République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 22 avril 2005 à 20h30
55e législature - 4e année - 7e session - 38e séance
RD 497-A
Débat
M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité. Je vous suggérerai, pour changer d'ambiance, de vous déplacer... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)...au bord d'un grand estuaire dans lequel vous pouvez voir un immense navire quitter le port et aller vers son destin. Depuis la rive, vous pouvez bien évidemment penser que ce bateau n'aurait jamais dû être construit... Vous pouvez aussi penser qu'il est fantastique d'avoir construit ce bateau... Vous pouvez avoir diverses opinions, mais une chose est vraie: c'est que ce bateau va son chemin.
D'un point de vue purement historique, j'indiquerai à celles et ceux qui ne connaissent pas forcément le domaine des Hautes écoles spécialisées que la loi fédérale a été votée en 1995, soit il y a dix ans. Je rappellerai aussi... (Brouhaha persistant. La présidente agite la cloche avec vigueur.)...que nous sommes liés par un concordat international... intercantonal, pardon, excusez-moi: c'est un lapsus révélateur ! Un concordat, disais-je, intercantonal, qui a été signé en janvier 97, soit il y a huit ans, et que le Conseil général genevois a accepté en juin 97 le contre-projet «Offrir aux jeunes une meilleure chance de formation à l'emploi».
Tout cela pour vous dire que les HES existent, qu'elles fonctionnent. On peut être d'accord, on peut ne pas l'être... Et, si vous me permettez cette plaisanterie - c'est une heure où les enfants ne regardent plus la télévision - je vous dirai qu'il y a toujours des gens qui pensent que, si ma grand-mère avait des testicules, elle serait mon grand-père et que, par conséquent, je serais sa petite-fille ! On peut donc toujours penser que, si les choses étaient différentes, la situation serait autre...
La majorité de la commission a pris acte de ce rapport, en relevant bien évidemment les questions et les préoccupations des uns et des autres. On trouve, au fond, trois tendances à l'intérieur de la commission de l'enseignement supérieur: la première est plutôt favorable à une centration confédérale - en d'autres termes, il faut quitter le plan cantonal, car l'avenir des HES est lié à la Confédération. La deuxième est favorable à une centration genevoise - c'est-à-dire que Genève doit s'occuper de la qualité de ses écoles. Et la troisième est pragmatique: puisque le navire est lancé, il faut essayer de l'utiliser au mieux.
Je m'arrêterai là, en me réjouissant bien évidemment d'entendre l'exposé du rapporteur de minorité qui va, avec son brio habituel, nous indiquer tous les pièges possibles par rapport aux HES. Mais - je le répète, et je n'aurai pas besoin d'y revenir - ses préoccupations ne sont pas celles de la majorité de la commission.
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Nous avons souvent connu des situations dans lesquelles la majorité parlementaire ne choisit pas ce qui pourrait être l'intérêt général... On le vit depuis quelques années déjà dans ce Grand Conseil... Ce que vient de dire M. Aubert n'est donc nullement une démonstration de ce que mon avis sur cette question serait minoritaire dans la société.
J'ai en tout cas la conviction que ce que je défends est dans l'intérêt de la majorité de la population et, plus particulièrement, des jeunes qui aspirent à recevoir une formation professionnelle de qualité.
Je ne sais pas comment M. Aubert peut se permettre de dire ce que je pourrais penser ou ne pas penser, d'autant plus qu'il classe les membres de la commission en trois catégories ! Pour lui, il y a la centration genevoise, la centration confédérale et, troisième catégorie, les pragmatiques: ceux qui pensent - ce n'est d'ailleurs pas ce qu'il écrit dans le rapport - que, puisque le navire est lancé, il faut essayer de faire au mieux...
Eh bien, Monsieur Aubert, moi, je me reconnais dans les trois catégories ! Dans les trois: parfaitement ! Vous avez souvent essayé, en les dénigrant systématiquement, de faire croire que tous ceux qui se sont battus pour une formation professionnelle de qualité accessible à toutes et à tous - c'est-à-dire une formation démocratique, accessible aux uns et aux autres, dans l'intérêt non seulement de notre canton mais de notre région et de la Suisse toute entière - étaient opposés aux HES. Demander qu'il y ait plusieurs HES, c'est être opposé aux HES ? C'est le mensonge permanent !
Monsieur Aubert, vous venez d'évoquer le contreprojet qui a été accepté par le peuple. Je rappelle que ce contreprojet était à l'époque opposé à une initiative populaire et qu'il a récolté 47,5% des votes de la population. Il reprenait un certain nombre d'éléments qui se trouvaient dans l'initiative. Puisque vous vous référez au contreprojet, je ne me référerai plus du tout à l'initiative.
J'ai dit que je me reconnaissais dans les trois catégories. Le navire est en effet lancé. Ce navire, depuis quel quai a-t-il été lancé ? Du quai du contreprojet - je vais donc en parler. Mais la différence entre vous et moi, Monsieur Aubert - peut-être: pardonnez-moi de vous prêter cette vision des choses ! - c'est que, vous, vous êtes d'accord que le navire soit envoyé par le fond et que l'on amuse la galerie en demandant aux marins d'aménager les cabines mais, surtout, sans se préoccuper de la destination du navire. Contrairement à vous, moi, je m'occupe de la destination du navire - et je ne veux pas qu'il coule. C'est cela, la différence !
Je vais le démontrer - car vous savez bien que, dans le cadre de ma profession, j'ai l'habitude de démontrer ce que je dis. Le contreprojet - c'est le peuple qui l'a voté - dit en son titre 2: «Offrir de meilleures chances de formation et d'emploi pour les jeunes. L'offre de formation du canton de Genève devra assurer aux étudiantes et étudiants, en fonction des filières qu'ils choisiront - qu'ils choisiront ! - a) les meilleures possibilités de formation de base et de formation postgrade; b) les meilleures chances de stages et de collaboration avec les milieux professionnels; c) les meilleures chances d'insertion professionnelle.» Je suis d'accord avec ces trois propositions. Je ne suis donc pas en désaccord avec tous les éléments du contreprojet, comme vous pouvez l'imaginer - d'autant qu'ils sont empruntés à l'initiative !
