République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 9 juin 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 9e session - 48e séance
M 1611
Débat
M. Pierre Weiss (L). Tout à l'heure, on a rappelé les circonstances de l'adoption du budget 2004. Ici, nous pourrions gloser sur le budget 2005. Une chose est certaine: la question des rapports entre le canton et les quarante-cinq communes a été posée à cette occasion. Une ébauche de discussion a eu lieu, certaines insatisfactions se sont exprimées, et des discussions ont maintenant cours entre l'administration, le Conseil d'Etat et les communes. Je crois qu'il importe que le Grand Conseil donne un signe positif par rapport à ces initiatives. Si l'on reprend les invites de cette motion, il convient tout d'abord de faire un catalogue des tâches des cantons et des communes et l'on verra que certaines se chevauchent. Mais cet inventaire ne peut pas être fait de manière gratuite: il convient de lui donner une fonction réelle et cette fonction réelle est précisément d'appuyer les discussions avec l'Association des communes pour, en accord avec celle-ci, redéfinir la répartition des tâches et notamment éviter le chevauchement là où il a lieu. Cette nouvelle répartition des tâches, telle qu'on l'a connue entre la Confédération et les cantons, exige aussi entre le canton et les communes une nouvelle répartition des compétences. Tout le monde s'est mis d'accord pour procéder à cette nouvelle répartition des compétences et je crois que nous devons au canton et aux communes de passer à l'acte sur ce point. Mais cette nouvelle répartition des compétences doit évidemment prendre en considération la situation des uns et des autres. Certains sont dans de meilleures situations financières que d'autres et, du côté des communes, on a vu, notamment lors de la publication des comptes 2004, qu'il pouvait y avoir une marge de manoeuvre intéressante pour la discussion. Il convient que cette marge de manoeuvre ne suscite pas non plus de la part du canton des appétits exagérés - on me souffle 100 millions -. Néanmoins, par rapport au chiffre articulé lors de la discussion du budget 2005, c'est évidemment un point non négligeable si un montant avec deux zéros suivi de «million» (L'orateur est interpellé.)100 millions ou plus, peut-être, Monsieur le chef du département, est pris en considération. Il est à ce terme aussi nécessaire d'englober cette réflexion dans celle qui a cours au niveau du canton pour, par le biais de GE-Pilote, contribuer à faire mieux fonctionner notre administration, offrir de meilleures prestations à la population, de façon plus directe, de façon plus immédiate, de façon moins coûteuse et plus efficiente. C'est en ce sens, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les députés, que je vous recommande de réserver un bon accueil à cette motion. Elle pourrait certes aller en commission, mais elle pourrait aussi, c'est une autre option, être votée sur le siège. Peut-être que l'un ou l'autre des membres de ce parlement préférerait encore la première option, qui donnerait véritablement une impulsion immédiate et montrerait dans quel sens ce parlement entend travailler vis-à-vis des communes.
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Rappelez-vous: en pleine effervescence des discussions budgétaires 2005, le groupe Démocrate-chrétien était venu devant ce parlement avec le même type de proposition, quoique écrite un peu différemment. Malheureusement, dans cette effervescence que j'évoquais, cette proposition n'avait reçu que le soutien de l'Entente et n'avait donc pas trouvé la majorité nécessaire. C'est donc dire que, quelques mois après, le groupe démocrate-chrétien fait un excellent accueil à une telle proposition.
A l'occasion de ce débat, j'aimerais vous faire part d'un souci apparu ces dernières semaines grâce à mes contacts, privilégiés peut-être, avec certains magistrats communaux. Vous avez peut-être pu faire le même constat: incontestablement, depuis le budget 2005, un certain nombre de tensions se sont créées entre l'Etat et les communes. Et incontestablement, nous autres, autorités cantonales, en sommes partiellement responsables, ayons l'honnêteté de le reconnaître. Mais d'autres problèmes sont venus compliquer la situation, notamment ceux de l'aménagement du territoire, et nous allons en évoquer un, important, lors de la reprise de notre séance à 20h30.
Ces problèmes sont fondamentaux en ce qui concerne l'avenir du canton et l'on sent qu'ils provoquent un repli des magistrats communaux, que je crois n'avoir pas connu auparavant. Il me semble que nous sommes malheureusement face à un problème de société et que les magistrats communaux et cantonaux se regardent en chiens de faïence. Je trouve cela dommage. Or, j'en suis persuadé, les magistrats communaux de ce canton sont des gens responsables, qu'il convient justement, face à tous les problèmes que nous devons affronter dans cette république, à responsabiliser davantage. Je pense que cette motion pourrait nous donner l'occasion d'aller dans ce sens, et le préopinant évoquait le renvoi en commission de cette motion. Pour notre part, nous pensons que nous pourrions précisément faire un geste fort ce soir, en votant sur le siège une telle proposition. Nous savons de toute façon que les contacts du Conseil d'Etat avec les communes ont débuté. Alors, si ce parlement donnait également un signe fort en votant cette motion sur le siège, je pense que ce serait un message positif à adresser aux communes, dont nous aurons tant besoin du partenariat dans les semaines à venir.
