République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 mars 2005 à 20h30
55e législature - 4e année - 6e session - 30e séance
M 1594
Débat
Mme Ariane Wisard-Blum (Ve). Le dépôt de cette motion va bientôt fêter sa première année et, depuis, les procédures à suivre en matière de construction des EMS ont progressé. Les premières subventions à la construction ont été accordées, permettant le démarrage des premiers chantiers. Des postes administratifs dévolus aux programmes de construction et de rénovation d'EMS augmentent, spécialement au DASS. La direction du programme DASS a changé de mains. Les hôpitaux continuent à héberger des personnes âgées en attente de places en EMS. Pourtant, la situation reste mitigée. A ce jour, trois constructions d'EMS pour un total de deux cents nouveaux lits ont démarré; leur ouverture est prévue pour 2006. Mais ce sont 1 300 lits qui sont attendus à l'horizon 2010, selon le plan directeur du DASS adopté en 2001.
La direction bicéphale DASS - DAEL de ce programme s'est traduite par la création tout à fait opportune d'un comité de pilotage rassemblant l'ensemble des services concernés. Les directives et exigences concernant les dossiers à soumettre sont en train de se mettre en place après moult modifications, alors que plusieurs dizaines de projets ont déjà été soumis, examinés, renvoyés, repris, réexaminés. Certains sont enfin acceptés après de nombreuses années. Ce retard de directives, de modalités et de règles claires a été épuisant tant pour les promoteurs de projets que pour les examinateurs administratifs. Pendant que des institutions de droit public ou des institutions privées s'engagent dans des projets d'EMS, dépensant des millions dans des achats de terrains et des frais d'architectes sans savoir, ni dans quel délai leurs projets seront examinés, ni sur quoi portera l'analyse, une seule chose se confirme: le besoin de places supplémentaires lié au vieillissement de la population. L'une des improvisations du DASS consiste alors à déclarer lits EMS des lits hospitaliers occupés par des personnes âgées en attente de places en EMS.
La résolution du problème financier posé aux personnes concernées par une intervention de l'OCPA ne règle pas l'entier de la question. D'une part, en tant que lits hospitaliers, ces lits restent hautement subventionnés, mais, surtout, il ne devrait nullement s'agir d'échanger la politique d'accueil en EMS contre une politique de sous-hospitalisation. Les personnes âgées en attente de place espèrent un lieu où vivre, un lieu où recevoir de l'aide et des soins, un lieu où passer la fin de leur vie. Il est donc urgent de créer des structures dont le fonctionnement soit propre aux EMS plutôt que de poursuivre avec ces lits hospitaliers finalement devenus de faux EMS. Le fait de céder ces lits hospitaliers répond à un besoin évident. L'étude d'une possible transformation de certains services hospitaliers en structures fonctionnant comme de véritables EMS est urgente. En aucun cas une structure provisoire supplémentaire ne devrait être créée. Un nombre certain de personnes âgées concernées ont déjà eu à vivre plusieurs transferts intrahospitaliers et de multiples aller-retour entre leur domicile et les HUG. Ces personnes doivent disposer d'un lieu où s'installer.
Cette motion est l'occasion d'examiner concrètement comment le plan directeur du DASS de 2001 est mis en application et, sur la base de ce document, d'ouvrir un débat en commission des affaires sociales sur la politique globale à suivre en matière d'EMS.
La présidente. Merci, Madame la députée. Je propose de clore la liste. Sont encore inscrits MM. les députés Roulet, Schmied et Charbonnier.
M. Jean Rémy Roulet (L). Je souhaite remercier la députation verte pour le dépôt de cette motion et lui faire savoir qu'elle trouvera déjà une partie des réponses aux questions tout à fait légitimes qu'elle pose dans une autre motion qui sera traitée demain dans les extraits: il s'agit d'une motion libérale déposée en juin 2003 et qui pose exactement les mêmes questions que les vôtres.
Je me souviens qu'en 2003, lors d'un premier débat sur la construction des EMS, nous avions soulevé le point crucial des tracasseries administratives et des problèmes de normes de construction. A l'issue de ce débat, presque toutes nos invites avaient passé, sauf celle qui avait trait aux normes de construction. M. Rodrik avait, à l'époque et par une majorité de circonstance, décidé de supprimer cette invite liée aux normes de construction parce que, disait-il, c'était toucher à un tabou lié aux normes généralisées en matière de construction de logements à Genève. Or, notre but était précisément de clarifier le débat et de simplifier l'édification de tels bâtiments pour les dix prochaines années - et je puis vous dire que, depuis deux ans, le département a réalisé un travail très sérieux et tout à fait remarquable. Vous pouvez consulter le site Internet www.geneve.ch/ems, où vous trouverez absolument toutes les réponses aux questions posées dans votre motion.
