République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 20 mai 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 8e session - 46e séance
PL 8829-B
Premier débat
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), rapporteuse. Ce projet de loi avait tout d'abord été renvoyé à la commission des finances, vous vous en souvenez. La commission des droits de l'Homme (droits de la personne) avait demandé à en être saisie pour pouvoir, avec l'appui de Mme Brunschwig Graf, faire le tour des subventions accordées dans le cadre de la promotion des droits de l'Homme à Genève. C'est ce que nous avons fait.
L'Université d'été des droits de l'Homme est une organisation non gouvernementale qui organise, chaque année, des sessions de formation pour des étudiants venus de l'étranger. Cette organisation n'a pas le statut d'université, ce n'est pas non plus une école privée, bien qu'elle dispense une formation à des jeunes. Cette association est largement subventionnée par les pouvoirs publics, puisque le département de l'intérieur, le département des affaires étrangères, la DDC - pour les bourses - le DEEE, la Ville de Genève et les communes genevoises subventionnent 86% de son budget. Tant au niveau fédéral que communal, cette association est donc largement subventionnée. Les 14% restants sont le fait des cotisations des participants - qui sont d'ailleurs, eux-mêmes, subventionnés par des bourses. Cette organisation demande 160 000 F par an pour trois années - 2003, 2004 et 2005. Cela représente une somme assez importante, puisqu'elle avoisine le demi-million de francs.
Pourquoi la commission des droits de l'Homme a-t-elle refusé à l'unanimité ce projet de loi ? Nous n'avons pas discuté de la qualité des cours qui sont donnés, ce n'est pas notre rôle, de toute façon. Nous avons refusé cet octroi, parce que cette université n'entre pas dans les critères d'attribution des fonds de la solidarité internationale, qui ne subventionne pas les frais de fonctionnement. Le DIP a refusé de subventionner cet établissement, malgré ses nombreuses demandes, puisque le canton de Genève ne subventionne pas les écoles privées.
Ce projet de loi soulève trois questions assez importantes. Tout d'abord, cela montre que certains députés relayent ce genre de demandes, qui sont importantes, devant ce parlement, pour ensuite retirer leur signature du projet de loi, quand cela pose des problèmes. Il est facile de faire miroiter à ces organisations le fait de relayer leur demande auprès de ce parlement, mais quand il s'agit de l'équivalent de trois fois la somme de 160 000 F, il faut bien réfléchir.
La deuxième question concerne la répartition du Fonds de solidarité internationale. On a vu, en faisant le tour des organisations subventionnées et en observant le fonctionnement de ce fonds - on l'a aussi vu à la commission des affaires communales, régionales et internationales en étudiant le rapport du Conseil d'Etat sur l'attribution de ce fonds - que les critères d'attribution n'étaient pas forcément très clairs, en ce qui concerne les droits de l'Homme. D'ailleurs, la motion qui a été déposée par les membres de la commission des affaires communales, régionales et internationales devrait permettre d'y voir un tout petit peu plus clair.
Enfin, la troisième question concerne le tourisme favorisé par ce type d'organisations. Face à notre refus d'octroi de subside, l'Université d'été des droits de l'Homme a approché la Chancellerie qui, elle, a accordé un fonds de 50 000 F. Cette somme a été accordée pour un projet bien précis qui se déroule, certes, à Genève, mais qui concerne les femmes autochtones dans les pays du Sud.
La commission des droits de l'Homme vous propose donc, à l'unanimité, de refuser ce projet de loi.
M. Michel Halpérin (L). Chacun sait que j'ai les yeux de Chimène ou, pour être politiquement et grammaticalement plus correct, les yeux de Rodrigue, pour la commission des droits de l'Homme, puisque la commission est une demoiselle, comme son épithète l'indique.
Je prends la parole sur ce sujet, bien que, comme l'a indiqué notre rapporteure et actuelle présidente de la commission des droits de l'Homme, Mme la député Marie-Paule Blanchard-Queloz, la commission, unanime, ait décidé qu'il n'y avait pas lieu de voter une subvention à l'Université d'été, parce que malgré le regard bienveillant que je porte sur cette commission parmi toutes les autres, je regrette un peu l'argumentaire dans lequel elle s'est engagée au sujet de l'appartenance, des liens ou de la proximité de l'Université d'été avec une autre organisation qui serait, elle-même - je le mets au conditionnel, parce que nous n'en avons pas vraiment eu la certitude - en rapport, plus ou moins étroit, avec l'Opus Dei.
