République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 21 avril 2005 à 20h30
55e législature - 4e année - 7e session - 35e séance
M 1615 et objet(s) lié(s)
Débat
M. Hugues Hiltpold (R). Je voudrais tout d'abord rendre hommage à M. Robert Ducret, ancien président du Conseil d'Etat et conseiller d'Etat, qui fut le premier à proposer la vente du surplus de l'or de la BNS. Il a fait cette proposition à M. Willi Ritschard et à M. Otto Stich, il y a de cela une vingtaine d'années déjà. A l'époque, M. Stich avait refusé, et l'or valait 32 000 F le kilo. Ce n'est qu'à l'arrivée de M. Kaspar Villiger au Conseil fédéral que l'idée fut reprise et qu'une moitié du stock de la BNS fut mise en vente. Malheureusement, entre-temps, le prix de l'or était redescendu à 16 000 F le kilo, soit la moitié.
L'entêtement de la BNS et du Conseil fédéral de l'époque auront coûté près de 20 milliards à la collectivité, respectivement 0,5 milliard au canton de Genève.
Une voix. C'est scandaleux !
M. Hugues Hiltpold. La motion que le groupe radical a déposée en début d'année demande simplement que les bénéfices qui émanent de la vente de ces réserves d'or excédentaire de la BNS soient exclusivement affectés au remboursement de la dette cantonale.
Il est vrai que pour d'autres cantons, qui connaissent des niveaux d'endettement différents de celui de Genève, le remboursement de ces dettes est beaucoup plus éloquent alors qu'à Genève la part, en proportion de la dette, est somme toute assez moindre, puisqu'elle ne représente que 5%.
On l'a vu lors de la présentation des comptes 2004, le montant de la dette avoisine les 12,5 milliards et, en une année, il y a eu une augmentation de l'ordre de 900 millions de francs. C'est vous dire, Mesdames et Messieurs les députés, combien cette situation démontre qu'il est important que nous consentions à un certain nombre d'efforts pour réduire le déficit structurel de notre canton. Lorsque nous avons la chance d'avoir une manne providentielle que perçoit notre canton, nous n'avons pas d'autre choix que de rembourser notre dette avant d'imaginer pouvoir nous offrir ce que nous souhaiterions, aussi noble que puisse être la cause.
C'est la raison pour laquelle, Mesdames et Messieurs les députés, le groupe radical vous recommande de renvoyer cette motion au Conseil d'Etat et de ne pas entrer en matière sur la motion du groupe socialiste qui demande au Grand Conseil de se déterminer sur l'affectation de la dette. Parce que si d'aventure notre Grand Conseil devait statuer sur l'affectation de cet argent, nous serions dans la même situation que le Conseil national et il nous faudrait un certain nombre d'années avant de savoir quoi faire de cet argent. La situation est grave; nous devons donner un signal politique fort et ce signal consiste dans le remboursement de la dette et le renvoi de cette motion au Conseil d'Etat.
Une voix. Bravo ! (Applaudissements.)
M. Sami Kanaan (S). Comme M. Hiltpold vient de le relever, ce débat est lié à la motion 1630 qui porte exactement sur la même thématique. Nous sommes un peu surpris par la motion radicale, parce que, dans ce débat, il faut bien différencier deux choses. Le canton de Genève va encaisser une somme proche de 550 millions de francs. De toute manière, cela aura un effet positif sur la trésorerie de l'Etat de Genève et, forcément, quant à la gestion de la dette. Cela peut soit retarder le prochain emprunt soit aider à rembourser un emprunt qui arriverait à échéance. Cela est l'affaire des spécialistes du département des finances. L'effet positif est de toute façon présent. C'est vrai que l'on pourrait s'arrêter là; on n'aurait besoin ni de la motion radicale, ni de la motion socialiste. En effet, aux comptes d'Etat 2005, donc au printemps 2006, cela apparaîtrait comme une recette extraordinaire non budgétée qui améliorerait artificiellement - bien que ce soit aussi de la trésorerie réelle - les comptes de l'Etat pour l'année 2005. Nous pourrions nous arrêter là et nous n'aurions pas à voter la motion radicale.
