avec une légitimité populaire; nous avons voulu que ce soit le Conseil Général qui élise les trois magistrats et trois suppléants, et nous cherchons alors des personnalités exceptionnelles dans notre République. Nous cherchons très peu de gens et avons aussi voulu éviter une représentation partisane - un nombre de personnes équivalent à celui des partis représentés dans cette enceinte - de sorte à avoir des personnalités au-dessus de la mêlée.
Nous avons reçu un amendement de l'UDC, dont nous débattrons tout à l'heure, mais il est évident que, pour nous, il s'agit de personnalités de très haute stature, et il est fort probable que d'anciens conseillers d'Etat - après quelques années certainement et non à la fin de leur mandat - puissent accéder à ces postes. Il faut donc quelques qualités tout de même rares dans notre République pour pouvoir siéger dans cette Cour.
Nous avons voulu que cette Cour puisse uniquement s'autosaisir et qu'on ne puisse pas la forcer à travailler. En effet, vous savez qu'on peut surcharger de travail des gens - en leur demandant de nombreux rapports sur de nombreux sujets, de façon qu'ils n'aillent pas voir les endroits pouvant être gênants... Les problèmes seront donc signalés à cette Cour des comptes qui conservera la plus totale indépendance. Dans ce sens là, les Verts sont extrêmement satisfaits du travail réalisé en commission.
Je pense qu'il est également encourageant pour tous les partis, qui doivent en ce moment rechercher des candidats pour les élections, de pouvoir dire que le Parlement n'est pas qu'un lieu d'affrontement mais aussi un lieu où l'on construit pour Genève. Et à ce propos, je suis très fier d'avoir pu participer à ces travaux.
M. Robert Iselin (UDC). Vous avez déjà entendu bon nombre de commentaires. Ceux de l'UDC seront aussi courts que possible, cela ne sert à rien de répéter les mêmes choses.
Nous soutiendrons cette loi. Je ne crois pas non plus - chose importante - qu'elle introduise un quatrième pouvoir. Par contre, nous entendons qu'elle soit absolument indépendante et, à ce titre, l'UDC a déposé un amendement qui risque de faire grincer quelques dents, mais cela n'a pas d'importance. Il n'y a rien de personnel là derrière. Ce que nous ne voulons pas, c'est que, malgré tout et étant donné la manière dont fonctionnent les sociétés humaines, s'installe un système plus ou moins de copinage ou d'amitiés politiques trop marquées.
M. Guy Mettan (PDC). Je n'avais pas prévu de parler, parce que j'ai pris les travaux en cours de route, en assumant la succession de Claude Blanc dans cette commission. J'aimerais ici rendre un hommage - puisque personne ne l'a encore fait - à mon prédécesseur qui a joué un rôle extrêmement actif et constructif dans la mise en place de cette Cour des comptes. Je tenais ce soir à ce que ce soit dûment indiqué et protocolé en hommage à sa mémoire.
Une voix. Il n'est pas mort!
M. Guy Mettan. Non, mais à sa mémoire de député actif ! (Remarques et rires.)Non, vous n'arriverez pas à me déstabiliser, rassurez-vous!
J'aimerais dire que le parti démocrate chrétien soutient naturellement, avec énergie et enthousiasme, pour toutes les raisons qui ont été évoquées, la constitution de cette Cour des comptes, puisque nous sommes les cosignataires du projet de loi déposé à l'origine.
J'aimerais aussi souligner - cela a déjà été dit, mais je le répète - l'excellente harmonie qui a présidé à l'ensemble des travaux, lors desquels chaque parti a apporté une contribution utile au débat. Personnellement, c'est la première fois que je constate dans ce Parlement que tous les partis ont accepté de jouer le jeu. J'aimerais que cela se produise plus souvent et notamment quand on doit, comme on va le faire tout à l'heure, s'attaquer à des problèmes graves comme le déficit de l'Etat. Mais je tiens à le dire: pour la Cour des comptes, cette entente a parfaitement joué - entente au sens large, qui, je l'espère, se reproduira souvent.
En revanche, j'ai les mêmes réticences - enfin, les mêmes petites réserves - à exprimer que mon collègue Alain Meylan. Je pense qu'effectivement un des premiers travaux de cette Cour des comptes sera d'examiner sa compatibilité et, éventuellement, de voir si elle ne fait pas doublon avec la commission d'évaluation des politiques publiques, avec la commission de contrôle de gestion ou avec l'inspection cantonale des finances. Je le répète: je pense que, si nous voulons une Cour des comptes efficace, et nous le voulons tous, nous devons éviter de multiplier les entités, les organes, les commissions qui s'occupent un peu de la même chose. Voilà ! Mais je pense que cette Cour est bien partie et je vous invite à l'appuyer à la plus grande unanimité possible.