Le titre 5 dit ceci, Monsieur Aubert: «La participation du canton de Genève à une structure HES de Suisse occidentale devra respecter les principes suivants: a) maintien et développement d'une formation de qualité dans les établissements de formation - maintien et développement, j'insiste encore une fois: maintien et développement ! - b) statut de droit public pour le personnel des établissements HES genevois; c) garantie de la gratuité ou du remboursement des études pour tous les étudiantes et étudiants qui en bénéficient aujourd'hui conformément à la loi sur l'encouragement aux études du 4 octobre 1989 - et vous savez que la démocratisation et la gratuité des études étaient l'un des axes de notre combat - d) maintien d'un accès à l'école d'ingénieurs par une voie renforcée et complétée par un diplôme équivalent à la maturité professionnelle; e) libre-passage assuré, etc.» Voilà un certain nombre d'éléments avec lesquels je suis d'accord !
Que s'est-il passé, Monsieur Aubert ? Dans son message de 1994, qui a été suivi par la loi du 6 décembre 1995 instituant les Hautes écoles spécialisées, le Conseil fédéral avait tracé un certain nombre de perspectives par rapport au développement des HES qui consistaient précisément à attirer les jeunes dans ces formations, à renforcer ce que l'on peut appeler «la recherche appliquée», la collaboration avec l'économie, etc. et à reconnaître l'ensemble des écoles qui étaient reconnues à l'époque par la Confédération. On avait articulé des chiffres astronomiques assez réjouissants... Pour une fois, on investissait beaucoup dans la formation professionnelle et les crédits allaient précisément permettre de faire un saut qualitatif et quantitatif à ce niveau...
Mais, petit à petit, les choses ont changé...
La présidente. Monsieur le rapporteur, il faudra bientôt terminer !
M. Souhail Mouhanna. Déjà !
La présidente. Allez encore un peu, vous êtes tellement passionné ! (Exclamations.)
M. Souhail Mouhanna. J'espère que j'aurai la possibilité de reprendre la parole. Justement, je me réserve pour vous donner des éléments montrant que les gens ont été trompés sur toute la ligne ! J'ai sous les yeux le graphique sur l'évolution des principaux agrégats budgétaires de la HES-SO... Pour vous donner une petite idée de l'évolution des contributions financières des cantons partenaires, au niveau des dépenses par étudiant en francs constants, je vous cite les chiffres suivants: l'indice est de 100 au départ - soit aux comptes 2001 - il est de 86,5 en 2005, soit 14,5% de diminution, et la perspective 2008, soit le plan financier de cette immense découverte...
La présidente. Il faudra vous arrêter, Monsieur le rapporteur !
M. Souhail Mouhanna. ...sur le plan de la formation professionnelle est de 77,8, soit quasiment moins 23% d'investissement par étudiant dans le domaine de la formation professionnelle !
Je reviendrai sur ce point, Madame la présidente.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Le Bureau vous propose de clore la liste des intervenants. Sont encore inscrits Mme et MM. Jean Rossiaud, Jacques François, Thierry Charollais, Claude Aubert, Guy Mettan, Pierre Weiss et Janine Hagmann. Monsieur le député Rossiaud, je vous passe la parole.
M. Jean Rossiaud (Ve). Se prononcer aujourd'hui sur le rapport divers 497 a évidemment moins d'intérêt depuis que nous avons voté le projet de loi 8853 instaurant la HES genevoise.
Mais je voudrais quand même intervenir pour rappeler que nous ne sommes pas rassurés quant à l'évolution des HES. Comme le dit le rapporteur, le navire est en marche - certes - mais il est toujours possible de l'aiguiller, même si la route est quelque peu téléguidée de Berne.
Les Verts ont toujours appuyé la création puis la mise en place des HES, sans croire pour autant que cela se ferait sans heurt, sans problème, sans danger quant à la qualité des formations. Nous avons toujours pensé que, si l'évolution vers la HES était souhaitable, elle était néanmoins porteuse de danger et que nous devions rester attentifs à la mise en oeuvre des HES. Nous suivons d'ailleurs le même raisonnement quant à Bologne.
Si nous avons soutenu les HES, c'est qu'à notre sens, elles favorisent l'harmonisation des diplômes et permettent une plus grande mobilité pendant les études et, surtout, qu'une fois les diplômes obtenus, elles favorisent à terme une plus grande démocratisation des études et l'accès à des formations d'une meilleure qualité.
La démocratisation des études ne devrait pas s'accompagner d'une baisse du niveau de la formation, mais, sur ce point, nous avons encore de sérieux doutes.
La démocratisation des études ne devrait pas non plus signifier que l'on privilégie systématiquement une approche théorique à une approche métier fondée sur la pratique, sur le geste, sur l'expérience - et, sur ce point encore, les HES ne vont pas dans le bon sens.
La démocratisation des études devrait permettre à l'ensemble de la population d'atteindre un niveau culturel élevé et continuant à s'élever. C'est une condition de la démocratie.
Nous devons continuer à nous montrer extrêmement vigilants sur ce point, car toute la politique voulue par la Confédération et par certains milieux patronaux vise à la concentration, à la délocalisation, à la suppression des filières, à la spécialisation et aboutit à un grand appauvrissement du niveau culturel de l'ensemble de la population. Cette perte de la diversité est dommageable: elle est dommageable pour tous en général et pour chacun en particulier.
Les Verts continueront donc à exiger une formation de qualité adaptée aux professions en vigueur et diversifiée dans son offre.
M. Jacques François (AdG). M. Mouhanna a déjà dit un grand nombre de choses intéressantes concernant ce rapport. Mon expérience quotidienne me donne tout de même envie d'aborder quelques points - d'autant, Monsieur Aubert, que je ne regarde pas le navire, mais que je suis dedans un certain nombre d'heures par semaine... (L'orateur est interpellé.)Oui, il faudrait une bouée de sauvetage !