Le but de la motion socialiste est de dire que vu la nature de cette recette, vu l'histoire de ce «patrimoine», c'est la moindre des choses que ce soit le parlement qui décide si, oui ou non, il veut l'affecter de manière particulière - éventuellement à la dette ou à d'autres buts. Vous avez vu la motion socialiste, elle se contente de dire que c'est au parlement de décider. A partir de là, nous verrons qui est majoritaire, qui propose quelles idées. Je reconnais que, sur un point, M. Hiltpold a raison: il est évident que si le parlement décide, toutes sortes d'idées peuvent apparaître. Cela dit, le Conseil d'Etat aussi peut s'amuser à ce petit jeu. Passer par le parlement peut prendre du temps mais il me semble que toute autre solution reviendrait à manquer de respect à tous ceux qui ont contribué à cette richesse à travers les siècles.
Cet or ne vient pas de nulle part, il n'est pas «tombé du ciel». Ce n'est pas un gain à la loterie que la Suisse aurait fait à «Euromillions». C'est le patrimoine cumulé de toutes les générations qui nous ont précédés, qu'elles soient riches ou pauvres, suisses ou immigrées, jeunes ou âgées, et qui ont contribué à cette richesse.
La Suisse était un pays très pauvre, au XIXe siècle. Peu à peu, elle a réussi à se constituer un patrimoine, sous différentes formes, y compris sous la forme de l'or de la Banque nationale. A l'époque où l'or était vraiment vital pour consolider une monnaie, cet or a joué un rôle décisif pour que le franc suisse devienne ce qu'il est encore aujourd'hui, c'est-à-dire une monnaie de référence extrêmement solide. Sans cet or, notre monnaie n'aurait pas le statut de monnaie-refuge, de monnaie très stable, qu'elle a eu et qui a beaucoup contribué à notre économie. Il est donc un peu court de vouloir liquider cette somme comme simple recette de trésorerie. Je vous rappelle que cette somme a, de toute façon, un effet bénéfique sur la trésorerie et qu'il n'y a pas besoin de voter à ce sujet, qui mérite un débat démocratique dans ce parlement.
Le parti socialiste n'a pas encore d'idée préconçue sur ce que l'on pourrait faire de cet argent. Les raisonnements du groupe radical, dans les considérants et dans l'exposé des motifs, montrent bien que l'effet sur la dette est, malheureusement, tout à fait marginal. Nous n'avons pas la «chance» du canton de Berne qui a le «jackpot» de cette répartition, puisqu'il encaissera environ deux milliards - parce qu'il se trouve que ce canton est considéré comme moins riche que le canton de Genève dans la classification suisse - ou le canton de Fribourg, qui encaissera 750 millions.
Je trouve que les débats qui ont lieu dans d'autres cantons sont très intéressants. Je sais que, dans le canton de Neuchâtel, on parle de formation en lien avec le chômage; on parle d'infrastructures de transports. Ce débat vaut aussi la peine, parce que c'est aussi une manière d'exprimer quelles sont les priorités. Peut-être que nous ne serons pas d'accord tout de suite. D'ailleurs, je serais tout à fait d'accord de dire que cette décision du parlement doit être prise dans un délai donné, sinon cela deviendrait ridicule. Cette décision devrait être prise courant 2005, sinon ce sera, techniquement, une recette de trésorerie. Par conséquent, pour l'esprit de la motion, cela manque expressément dans l'invite, nous aurions pu mettre que cette décision devrait être prise d'ici à fin 2005, pour ne pas perdre de temps.
Le groupe socialiste trouverait regrettable de liquider ce sujet sans autre: ce serait un manque de respect pour nos générations antérieures. C'est pourquoi je vous invite vivement à voter la motion 1630.