M. Jean Spielmann (AdG). Quelques réponses aux différentes interrogations apparues - notamment celles du parti radical: il me semble que nous abordons ici le problème de fond, parce qu'effectivement - certains l'ont dit ici - le Parlement, pour la première fois, accepte d'abandonner une partie de ses fonctions pour instaurer un organe qui pourrait le critiquer dans son mode de fonctionnement interne. Lorsque nous examinons certains problèmes qui ont animé cette République - sans parler des plus importants, mais prenons par exemple l'office des poursuites - quand nous prenons des décisions à plusieurs reprises et que nous décidons de délocaliser, de relocaliser, etc., et que nous voyons la situation dans laquelle on se trouve... Eh bien, le Parlement est-il vraiment le mieux placé pour critiquer ses propres décisions ? Quel est son rôle ? Quelles sont les possibilités d'un parlement fait de constellations politiques différentes avec, pour chacune d'elles, des intérêts différents, des personnes différentes et les groupements qu'elles représentent ? Quelle est la capacité du parlement de s'autocritiquer et de reconnaître ses erreurs ou la mauvaise gestion qu'il a mise en place ? Et qu'il continue de soutenir parce qu'il n'a pas la capacité de changer lui-même ? L'organe de contrôle peut-il réellement être soumis à la décision politique d'un Parlement ? Est-on capable de se dire qu'il est peut-être nécessaire, dans certains domaines, d'avoir une Cour des comptes externe ? Soit une Cour qui voie les choses sans aucune autre responsabilité que celle de contrôler le bien-fondé des décisions et le fonctionnement de l'Etat, et cela en se basant sur des plaintes de citoyens, d'administrés, de fonctionnaires, de la justice, de justiciables, même du Conseil d'Etat, etc. ? Une Cour chargée d'examiner un dossier, de présenter un rapport, de tirer des conclusions qui, éventuellement, pourraient ne pas plaire au Parlement et pourraient remettre en cause ses décisions politiques ?
Je pense que le Parlement est mal placé pour entreprendre ce type d'investigations ! Parce qu'il est partie prenante: il est juge et partie puisque les critiques qu'il fait, il se les adresse à lui-même ! Et je ne suis pas persuadé que la qualité principale des partis politiques et des élus soit l'autocritique de leur mode de fonctionnement. Il n'est donc pas inutile de confier cette compétence à quelqu'un de l'extérieur, en lui donnant la possibilité de faire part de sa vision des choses et de présenter des rapports pour envisager les modifications nécessaires.
Il en est de même avec le Conseil d'Etat: le Conseil d'Etat a l'ICF. L'ICF fonctionne, et je pense que quelqu'un de responsable à la Cour des comptes, demain, pourra prendre les rapports de l'ICF - vous pouvez d'ailleurs feuilleter les trois cahiers que vous avez reçus - et examiner toutes les recommandations de l'ICF, répétées année après année sans être suivies d'effets. Il y a toujours des arguments indiquant pourquoi certaines choses n'ont pas été faites, tant au niveau des partis politiques, du Grand Conseil, de la commission des finances, que du Conseil d'Etat; il y a toujours de bonnes raisons de ne pas pointer les dysfonctionnements et de ne pas opérer les contrôles... Or l'ICF est soumise au Conseil d'Etat et aussi - administrativement - à l'administration publique. Alors, ne serait-il pas raisonnable de donner à quelqu'un de l'extérieur la possibilité de dire: «Mais, là, cela fait cinq ans qu'on pose les mêmes questions...» ? Je pourrais donner quelques exemples pour illustrer mes propos, mais je préfère éviter les polémiques - je pourrais en effet mentionner de petits cocons à propos desquels on n'accepte pas la critique. Est-ce donc intelligent de désigner quelqu'un qui puisse prendre en considération les recommandations de l'ICF et dire: «Maintenant, on va voir ce qu'il se passe dans ces services, puisque des recommandations sont faites chaque année concernant les dysfonctionnements et que rien n'apparaît concrètement; et, après l'audition de personnes libérées du secret de fonction, on pourra rendre un rapport et donner notre avis en indiquant ce qui ne va pas et comment remédier à cela...» Ainsi, ces rapports seraient simplement publiés, et les politiques prendraient leurs responsabilités ! Il me semble qu'il s'agit là d'une démarche que nous devons effectuer, et je regretterais que le parti radical estime que c'est une chose supplémentaire et inutile. Donc, je crois qu'il faut se soumettre à l'autocritique.
Dernière observation en ce qui concerne le financement et les discussions souhaitées par M. Meylan: ces dernières me paraissent tout à fait pertinentes. J'ai dit tout à l'heure qu'à la lumière du fonctionnement de cette Cour des comptes, nous serons très certainement appelés à modifier et à adapter sa structure... Il est vrai qu'à partir du moment où un contrôle externe peut, en étant délié de tout secret de fonction, venir investiguer et présenter des rapports, il est pertinent de se demander si tous les autres instruments dont on s'est doté auparavant sont encore nécessaires. J'estime qu'il n'y en a pas de trop, mais, à un moment donné, la question est légitime et il faudra qu'on se la pose.