C'est vrai que le rapport de M. Aubert laisse tout de même entendre qu'un certain flou règne dans la HES et dans la HES-SO. Bien sûr, la réalité est toujours difficile à cerner pour une commission du Grand Conseil - d'autant que, lorsqu'on pose des questions à des directeurs, ils ne donnent que des réponses de directeurs... Alors, disons les choses plus sèchement: actuellement, les HES sont plus près d'une pétaudière que d'un flou ! C'est le cas, du moins, là où je connais bien la situation.
Deux points parmi d'autres, si vous le permettez, choisis en raison de leur importance.
Premier point: la saga de la recherche. Vous savez que la recherche appliquée était considérée comme l'un des piliers lors de la fondation des HES. Je ne vous raconterai pas ici les huit dernières années de la vie d'un responsable de recherche dans la HES-SO. Je me contenterai de vous dresser un inventaire qui tient du capharnaüm: création d'une réserve stratégique, création de centres de compétences, création de réseaux de compétences nationaux, création d'instituts de recherche semi-privés dans certaines écoles, puis on défait les centres de compétences pour les refaire légèrement différents. Dernièrement, on a finalement défini des instituts qui regroupent la recherche à l'intérieur des établissements selon des filières ! Plus fou encore: on définit des domaines très précis pour chaque école, qui est chargée de rechercher dans un domaine et pas dans celui d'à côté ! Attention: collaboration, concurrence, mais pas tout le temps ! Le financement centralisé, décentralisé, par école: maintenant, il n'y a pratiquement plus de financement ! Contrôles constants par un comité scientifique, puis par un comité économique - le contrôle du contrôle - et, enfin, le contrôle de la HES, tout en haut !
Depuis huit ans, l'organisation de la recherche appliquée est en constante modification tous les mois, sans que l'on puisse y voir un semblant de cohérence. Dans les laboratoires où se fait finalement la recherche, les professeurs, les assistants, les ingénieurs commencent à désespérer. Il y a bientôt plus de managers que de chercheurs, plus de travail administratif que de travail de recherche, plus de blablabla que de projets !
J'ai ici le dernier chef-d'oeuvre de la HES-SO: un exemple de convention de recherche entre la direction générale, à Delémont, et une école de Fribourg... C'est incroyable: c'est un monument ! Je suis sûr que c'est le frère de Coluche qui l'a écrit: ce n'est pas possible autrement ! Vous vous le rappelez certainement, Coluche disait: «Quand un technocrate répond à ta question, tu ne comprends plus la question que tu as posée !».
Mesdames et Messieurs, le fonctionnement de la HES-SO, en sureffectif technocratique et «managerial» - en français dans le texte - est un véritable scandale ! Cela coûte évidemment beaucoup d'argent pour aligner des papiers comprenant en deux lignes les mots: «stratégie», «objectif stratégique», «réseau», «synergie», «indicateur de performance», «axe stratégique», «axe de revalorisation», et blablabla et blablabla... (Rires.)
Deuxième élément que je voudrais aborder, qui est beaucoup beaucoup plus grave: l'enseignement. En ce qui concerne l'enseignement, qui devrait rester, me semble-t-il, le travail essentiel des HES, la nouvelle sauce bolognaise qui découpe les études en bachelor et master - toujours en français dans le texte ! - a été l'occasion de réformes qui, dans certaines écoles de la HES-SO, sont extrêmement graves pour les étudiants. Avec le nouveau système, il ne fait pas de doute que les bachelors auront une formation très inférieure à celle qui a été prodiguée jusqu'à maintenant, en tout cas dans l'ensemble des écoles d'ingénieurs de la HES-SO.
Pourquoi ? Entrée en formation d'un niveau plus bas, suppression d'un nombre d'heures par semaine considérable, suppression de plusieurs semaines d'enseignement, intégration des diplômes à l'intérieur des trois ans font que, pratiquement, l'équivalent de trois quarts d'année d'enseignement a disparu sur les trois ans. Cela correspond donc à une diminution considérable. Et, contrairement à ce que prétendent certains - comme Mme Lyon, conseillère d'Etat vaudoise et grande prêtresse actuelle de la HES-SO - cela ne pourra pas être compensé par de nouvelles méthodes d'enseignements car, vous le savez, pour un ingénieur, les connaissances nécessaires ne cessent d'augmenter chaque jour.
C'est vrai: la formation de master correspond, elle, à une amélioration de la formation. Mais, là où le bât blesse, c'est que les masters seront conçus pour accepter 25% des bachelors - propos, d'ailleurs, de la même Mme Lyon ! L'arithmétique, Mesdames et Messieurs, est difficilement contournable: 75% des étudiants de notre école auront une formation plus basse et moins bonne que jusqu'à maintenant; 25% auront une formation légèrement meilleure. Voilà l'équation !
J'ajoute que rien n'est encore prévu pour les étudiants entrés dans le système bachelor-master. On ne sait pas, pour l'instant, quels seront les masters que les étudiants pourront suivre à Genève. Des étudiants sont donc déjà en formation sans savoir quelles études ils pourront terminer dans leurs écoles ! Peut-on trouver cela normal ? Peut-on continuer à se moquer de cette manière des étudiants ? Allons-nous continuer encore longtemps à écouter les déclarations d'autosatisfaction des directeurs généraux et de leurs adjoints ? Et comment agir dans un système supracantonal qui prendra de plus en plus d'autonomie dans les années à venir ?
La présidente. Il faudra terminer votre intervention, Monsieur le député !
M. Rémy Pagani. Pour une fois qu'il prend la parole ! (Rires de la présidente et de l'assemblée.)
M. Jacques François. C'est vrai que je suis peu bavard, d'habitude ! (Exclamations.)Mesdames et Messieurs les députés - j'en terminerai par là, Madame la présidente - on nous a vendu les HES comme étant un développement fantastique de la formation professionnelle... Pour l'instant, ce n'est qu'un mensonge ! A nous, Mesdames et Messieurs, de ne pas transformer ce mensonge en escroquerie ! (Applaudissements.)