M. Christian Grobet (AdG). Il n'y a pas si longtemps, le parti radical nous annonçait un programme novateur pour les prochaines élections. Vous me permettrez de dire que votre proposition est une démarche économique passéiste.
Certes, la dette est préoccupante et il faut éviter qu'elle n'augmente. Cependant, tenter d'amortir la dette avec ce montant, qui ne correspondra qu'à une petite partie de la dette, n'aura aucun effet du tout. Il faudrait s'atteler à ce que notre budget soit équilibré mais en répondant à la crise des recettes, que vous avez provoquée.
Les pouvoirs publics - et notre canton en particulier - sont actuellement confrontés à un autre problème. En effet, en raison de notre situation financière, que vous avez créée en baissant les impôts pour les plus favorisés et pour les personnes qui ont des très grandes fortunes, nous n'arrivons actuellement plus à financer des projets d'envergure qui seraient nécessaires à l'avenir du canton.
On parle beaucoup de la nécessité prioritaire de construire du logement, et surtout du logement accessible à la majorité de la population. On parle de logements pérennes, on dit vouloir garantir un socle de logements accessibles à la partie de la population qui est la plus défavorisée, mais on n'a pas les moyens pour le faire. Voilà un premier exemple.
Le projet du CEVA, extrêmement important pour la politique des transports du canton - car si l'on n'arrive pas à développer les transports publics de manière efficace, les déplacements seront difficiles dans notre canton. Non seulement cela représente une perte au niveau de la qualité mais cela constitue aussi un impact très négatif pour l'économie.
Par voie de conséquence, nous sommes clairement en faveur de l'affectation du montant du produit de la vente de l'or revenant au canton à des projets d'envergure que nous n'avons actuellement pas les moyens de financer. Il s'agirait évidemment de les déterminer, parce que les uns et les autres feront certainement des propositions différentes. En cela, la motion du parti socialiste est sage et réaliste lorsqu'elle dit qu'il faut réfléchir ensemble à l'affectation de cette manne à laquelle nous ne nous attendions pas et dont notre canton va bénéficier. Affecter cette manne à la diminution de la dette sans avoir résolu les problèmes de l'augmentation de la dette constitue un coup d'épée dans l'eau qui n'aura aucun effet.
J'en parlais tout à l'heure à un éminent économiste de la députation d'en face, cloué chez lui à cause de la grippe, qui me disait - il m'a autorisé à le dire - qu'il trouvait totalement incongru d'affecter cette somme à la diminution de la dette. Selon lui, il faudrait créer une fondation qui puisse gérer ce montant de manière intelligente et servant à l'avenir de notre canton. Il est certain que nous avons un boulet au pied, à cause de la dette, mais il ne faut pas regarder en arrière - j'allais dire Mesdames et Messieurs les radicaux, mais il n'y a que des hommes, donc Messieurs les radicaux. Ce n'est pas en tournant la tête en arrière que nous fortifierons notre canton.
Je suggère que cette motion soit renvoyée, avec la motion socialiste, en commission, afin qu'un véritable débat sur les objectifs d'utilisation de cette manne de la Banque nationale puisse avoir lieu à l'intérieur du Grand Conseil, sachant que d'autres propositions interviendront peut-être aussi de certains milieux sur des questions de ce genre. Je pense que cela vaut la peine de faire ce travail de réflexion.
M. David Hiler (Ve). Nous avons été un peu surpris par la motion socialiste; pas sur la demande qu'il y ait un débat mais sur l'idée qu'il pourrait ne pas en avoir un. Car en réalité, chaque année a lieu un débat sur le budget de l'Etat et un débat sur les comptes de l'Etat. Cette recette, si j'ai bien compris, va intervenir pendant l'exercice 2005, de sorte que cela concernera les prochains comptes que nous étudierons. J'ai de la peine à voir comment il pourrait nous échapper. Le débat sur les ressources disponibles a lieu chaque année.