Pour le moment, franchissons cependant cette étape ! Et, avec l'expérience, adaptons les instruments aux objectifs qu'on s'est donnés ! Car ils sont honorables, ils permettent à des gens indépendants, sur avis de la population, de l'informer de ce qui va ou pas et de la manière donc les choses fonctionnent. Voilà pourquoi il me semble pertinent de se doter d'un tel instrument ! Et c'est une force du Parlement d'accepter une autocritique et une remise en cause de ses choix.
Notre décision de ce jour est donc importante, et aller dans cette direction est satisfaisant. C'est vrai qu'il y a eu de nombreuses réticences au départ, à tous les niveaux, du législatif à l'exécutif, et certainement que cela nous gênera, mais la population sera satisfaite que nous ayons moins de latitude pour gérer nos affaires puisque des choses doivent être corrigées. Et si quelqu'un peut l'exprimer de manière indépendante, il faut lui en donner les moyens !
M. Pierre Weiss (L), rapporteur. Je n'aimerais pas, dans les remarques que je vais faire maintenant, donner l'impression que je pense que les critiques formulées contre la création de la Cour des comptes sont effectivement plus que des critiques de forme. Je les prends pour des remarques positives, et l'abstention annoncée par le groupe radical sur cette création de notre République peut être, à mon sens, conçue comme une abstention positive. Je vais essayer d'expliquer pourquoi.
Lorsque M. Hiltpold a craint que cette Cour ne soit un quatrième pouvoir, il a tout de suite ajouté, comme autre remarque, que cette Cour des comptes était dépourvue de pouvoir décisionnaire. Donc, c'est pour le moins un quatrième pouvoir amoindri, comme lorsque, sur une voiture à deux roues motrices ou à quatre roues motrices, un pneu est crevé et qu'on le remplace par un pneu à chambre à air réduite... Peut-être, au moins, pourrait-il admettre qu'il s'agit, dans le cas de la Cour des comptes, d'un pouvoir qui n'a pas l'ambition des trois autres, qui n'est pas l'égal des trois autres, de même que, dans une société anonyme, un auditeur externe n'a pas le pouvoir du conseil d'administration ou des actionnaires. Cela n'enlève, à mon sens, en aucun point la légitimité de cette Cour, dès lors qu'elle sera élue par le peuple. Cela n'enlève rien non plus au pouvoir de cette Cour, non pas d'agir au sens où on l'entend pour les trois pouvoirs traditionnels, mais d'agir plutôt d'une manière se rapprochant - M. Grobet le disait tout à l'heure - du quatrième pouvoir, la presse, le pouvoir de divulguer des informations, d'investiguer et, au fond, le pouvoir d'informer. C'est un pouvoir d'information, ce n'est pas, par conséquent, un pouvoir qui est de même nature que celui des autres pouvoirs. Donc, il est même bon que cette absence de pouvoir décisionnaire, que vous sembliez regretter, accompagne le pouvoir d'investiguer. Et la prise de décision doit être de la responsabilité d'autres ! Elle doit être, par exemple, celle du pouvoir judiciaire si les faits dénoncés par la Cour des comptes sont de nature pénale; ou de l'exécutif, dans la réforme qu'il pourrait décider de ses propres services dont la Cour des comptes aurait montré les dysfonctionnements.
Une autre critique - d'esthétique, à mon avis - a été faite, c'est la critique de n'avoir pas attendu, au fond, le projet de loi constitutionnelle du parti radical pour intégrer cette création dans cette respiration plus ample que vous entendez proposer pour la réforme de nos institutions. Vous me faites penser, Monsieur Hiltpold, à ces gens qui attendent toujours une nouvelle technologie pour acheter un écran plasma ou un nouveau téléphone portable, mais qui se privent leurs mérites pendant des années, jusqu'à ce que l'instrument parfait leur parvienne... Je crois qu'il y a des moments où il faut savoir se saisir de l'ambiance du temps, de la nécessité - aussi - du temps. On a vu que cette République a pu souffrir de certains dysfonctionnements; cette réforme de la Constitution que vous souhaitez risque de prendre quelques années encore. Nous avons là l'occasion d'avoir, dès l'année prochaine, une institution efficace. Une institution et non une instance: une institution efficace ! Par conséquent, j'espère avoir pu vous rassurer, tant sur le pouvoir excessif que sur la nécessité de voir cette Cour fonctionner, dès l'année prochaine et non pas dès une révision de nos institutions, partielle ou totale. Par conséquent, à défaut d'amener vous-même et votre groupe à passer de l'abstention positive à l'approbation pure et nette de cette Cour des comptes, au moins comprenez que je resterai avec une certaine insatisfaction de n'avoir pas pu vous rallier à la position excellemment défendue en commission par votre collègue Lescaze !