M. Thierry Charollais (S). Je ne sais pas si ce sont les peu bavards qui vont s'exprimer aujourd'hui, mais enfin, bref ! (Commentaires.)
Mesdames et Messieurs les députés, non seulement par son volume, mais grâce aux informations qu'il contient, le rapport du Conseil d'Etat pose des questions importantes concernant l'enseignement professionnel supérieur... D'ailleurs, non sans une certaine malice, le rapporteur de majorité soulève ces questions de manière quasi métaphysique, tandis que le rapporteur de minorité traduit une inquiétude provoquée par un mode de fonctionnement qu'il ne s'agit en aucun cas d'occulter. La malice et l'inquiétude vont ici de pair, car elles évoquent toutes deux un mode de faire qui a semé le trouble mais qui amène aussi une meilleure compréhension de ce qui se passe dans la HES genevoise.
Les questions soulevées par le rapport du Conseil d'Etat sont parfois difficiles à qualifier: certaines paraissent techniques; d'autres semblent politiques. Les notions de filières et de domaines de formation, les critères d'évaluation de ces filières, les termes telles que la masse critique des étudiants suivant une formation, la gouvernance des HES, etc., bref, toutes ces notions quelque peu technocratiques, quelque peu barbares et, je dois dire, difficiles à saisir pour un néophyte ayant débarqué en commission avec l'étude d'un tel rapport - vous l'aurez compris, c'est moi - sont en réalité techniques et politiques.
Ce rapport constitue une base d'informations très précieuse: il nous permet de bien saisir les dimensions de la politique de l'enseignement supérieur professionnel.
En deux mots ces dimensions sont les suivantes:
- Supracantonales et intercantonales: on ne parle plus de la traditionnelle notion de compétences cantonales au sens strict du terme, mais de coopération intercantonale, qui doit se concrétiser via le Comité stratégique de la HES de Suisse occidentale. On change ici d'échelle. Amener des écoles à collaborer est un aspect positif, mais les risques de dérives ne sont pas à sous-estimer, notamment les dérives technocratiques. En outre, nous nous sommes tous posés la question de la compétence des députés dans un tel contexte. De manière générale, il nous faudra bien vite trouver de nouveaux modèles de prise de décision, la dimension intercantonale prenant de plus en plus d'importance dans nos débats.
- Cette politique se veut adaptative, capable de travailler en synergie avec les autres entités du système de l'enseignement supérieur. Ces entités sont d'abord les universités, avec lesquelles des passerelles avec les HES existeront - théoriquement, du moins - grâce à la mise en oeuvre de la Déclaration de Bologne. Les HES sont également appelées à jouer un rôle important dans la recherche appliquée - les difficultés ont d'ailleurs été soulevées par mon préopinant. On ne soulignera jamais assez l'importance fondamentale de la matière grise et de l'innovation dans le développement économique, ce qui est parfois oublié dans les faits.
- Mais cette politique met à mal la notion du fédéralisme au sens traditionnel du terme: ici, nous ne sommes plus dans un contexte de partage des tâches équilibré - ou, du moins, clair - entre la Confédération et les cantons, ceci même avec l'entrée en vigueur de leur nouvelle répartition, votée par le peuple le 28 novembre 2004. Au contraire, en ce qui concerne les HES, la Confédération fixe les règles, distribue les cartes et, ma foi, les cantons doivent suivre la mise qui leur est imposée tout en tentant de rééquilibrer les règles du jeu. La prise de position des cantons dans le débat de la révision de la loi fédérale sur les HES en est un exemple éclairant.
- Cette politique se veut concurrentielle: entre les écoles, les sites, les cantons et, même, entre deux départements fédéraux, qui se disputent le dossier dans l'optique de la révision de la loi fédérale sur les HES.
Vous imaginez alors la question qui nous préoccupe tous: qui contrôle ? Quelle place pour le contrôle parlementaire des députés ? Quel partage des tâches entre le législatif et l'exécutif ? Où se situe le pouvoir de décision ? Quelles sont les répercussions pour les étudiants au niveau de l'enseignement et des débouchés professionnels ? Ces questions, Mesdames et Messieurs les députés, nous nous les sommes souvent posées au cours de nos discussions.
Conscient des limites de l'exercice, le groupe socialiste acceptera ce rapport pour les raisons suivantes:
- Je l'ai déjà dit, ce rapport constitue une base de connaissances de ce qui se fait dans la HES genevoise et au niveau de la HES de Suisse romande de manière substantielle: il contient donc des informations capitales, et il s'agit de le prendre comme tel.
- Les HES sont la résultante d'un processus récent, mis en place il y a moins de dix ans. Cela ne signifie pas pour autant un chèque en blanc. Le groupe socialiste restera très attentif aux aspects fondamentaux de cette politique, à savoir l'accès à la formation, la mobilité géographique des étudiants, le choix des sites, la gestion des filières et des domaines de formation. Il s'agira également de veiller à la qualité de l'enseignement - et qui dit qualité de l'enseignement dit également corps enseignant.
- Le projet de loi 8853, qui a notamment introduit le Conseil de l'enseignement supérieur, a été voté le 10 juin 2004. Pour rappel, c'est cette loi qui permettra d'instaurer plus de lisibilité à la politique de l'enseignement professionnel telle qu'elle est menée à Genève et de lui conférer la légitimité nécessaire à sa réussite.
Le rapport qui nous occupe maintenant nous permet de voir les enjeux qui se présentent pour un avenir très proche. En conclusion, nous disposons donc à Genève de la base d'information, des premiers instruments pour mener cette politique.
M. Guy Mettan (PDC). Après toute la volée de bois vert qui a été distribuée à mon collègue Claude Aubert, j'aimerais quand même le soutenir pour la raison suivante... Et je m'étonne un peu de la position de la gauche, qui accepté de prendre acte de ce rapport - en tout cas les Verts et les socialistes - et qui, par la suite, applaudit aux propos de M. Mouhanna et de M. François...