Par ailleurs, j'insiste sur le fait que ce sont des vases communicants: vous pouvez créer une fondation pour subventionner le CEVA, cela donnera moins de besoins d'investissements dans le budget de l'Etat, et on pourra payer autre chose par ce biais. En réalité, cela peut encore être une simple limitation du déficit. Pour le moment, nous avons parlé du remboursement de la dette; mais cela est la version optimiste ! L'autre version présenterait le même fait en le décrivant comme l'annulation du déficit d'une année.
Nous acceptons mal l'idée qu'il y ait un débat spécifique sur ces 500 millions. En effet, nous aurions aussi pu mener un débat sur une manne qui n'est pas reproductible, à propos des 115 millions qu'un honorable contribuable nous a récemment laissés. Il y a un intérêt au renvoi en commission: de cette manière, on peut formellement voir comment les inscriptions aux comptes ou au budget seront produites.
Je suis d'accord avec M. Grobet: je pense que nous prenons un gros risque à nous limiter aux investissements que nous connaissons aujourd'hui. On peut très bien, parce que la situation est un peu meilleure, «avoir un peu de mou» et faire les choses de façon un peu moins drastique, tout en sachant que, quand on décide un investissement, on le retrouve dans le compte de fonctionnement, les années suivantes, sous la forme d'amortissements. Dans le cas d'espèce, compte tenu des projets, on le retrouverait pour une cinquantaine d'années.
Tout le monde l'a dit, les 500 millions ne changeront pas de façon déterminante la situation de notre canton. Il manque, c'est aussi mon avis, Monsieur Grobet, des recettes - ces fameux 12% qui ont été enlevés... (Manifestation dans la salle.)Nous avons aujourd'hui, avec ces 500 millions, l'équivalent de même pas une année et demie de ces 12%.
Le débat budgétaire doit continuer sur les investissements utiles. Je comprends qu'un canton qui serait, par hypothèse, dans une situation financière proche de l'équilibre, puisse se dire: «J'ai 2 milliards pour "booster" quelque chose». Excusez-moi, Mesdames et Messieurs les députés, mais nous avons un budget qui va approcher les 7 milliards de francs tout compris; nous avons 500 millions de plus: ce n'est pas cela qui va changer la politique de notre canton ces prochaines années. Nous devons faire des choix fiscaux, nous devons faire des choix de maîtrise des dépenses de l'Etat, nous devons savoir ce qui est important à l'Etat, quelle est la répartition entre «back office» et «front office». De toute façon, la discussion est la même.
Nous accepterons donc que ce débat se prolonge en commission des finances tout en vous disant que, hélas, nous ne nous trouvons pas dans une situation où le Père Noël est passé. Nous avons une bonne nouvelle après quatre ans de mauvaises. C'est à peu près tout ce que cela change. Je ne pense pas que l'on puisse échapper à la loi de fer. Les votations du canton de Vaud montrent que cette loi de fer pèse lourd et que nous n'y échapperons pas grâce à ces 500 millions.
En revanche, une chose est certaine. Si nous amortissons notre dette avec ces 500 millions, nous aurons 15,5 millions de plus à dépenser chaque année - c'est les 3,3% moyen des intérêts... (L'orateur est interpellé.)
Une voix. 15 de moins !
M. David Hiler. Non, non, 15 de plus. 15 de moins d'intérêts, 15 de plus à dépenser ! Je vous ai vu, Mesdames et Messieurs les députés, vous injurier pour moins que ça ! 15 millions pendant 10, 20 ou 30 ans, c'est une réelle bonne nouvelle. Quelle que soit la manière dont on impute, cela revient à cela. On peut trouver cela joli, moins joli, motivant, moins motivant, mais de toute façon la bonne nouvelle est que nous aurons, pendant assez longtemps, 15,5 millions à dépenser pour ne pas faire trop de casse dans notre Etat.
La présidente. Monsieur le député, demandez-vous formellement le renvoi en commission des finances ?
M. David Hiler. Non, je me rallie à celui qui a été fait.
La présidente. Celui qui a été fait ?!
M. David Hiler. M. Grobet a demandé le renvoi.
La présidente. M. Grobet a demandé le renvoi en commission ? Des finances...