M. David Hiler (Ve), rapporteur. Deux ou trois remarques par rapport à ce qui a pu être dit: la première chose, c'est qu'à l'évidence la portée de la création de la Cour des comptes n'est pas telle qu'elle doit être comprise dans une réforme constitutionnelle globale. Pourquoi n'est-elle pas de cette ampleur ? Tout simplement parce qu'il s'agit - et j'insiste sur ce point - du dernier maillon d'une longue chaîne qui, depuis le début des années 90, a été construite patiemment pour arriver à un contrôle d'une administration publique dont chacun sait qu'elle a pris, depuis la Seconde Guerre Mondiale, une extension considérable. Les étapes de ce contrôle, vous les connaissez: c'est la loi que nous modifions aujourd'hui; c'est la création de l'inspection cantonale des finances; c'est le fait d'avoir arraché, plutôt de force que de gré, le pouvoir, pour le parlement, de prendre connaissance des rapports de l'Inspection cantonale des finances - ce qui était encore en discussion, je tiens à vous le rappeler, en 1998; et c'est la mise en place - je vais dire «parallèle» - d'éléments de contrôle de gestion au sein de l'administration et, également, de dispositifs informatiques qui facilitent ce contrôle de gestion. Certes, Monsieur Meylan, tout cela coûte de l'argent, mais ce n'est pas pour le plaisir, c'est parce que, depuis une quinzaine d'années, chaque année a apporté son lots de dysfonctionnements clairement identifiés et a montré l'extrême difficulté à résoudre les problèmes. Mais, en fait, ce qui chapeaute tout ceci, c'est la LIPAD, c'est la loi sur la transparence, parce qu'en fait cette Cour des comptes, élue par le peuple, doit d'abord s'adresser au peuple: l'informer de ce qu'elle voit, lui faire connaître ce qui ne va pas ! Quant à nous - et là, j'ai, dans la défense de ce dossier, une opinion un peu différente de celle de M. Spielmann - je ne vois rien de masochiste, en réalité, à faire cette Cour des comptes. Je crois simplement qu'on va obtenir une aide de plus: comme l'Inspection cantonale des finances, j'en suis persuadé, aide le Conseil d'Etat - ou en tout cas les conseillers d'Etat qui l'ont vu - à réformer leur administration, à progresser par une dynamique de dialogue entre l'administration, le pouvoir politique et l'Inspection cantonale des finances, de la même manière, chaque fois que la Cour mettra le doigt sur quelque chose, ce sera une information qui nous sera fournie, à nous, parlementaires.
Nous aurions pu, mais ce n'est pas propre aux institutions genevoise - à vrai dire, ce n'est pas dans notre esprit - prendre un système anglo-saxon, basé sur un fort pouvoir du parlement: cela impliquerait qu'un certain nombre d'entre nous soient devenus des professionnels et puissent bénéficier de l'assistance de professionnels. Je ne suis pas sûr que ce soit la bonne forme dans un Parlement qui, à mon avis, devrait devenir semi-professionnel, mais en tout cas pas professionnel, et je ne suis pas sûr, non plus, que cela donnerait les meilleurs gages d'indépendance. Ce dont je suis sûr et certain - et ça, c'est la première partie de l'étude qui le montrait - c'est qu'un renforcement des pouvoirs de haute surveillance du parlement, pas des pouvoirs politiques - et, Monsieur Meylan, j'en mets ma main au feu - est beaucoup plus coûteux que l'institution d'une Cour des comptes.
C'est pour ces raisons que nous sommes arrivés, à mon avis - et tout le monde est pratiquement d'accord là-dessus - à ce que nous pouvons faire aujourd'hui: terminer plus d'une décennie de travaux visant à instituer ce qui n'existait pas au préalable, il faut le rappeler, à l'intérieur de l'Etat, soit une possibilité de contrôle donnant l'objectif de faire le mieux possible avec les moyens à disposition. Finalement, la grande victoire serait de nous permettre - à nous, députés, et je dirai aussi aux conseillers d'Etat - de faire de la politique plutôt que de la haute surveillance. Parce que, en somme, qui d'entre vous, Mesdames et Messieurs les députés, est venu dans cette enceinte pour faire de la haute surveillance? Non, nous sommes venus faire de la politique, et ce que nous avons constaté, c'est que nous avions besoin d'outils de surveillance. Nous les avons aujourd'hui, nous ne pouvons que nous en réjouir.
J'aimerai d'ailleurs remercier encore - sur ce dossier - Mme Brunschwig Graf. Parce qu'au début elle avait, comme d'autres, quelques doutes sur la manière dont on pouvait insérer ce système, et je crois que la contribution franche du département, en apportant des informations, en mettant des juristes à disposition, en dialoguant, et en acceptant d'être battu sur certains votes, nous permet aujourd'hui d'avoir fait le tour du problème.