Je rappelle tout d'abord deux choses. En premier lieu, quand ce rapport nous a été remis il y a maintenant dix-huit mois, tout le Grand Conseil l'a salué - et à juste titre car, pour la première fois depuis la mise en place des HES, un document analysait ce qui se passait. C'est vrai qu'il n'est pas si facile de comprendre un système qui consiste, au fond, en un work in progressen constante évolution. Mais, pour la première fois, un rapport du Conseil d'Etat fournissait une évaluation claire de la situation, des enjeux en cours et, aussi, une anticipation sur les années à venir - anticipation dont on a d'ailleurs beaucoup parlé à la commission de l'enseignement supérieur que je présidais à l'époque. Nous avons tous salué ce rapport; nous le jugions excellent - il suffit de reprendre les procès-verbaux du Grand Conseil de cette époque pour s'en rendre compte. Je m'étonne donc de voir, dix-huit mois plus tard, beaucoup d'entre vous trouver ce rapport mauvais et vouloir le rejeter.
Deuxième chose. Ce rapport était - cela a été rappelé - lié à l'adoption de la loi 8853 sur les HES, dont nous avons beaucoup discuté et qui a été adoptée par notre Grand Conseil il y a quelques mois - elle aussi à une large majorité. Dès lors, le rapport dont nous parlons ce soir n'avait, au fond, plus beaucoup d'objet puisqu'il avait été concrétisé par cette loi sur les HES. Je m'étonne donc également que l'on vienne maintenant contester ce rapport.
Et puis, j'aimerais tout de même dire à nos amis les professeurs des HES qu'il y a des arguments que je n'arrive pas à comprendre... En effet, vous semblez contester la valeur de ces HES, mais vous paraissez oublier, vous qui êtes professeurs, que les étudiants plébiscitent ces HES. Ils les veulent, ils veulent des bachelors, ils veulent des masters ! Alors, au lieu de nous donner des leçons sur ce que devraient être les HES, vous feriez mieux d'écouter vos étudiants et de prendre acte de leur satisfaction. C'est un point que je voulais souligner.
Par ailleurs, si les difficultés de gouvernance que vous évoquez sont certes réelles, vous oubliez tout de même que c'est en partie à cause de vous que ces difficultés ont surgi ! Parce que vous multipliez les obstacles à la réalisation d'une bonne gouvernance des HES: vous vous enfermez dans une vision cantonale; vous refusez toute collaboration intercantonale; vous refusez tout ce qui vient de Berne parce que vous avez peur d'être mangés par Berne et, ce faisant, vous multipliez ainsi les strates, les couches du millefeuille. Dans ces conditions, la gouvernance des HES devient évidemment très difficile.
Enfin, vous oubliez de mentionner que, si nous nous enfermons dans notre «petit cantonalisme» pour avoir une belle HES genevo-genevoise, nous ne recevrons plus les subventions de Berne. C'est parfait ! Mais qui va payer la différence ? Je vous le demande ! (Commentaire.)Voilà: il faut augmenter la dette ! Evidemment, ça, c'est toujours possible ! Vous ne parlez donc pas non plus de l'aspect financier.
J'aimerais que nous votions ce rapport sans trop nous exciter et que nous arrêtions de prendre des mesures dilatoires pour essayer de retarder toujours le plus possible la mise en oeuvre d'une vraie HES-SO romande, nationale, avec de vraies ambitions pour nos étudiants. (Applaudissements.)
La présidente. Monsieur François, vous avez le droit de rétorquer brièvement !
M. Jacques François (AdG). Je voudrais vous dire, Monsieur Mettan, vous qui prétendez que je n'écoute pas mes étudiants, que vous, en tout cas, vous n'écoutez pas les autres députés ! (Rires.)
En l'occurrence, les choses sont plus graves, et je sais très bien ce qu'en pensent les étudiants. Je n'ai à aucun moment critiqué la réalisation des HES ! Nous ne revenons pas du tout sur le cantonalisme ! J'ai simplement voulu montrer le fonctionnement actuel de la HES-SO en relevant qu'il s'agissait d'un capharnaüm et que l'on ferait bien de faire un peu attention, quels que soient les buts que l'on veut atteindre. Vous m'accusez de «cantonalisme étroit»... C'est complètement idiot, Monsieur Mettan !
Vous dites que les étudiants sont favorables à ces HES... Mais tout le monde y est favorable ! Seulement, il faut faire les choses de manière adéquate, ce qui n'est pas le cas ! Ne dites pas que les profs et ceux qui essaient de travailler sont responsables de la gouvernance ! Si au moins ils étaient responsables ! Cela voudrait dire qu'on leur aurait au moins une fois posé une question à ce sujet !
M. Pierre Weiss (L). Je m'abstiendrai - j'imagine que vous le regretterez peut-être, mais peut-être vous en réjouirez-vous - de faire du populisme coluchien... La chose n'est pas absolument nécessaire pour nos débats et, en la matière, je préfère toujours l'original aux copies.
Je retiendrai simplement des propos de notre collègue de l'Alliance de gauche que la bureaucratie des HES est envahissante et je me réjouis de le voir, lui et les membres de son groupement, se joindre à nous pour diminuer les postes de bureaucrates qui, peut-être à l'excès - mais nous le verrons sur pièce - enflent les effectifs du DIP... Cela fera l'objet d'un débat intéressant lors du budget. Je ne critiquerai pas davantage le jargon d'enseignants parlant à d'autres enseignants que je ne le ferai de celui de directeurs parlant à d'autres directeurs...
Je relève, dans cette affaire, que les HES représentent une réforme extrêmement importante de la décennie écoulée et qu'elles sont un élément incontesté de l'héritage de Martine Brunschwig Graf. Nous savons l'impulsion qu'elle a su donner à cette réforme sur le plan suisse et nous savons aussi - je crois - la conviction avec laquelle son successeur a repris en quelque sorte l'héritage. Il va encore certainement nous le montrer encore plus dans les années à venir...