M. David Hiler. Oui.
La présidente. Des deux motions. Parfait. Vous vous exprimez donc à raison d'un député par parti. Le parti des Verts s'est exprimé. C'est à M. Guy Mettan de s'exprimer, pour le parti démocrate-chrétien, sur le renvoi en commission uniquement.
M. Guy Mettan (PDC). Le parti démocrate-chrétien appuiera le renvoi de la motion du parti radical au Conseil d'Etat et s'opposera à celle du parti socialiste, pour des raisons que je vais très brièvement exposer, si vous me le permettez.
Nous avions, nous aussi, au parti démocrate-chrétien, mené une réflexion sur l'utilisation que l'on pouvait faire de ces 550 millions de francs. Certains d'entre nous étaient d'avis que l'on devrait créer un fonds de solidarité avec les jeunes. Mais, après en avoir parlé, nous nous étions aperçus que ce projet n'était pas du tout réaliste parce que c'était un coup d'épée dans l'eau, pour les raisons que David Hiler vous a exposées. C'était une question de vases communicants: ce qu'on mettait d'un côté, on le perdait de l'autre et réciproquement.
Si nous nous sommes résolus à accepter la motion radicale et à affecter cet argent à la réduction exclusive de la dette, c'est parce que nous voulons, comme le disait M. Kanaan, un Etat durable. Or pour avoir un Etat durable, il faut avoir des finances durables et pour avoir des finances durables, il ne faut pas avoir de dette trop élevée. En affectant cet argent à l'amortissement de la dette, cela permettra d'une part de la réduire et, d'autre part, d'économiser les 15 millions de francs d'intérêts liés à cette dette. Ce qui compte pour nous, c'est la durabilité des finances. Voilà pourquoi nous voterons cette motion.
Une voix. C'était très bien, Mettan !
M. Pierre Weiss (L). Un renvoi en commission a été proposé par M. Hiler qui appuyait l'un de ses collègues. Nous nous opposons à cette proposition. Nous considérons au contraire que cette motion doit être renvoyée au Conseil d'Etat pour des raisons que je vais brièvement vous exposer.
D'abord, cette motion suscite tout de suite une approche contradictoire, on l'a vu par les arguments qui ont été développés du côté socialiste. Quand l'on observe de plus près la motion 1630, on se rend compte que l'on souhaite que l'affectation de ce montant soit bénéfique pour les générations présentes et futures. On se dit alors: «Le parti socialiste serait-il touché par la grâce de la réduction de la dette ?» Non ! Il suffit de lire le considérant suivant selon lequel «une "absorption" de ce montant simplement sous forme de recette extraordinaire sur l'exercice 2005 serait dès lors regrettable.» Or c'est un argument tout à fait spécieux.
C'est précisément parce que l'effet est réduit qu'il faut, au contraire, qu'il y ait un remboursement de la dette. C'est précisément aussi pour cette raison que nous appuyons le renvoi de la motion 1615 au Conseil d'Etat dont, non seulement nous partageons tous les considérants mais dont nous partageons aussi la teneur de l'exposé des motifs. Nous avons une dette qui a augmenté de 900 millions l'an passé. Nous ne savons pas encore quelle sera son augmentation cette année. Le coût du service des 500 millions dont il était question a été relevé par M. Hiler. Ce n'est pas chose négligeable que d'économiser - d'économiser ! - 15 millions pour les générations actuelles et futures. Pour cette raison, nous devons faire en sorte qu'il y ait une prise de conscience de l'importance du remboursement de cette dette.
La crédibilité du canton est en jeu, non seulement auprès des autres confédérés et auprès de la Confédération, mais aussi auprès de nos créanciers et des créanciers extérieurs à notre pays. En d'autres termes, il s'agit d'éviter, ici même, des déchirements comme ceux que l'on a pu voir au parlement fédéral. Il s'agit ici de montrer notre détermination à un remboursement pur, simple et total par ce montant de la dette - aussi faible son effet soit-il - précisément parce que nous sommes attachés à ce qu'elle diminue au fil des ans. (Applaudissements.)