Ainsi donc, le groupe libéral soutiendra le renvoi en commission de cette motion, en demandant au Conseil d'Etat de la traiter avec célérité - et ce, d'autant plus que les trois quarts des réponses qui seront apportées à ce texte se trouveront probablement dans le rapport qui vous sera présenté demain.
Je relève que la dernière invite pose une excellente question, qui n'avait pas été posée à l'époque: c'est la question de savoir dans quelle mesure l'Hôpital cantonal peut absorber une population vieillissante grandissante. Sur ce point, le département devra nous fournir une réponse solide, car il n'est pour l'instant pas évident de mélanger ces deux types de population. Encore une fois, je me réjouis de traiter cette problématique en commission sociale - ou, pour ce volet, en commission de la santé.
M. Patrick Schmied (PDC). Le groupe démocrate-chrétien votera également cette motion même s'il semble que, les invites étant d'inégale valeur, ce texte enfonce parfois des portes ouvertes. Nous sommes aussi d'accord avec les préopinants quant à l'intérêt de la quatrième invite, qui amène une idée nouvelle. En revanche, pour ce qui est de la première invite, on aurait aimé aller un peu plus loin et parler de simplification plutôt que de clarification des procédures administratives. Mais enfin, on aura le temps d'en reparler. D'ici là, nous nous réjouissons de lire le rapport du Conseil d'Etat sur ce sujet, mais nous souhaitons surtout voir les EMS sortir de terre - car c'est cela qui compte avant tout et c'est là le but final de l'exercice !
M. Alain Charbonnier (S). Le groupe socialiste soutiendra aussi le renvoi en commission de cette motion qui, finalement, tombe bien à propos. Bien que des projets d'EMS soient déjà en cours, comme de nombreuses personnes l'ont souligné, il manque énormément de places dans les EMS. Il manque beaucoup d'EMS aujourd'hui encore. Cette situation est peut-être l'occasion de s'interroger sur la structure à choisir. Outre les EMS - soit les établissements médico-sociaux - il existe en effet aussi des D2 - soit des immeubles à encadrement social. Dernièrement, un rapport commandé par le président du DASS Unger est arrivé. Or, ce rapport soutient l'idée de relancer ce type de structure d'accueil pour les personnes âgées; il montre que l'EMS n'est finalement pas la panacée, qu'il ne s'agit pas de construire uniquement ce genre de structure - structure par ailleurs relativement coûteuse et devenue très médicalisée ces dernières années en raison de l'âge avancé des pensionnaires. Je dis donc oui à des EMS qui soient des lieux de vie, mais il faut aussi offrir aux personnes âgées la possibilité de choisir. A nous - au parlement, au département - d'être imaginatifs ! Et peut-être parviendra-t-on, finalement, à réaliser des économies dans ces choix. Cela part des soins à domicile en passant par les D2 et les EMS - et peut-être aussi par des mixités entre D2 et EMS. Je crois qu'il faut réfléchir aux divers choix qui s'offrent à nous - et l'étude de cette motion en commission sera l'occasion de se pencher sur ce sujet.
Je souhaite par ailleurs faire remarquer à M. Roulet, qui a évoqué tout à l'heure le nom de M. Rodrik, que le choix des structures n'a rien à voir avec les normes de construction. Nous défendrons toujours les normes de construction. Je me souviens fort bien de votre conférence de presse de l'époque. M. Muller, votre chef de groupe, avait déclaré que, pour les personnes âgées, ce n'était finalement pas très... (L'orateur est interpellé.)Non, je parlais de votre chef de groupe actuel, M. Muller ! Ce dernier avait déclaré que, pour les personnes âgées, les isolations phoniques n'étaient finalement pas très importantes, car elles n'entendent pas très bien. Puisqu'elles ne voient pas très bien non plus, on pourrait carrément abattre les parois... Il me semble que certains éléments doivent tout de même être maintenus et qu'il ne faut pas galvauder certaines procédures de cette façon. En revanche, il est effectivement temps de se pencher sur les choix à opérer - et ne vouloir construire absolument que des EMS n'est peut-être pas la route à suivre.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Le Conseil d'Etat accueille cette motion avec plaisir - essentiellement, d'ailleurs, en raison de la quatrième invite. Il est vrai que, du fait du délai de traitement des objets de votre parlement, les trois premières invites ont, dans l'intervalle, trouvé réponse dans un rapport faisant suite à une motion légèrement antérieure. Vous trouverez cette réponse dans les extraits demain.