Je voudrais exprimer, comme regret, deux choses distinctes. La première, c'est que nos travaux aient en quelque sorte été phagocytés par l'irruption de cette rumeur concernant un lien entre l'Université d'été, qui cherchait à obtenir une subvention et, possiblement, l'Opus Dei. Du coup, j'ai eu par moments le sentiment que nous naviguions davantage sur la mer des fantasmes que sur celle des réalités assurées. C'est une impression que je n'aime pas, dont j'essaie de me défendre de façon générale, et dont je regrette que notre commission ne se soit pas mieux défendue, à l'heure de sa propre délibération.
On peut dire, et Mme Blanchard-Queloz l'a fait tout à l'heure, que nous avons pris la décision de ne pas donner la subvention pour d'autres raisons que celle-ci, mais il suffit de lire le rapport pour se rendre compte que ce lien possible avec l'Opus Dei a joué un rôle tout à fait déterminant dans l'esprit des délibérants à la commission des droits de l'Homme. Par conséquent, partir d'une délibération, sur une indication aussi incertaine me paraît, en soi, problématique.
Le deuxième regret, c'est que nous n'avons pas exactement fait ce que nous avions décidé de faire. Au départ, comme l'a rappelé notre rapporteure, il s'agissait de déterminer quels étaient les critères d'attribution de subventions du canton en matière de droits de l'Homme. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce rapport avait fait une double circulation: il était d'abord allé à la commission des finances, ce qui était normal; et puis nous avions demandé à le recevoir aux droits de l'Homme, parce que nous pensions que ce serait, pour la commission, l'occasion de fixer une politique de distribution de subventions en matière de droits de l'Homme, et notamment de promotion des droits de l'Homme, ce qui est le but de l'Université d'été. Or, j'ai trouvé, d'une part, que les informations que nous avons reçues - et la rapporteure l'a dit tout à l'heure - étaient un peu insuffisantes et, d'autre part, que nous n'avons pas réussi à prendre une décision qui soit de nature à poser le cadre d'une politique de subvention en matière de droits de l'Homme. Dans ce sens-là, je crois que nous pouvons dire qu'avec ou sans l'octroi d'une subvention à l'Université d'été nous avons en quelque sorte eu un double échec à la commission des droits de l'Homme. J'aime assez cette commission pour le dire ici et espérer qu'à l'avenir elle réussira à mieux cadrer son travail.
Pour terminer, j'ajoute un troisième regret, un regret supplémentaire donc, mais qui n'est pas tout à fait de même nature que les deux premiers dont j'ai fait état: la publication de notre rapport a suscité des réactions dans le monde entier. C'est dire si Genève intéresse l'étranger, parfois. Nous avons reçu des lettres de professeurs d'universités des Etats-Unis, du Chili ou d'ailleurs, nous reprochant d'avoir pris pour acquis l'existence d'un lien avec l'Opus Dei - étant précisé que si ce lien existait, il ne fallait pas encore en déduire que cela mette un terme à toute possibilité de dialogue avec une institution - et contestant l'existence de ce lien.
Il faut donc savoir que lorsque nous prenons la responsabilité d'afficher des convictions de ce genre, elles ne sont pas dans notre intimité, réservées à cette assemblée, si docte soit-elle. Nous sommes lus à l'étranger et parfois critiqués pour la rapidité avec laquelle nous prenons des positions - rapidité confinant peut-être, ici, à la hâte.
M. Jean Rossiaud (Ve). La commission des droits de l'Homme a refusé, à l'unanimité, on vous l'a dit, le projet de loi demandant le financement de l'Université des droits de l'Homme. Les Verts n'ont pas de divergences sur la décision finale. En revanche, comme l'a exprimé M. Halpérin, tout à l'heure, nous sommes quelque peu mal à l'aise avec l'argumentation qui a été invoquée par bon nombre de commissaires et qui a été reprise dans le rapport, principalement.