M. Gilbert Catelain (UDC). Le groupe UDC est partagé sur le fond même des motions. Il n'y a pas unanimité au sein du groupe pour un remboursement de la dette, sachant que nous nous trouvons dans une situation fort différente des cantons voisins.
Si, dans le canton de Fribourg, le «pactole» de la BNS permettra d'amortir 75% de la dette - puisque la répartition fédérale a enfin décidé de récompenser les bons élèves - Genève, étant mauvaise élève, reçoit peu, c'est-à-dire 500 millions. Ce sera l'effet boule de neige qu'on va lancer dans le lac de la dette qui s'élève, comme vous le savez, à 12,5 milliards de francs.
L'UDC estime que la proposition du parti radical rejoint la proposition de l'UDC sur le plan fédéral. C'est, en quelque sorte, la moins mauvaise des solutions, tout en sachant que c'est au Conseil d'Etat qu'il appartient de déterminer ce qu'il fera de cette manne, à quel poste il l'affectera.
Il nous semble donc inutile de renvoyer ces motions au Conseil d'Etat qui a déjà décidé de cette affectation au remboursement de la dette. Pour éviter toute une série de discussions inutiles, sur nos bons ou mauvais projets d'affectation, nous nous rallierons au bon sens populaire: on aurait pu faire un «micro-trottoir» ce soir et l'on aurait pu constater que 90% des gens sont pour le remboursement de la dette. Nous prenons donc acte de cette volonté populaire, qui s'est déjà exprimée lors de débats radiophoniques, notamment. Cette volonté correspond au point de vue de la droite et de l'Entente en général et nous proposons donc de soutenir la motion 1615, de la renvoyer directement au Conseil d'Etat et de ne pas accepter la motion 1630, ni son renvoi en commission. Cette dernière impliquerait des discussions longues et peu productives qui pourraient durer quelques années.
M. Pierre Kunz (R). Il ne s'agit pas, Mesdames et Messieurs les députés, pour les radicaux, de renvoyer cette motion en commission. Non, Mesdames et Messieurs les députés de la minorité, rembourser ou ne pas rembourser la dette, ça n'est pas blanc bonnet ou bonnet blanc.
Ne vous sentez-vous jamais mal en continuant de reporter, sur les générations futures, les générosités que vous vous attribuez maintenant sans compter ? Ne comprenez-vous pas que, dans le monde de plus en plus férocement concurrentiel dans lequel Genève et ses entreprises vivent, nos possibilités de remboursement se réduisent chaque année ? Ne comprenez-vous pas que chaque année qui passe accroît l'ampleur des sacrifices que nous devrons consentir et que nos enfants - vos enfants ! - devront consentir pour rembourser la dette publique ? Même si, par impossible, les taux d'intérêts devaient rester ce qu'ils sont et si, par impossible, la dette ne devait plus augmenter, faut-il rappeler que cette dette est bientôt équivalente au produit intérieur brut du canton ? Si nous étions une Genève indépendante, nous ne répondrions même plus aux critères pour entrer dans l'Union européenne. Je vous pose toutes ces questions, mais évidemment, les indications que vous avez fournies tout à l'heure montrent bien que vous ne comprenez pas ces arguments et que vous n'êtes pas prêts à les accepter. Vous vous prétendez les défenseurs du développement durable. Alors, c'est vrai, vous êtes les défenseurs de l'eau, de l'énergie, de la forêt, des cerisiers, mais vous vous fichez complètement des humains qui formeront les générations à venir et qui, par votre imprévoyance et votre légèreté, seront condamnés à réduire leur niveau de vie par rapport au vôtre. Voilà l'inéluctable résultat de votre folie consommatrice et dépensière. (Brouhaha.)
