République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du jeudi 17 mars 2005 à 17h
55e législature - 4e année - 6e session - 29e séance
RD 570
La présidente. Nous avons reçu un courrier de notre collègue M. Bernard Lescaze nous informant de sa décision de démissionner de son mandat de député avec effet à l'issue de notre séance de 17h, aujourd'hui. (Commentaires.)Je prie Mme la deuxième vice-présidente de bien vouloir donner lecture de ce courrier. Courrier 1978
La présidente. Il est pris acte de cette démission.
M. Bernard Lescaze a été élu en 1993, réélu en 1997 puis en 2001; il arrive donc presque au terme de trois années de législatures.
M. Lescaze assura un nombre prestigieux de présidences de commissions. Nous pouvons citer notamment:
En 1993-1994, président de la commission des pétitions;
En 1995-1996, président de la commission judiciaire;
En 1997-1998, président de la commission de l'enseignement supérieur;
De 1997 à 1999, président de la commission législative pour un long mandat;
En 1999-2000, président de la commission des finances;
En 2001-2002, à nouveau président de la commission judiciaire, et, actuellement, il est une nouvelle fois président de la commission législative. Chacune et chacun de nous a pu constater le grand intérêt que M. Bernard Lescaze porte à notre République et aux travaux du Grand Conseil, et nous le remercions vivement pour son engagement remarquable. Il faut relever ici que sa grande connaissance de la technique législative et de tous ses rouages a été très précieuse pour notre Parlement, et particulièrement estimée lors de son mandat présidentiel. Il fut, nous nous en souvenons tous, vice-président du Grand Conseil en 2001-2002 et président en 2002-2003. Notre sautier, Mme Maria Anna Hutter, souhaite ici le remercier et souligner qu'elle a beaucoup apprécié de travailler avec lui pendant son mandat présidentiel. Nous savons également que sa grande expérience politique lui confère autorité, et que toutes ses qualités édifiantes ont pu être reconnues par toutes et tous. Il a été conseiller municipal à la Ville de Genève et président du Conseil municipal entre 1995 et 1996. Nous ne pouvons parler de notre ami Bernard Lescaze sans citer sa grande érudition, son éclectisme et ce qui le distingue le mieux: son savoir d'historien. Il le dispense avec enthousiasme et talent, ce qui donne à chacune de ses narrations un plaisir savoureux et rare. Nous ajoutons qu'il est aussi titulaire d'une licence en lettres et d'une licence en droit, qu'il est chargé de cours, et qu'il a publié de nombreux ouvrages. Nous le félicitons de son élection dans la magistrature en qualité de juge, poste pour lequel il prêtera serment ce soir. Nous sommes convaincus que ses qualités de juriste seront appréciées et qu'il trouvera dans l'exercice de ses nouvelles fonctions beaucoup de satisfaction - c'est, très sincèrement, cher Bernard, ce que nous vous souhaitons. En lui réitérant nos remerciements pour sa présence fidèle dans cette enceinte, nous lui remettons le traditionnel stylo souvenir. (Longs applaudissements. La présidente descend de l'estrade et embrasse M. Lescaze.)
M. Hugues Hiltpold (R). L'honneur m'échoit de m'associer à vos propos et de faire l'éloge de notre collègue et ami, Bernard Lescaze. Je voudrais rappeler, comme vous l'avez fait, que Bernard a fait toutes ses études à Genève, qu'il a obtenu un certificat de maturité en 1965 au collège Calvin, une double licence en lettres et en droit en 1969, puis finalement un certificat d'études supérieures en histoire, en 1971. Il deviendra, par la suite, chargé de cours à l'IES, puis maître-assistant aux universités de Genève et Lausanne. Mais sa réelle passion, celle de l'Histoire bien entendu, le conduit à devenir président de la Société auxiliaire des archives de l'Etat.
Son parcours politique est exemplaire. Entré au parti radical genevois en 1977, Bernard Lescaze occupera un certain nombre de postes politiques, tous aussi importants les uns que les autres. Passionné de lettres, il devient, tout d'abord, rédacteur en chef de l'organe de presse du parti radical «Le Genevois», et ce, pendant deux ans. Il parfait ses études et ses connaissances en économie et en finances publiques pour se retrouver, dès 1983, administrateur de la Banque cantonale de Genève, où il siège encore aujourd'hui.
Très vite, il gravit les échelons et se retrouve conseiller municipal de la Ville de Genève, dès 1987, pour accéder, en 1995, au perchoir de ce Conseil. Sa capacité à mener les débats, de tempérer quelque fois les esprits agités et vagabonds est saluée par toutes et tous. Sa soif de servir le bien commun ne s'arrête pas là: en 1993, il devient député sous le gouvernement monocolore.
Durant douze ans, il siège dans de nombreuses commissions et en préside plusieurs. Mme la présidente en a donné la liste. Il a fait un certain nombre d'expériences qu'il a pu développer pendant toutes ces années, notamment dans le domaine des finances publiques. Il a une acuité toute particulière à trouver des économies là où on peut encore en trouver, sans que l'appareil étatique s'en trouve par trop meurtri.
Ce passionné d'histoire est une encyclopédie à lui tout seul, ce qui ne l'empêche pas de publier de nombreux ouvrages sur la vie publique genevoise. A noter qu'en 2002, alors qu'il était président de notre Grand Conseil, il trouve encore le temps de publier un livre racontant la vie des Genevois au temps de l'Escalade de 1602, ouvrage que je vous recommande, soit dit en passant, à toutes et à tous.