Pour parler de notre position d'une façon positive, je dirai que nous sommes à priori tout à fait favorables au principe du financement de la formation dans le domaine de la promotion des droits de l'Homme, de la promotion et du développement de l'action humanitaire. Il est important de continuer à oeuvrer dans ce sens-là, pour que la place de Genève se trouve confortée dans l'arène internationale, et que les ONG la mettent à profit afin d'offrir des formations à des personnes venant d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine.
Pour financer l'Université d'été des droits de l'homme, il faudrait que l'UEDH réponde à un certain nombre de critères et de conditions. Or pour l'instant, et à notre avis, l'UEDH n'y répond pas totalement. On a dit que l'Université d'été des droits de l'homme n'était pas une université, que c'était une ONG et qu'on ne pouvait pas la considérer non plus comme une école privée. Cependant, le fait qu'elle veuille donner un certain nombre de cours de haut niveau académique - même donnés en partie par des professeurs de l'Université et en partie par des praticiens - l'oblige à un certain universalisme et à une certaine transparence.
Je pense que l'on pourrait revoir la question du financement de l'UEDH si cette dernière collaborait effectivement avec d'autres organisations travaillant dans le domaine de la promotion des droits de l'Homme ou si l'UEDH faisait, avec d'autres organisations, des projets communs qu'elle pourrait nous soumettre.
On pourrait encore revoir la question si le comité directeur de la formation était composé de représentants du monde académique - que ce soit de l'Université de Genève ou d'autres universités - afin de garantir deux choses: la pluralité idéologique des candidats sélectionnés et la pluralité de contenu des cours dispensés.
On pourrait enfin revoir ce refus de financement - cela a été relevé par M. Halpérin - si les liens institutionnels entre l'UEDH et l'OIDL, l'organisation pour le droit à l'éducation et la liberté d'enseignement - qui est d'obédience catholique et qui est proche de l'Opus Dei - étaient statutairement distendus. L'importance de l'OIDL, pour l'UEDH, c'est qu'elle possède un statut consultatif auprès de l'ONU. C'est à ce titre que les étudiants de l'UEDH font des visites à l'ONU. Je pense que cela relève de trop d'ambiguïtés et prête à laisser courir trop de rumeurs pour ne pas être pris en compte.
Par conséquent, et pour résumer, si l'UEDH collaborait plus avec les organisations; si elle ouvrait de manière effective son comité directeur à l'Université pour promouvoir la pluralité idéologique et des contenus dispensés; si, enfin, elle coupait les liens avec l'OIDL, on pourrait alors réévaluer la question.
M. Roger Deneys (S). Pour les socialistes, Genève, Ville de paix, Ville internationale, peut et doit développer son rôle en matière de respect des droits de l'Homme, à travers le monde, y compris en finançant des associations ou des institutions, privées ou publiques, qui sont actives, à Genève ou ailleurs dans le monde.
En l'occurrence, l'UEDH est une Fondation. Ce n'est d'ailleurs pas cette question de statut qui pose véritablement problème; c'est plutôt, comme l'ont évoqué MM. Halpérin et Rossiaud, la question des liens de l'Université d'été des droits de l'homme avec d'autres institutions - dont l'Opus Dei.
Monsieur Halpérin, vous dites que les liens entre l'UEDH et l'Opus Dei n'existent pas de façon très formelle. J'aimerais quand même préciser que M. Fernandez, le co-président de l'Université des droits de l'homme a reconnu, en commission, qu'il était lui-même membre de l'Opus Dei. Certes, c'est une personne parmi d'autres, mais on ne peut pas uniquement parler en termes de rumeur à ce sujet. Un lien existe. La commission dispose quand même d'éléments pour faire ce lien.
Je partage les préoccupations de M. Rossiaud. En effet, la question de la transparence préoccupe aussi les socialistes. Or, la transparence du fonctionnement de l'institution en question pose problème. Il s'agit d'une part de transparence financière: comment cette institution est-elle financée par d'autres associations - par quelles personnes privées ? Il s'agit évidemment aussi, d'autre part, de transparence du fonctionnement: la provenance des étudiants de l'Université d'été des droits de l'homme pose problème - une des questions soulevées en commission - compte tenu de liens éventuels avec un organisme tel que l'Opus Dei. On ne peut pas prendre le risque, à Genève, de voir des personnes actives dans le domaine des droits de l'Homme - par exemple en Amérique latine - qui seraient venues à Genève et qui auraient été repérées comme étant activistes dans ce domaine, compte tenu des problèmes ayant eu lieu en Amérique latine, notamment avec des dictatures militaires.
