République et canton de Genève

Grand Conseil

M 1467-A
Rapport de la commission des affaires sociales chargée d'étudier la proposition de motion de Mmes et MM. Alexandra Gobet Winiger, Sami Kanaan, Véronique Pürro, Charles Beer, Thierry Apothéloz, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Sylvia Leuenberger relative à la création d'une spécification administrative des avances AI, distincte de l'assistance publique cantonale

Débat

La présidente. Monsieur Froidevaux, avez-vous quelque chose à ajouter à ce rapport ?

M. Pierre Froidevaux (R), rapporteur ad interim. Je dois reconnaître que votre rapport est fort bien fait, chère Présidente, mais je me permets tout de même de m'adresser à mes chers collègues pour préciser quelque peu le cadre de cette motion.

Cette motion, écrite par notre regrettée Alexandra Gobet Winiger, traitait d'un sujet à la fois délicat et important: la situation financière des personnes en attente d'AI qui doivent se tourner vers l'Hospice général pour bénéficier d'une aide jusqu'à ce que leur cas soit statué par l'office AI. Il faut savoir qu'une rente AI est plus favorable qu'une rente sociale. Il y a donc là un différentiel qui rend la situation des personnes en attente AI délicate durant une période qui peut durer de plusieurs mois à plusieurs années.

Mme Gobet Winiger souhaitait que l'Hospice général vienne en aide à ces personnes en leur garantissant le revenu prévu par cette rente AI. La commission des affaires sociales n'a pas pu entrer en matière sur cette motion, car cela présuppose que nous décidions d'avance que la personne n'est pas soumise à un régime d'assistance, mais directement à une décision AI. Le parlement ne pouvant disposer de ce type de compétences, nous ne pouvons que vous recommander le refus de cette motion.

Cette motion a malgré tout le mérite d'attirer l'attention sur un débat très important. Il faut comprendre que sortir de l'assistance - ce qui se fait de manière majoritaire par le biais d'une rente AI - permet aux personnes ne pouvant plus bénéficier d'une situation sociale par le biais du travail de jouir d'une situation plus favorable. Là, je rends l'ensemble du parlement attentif au fait qu'il s'agit d'un phénomène de société dont nous aurons encore souvent l'occasion de parler, car la situation en la matière devient de plus en plus préoccupante.

Pour le moment, je vous recommande de voter les conclusions de ce rapport et, partant, de ne pas tenir compte de la motion 1467 rédigée par feu notre collègue Alexandra Gobet Winiger.

La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. La parole est à Mme la députée Pürro.

Mme Véronique Pürro (S). Le groupe socialiste a longuement hésité à déposer un rapport de minorité pour plusieurs raisons. Comme l'a rappelé M. le rapporteur Froidevaux, c'est notre collègue Alexandra Gobet Winiger qui, dans sa pratique d'avocate à Caritas, nous avait parlé des situations qu'elle était amenée à défendre. A son sens, le problème ne résidait pas forcément dans le point évoqué par M. Froidevaux - à savoir, le différentiel entre l'assistance publique et les éventuelles prestations à l'assurance-invalidité et à l'assurance-chômage - puisque cette problématique a surgi en cours de traitement de la motion. La problématique que relevait Mme Gobet Winiger à l'époque où elle a déposé cette motion, c'était celle des conséquences de l'assimilation des bénéficiaires de l'assistance publique en attente d'une décision AI à des assistés, notamment dans le cadre d'une demande d'aide au logement. C'est bien là le problème que la motion soulevait - puis, en cours de traitement, il est apparu que la question du différentiel constituait un problème supplémentaire.

Si nous avons finalement renoncé à déposer un rapport de minorité, c'est qu'en cours de traitement nous avons pu observer que l'OCAI - qui, au moment du dépôt de la motion, souffrait d'un retard de traitement considérable - était en passe de résorber ce retard. Cela rendait les conclusions de l'invite moins intéressantes, puisque le nombre de personnes concernées par la motion était en passe de diminuer.

Cette motion ayant été déposée il y a maintenant plusieurs mois et étudiée encore plusieurs mois au préalable, ce qui me semblerait intéressant, c'est que, puisqu'il est encore parmi nous, M. Unger nous expose la situation actuelle... (Manifestation dans la salle.)S'il vous plaît, chers collègues, je parlais de l'heure ! Je pense que M. Unger ne m'en voudra pas, car telle était ma réelle intention ! Je vous ferai en effet remarquer qu'il est 22h40 et que, sur sept conseillers d'Etat, M. Unger est le seul à être parmi nous... (Ton amusé.)

Une voix. Bravo !