J'espère réellement que, si abstentions il y a, elles seront les moins nombreuses possibles. Parce que je suis persuadé que ceux qui s'abstiendraient n'ont pas mieux à proposer que ce projet de loi, aujourd'hui.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Je commencerai, moi aussi, par des remerciements: à Mme Grobet-Wellner, à M. Christian Grobet, à tous les membres de la commission, aux collaboratrices et collaborateurs du département, dont Mme Stieger, qui se sont investis dans ce dossier.
Vous avez raison, Monsieur le député, il n'était pas, au départ, si évident de voir comment allait s'insérer la Cour des comptes. Mais aussi, après avoir découvert que je vous ai accompagné pendant vingt-six séances, je vois que vous avez réussi à me convaincre de certains éléments. Or j'aimerais dire - et ce sera ma première remarque politique - qu'il y avait encore autre chose.
Tous ces mois et toutes ces dernières années, les uns et les autres avons ressenti une défiance des citoyens par rapport au pouvoir politique, par rapport à la façon dont a été géré l'Etat, par rapport aux doutes qu'ils pouvaient avoir sur la façon dont nous dépensons les deniers publics. Que ce soit juste ou faux, que ces doutes soient légitimes ou non, il est temps maintenant - et ce sera peut-être le plus important - de donner un signal politique fort. Ce signal-là, il faut arriver à le donner, gouvernement et Parlement ensemble, partis politiques réunis, sans se faire la guerre. Tout simplement parce que, au fond, c'est le moment où nous nous souvenons le mieux de ce pour quoi nous sommes élus: pour faire le bien commun et pour savoir, aussi, rendre des comptes. Rendre des comptes signifie aussi accepter d'être examiné, d'être jugé un peu - parce que ce sont en quelque sorte des juges de la bienfacture que l'on va nommer. C'est accepter d'être regardé sous un jour critique, c'est accepter aussi de se corriger et de reconnaître que rien n'est parfait dans un monde qui est forcément imparfait. Je suis heureuse que vous ayez, les uns et les autres, souligné tous ces éléments.
Je comprends le parti radical qui a soif d'une grande réforme, et lui dis: ceci est une petite réforme dans une grande réforme, mais la réforme est davantage dans les esprits que dans l'issue du vote.
Le mieux que je puisse faire pour vous est d'avoir demandé, avec le soutien de mes collègues du Conseil d'Etat, de prévoir que le 27 novembre prochain soit consacré à un vote populaire - pour autant que vous vous prononciez sur ce projet d'ici à 19h00... Vous y arriverez, il vous reste une demi-heure. En effet, il important de terminer l'examen de cet objet maintenant, de sorte qu'on puisse travailler et préparer un vote populaire qui aura lieu le 27 novembre. Si nous respectons ces délais, cela vous permettra de réaliser au début de l'année prochaine les opérations que vous souhaitez; j'ai pu constater que le Grand Conseil, en déposant son budget 2006, avait d'ores et déjà prévu quelques montants pour l'instauration de la Cour des comptes. Je ne vais pas entrer dans les détails de ce projet: il vous appartient davantage qu'il n'appartient au Conseil d'Etat.
J'aimerai simplement dire au groupe UDC, après avoir pris connaissance de l'amendement qu'il a déposé, que l'article 24 m'interdit de le commenter, quoi qu'il arrive et que je sois conseillère d'Etat en activité ou non. Je n'interviendrai donc pas dans le débat qui va suivre et ne m'attarderai pas sur les remarques faites préalablement, sinon pour, encore une fois, vous remercier les uns et les autres.
Le mieux que nous puissions faire est de défendre ensemble le projet, car je vous rappelle que rien n'est jamais gagné avant le vote populaire... Ce sera mon dernier mot, mon dernier message. Il faudra également se présenter ensemble au combat politique, le 27 novembre, parce qu'il s'agira d'un message d'unité. Une fois les élections passées, ou peut-être même pendant les élections, il sera nécessaire que l'ensemble des partis fassent preuve de correction, parce que la campagne se déroulera forcément dans un contexte passionné. Et ce sera peut-être l'occasion de montrer que nous savons, pour le bien commun, dépasser nos divergences.
La présidente. Nous nous prononçons d'abord sur le PL 8447-A qui est le projet de loi constitutionnel.
Mis aux voix, le projet de loi 8447 est adopté en premier débat par 71 oui et 11 abstentions.
La loi 8447 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 8447 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 74 oui et 11 abstentions.
La présidente. Nous nous prononçons maintenant sur le projet de loi 8448.
Mis aux voix, le projet de loi 8448 est adopté en premier débat par 74 oui et 10 abstentions.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 1 à 3.