Il ressort simplement à ce stade qu'il existe deux tendances et non pas trois, cher collègue Aubert - je ne reviendrai pas sur la troisième tendance. Il existe, d'un côté, la tendance «allobrogienne» - pour reprendre le terme d'un ancien conseiller d'Etat radical - les «Allobrogiens» qui souhaiteraient que tout se passe autour de cette colline et, surtout, que l'on n'en sorte pas; et puis, de l'autre, on trouve ceux qui ont une vision plus helvétique.
A cet égard, je souhaiterais ne pas me référer à des paroles tenues dans ce débat, mais à des termes écrits par le rapporteur de minorité qui me semblent quelque peu - je l'espère tout du moins - dépasser sa pensée ou, en tout cas, constituer à l'égard du DIP et de l'Etat en général une exagération - et je pèse mes mots. Il dit ainsi en page 11 du rapport: «...cette réforme est devenue un énorme mensonge d'Etat.» Quand on ose dire qu'une réforme est devenue un mensonge d'Etat, il convient, non pas de se contenter de l'écrire dans un rapport, mais de prendre d'autres dispositions... Je me réjouis de savoir quelles seront-elles pour révéler le mensonge d'Etat ! Ce sera probablement une demande de démission de ceux qui mentent au nom de l'Etat... Monsieur Beer, je crois que votre siège est en danger ce soir quand je vois ce qui est écrit ici ! (Exclamations.)
Après avoir dit que la réforme était devenue un mensonge d'Etat, on nous peint - je n'ose pas dire le diable sur la muraille, dans une République laïque - pour le moins un drame shakespearien. Il est en effet écrit: «Avec Bologne ce sera encore plus grave, ce sera la baisse de niveau pour ce qui est du bachelor, les restrictions à l'entrée dans les masters, l'aggravation des concentrations et des délocalisations, l'augmentation des taxes, la remise en cause de la démocratisation des études, les privatisations et la mainmise du patronat sur les écoles de la République.» Il ne manque plus que la disparition du pain au chocolat !
Mesdames et Messieurs les députés, dans ces conditions, il me semble qu'il ne nous reste qu'une possibilité concernant le rapport du Conseil d'Etat sur la réforme des HES: c'est évidemment de suivre la position de la majorité, de refuser le ronronnement provincial qu'à juste titre le directeur d'une école d'art lausannoise dénonçait dans les colonnes d'un journal du «Matin» par les termes suivants: «Soyons clairs: les médiocres attirent les médiocres et les gens de qualité les gens de qualité !». Peut-être cela ne plaît-il pas à certains, mais c'est ainsi !
Mme Janine Hagmann (L). Je n'avais pas vu, Madame la présidente, que mon collègue Pierre Weiss, avait demandé la parole. Après lui, je n'ai pas grand chose à ajouter...
Je regrette simplement que l'on continue à s'écharper. J'espère que ce n'est pas seulement en raison d'un «cantonalisme obtus», mais parce que chacun désire améliorer la formation. Je signale juste aux membres de la commission intercantonale que je les attends lundi à 9h30 à Lausanne et qu'ils pourront exprimer tous leurs desiderata à Mme Anne-Catherine Lyon, responsable de cette commission.
M. Claude Aubert (L), rapporteur de majorité. A la fin de ce débat, je suis totalement rasséréné, car j'ai entendu de la part de ceux qui soutiennent le rapport de minorité des assurances qui me font chaud au coeur. J'étais en train de me demander si les enseignants resteraient à bord jusqu'à ce que tous les étudiants soient sauvés si, d'aventure, le bateau venait à sombrer...
J'ai entendu que les enseignants resteraient à bord et, cela, c'est quand même capital !
Toutefois, en tant que membre de la commission de l'enseignement supérieur, j'aimerais savoir si l'assurance qui a été donnée peut être transformée en une force de proposition. Que proposez-vous pour que le bateau ne sombre pas ?
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de minorité. Je dirai tout d'abord deux mots à M. Weiss, qui pratique le charlatanisme politique depuis que je le fréquente dans ce Grand Conseil à un tel degré que, finalement, il ne trompe plus personne - en tout cas pas celles et ceux qui ont suivi un certain nombre de ses interventions dans ce Grand Conseil.
Il m'a mis au défi d'expliquer ce qu'est ce «mensonge d'Etat»: je vais vous le dire ! C'est, par exemple, parler dans le contreprojet de «maintien et développement des formations professionnelles à Genève» - je vous l'ai lu tout à l'heure. Monsieur Weiss, avez-vous dit un seul mot quand six filières ont été supprimées à Genève - cinq filières à l'Ecole d'ingénieurs et la filière de l'Ecole d'arts appliqués ? Vous n'avez rien dit ! Mais on parle tout de même de «maintien et développement»: c'est un premier mensonge - et vous avez menti à la population ! Vous avez prétendu... (L'orateur est interpellé.)Oui, vous avez lu une phrase de M. Keller, que la Radio Suisse romande suit depuis plusieurs jours pour le valoriser. Il dit ceci, mais vous vous gardez bien de tout lire, Monsieur Weiss ! Je cite: «La politique des copains a toujours existé et, pour parler vrai, je préfère appartenir à cette famille d'action et de pensée...» C'est la politique des copains, Monsieur ! Et c'est cette politique des copains qui fait que l'on supprime des filières de grande qualité à Genève et que l'on maintient des filières de moindre qualité avec moins d'étudiants que dans d'autres cantons. Cela, vous ne le dites pas, Monsieur Weiss !
Et puisque vous voulez savoir ce qu'est ce mensonge d'Etat, je continue. Vous avez parlé d'augmentation des taxes... Eh bien, regardez les projets: le master plan ! Oui, Monsieur, on parle de 4 ou 5000 F de taxes et même davantage ! Eh bien, nous verrons ce qui va se passer à ce niveau-là !