M. Jacques Baud (UDC). Communes, canton; canton, communes; Ville de Genève, communes... On ne sait plus, personne ne sait plus ! Quand on pose des questions en commission, c'est la Ville, c'est le canton? Qui est responsable de quoi ? A chaque fois, les réponses sont vagues, on ne sait pas vraiment: oui, mais... En somme, on se rend compte de ceci: la Ville de Genève s'est peu à peu emparée de certaines choses à l'insu - ou au su ? - du canton. On ne sait plus ! De toute façon, on arrive dans un enchevêtrement de droits, de non-droits, de responsabilités, de non-responsabilités.
Je pense qu'il est temps que l'Etat prenne ses responsabilités, qu'il prenne la chose en main et mette de l'ordre là-dedans. Parce que plus personne n'y comprend plus rien !
M. Gabriel Barrillier (R). Le groupe radical salue cette motion, même si l'expérience, notamment au sein de la commission des affaires communales, régionales et internationales, ne m'a pas, en ce qui me concerne, toujours convaincu du désir et de la foi de certains responsables, membres de l'Association des communes, d'avancer dans cette nouvelle péréquation, cette nouvelle répartition des tâches entre l'Etat central et les communes. Lorsque nous discutions du fonctionnement du Fonds d'équipement communal, le FEC, j'ai senti une certaine résistance de la part de l'Association des communes genevoises - et peut-être n'en a-t-elle pas la compétence - de mettre à plat cette répartition.
Egalement lors de discussions sur des motions que nous avions du rejeter au sujet du coût de l'aménagement imposé à certaines communes par des décisions cantonales, on a constaté que personne, finalement, n'avait la volonté d'entreprendre une analyse en profondeur de la répartition du fardeau des tâches entre l'Etat central - le canton - et les communes.
Alors, cette motion, exclusivement libérale, eh bien, nous l'accueillons avec plaisir ! C'est une profession de foi ! Et nous verrons si, en la renvoyant au Conseil d'Etat, celui-ci empoignera ce problème avec volonté, avec activisme. C'est la raison qui nous fait accepter la proposition de M. Portier de renvoyer la motion au Conseil d'Etat.
Mme Michèle Künzler (Ve). En ce qui nous concerne, nous enverrons cette motion au Conseil d'Etat. Nous savons qu'il a déjà pris les choses en main dans ce domaine, mais, si l'on veut faire des modifications, il faut les accomplir avec les gens. Et si vous regrettez que les communes soient un peu réticentes à partager quelque chose avec vous, c'est que vous leur avez fait peur ! A chaque fois, vous y allez au pas de charge, vous leur imposez des tâches, et c'est cela qui est impossible: une concertation n'est pas une simple consultation ! Tous doivent être sur le même plan pour discuter, et c'est cela qui manque.
Par ailleurs, nous pensons qu'il est important de revoir la péréquation, non seulement financière mais aussi des tâches. Par exemple, on pourrait très bien introduire une obligation pour les communes de fournir un certain nombre de places de crèche et, forcément, elles devront augmenter un peu leurs impôts pour pouvoir accomplir les nouvelles tâches. Or, si elles ne sont pas obligatoires, les tâches ne seront pas accomplies, péréquation ou non ! Il faut donc que le Conseil d'Etat propose quelque chose, mais vraiment en concertation, et que la droite cesse de menacer les communes, parce que ce n'est pas ainsi que l'on fera avancer les choses.
M. Souhail Mouhanna (AdG). M. Portier vient de décrire un peu les rapports qui régissent les relations entre l'Etat de Genève et les communes en soulignant la méfiance des communes, le repli sur soi des autorités de ces dernières, les problèmes que nous avons rencontrés lors des discussions sur le budget 2005, etc. Si j'ai bien compris, M. Portier souhaite que l'Etat prenne la responsabilité d'entrer en contact avec les communes et de travailler avec elles pour résoudre un certain nombre de problèmes... Pourtant, il finit son intervention en demandant que la motion soit votée sur le siège; tout de suite, le parti Radical lui emboîte le pas et la collègue représentante des Verts demande le renvoi au Conseil d'Etat. Je suis vraiment surpris de ces interventions !
Dans aucune de ces propositions on ne voit qu'il est important d'écouter les représentants des communes ! Et le seul moyen d'entendre les représentants des communes, c'est de renvoyer la motion en commission, pour qu'il y ait des auditions et des discussions par rapport à la réalité des problèmes. Ensuite, le Conseil d'Etat sera évidemment entendu. Et quelque chose de différent pourrait sortir des travaux de la commission.
Le respect des pratiques démocratiques, le respect de l'autonomie communale - le respect de la démocratie tout court - passent, pour moi, par le renvoi en commission et par l'écoute des communes et des autorités cantonales. Aussi, je propose le renvoi à une commission adéquate, et en tout cas pas de vote sur le siège et pas de renvoi immédiat au Conseil d'Etat.