Pour que cette transparence soit garantie - ce qui est une condition de base pour que nous accordions une subvention - cela demande que des spécialistes, actifs dans le domaine, puissent garantir cette transparence. Dans ce sens-là, lors de nos auditions, nous avons eu le feedback d'un spécialiste du domaine à Genève, qui nous a dit: «Nous devrions avoir une sorte de coordination des organismes actifs dans le domaine de la formation aux droits de l'Homme, à Genève. Cette coordination des différents organismes devrait valider ou invalider le soutien à telle ou telle entité.»
Quelque part, cette question dépasse le cadre de cette commission des droits de l'Homme. Notre rôle a essentiellement consisté dans le fait de repérer ce manque de transparence, à l'heure actuelle, pour le moins. Cela ne préjuge de rien pour la suite, cependant il n'est pas possible d'accorder, aujourd'hui, dans de telles conditions, une subvention à cette institution.
Présidence de M. Michel Halpérin, premier vice-président
M. Thomas Büchi (R). S'il est facile, pour notre parlement, de toujours dire oui, on se rend compte à quel point il lui est maintenant difficile de dire non.
S'il est vrai que la commission des finances a peut-être traité ce projet un peu rapidement, je tiens quand même à rappeler qu'il nous a fallu six séances de commission des droits de l'Homme pour traiter d'une subvention de 160 000 F - on peut se poser la question de savoir si ces six séances sont justifiées ou pas, car il aura également fallu de multiples auditions, sans compter la lecture des lettres de pression pour nous dire que nous n'étions pas gentils, etc.
Avec l'état catastrophique des finances de notre République, telles que nous les connaissons, je crois que chaque fois que nous dirons non à quelqu'un, nous passerons un temps infini à le dire et à nous justifier de cette décision. Notre commission a fait un travail sérieux, approfondi, et je ne pense personnellement pas que l'argument de l'appartenance ou des liens proches de l'Opus Dei ait été déterminant.
Je me demande s'il est du ressort de notre parlement de continuer à subventionner des organismes qui sont plus des organismes privés que des organismes véritablement d'utilité publique. Cela ne veut pas dire que leur travail n'est pas utile, bien au contraire, mais c'est un travail qui est le fruit d'une initiative privée. Je crois qu'à ce titre-là notre parlement a le devoir de dire non à certains parce que nous n'avons tout simplement plus les moyens de dire oui. Il est évident que, étant donné la place que nous occupons sur la scène internationale et par rapport aux droits de l'Homme, nous devons encourager les programmes de formation en matière des droits de l'Homme. Mais il y a d'autres organismes qui le font avec beaucoup d'efficacité et il faut continuer à souligner cela.
L'ambiguïté de la Chancellerie nous a beaucoup surpris. La Chancellerie connaissait parfaitement les travaux de notre commission des droits de l'Homme. En outre, le rapport était pendant devant la plénière du Grand Conseil depuis plusieurs mois. Malgré tout, la Chancellerie a continué à attribuer des fonds. Nous en sommes un peu étonnés, et je tiens à ce qu'il soit relevé ici que c'est un peu limite.
Quant aux critères d'appréciation de base sur lesquels nous devons continuer à attribuer des subventions, Mesdames et Messieurs les députés, je crois qu'un parlement de milice n'a pas les moyens de les établir. C'est donc à l'exécutif, voire à la Chancellerie, de nous proposer un cahier des charges extrêmement précis, cahier des charges que nous n'avons encore jamais obtenu dans l'intégralité pour nous permettre d'en juger.
Notre groupe continue unanimement de refuser cette subvention.
Mme Marie-Paule Blanchard-Queloz (AdG), rapporteuse. Merci, Monsieur le président. Qui aime bien châtie bien ! Cependant, je vous ai trouvé, tout à l'heure, dans votre rôle de député, assez sévère avec notre commission. Nous avons demandé ce renvoi à notre commission dans le but de faire un tour d'horizon des subventions concernant la formation en matière des droits de l'Homme, à Genève. C'est ce que nous avons fait, M. Büchi l'a longuement rappelé. Nous avons auditionné Mme Cohen, responsable du Fonds de solidarité internationale, et nous avons étudié ces critères. Cela a aussi été fait à la commission des affaires communales, régionales et internationales, comme je l'ai dit tout à l'heure. Il s'agit de critères flous dont l'application est difficile. Nous avons essayé de faire des recommandations pour mieux définir ce qui touchait les droits de l'Homme, la promotion de la paix, etc.