Et puis - mais ça ne m'étonne pas de vous, Monsieur - vous vous êtes fait un missionnaire zélé de la politique qui consiste à privatiser et à mettre au profit d'une minorité de gens l'ensemble de toutes les activités qui pourraient bénéficier à la société ! Vous voulez tout simplement qu'elles profitent à une minorité !
M. Charollais disait tout à l'heure qu'il était novice en la matière, mais qu'il était satisfait de voir toutes les informations fournies dans ce rapport qu'il fallait le soutenir... Moi, je ne parle pas du rapport ! On y trouve certes un certain nombre d'informations importantes. Mais je parle de l'orientation du rapport dans mon rapport de minorité ! La demande d'autorisation au Conseil fédéral commence ainsi: «La HES-SO oriente prioritairement ses efforts pour satisfaire les besoins des marchés et de ses clients.»... Il n'y a plus de citoyens ! Il y a des marchés et des clients - mais, de cela, vous ne parlez pas !
A un autre endroit, par rapport à la gouvernance, il est dit: «Plutôt que de centraliser ses activités, la HES les intègre par une gouvernance de type matriciel combinant la coordination des métiers aux impératifs géographiques.»
Et puis, ensuite, de quoi nous parle-t-on ? Du contrôle de la commission interparlementaire. Eh bien, c'est quoi cette matrice ? On a vu le film «Matrix»... Le seul problème, c'est que l'élu n'est pas la commission interparlementaire, car il est dit à ce sujet: «Pour des raisons de lisibilité, la commission interparlementaire et l'organe de révision ne sont pas représentés dans la matrix.» Justement, parce qu'ils n'ont aucun rôle, Monsieur ! Pourtant, lors du vote sur le contreprojet, vous aviez assuré à la population qu'il y aurait un contrôle démocratique parlementaire adéquat ! Cela ne sert à rien: il y a deux séances par année et vous prétendez qu'ils ont la possibilité de faire des recommandations ! Donnez-moi une seule recommandation faite par la commission interparlementaire jusqu'à présent ! Aucune, aucune, aucune ! Pour le seul vote qui est intervenu, il a fallu s'y prendre à deux reprises parce que j'avais proposé une résolution pour demander au Conseil fédéral de respecter ses engagements ! La première fois, cela a été refusé et, la deuxième, cela a fini par être accepté parce que cette commission n'a rien à dire: c'est une chambre d'enregistrement ! Il n'y a pas de contrôle démocratique !
Enfin, je vous dirai encore quelques petites choses, puisque l'on parlait justement d'une immense avancée sur le plan de la formation professionnelle... Il y a toute une page où l'on ne parle que de «clients», de «marché», de «produits», etc. Si c'est cela la formation professionnelle, Monsieur Weiss, eh bien, je comprends que vous soyez très enthousiaste pour ce genre de politique, étant donné tout ce que cela sous-tend.
Et je frémis en entendant les mensonges alignés par M. Mettan... Il ne dit que des mensonges: c'est du blablabla, de la parlotte ! Moi, je vous apporte des preuves: ce sont des chiffres qui sont donnés dans le rapport du conseiller d'Etat lui-même. Il s'agit d'un mensonge permanent ! Le Conseil fédéral a menti à la population ! Les milliards ne sont plus là ! Toutes les écoles reconnues ? Non, concentration ! Les HES compteront cinq cents étudiants ? Non, il y en aura une dizaine et, ensuite, il y en aura sept ! On veut toujours concentrer plus !
Quand vous parlez de la HES-SO, Mesdames et Messieurs les députés, regardez ce qui se passe au Tessin ! Ce canton a sa HES et, là, on ne parle pas de concentration de filières et de tout cela ! Par contre, le Conseil fédéral se permet de dire à six cantons romands que leur gouvernance doit se faire autrement et il leur dit ce qu'ils doivent faire en la matière !
Nous avons malheureusement le sentiment que les responsables de la HES-SO au niveau politique - soit, précisément, le Comité stratégique - se font un malin plaisir de faire en sorte que les décisions prises n'aillent pas contre la volonté du Conseil fédéral. Ils sont même très contents que ce dernier prenne un certain nombre de décisions derrière lesquelles ils peuvent se cacher pour appliquer la politique du Conseil fédéral qui consiste, en fin de compte, à aller dans le sens des privatisations. On a vu, d'ailleurs, la création d'une nouvelle HES privée qui a été reconnue par la Confédération. Vous voulez bien que l'on reconnaisse des HES privées, mais vous ne voulez pas que l'on reconnaisse une HES sur le plan genevois. Là vous êtes vraiment super généreux ! Comme si nous n'étions pas là pour défendre aussi les intérêts de Genève !
La présidente. Monsieur le rapporteur, il faudra bientôt terminer !
M. Souhail Mouhanna. Eh bien, justement...
La présidente. Monsieur le rapporteur !
M. Souhail Mouhanna. Je termine, Madame, en trente secondes, si vous le permettez !
Eh bien, justement, ce qu'il y a derrière tout cela, c'est la volonté d'aller dans le sens de la privatisation, dans le sens de la sélection par l'argent, dans le sens de la mainmise du patronat avec l'appétit de profit de certains milieux contre l'intérêt des petites et moyennes entreprises, dans le sens de la mainmise du patronat sur les centres de formation professionnelle alors qu'il ne finance en rien ce système puisque ce sont les citoyennes et les citoyens qui le financent !
Nous sommes favorables à une formation professionnelle qui aille dans l'intérêt de la société, de la collectivité, des citoyennes et des citoyens. Nous ne voulons pas que cette formation professionnelle devienne un produit offert sur un marché à des clients !
M. Pierre Weiss (L). Je voudrais dire deux choses seulement. En premier lieu, je renvoie les députés présents et, derrière eux, tous les citoyens qui les ont élus aux propos que tiendra Mme Lyon, par exemple, pour prendre un autre successeur à l'oeuvre de Mme Brunschwig, à laquelle je faisais allusion tout à l'heure. Ils verront bien, avec une personne d'une autre orientation politique, si les mensonges sont tels que les dépeint M. Mouhanna ou si, au contraire, il n'y a pas par hasard un individu qui se trompe et beaucoup qui voient la réalité.