Il est temps que vous compreniez... (La présidente agite la cloche.) ...qu'attribuer les 500 millions en question au remboursement de la dette sont un signe essentiel à destination de la population, qui ne comprendrait pas que nous les encaissions et que nous continuions dans les folies dans lesquelles vous voulez nous entraîner.
Il faut donc renvoyer la motion au Conseil d'Etat et refuser la vôtre.
M. Jean Spielmann (AdG). Monsieur Kunz, je crois que vous avez commis une légère erreur. Vous n'auriez pas dû vous adresser de ce côté-ci de l'assemblée quand vous parliez de l'augmentation de la dette et des responsabilités; vous auriez dû parler de l'autre côté et à vous-même.
Regardez ce tableau... (M. Spielmann montre un extrait des comptes 2004.)...ce sont des statistiques qui nous sont fournies par votre gouvernement. C'est le résultat de votre politique. En bleu, Monsieur Kunz, vous avez inscrite l'augmentation de la dette. Voyez-vous ce que vous avez fait, en quatre ans ? Jamais, dans l'histoire, la dette n'a autant augmenté pour la population genevoise que sous votre politique. (Applaudissements.)On pourrait encore allonger un peu ce tableau, Monsieur Kunz, Mesdames et Messieurs les députés. Si vous examinez ce tableau avec attention, vous verrez qu'il n'y a que quatre ans pendant lesquels la dette a baissé. Ce sont des chiffres et c'est ce qui démontre une politique. (L'orateur est interpellé.)Cela vous fait rire ? Je ne suis pas sûr que cela fasse rire les Genevois que vous ayez pareillement augmenté la dette. Par ailleurs, il n'y a que quatre ans où nous avons réussi à la réduire.
Vous ne comprenez pas et vous vous adressez à nous, nous accusant de vouloir augmenter la dette, alors que c'est vous qui en êtes responsables. Je parle à la population genevoise. Mesdames et Messieurs qui nous regardez... (Exclamations. Hilarité)...si vous voulez vraiment diminuer la dette, ce n'est pas en attribuant l'argent à la dette ou aux investissements, parce que c'est dans le compte que ça va, et M. Hiler a raison. Ce qu'il faut faire, c'est changer de politique. L'occasion se présentera cet automne et peut-être que nous arriverons à améliorer la courbe. Nous avons démontré que nous savions mieux gérer que vous. (Applaudissements.)
Je trouve un petit fort de café que ce soient les partis au pouvoir dans ce pays, au niveau national, qui, pendant des années, n'ont pas respecté la loi sur la Banque nationale et n'ont pas reversé l'argent aux cantons, comme il auraient dû le faire. Je suis intervenu à de multiples reprises, et M. Ducret, l'ancien conseiller d'Etat, l'a fait et a essayé de faire bouger tout le monde. On a confisqué l'argent de la Banque nationale et les bénéfices pendant une trentaine d'années. Et aujourd'hui, ce sont ces partis-là qui viennent nous dire: «Attendez, une manne va venir !»
Que permet de faire cette manne ? Sur les 12 milliards, elle ne permettra même pas de réduire l'augmentation de la dette que vous faites chaque année. Evidemment, ce ne sera pas suffisant pour changer. Pour changer, il faut changer de politique et là, il n'y a qu'une solution, il faut attendre un peu mais cela viendra. (Rires. Applaudissements.)
La présidente. Je mets aux voix le renvoi à la commission des finances de la motion 1630.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1630 à la commission des finances est rejeté par 41 non contre 34 oui.
La présidente. Je mets aux voix le renvoi à la commission des finances de la motion 1615.
Mis aux voix, le renvoi de la proposition de motion 1615 à la commission des finances est rejeté par 47 non contre 37 oui.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Vous l'avez voulu, vous l'avez eu.
Lorsqu'en 2003 et en 2004, on rembourse des impôts pour 700 millions par année, parce que des placements intéressants sont faits - car le taux d'intérêt des créanciers de l'Etat est à 4% - on peut imaginer que les impôts, remboursés pour 2001 et pour 2002, iraient alimenter d'autant la dette de ces années-là. Ce débat, en termes de gloire lorsqu'on est à gauche pour gouverner, me paraît peu raisonnable.