La présidente. A l'article 4, nous sommes saisis d'un amendement de l'UDC. Il s'agit de compléter l'alinéa 3 par une lettre d) dont voici le contenu: «L'exercice antérieur de la fonction de Conseiller d'Etat ou de haut-fonctionnaire de l'Etat de Genève». Cet amendement vous a été distribué.
Mis aux voix, cet amendement recueille le même nombre de oui et de non.
La présidente. Je dois trancher: je vote non.
L'amendement est donc rejeté par 41 non contre 40 oui et 4 abstentions.
Mis aux voix, l'article 4 est adopté, de même que les articles 5 à 10.
Mis aux voix, l'article 11 (souligné) est adopté, de même que l'article 12 (souligné).
Troisième débat
M. Robert Iselin (UDC). Je demande la discussion sur l'amendement déposé par l'UDC.
M. Jean Spielmann (AdG). Le débat tout à l'heure n'a pas eu lieu complètement. Il y a eu un vote qui était très serré. Je veux simplement dire que, sur le fond, il est clair qu'on peut se poser la question de savoir si un ancien conseiller d'Etat ou si un ancien haut-fonctionnaire peut assumer ensuite un rôle à la Cour des comptes - et si ce ne pourrait pas être l'occasion pour lui de prendre une revanche sur ce qu'il n'a pas pu obtenir pendant... Enfin bref, il peut y avoir des problèmes ! La question est posée et elle est légitime. Mais la réponse que nous donnons est un peu différente de ce que propose l'UDC, puisqu'il s'agit là d'une élection directe de trois personnes par le peuple.
J'imagine que pour élire trois personnes, ceux qui les présenteront feront quand même attention. En effet, je trouve qu'à partir du moment où le peuple a le choix entre trois personnes, c'est aux partis politiques et à tous ceux qui se sont organisés pour cette élection de présenter des personnes crédibles, avec toutes les garanties; je ne pense pas qu'il soit nécessaire de multiplier les incompatibilités pour prendre le risque de ne pas pouvoir élire quelqu'un qui pourrait nous rendre service à la Cour des comptes. Par conséquent, je ne suis pas persuadé - même si, sur le fond, ce n'est peut-être pas ce qu'on peut faire de mieux en élisant des gens comme ça - qu'il faille inscrire cela dans la loi: il faut se donner la possibilité de présenter des gens qui pourraient remplir, à satisfaction pour tous, leur rôle à la Cour des comptes. Et multiplier les incompatibilités n'est pas nécessaire, puisque c'est le peuple qui élit trois personnes.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur. Je comprends parfaitement l'intention de l'amendement déposé par le groupe UDC, mais, dans sa teneur actuelle, l'article 4 du projet de loi 8448 y répond parfaitement. Que dit l'alinéa 4 de cet article ? Voici: «Les magistrats doivent se récuser dans toute affaire où ils ont un lien d'intérêt.» La crainte qui a été exprimée, que d'anciens conseillers d'Etat pourraient être tentés soit d'investiguer de façon biaisée, soit au contraire de façon exagérée, pour une affaire qui les concernerait, me semble, par ce simple alinéa, pouvoir être écartée.
Au surplus, j'aimerais poser une question: est-ce que le mandat de conseiller d'Etat est infamant dans notre République ? Voilà la question qu'il faut en réalité poser. La réponse que nous donnons est certainement négative ! Elle est d'autant plus négative que, lors des travaux en commission, ce point a été examiné et que la réponse donnée - et tous les commissaires présents lors des débats peuvent en témoigner - est que la qualité - la qualité ou l'absence de qualité, chacun, sur ce terme, choisira son acception... Est que la qualité de conseiller d'Etat ne devait pas être une raison d'incompatibilité.
Je propose donc que le sens, la volonté avec l'union qui nous a conduits à adopter ce projet de loi - avec, en particulier, cette précision concernant cette disposition - devrait aujourd'hui demeurer. Et cet édifice, dont je parlais tout à l'heure, auquel nous avons mis la dernière pierre lors de nos travaux en trente-sept séances, y compris une séance consacrée à ce point, entre autres, ne doit pas aujourd'hui être ébranlé.
C'est pourquoi, au vu de l'alinéa 4 qui comprend déjà en sa forme la proposition d'amendement de l'UDC, je vous recommande de refuser cette dernière.
M. David Hiler (Ve), rapporteur. Vous avez l'amendement sous les yeux, vous noterez qu'en ce qui concerne les points a), b) et c) de l'article 4, il s'agit bel et bien, simplement, d'empêcher quelqu'un qui est dans cette Cour d'avoir en même temps un autre mandat électif, d'être salarié, par ailleurs, à la fonction publique, et même d'avoir une autre activité lucrative, puisqu'on imagine qu'on va payer les membres de la Cour des comptes et qu'en conséquence ils ne peuvent pas faire deux choses à la fois.