M. François Thion (S). C'est vrai qu'il y a un réel problème. Je viens d'une petite commune de la campagne genevoise dont, chaque année, les bénéfices sont immenses, et où les partis de l'Entente se disputent pour savoir de combien ils doivent baisser les impôts. En même temps, au niveau du canton, les déficits sont chaque année plus graves, notamment depuis que la droite a repris le pouvoir. Je pense donc qu'il y a des choses à faire entre le canton et les communes.
C'est pourquoi, au nom du parti socialiste, je vous demande de renvoyer cette motion en commission.
M. Gilbert Catelain (UDC). Très brièvement: les invites de cette motion méritent d'être examinées en commission. Il est vrai qu'il y a de fortes différences entre communes, qu'on a vécu un psychodrame cet automne, que certaines communes ont déclaré qu'elles étaient dans l'incapacité de reprendre un transfert de charges. Mais on s'aperçoit qu'une commune comme Vernier, qui se plaignait d'avoir beaucoup de charges, va aujourd'hui dépenser 12 millions pour réaliser un aménagement sur la route de Vernier, pour la rendre un peu plus sympathique. Effectivement, dans certaines communes, des dépenses qui ne sont pas d'une absolue priorité sont faites; par contre, les tâches sociales ne peuvent pas être reprises par ces communes-là...
Je suis moi-même un peu dans le flou, et, si l'on peut approfondir et clarifier la question en commission, ce serait une bonne chose. Je propose donc que cela soit discuté en commission des affaires communales.
M. Pierre Weiss (L). Pour les raisons développées par notre collègue Portier, je crois que ce serait une sage décision de notre parlement que de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat. Nous avons un non seulement un impératif d'approfondissement, mais aussi de rapidité: le budget 2006 approche, je crois qu'il est temps de montrer notre sens de l'efficacité.
Monsieur le député Catelain, en d'autres temps vous êtes - et je suis d'accord avec vous - favorable à l'efficacité: soyez-le aussi avec moi, cette fois-ci !
M. Pierre-Louis Portier (PDC). Je crois que M. Mouhanna a mal compris mon intervention. Si j'ai été brutal à la fin de cette dernière, c'était totalement involontaire de ma part. Au contraire, je n'ai cessé de prôner le dialogue avec les communes ! Ce que je veux, Monsieur Mouhanna, c'est l'efficacité. Et je ne crois pas qu'un long séjour de cette motion en commission, un retour en plénière, puis un vote hypothétique en automne ou au printemps 2006 feraient grandement avancer cette cause. Il n'est nullement question, dans mon esprit, de brusquer les communes.
Je reprends rapidement, si vous le permettez, le texte de la deuxième invite: «à proposer à ce Grand Conseil, en cas de besoin, après consultation notamment de l'Association des communes genevoises (ACG) dans la perspective d'une entente avec cette dernière, une redéfinition et une restructuration des tâches, charges et compétences du canton et des communes». Il me semble que c'est un éclaircissement auquel toutes les parties ont à gagner ! Encore une fois, comprenez ma proposition de renvoi au Conseil d'Etat comme, justement, un signe de l'appui du Grand Conseil aux discussions qui, nous le savons - je suis sûr, d'ailleurs, que la présidente du Conseil d'Etat va nous le confirmer dans quelques instants - ont déjà démarré entre l'Association des communes et le Conseil d'Etat. C'est ainsi qu'il faut le comprendre et c'est pour cela que j'insiste: soyons efficaces et allons directement au but !
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Madame la présidente, Mesdames et... (Remarque. Rires.)Il y a une hiérarchie dans les choses! Nous étions convenus avec mon collègue que le premier qui aurait la parole ferait renoncer l'autre à la prendre, mais mon collègue sera tout de même libre de poursuivre ! Simplement, je m'exprime au nom du Conseil d'Etat pour vous dire qu'il souhaite que vous lui renvoyiez cette motion, de façon qu'il puisse vous tenir au courant dans les détails de ce qu'il a d'ores et déjà entrepris avec les communes dans deux domaines: premièrement, celui de la répartition des tâches et, surtout, des critères à adopter pour procéder à leur bonne répartition et, deuxièmement, celui de la péréquation financière. En effet, je rappelle que sur le plan intercantonal et fédéral nous avons adopté une nouvelle péréquation financière et qu'il est prévu, dans l'accord intercantonal et dans les dispositions fédérales, que les mêmes principes soient introduits dans les discussions entre le canton et les communes.
Cela nous permettra, sur des bases nouvelles, avec un indice des ressources, avec une compensation des charges et avec une plus grande clarté en ce qui concerne les différents domaines, d'avoir un bon débat sur la péréquation financière.
Nous avons déjà rencontré les communes de manière informelle, nous leur avons proposé un mode de travail, et nous attendons une réponse de leur part. C'est donc avec grand plaisir que nous recevrons cette motion, pour que nous puissions vous répondre et vous rendre des comptes dans les délais.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires communales, régionales et internationales est rejeté par 35 non contre 34 oui et 5 abstentions.
Mise aux voix, la motion 1611 est adoptée par 48 oui contre 26 non et 1 abstention.