Deuxièmement, je remercie M. Mouhanna de m'avoir exonéré de la responsabilité de la Deuxième guerre punique... (Rires.)
M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Nous arrivons au bout du département de l'instruction publique, du point de vue du traitement de notre ordre du jour.
Aujourd'hui, j'ai entendu parler de drogue et de dealers dans les préaux, de pornographie dans les classes, de violence à l'école, de l'Union soviétique de la musique et, enfin, de mensonges d'Etat... Tout cela nous montre - et j'en suis vraiment rassuré - que la vie au département de l'instruction publique n'est pas un long fleuve tranquille car, dès que l'on parle d'école, il y a non seulement la réalité objective, mais également des sentiments, de la représentation - et ce n'est pas du tout un commentaire ironique de ma part. Je veux juste montrer à quel point les enjeux peuvent être à la fois de l'ordre de la raison et du passionnel.
Mesdames et Messieurs, il s'agit ici d'un modeste rapport de gestion, qui montre quel a été le développement des HES au cours des dernières années, environ jusqu'au milieu de l'année 2003. Il trace également des perspectives avec la redéfinition du paysage de l'enseignement supérieur suisse et signale un certain nombre de difficultés directement liées au développement des HES. Oui, Mesdames et Messieurs, il y a un certain nombre de difficultés - pour ne pas parler d'aspects technocratiques - dans le fonctionnement HES actuel !
S'agit-il d'un problème genevois ? La réponse est non ! Il faut prendre en compte le fait que nous avons une HES de Suisse occidentale, qui est un centre de décision; nous avons un niveau de gouvernance cantonale; enfin, nous avons un niveau de gouvernance école par école.
Mais à ces trois niveaux s'ajoute la règle du jeu fixée par l'autorité fédérale, l'Office fédéral de la formation et des technologies, qui, en tant qu'office, fixe les critères de l'évaluation sur un plan académique, les critères de gestion ainsi que les critères financiers. Vous trouvez dans ce rapport le compte rendu de cela. Peut-être que l'excellent niveau académique de la plupart des filières évaluées aurait mérité d'être mis en évidence. Quelques-unes de ces filières n'ont malheureusement pas été à niveau sur le plan académique. Pour ce qui est de la gestion, il s'agit d'un autre problème, puisque nous avons très souvent des critères qui peuvent mettre en danger - qui ont mis en danger et mené à la fermeture un certain nombre de filières.
Peut-on dire pour autant que l'ensemble des Hautes écoles ont bénéficié du système HES ? La réponse est non ! Toutes les écoles ont-elles souffert du système HES ? La réponse est également non ! Un certain nombre d'écoles ont bénéficié de la possibilité HES: je pense, par exemple, à la Haute école de gestion; à l'Ecole supérieure des Beaux-Arts, qui a été évoquée tout à l'heure; je pense encore, dans une certaine mesure, à l'Ecole du Bon Secours et, pourquoi pas, à celle de Lullier.
En revanche, dans d'autres centres de formation - je pense particulièrement à l'Ecole d'ingénieurs, à la Haute école d'arts appliqués et, dans une moindre mesure mais néanmoins avec conviction, à l'Institut d'études sociales - la mutation peut être plus douloureuse. Elle peut être plus douloureuse parce qu'elle implique des fonctionnements nouveaux conduisant, dans certains cas, à la fermeture de filières - ce qui peut représenter autant d'appauvrissement pour la formation de proximité en général dans notre canton.
Le rapport de gestion avait une autre vocation: dire quels étaient les enjeux à venir pour les HES en général et pour la HES de Suisse occidentale. J'ai en effet voulu, à travers ce rapport, dire combien il avait été difficile de dire non à l'OFFT, de dire non, également, aux représentants de l'administration de Delémont lorsque ces derniers ont proposé une privatisation de la gouvernance de la HES-SO en déclarant que les conseillers d'Etat devaient se retirer et laisser leur place à des représentants de l'économie privée pour gérer des écoles pratiquement intégralement financées par des fonds publics. A ce moment-là, conseillères d'Etat et conseillers d'Etat de l'ensemble des cantons de Suisse occidentale, toutes tendances politiques confondues, ont répondu unanimement non.
Il n'est pas question d'aller vers une telle privatisation ! Il n'est pas question non plus d'aller vers une telle perte de contrôle de la gestion de nos écoles ! Parce qu'il faut bien le dire: un certain nombre de ces propositions accompagnaient une diminution des promesses faites par la Confédération quant au subventionnement des HES, particulièrement dans les domaines social et santé.
A partir de là, nous constatons que les Hautes écoles spécialisées entrent dans une phase qui représente toujours, par certains éléments, la croissance, mais aussi des difficultés car, quand l'argent se fait rare, malgré les structures intercantonales, un certain nombre d'intérêts cantonaux resurgissent. Telle est bien la situation dans laquelle nous nous trouvons - et nous aurons l'occasion, probablement à travers le prochain rapport de gestion, de vous en donner les lignes force.
Mesdames et Messieurs les députés, je vous invite à prendre acte de ce rapport en estimant que, comme toute construction, les HES représentent des risques, mais aussi et surtout la possibilité pour toute une partie des jeunes gens qui nous sont confiés d'entrevoir une possibilité de formation au-delà du CFC, au-delà de la maturité professionnelle, d'obtenir un titre HES, d'abord un bachelor, ensuite un master - lorsque, certainement dans un avenir plus lointain. seront créés des masters.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La commission dans sa majorité a proposé de prendre acte de ce rapport. Je vous fais voter sur cette proposition.
Mises aux voix, les conclusions de la majorité de la commission de l'enseignement supérieur (prendre acte du rapport) sont adoptées par 53 oui contre 10 non et 1 abstention.