Mme Véronique Pürro. Ne me prêtez donc pas des intentions qui n'étaient pas les miennes ! Je disais donc que, après plusieurs mois d'attente de traitement de cette motion, il serait intéressant que M. Unger nous expose en quelques mots la situation actuelle en matière d'attente de dossiers AI. C'est tout ce que je voulais dire.

En conclusion, je pense que les souhaits de notre collègue Alexandra Gobet Winiger sont en passe d'être réalisés - et cela me réjouit.

Mme Jocelyne Haller (AdG). La motion 1467 avait, entre autres, l'ambition d'exposer la problématique des faibles montants d'assistance et, surtout, la stigmatisation dont sont victimes les personnes au bénéfice de prestations d'assistance dans l'attente d'une décision de l'office AI. Outre ce constat - que nous partageons - cette motion présente malheureusement de graves défauts.

Tout d'abord, elle demande que les individus en attente AI reçoivent des montants d'aide plus élevés que les autres personnes au bénéfice de prestations d'assistance - comme si certaines détresses devaient être mieux cotées que d'autres. Or, cela pose un problème incontournable. Deuxièmement, cette motion comporte un certain nombre d'erreurs qu'il est important de relever ici, notamment l'incompatibilité relevée entre prestations d'assistance et allocation au logement. Or, la réalité veut que ces prestations ne soient pas incompatibles: elles sont, au contraire, subsidiaires l'une à l'autre. Enfin, solliciter des prestations AI ne veut pas forcément dire obtenir des prestations AI. On l'a vu: dernièrement, la chronique s'est quelque peu agitée sur ces questions.

Pour en terminer, dans le contexte de l'époque - à savoir, les difficultés de l'AI à traiter les demandes des prestations dans des délais décents - les intentions des motionnaires étaient certes louables, mais le vecteur choisi était particulièrement inopportun, car portant en lui le germe d'une inéquité de traitement politiquement et déontologiquement inacceptable. C'est pour ces motifs que nous vous invitons à suivre les recommandations de la commission. Je pense qu'il était important de rappeler ces éléments.

La présidente. Merci, Madame la députée. Monsieur le conseiller d'Etat Unger, souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Il me semble que tout - ou à peu près - a été dit. Cette motion posait effectivement un problème de nature circonstancielle dans la mesure où elle a été déposée à un moment où l'office AI était en particulièrement mauvais état, puisque c'est plusieurs milliers de dossiers de plus de deux ans qui se trouvaient accumulés dans les services. Depuis, Dieu merci, la situation s'est très significativement améliorée et, selon le président de l'office cantonal des assurances sociales, ce sont moins de deux cents dossiers de plus de deux ans qui sont actuellement traités par les cantons ayant eu la gentillesse de nous aider.

L'autre observation faite par Mme la députée Haller est importante aussi. Présumer qu'il faut pratiquement encourager les gens arrivant à l'assistance à déposer une demande AI pour obtenir des montants supérieurs est en effet, de mon point de vue, une absurdité. L'idée était compréhensible, mais abordée par le mauvais bout. Quant à dire qu'il y avait un problème avec le logement, ce n'était pas le cas.

On y verra plus clair lorsque votre parlement aura adopté la loi sur le revenu déterminant unifié, qui permettra de hiérarchiser les prestations en tenant compte, à chaque étape, des prestations préalablement reçues. C'est de cet ordre dont nos citoyennes et citoyens ont besoin pour retrouver, je l'ai dit plusieurs fois et je le répéterai encore, à défaut d'une joie immense à être contribuables, du moins, le sens de la contribution. Car c'est dans ce désordre que s'est peu à peu induite la méfiance des contribuables qui menace ceux devant pouvoir bénéficier d'une aide sociale généreuse. Nous devons ensemble penser à ces éléments de manière à éviter une fracture qui serait d'un tout nouvel ordre et qui me paraîtrait particulièrement odieuse: la fracture entre ceux qui contribuent et ceux qui reçoivent. Ils doivent être solidaires, et non adversaires ! (Applaudissements.)

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Je mets aux voix les conclusions de la commission des affaires sociales, à savoir le rejet de cette proposition de motion.

Mises aux voix, les conclusions de la commission des affaires sociales (rejet de la proposition de motion) sont adoptées par 31 oui et 14 abstentions.

La présidente. La proposition de motion est par conséquent rejetée. Nous passons maintenant au point 31 de l'ordre du jour... (Protestations.)Il n'est pas encore 23h ! La dernière fois, vous avez regretté que nous n'ayons pas continué jusqu'à 23h ! Nous traitons donc le point 31 de l'ordre du jour, à savoir la motion 1594.