Je tiens tout de même à dire quelques mots sur les normes de construction. Il ne faut ni être méprisant à l'encontre de tel ou tel trouble auditif ou visuel... (Brouhaha.)...ni être complètement crispé sur la rigidité néostalinienne qui pouvait prévaloir lorsqu'il fallait 100 mètres carrés ressemblant à tous les autres 100 mètres carrés du monde destinés aux personne âgées. L'équilibre que nous avons trouvé tourne autour d'un projet institutionnel dont la valeur est réelle et qui doit être entouré de normes architecturales lui correspondant. Des patients souffrant de la maladie d'Alzheimer n'ont pas besoin d'une architecture comparable à celle de personnes ayant vécu toute leur vie dans un milieu d'une autre nature et ne souffrant pas de troubles de la cognition. Il faut être souple. Tout le monde n'a pas non plus voulu habiter dans le même appartement à l'âge adulte lorsqu'il a fallu choisir. Il faut donc, là aussi, garder un tout petit peu de variété de manière à permette aux unes et aux autres - aux unes, hélas, plus souvent, puisque, ayant le privilège de vivre dix ans de plus que les hommes, les femmes sont largement surreprésentées dans les EMS - de se sentir chez soi, puisque l'EMS est un lieu de vie. Ce travail a, je crois, été fait, et il est maintenant relativement opérationnel.
La question posée par la quatrième invite que nous propose la motion des Verts a été abordée au Conseil d'administration des Hôpitaux, et elle a immédiatement suscité une opposition extrêmement forte, en particulier de la part des membres du personnel des HUG. Ces derniers n'imaginent pas qu'il y ait, à l'intérieur des murs des HUG, des lits qui fonctionneraient comme des structures EMS. Et pourtant, il y a, jour après jour, entre deux cents et deux cent cinquante personnes qui attendent une place dans un EMS et qui, idéalement, devraient s'y trouver. Une négociation doit donc être entamée avec le personnel des HUG pour qu'à la fois ces personnes en attente d'une place d'EMS l'attendent dans les conditions d'un lieu de vie - et non dans les conditions d'un lieu d'hospitalisation - et que le personnel comprenne que, pour ces patients, il s'agit d'une plus-value plutôt que d'une réduction. Cet équilibre, nous devrons le trouver, nous devrons le négocier.
J'accepte quant à moi bien volontiers cette motion, car elle nous forcera à réfléchir sur ces structures d'interface dont vous savez bien qu'elles sont d'autant plus difficiles que, prises pour chacune d'entre elles, elles sont les meilleures du monde mais que, lorsqu'elles sont les meilleures du monde, elles ignorent le reste du monde. C'est pour cela que nos interfaces sont aussi faibles alors même que chacune de nos structures est aussi forte. Ce sera un lieu utile pour négocier et travailler sur cet interface, tout comme cela l'est, Monsieur Charbonnier, de travailler sur l'interface d'une personne suffisamment âgée pour se sentir peu sûre et imaginer vivre dans un appartement, d'une part plus petit que celui qu'elle occupe, d'autre part mieux surveillé, avec un encadrement de la FSASD ou d'un gérant social - c'est ce que l'on appelle les D2 - sans pour autant vouloir faire le pas d'aller dans un EMS. Dans ces EMS, à force, les conditions sont presque devenues des conditions d'hospitalisation, puisque la plupart des personnes qui y entrent le font à un âge très avancé - plus de 82 ans - et avec des amputations très sévères de la vie quotidienne puisque leurs besoins en soins sont considérables. Là encore, ce double deuil qui voudrait que l'on soit victime d'un pépin et que l'on passe de chez soi à un EMS est parfois utilement tempéré, d'après les personnes âgées, par un premier deuil - à savoir, celui de sa vie d'adulte et, parfois, de sa vie de couple pour s'installer dans un endroit un peu plus sûr avant, le cas échéant, si le handicap devait survenir, d'entrer dans un EMS. Nous aurons l'occasion de vous produire un rapport allant dans ce sens, et ce dans un délai relativement bref, pour que vous voyiez comment nous pensons organiser ces interfaces ou ces articulations entre les différentes structures dont nos anciens bénéficient.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets donc aux voix le renvoi de cette proposition de motion à la commission de la santé.
Des voix. A la commission des affaires sociales !
La présidente. M. Roulet avait proposé le renvoi, soit en commission de la santé, soit en commission des affaires sociales. Vous préférez un renvoi à la commission des affaires sociales, Monsieur le conseiller d'Etat ? (Approbation de M. Unger.)Je mets donc aux voix le renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires sociales.
Mis aux voix, le renvoi de cette proposition de motion à la commission des affaires sociales est adopté par 29 oui contre 23 non et 1 abstention.