Nous avons aussi fait le tour des gens subventionnés et non subventionnés, à Genève. Je rappelle que, à Genève, il y a le CODAP, qui dispense une formation permanente en matière de droits de l'Homme auprès des jeunes. C'est une formation très intéressante et très fouillée. Le CODAP a eu beaucoup de peine à obtenir un soutien de l'Etat de Genève.
Par ailleurs, l'Ecole Instrument de Paix, si elle s'est vue attribuer des fonds - qui n'étaient pas privés ni personnels mais enfin... - si elle s'est vue attribuer des fonds par M. Segond de manière un tout petit peu arbitraire, elle s'est retrouvée sans subvention lorsque celui-ci a quitté le département. Elle a fait, une première fois, une demande à la Chancellerie, qui la lui a accordée. Ensuite, on lui a répondu: «Non, nous sommes désolés, mais il n'y a plus de ligne budgétaire pour vous.» Par conséquent, l'Ecole Instrument de Paix, qui travaille avec les écoles genevoises pour la formation aux droits de l'Homme de manière bien spécifique et fait un travail reconnu, n'est aujourd'hui pas subventionnée. La session de formation d'été, si mes renseignements sont exacts, n'a pas été subventionnée.
L'Université d'été des droits de l'homme est subventionnée par la DDC, par le département fédéral des affaires étrangères, par le département fédéral de l'intérieur, par la Ville de Genève, les communes genevoises et le département de l'économie, de l'emploi et des affaires extérieures à 86%. Je trouve un tout petit peu exagéré que l'on reçoive des lettres - même si c'est du monde entier, cela ne veut pas dire que cela leur donne plus de valeur - pour faire pression sur ce refus.
Je vous recommande donc de voter non.
Le président. Le Bureau vous propose de clore la liste où il reste encore M. Antoine Droin, puis Mme la conseillère d'Etat Brunschwig Graf.
M. Antoine Droin (S). Je n'aimerais pas répéter tout ce qui a été dit. Un certain nombre de choses sont partagées par l'ensemble des membres de la commission des droits de l'Homme.
J'aimerais faire état, pour abonder dans le sens de Mme la rapporteure, d'une certaine ambiguïté que nous avons relevée et d'un doute qui nous est apparu. En effet, je pense que ce qui est ressorti de nos débats, tout au long de ces séances sur l'Université d'été des droits de l'homme, c'est que nous n'avons jamais pu acquérir l'intime conviction que nous pouvions aller dans le sens d'une subvention pour l'Université d'été.
Nous avons été saisis d'un doute, qui s'est présenté à deux niveaux. Il ne faut pas que nous nous cachions la vérité: la question de l'opportunité ou pas de ces relations plus ou moins transparentes avec des mouvements religieux comme l'Opus Dei existe bien; mais le rôle que l'Université d'été des droits de l'homme avait ou pas dans les milieux associatifs concernant les droits de l'Homme dans notre canton a aussi été mis en question, et c'est ce qui s'est avéré prédominant dans tous les débats. Il a ainsi été relevé que les relations qu'il y avait avec les différentes institutions n'étaient pas forcément des relations très étroites, loin s'en faut.
Quelques doutes ont également été émis quant à la qualité des cours dispensés, ainsi que quant au statut de ces cours: ces cours sont-ils des cours au sens universitaire du terme ou pas ? Sont-ce plutôt des rencontres plus ou moins informelles ? Je vous fais part de ces contradictions pour bien vous montrer que nous avons eu des doutes tout au long de nos débats.
Enfin, une mention qui a été faite dans le rapport de Mme Blanchard-Queloz, évoque - et c'est vrai que nous en avons parlé - de fédérer les milieux «droits de l'Homme». Et c'est vrai que, autant les milieux de la coopération internationale sont fédérés au travers de la Fédération genevoise de coopération, autant, au niveau des droits de l'Homme, il n'y a pas de fédération à Genève. C'est une lacune que les milieux concernés devront peut-être considérer, afin d'être plus représentatifs et d'avoir une meilleure réflexion sur l'ensemble de la dynamique et de la problématique des droits de l'Homme à travers le monde.