J'ajoute qu'il y a un certain nombre d'autres conditions - qui se trouvent, par renvoi, ailleurs dans la loi - qui concernent les juges de façon générale. Là, c'est un peu différent: parce que, sous prétexte que quelqu'un aurait gouverné, il n'aurait pas le droit de participer à cette Cour ! Je me souviens d'une discussion en commission, durant laquelle j'ai cherché à bien comprendre un point concernant le casier judiciaire: il m'a été expliqué qu'au fond, dans le cas où un candidat aurait subi une condamnation, mais que cette dernière aurait été radiée, il pourrait se présenter au bout d'un certain temps... Alors, Mesdames et Messieurs, si j'ai bien compris, il y a des crimes qui peuvent être radiés du casier judiciaire; or avoir été conseiller d'Etat dans cette République non seulement semble infamant - comme cela a été dit - mais demeure vraiment une tache indélébile ?! Mesdames et Messieurs les députés, je n'arrive pas à croire que l'on ait besoin de restreindre le choix du peuple ! Et je n'arrive pas à croire que certains magistrats, aussitôt sortis du Conseil d'Etat alors qu'ils auraient laissé un souvenir, disons discutable, quant à leur compétence à mener l'administration, seraient capables de se présenter !
Mesdames et Messieurs, il n'est pas facile d'être élu lors d'une élection à trois; à sept, c'est connu pour être difficile. Mais, à trois, c'est encore plus difficile... Alors, je ne comprends pas le fait d'empêcher des personnalités d'exception de siéger dans cette Cour: parce qu'on en a besoin; parce qu'elles auraient siégé dans notre Conseil d'Etat relativement jeunes; et pour simplement indiquer que toute personne qui a gouverné est forcément entachée d'un soupçon qu'elle va essayer d'étouffer ? Croyez-vous que le conseiller d'Etat qui aura été responsable d'un département va être assez bête - et M. Weiss l'a dit - pour aller inspecter ce département-ci en particulier ?! Excusez-moi, il me paraît invraisemblable de l'imaginer !
Et ce que je regrette, Mesdames et Messieurs les députés UDC, c'est la suspicion que ce genre d'article inspire à l'encontre de la classe politique - et je suis au regret de vous dire que vous en faites partie, vous siégez ici avec nous ! Je trouve dommage qu'on en arrive à qualifier l'exercice très dur qu'est aujourd'hui celui d'être conseiller d'Etat de marques d'empêchement pour une autre fonction non moins noble: celle d'être membre de la Cour des comptes !
Je demande donc à ce Parlement de refuser cette fois, et beaucoup plus nettement, cet amendement ! Je demande au passage le vote nominal.
La présidente. Etes-vous soutenu pour le vote nominal ? (Appuyé.)Il en sera fait ainsi.
M. Christian Grobet (AdG), rapporteur. Je souscris à ce que viennent de déclarer les deux autres rapporteurs et je voudrais revenir sur la question des incompatibilités. Je suis personnellement quelqu'un qui est attaché à ce que certaines incompatibilités soient respectées; mais il faut que ce soient des critères objectifs et non pas des critères subjectifs. Parce que le fait de créer une incompatibilité de fonction sur la base d'éléments subjectifs va à l'encontre du principe qui veut que toute citoyenne ou tout citoyen devrait pouvoir être éligible à n'importe quelle fonction. C'est le premier point que je voulais souligner.
Deuxièmement, quand il est question de règlement de compte, on pourrait peut-être dire aussi qu'il faudrait ajouter les anciens députés à la liste des anciens conseillers d'Etat... Où est-ce qu'on commence? Où est-ce qu'on s'arrête?
Troisièmement, deux fonctions sont mélangées dans cette proposition d'amendement: celle d'ancien conseiller d'Etat et celle de haut-fonctionnaire de l'Etat. J'aimerais savoir comment sera interprétée la notion de haut-fonctionnaire de l'Etat. Cela me paraît être un exercice extrêmement difficile et d'autant plus regrettable que certains anciens hauts-fonctionnaires de l'Etat se révèlent souvent être d'excellents experts. Il serait, là aussi, particulièrement regrettable d'écarter des experts qui, précisément, n'ont pas en général d'attaches politiques. On sait que les hauts-fonctionnaires de l'Etat participent à la vie civique, mais il est rare qu'ils aient une étiquette politique, je me permets de le dire. Mais, même si c'était le cas, ce ne serait pas une raison pour les écarter.