Cette République a dépensé, cette République a encaissé, et le résultat est là: nous nous retrouvons avec une dette de 12,4 milliards. Répartis sur toutes les années et restitués à chaque exercice, les résultats que vous montrez seraient différents; mais le résultat reste le même.
Nous avons 12,4 milliards de dette. Cela signifie que nous sommes arrivés dans une zone où cette dette ne peut qu'augmenter tant que nous avons des dépenses supérieures aux rentrées; cette dette ne peut qu'augmenter tant que nous aurons des engagements à honorer pour assainir la situation de la Banque cantonale. A partir de là, nous ne sommes pas dans la situation des cantons qui, pour certains, ont rêvé de savoir ce qu'ils allaient faire de l'or de la Banque nationale. Certains, avec ce qu'ils reçoivent vont rembourser l'entier de leur dette; d'autres, la moitié; d'autres, un tiers. Et avec cela, ils peuvent se permettre de créer un fonds, dépenser les revenus du fonds et savoir à quel type de tâches supplémentaires ils vont bien pouvoir l'engager.
Nous ne sommes pas dans cette situation et quoi que nous fassions, nous avons au moins un signal à donner. Si nous devons continuer à emprunter, autant que ce soit aux taux d'intérêts les plus favorables possibles. Mieux vaut cela dans une situation où, finalement, nous sommes au moins crédibles par rapport au constat que nous faisons. Voilà la réalité d'aujourd'hui. Ne croyez pas que la réalité a été créée par les gens d'aujourd'hui. Elle a été créée il y a des dizaines d'années, par les uns et les autres, pour des questions de confort, d'amélioration et d'avantages.
Voilà pourquoi je suis totalement imperméable au débat qui dit qu'on doit quelque chose à ceux qui ont dégagé le montant dont il est question. On leur doit, aujourd'hui, d'assurer le financement de ce que l'on peut assurer pour demain. On leur doit d'assainir la situation de telle façon que l'on puisse assurer, sur le plan social, les engagements que l'on a pris. On leur doit, aujourd'hui, de faire en sorte que les générations qui vont suivre ne leur en veuillent pas à tel point qu'ils finissent par prendre des décisions désastreuses à l'égard des personnes âgées. Nous leur devons cela, non pas de leur faire des promesses, de créer des fonds miraculeux ou de créer des dépenses supplémentaires que nous n'avons pas les moyens d'assumer.
C'est vrai, ce n'est pas satisfaisant de disposer de 539 millions, face à 12,4 milliards de dette. Ce n'est pas heureux, ce n'est pas ce que nous souhaiterions. Mais, au moins, cela a un avantage: celui d'éviter de faire des emprunts supplémentaires. Ce n'est pas glorieux, c'est juste le résultat de ce que nous avons fait. Chacun en a profité, à gauche comme à droite. Il n'y a aucun vote, dans ce parlement, qui n'ait pas été soutenu, à certains moments, par la gauche, quand il s'agissait de dépenser.
Il faut arrêter de se lancer, à travers cet hémicycle, toutes sortes de responsabilités. Il s'agit maintenant d'assumer tranquillement les choses et de dire que l'argent que nous avons à disposition nous permettra d'éviter de nouveaux emprunts, d'éviter d'aggraver les taux d'intérêts et nous permet surtout d'envoyer un message: nous avons à faire des efforts. Nous le devons à la génération qui est là, à celle qui nous a précédés et surtout à celle qui nous suivra. (Applaudissements nourris.)
La présidente. Je mets aux voix l'acceptation de cette motion 1615.
Mise aux voix, la motion 1615 est adoptée par 46 oui contre 35 non.
La présidente. Nous passons à la motion 1630.
Mise aux voix, la proposition de motion 1630 est rejetée par 57 non.
(Le panneau d'affichage s'éteint avant que la présidente ait eu le temps de lire le nombre des «oui».)