Il sera donc intéressant de voir si, à terme, on ne pourrait pas aussi, au travers de la loi 0,7% qui le stipule particulièrement, donner des crédits à une représentation des institutions en faveur des droits de l'Homme.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. N'ayant pas assisté à la commission des droits de l'Homme mais à la commission des finances - qui a déjà traité cet objet - et puisque cette histoire date de longs mois, j'aimerais, en préambule, relever que, quelle que soit la noblesse de la cause dont nous parlons ici, franchement et pour le futur, il serait bon que nous nous préoccupions déjà de savoir ce que nous pouvons financer aujourd'hui.
Mme Blanchard-Queloz l'a rappelé, s'agissant de l'Ecole Instrument de Paix, et s'agissant notamment aussi du travail de Mme Monique Prindezis, le subventionnement ne serait pas nécessairement assuré - et j'ignorais cela.
Je ne suis pas d'accord, en tant que présidente du Conseil d'Etat, de vous encourager à continuer d'envisager le subventionnement de toutes sortes de causes très intéressantes, alors que, compte tenu des priorités et de l'évolution, il nous sera difficile de financer ce qui figure déjà dans nos budgets.
Il s'agit ici d'un projet de loi à propos duquel apparemment personne ne s'est demandé s'il était justifié ou pas d'accorder, pour les années 2003 à 2005, un crédit qui n'avait aucune base légale et qui n'était pas inscrit. Nous discutons donc d'un crédit complémentaire. Je ne fais aucune critique à la commission des droits de l'Homme, puisque sa conclusion l'amène à un refus, par conséquent, il n'est pas question ici de stigmatiser les députés. Cependant, il ne va pas de soi d'envisager que des crédits soient accordés sous prétexte que la cause est belle. Encore une fois, quelle que soit la noblesse des causes, il est bon que la commission s'intéresse déjà de savoir ce qui figure au budget.
Je vous signale qu'il y a 220 000 F, au titre de la promotion de la paix, au département de l'instruction publique; que vous y retrouvez, juste en dessous, le Gipri, que ce Grand Conseil avait souhaité subventionner - parce qu'après des années de lutte il a obtenu une subvention soutenue de façon très amicale par un certain nombre de députés. Cette Université avait débarqué dans notre parlement, sous les mêmes auspices, avec le même genre de soutiens et le même genre de sympathies.
Je rends donc hommage à la commission des droits de l'Homme. Je ne me prononcerai absolument pas ici sur certains commentaires émis à l'égard de certaines appartenances. Tel n'est pas mon propos.
Je vous encourage vraiment à faire au mieux avec ce dont nous disposons ou ce dont nous pourrions disposer demain. S'il vous plaît, quelles que soient les causes, ne confortez pas une fédération des droits de l'Homme dans l'idée qu'elle obtiendra une subvention, parce que la coopération internationale s'adresse à des projets. Or, ici, il ne s'agit pas de projet mais de subvention de fonctionnement.
Il y aura toujours des associations qui demanderont des subventions dans la durée. Et c'est justement le problème: ce n'est pas que nous devrions donner une fois, pour une belle oeuvre; nous devrions donner chaque année pour une belle oeuvre. Cela entraîne qu'il y a des obligés dans les budgets. S'il est douloureux de se voir refuser une subvention dont on n'a jamais bénéficié, il est encore plus douloureux de se voir refuser l'octroi d'une subvention qui a été accordée précédemment, parce que cela ne se justifie tout à coup plus. Voilà pourquoi je remercie donc la commission de sa position.
La méthode, aujourd'hui, consistera de se demander, avec courage, comment agir dans le futur, parce qu'il faudra en effet du courage pour dire non.
Le président. Merci, Madame la présidente du Conseil d'Etat. Nous sommes en procédure de vote. Vous vous rappelez qu'il s'agit du projet de loi 8829-B. Il y avait eu un préavis favorable de la commission des finances, il y a ici un préavis défavorable de la commission des droits de l'Homme. Je vous propose, pour la clarté du vote, que ceux qui acceptent d'entrer en matière sur le projet de loi d'une subvention votent oui.
Mis aux voix, ce projet de loi est rejeté en premier débat par 68 non contre 1 oui et 1 abstention.