Maintenant, la dernière chose que j'aimerai ajouter, c'est qu'il s'agit en fait d'élire trois personnalités. Trois personnalités dont on peut espérer qu'elles soient au-dessus de la mêlée, si je peux m'exprimer ainsi. Autant je suis attaché à l'élection populaire, autant je pense qu'il est souhaitable, comme c'est le cas pour le pouvoir judiciaire, de tenter d'arriver à un consensus entre les responsables chargés de présenter des candidats et d'arriver à des élections tacites. Je pense que les élections ouvertes, par exemple pour le pouvoir judiciaire, peuvent être dévastatrices. Je ne remets pas en cause le fait qu'il puisse y avoir une élection ouverte sur un poste de magistrat, comme celui de procureur général, mais je pense qu'il faut éviter des batailles politiques autour d'élections de juges ou de magistrats de la Cour des comptes, qui devraient être, précisément, des gens qui ne soient pas controversés. Et si l'on veut arriver à ce que cette Cour des comptes - et la loi le permettra - ait une élection tacite, comme pour le pouvoir judiciaire, cela implique que celles et ceux qui présentent des candidats auront la sagesse de présenter des candidates ou des candidats qui ne seront pas des personnes controversées.
Je pense donc qu'il faut faire confiance à celles et ceux qui vont présenter des candidats et au peuple. C'est également dans cet esprit-là que la commission des finances a décidé de ne pas fixer de limite d'âge pour les candidats et pour les magistrats qui siégeront à la Cour des comptes. Parce que nous nous sommes dit que, précisément, le peuple saurait trancher.
La présidente. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont inscrits: M. Marcet, M. Iselin et M. Bavarel. Pour l'instant, je donne la parole à M. Catelain.
M. Gilbert Catelain (UDC). Je crois qu'il ne faut pas se voiler la face sous de faux prétextes et donner des leçons de morale, parce que la perversité que voit M. Hiler chez les autres correspond peut-être à la sienne qui transparaît... (Protestations.)
L'amendement qui vous est proposé n'a qu'une seule fonction: répondre à votre propre souci de dépolitisation de cette Cour des comptes.
Vous avez voulu qu'elle soit indépendante de l'exécutif: c'est très bien, je vous en félicite. Vous avez voulu qu'elle soit indépendante du législatif: je vous félicite encore, c'est très bien ! Nous voulons juste confirmer la voie choisie par la commission, c'est-à-dire que la Cour soit totalement dépolitisée, d'autant plus que vous avez désigné le Conseil Général pour choisir ses membres. Il me semble donc logique qu'il ne soit pas possible, pour des personnalités ayant occupé des fonctions exécutives au plus haut niveau de l'Etat, d'être membres de cette Cour. Si nous voulons vraiment que cette dernière soit impartiale, qu'elle ne soit pas influencée politiquement, il faut absolument qu'elle soit complètement dépolitisée. Je vous remercie.
M. Claude Marcet (UDC). Dans ce que nous avons proposé, il n 'y a strictement aucun problème de suspicion ou autre, c'est une question de principe que je qualifierai de principe fondamental. Nous n'allons pas permettre à d'anciens magistrats, dans le microcosme politique qu'est Genève, de venir contrôler ensuite ceux qui sont nouvellement à leur place ! Si on veut de l'indépendance, si on veut de la transparence, on ne reste pas dans une toute petite famille politicienne: «Je gouverne, je veux ensuite contrôler ceux qui vont gouverner après.» Je suis désolé, mais, en matière de transparence, nous sommes à des années lumière des objectifs énoncés !
M. Robert Iselin (UDC). J'ai demandé la parole pour dire seulement deux choses. Premièrement, il n'y a rien de personnel dans l'exercice de rédaction auquel je me suis livré. J'ai des liens d'amitié avec un certain nombre d'anciens conseillers d'Etat et des conseillers d'Etat actuels. D'autre part, je voudrais - puisque malheureusement l'âge me le permet - dire que la discussion que nous avons maintenant ne se serait jamais produite sous Picot, Lachenal, Dutoit et d'autres. Ils l'auraient tout de suite comprise. Je vous remercie.
M. Christian Bavarel (Ve). Je trouve que ce débat est insultant pour le Conseil d'Etat et je suis choqué par ce qui est en train de se passer. Je ne vois pas pourquoi, lorsque nous cherchons trois magistrats de très haut niveau, nous nous priverions de compétences ! Personnellement, j'imagine très bien, d'ici dix à quinze ans, Mme Brunschwig Graf, ou quelqu'un d'autre, à cet endroit-là. (Rires. Exclamations.)C'est tout à fait quelque chose de possible. Je ne vois pas pourquoi vous voulez, dans cette République, vous interdire de choisir des gens de qualité ! Vous m'avez choqué.
La présidente. Pour la deuxième fois, nous nous prononçons sur l'amendement présenté par l'UDC.
Mis aux voix à l'appel nominal, cet amendement est rejeté par 52 non contre 28 oui et 8 abstentions.
La loi 8448 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 8448 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 69 oui et 18 abstentions. (Applaudissements à l'annonce du résultat.)
La présidente. Nous nous retrouvons à 20h30. Nous poursuivrons l'examen du point 100 de l'ordre du jour - commencé hier soir - concernant la gestion administrative et financière de l'Etat de Genève.
La séance est levée à 19h.