Aujourd'hui, Bernard nous quitte pour changer de pouvoir. Du législatif où il aura passé près de trente ans, entre le parlement de la Ville et celui du canton, il accède au pouvoir judiciaire, où ses excellentes connaissances de droit feront de lui un bon juge assesseur.
C'est avec une certaine émotion que le groupe radical prend acte de la démission de Bernard Lescaze. On ne peut que regretter la perte que représente son départ, tant pour la qualité des débats que Bernard nous a fait partager dans cette auguste assemblée, que pour sa facilité à s'exprimer sur n'importe quel sujet avec pertinence, ce qui n'est manifestement pas le cas de bon nombre de ses collègues. C'est un grand monsieur qui nous quitte et une page qui se tourne pour ce parlement, tant Bernard, personnage haut en couleurs, aura marqué de son empreinte la vie politique genevoise.
Je voudrais rendre hommage publiquement à Bernard au nom du groupe parlementaire radical et au nom des citoyens qui ont apprécié son activité politique au sein de ce Conseil, et saluer l'humanisme de ce radical convaincu. Nous lui présentons tous nos voeux pour la suite de sa carrière politique qui semble encore bien loin de se terminer.
Je voudrais terminer mon hommage par une citation de Jean Rostand, qui fut biologiste, moraliste et historien, qui affirmait «qu'il est plus facile en politique d'être prophète que juge».
Nous avons connu le prophète, nous nous réjouissons de découvrir le juge, et de souhaiter la bienvenue à notre nouveau collègue Ernest Greiner, radical, lui aussi, de longue date, puisqu'il siège depuis de nombreuses années au Conseil municipal de Vernier. Je vous remercie de votre attention. (Applaudissements.)
M. Robert Iselin (UDC). Quand on débarque dans une assemblée comme celle-ci, aussi honorable, brusquement, à un moment où l'on ne s'y attend pas, on regarde à gauche et à droite, on écoute... Et il faut dire que, très rapidement, Bernard Lescaze en était un, pas le seul, mais un qui est vraiment sorti du lot. Je serai bref.
Cher Bernard, j'aimerais vous remercier - si vous acceptez les remerciements de quelqu'un que vous avez amicalement une fois, dans un moment d'emportement, traité d'anarchiste - de votre contribution et de la manière magnifique dont vous possédez la langue française. C'est un véritable plaisir de vous écouter et de constater avec quelle habileté vous arrivez à résumer de nombreux points difficiles. Bonne chance dans votre nouvelle carrière ! Bonne chance de la part du groupe UDC ! (Applaudissements.)
M. Guy Mettan (PDC). Merci, Madame la présidente, de me laisser la parole pour honorer mon collègue député Bernard Lescaze.
En effet, il se trouve que le groupe PDC, très partiellement, et moi-même, pour une grande part, avons une dette à l'égard de M. Lescaze. (Commentaires.)Je dirais même une double dette.
Maintenant que notre déjà regretté collègue s'apprête à quitter la carrière législative pour entamer une carrière judiciaire, qui s'annonce déjà brillante, j'aimerais m'acquitter de cette double dette. Je sais gré d'ailleurs à M. Lescaze de n'avoir ni entamé de poursuites à mon égard ni - n'en déplaise à M. Pagani - sollicité l'office des poursuites, et je tiens à le remercier, d'ores et déjà. Je pense, en effet, que l'on s'enrichit en s'acquittant de son dû, et c'est ce que je souhaite faire maintenant !
J'ai d'abord une dette symbolique, parce que, hier, à la commission des finances, M. Lescaze, en la quittant, a adressé à chacun de ses membres, un mot attentif, et a décerné à chacun une monnaie correspondant à sa personnalité ou activité.
Or, il se trouve que j'ai été honoré du Croisat, qui est une monnaie d'or gênoise - je l'ignorais - de grande valeur à l'effigie de la Sainte Vierge sur l'une des faces ! (Rires.)J'ai été très honoré. Mais, me sentant encore plus endetté à l'égard de mon ami Bernard, je souhaite réparer cela de la manière que vous comprendrez tout à l'heure.
L'autre dette est une dette morale. Il se trouve qu'il y a deux ans, Bernard Lescaze avait quasiment failli concourir avec moi sur la même liste à la magistrature de la Ville, et des circonstances tout à fait indépendantes de sa volonté - je dois l'avouer - l'ont privé du plaisir d'être avec moi sur la liste.
A ce titre, je souhaiterais quand même réparer, disons... cette déception. Je sais qu'il m'a déjà pardonné, parce qu'aux rancunes des politiciens il a préféré la distance de l'historien et la magnanimité du philosophe. Mais, enfin, je souhaite tout de même l'honorer, et je vais donc lui offrir une piastre de commerce, frappée en 1896 par la République française et qui circulait en Indochine. Je l'ai rapportée d'un voyage et je vais la lui donner parce que je suis sûr que ce petit viatique lui portera bonheur dans sa carrière future. (M. Guy Mettan remet la pièce de monnaie à M. Bernard Lescaze. Applaudissements.)
M. David Hiler (Ve). M. le député Lescaze, nous le savons tous, est un grand orateur. C'est quelqu'un qui est capable d'interpréter n'importe quel thème. Et cela le pousse, évidemment, comme chacun de ceux - assez rares finalement - qui sont capables d'un tel exploit, à parler de temps en temps de ce qu'il ne connaît pas en se disant que personne ne le verra. Et avec raison, parce que, généralement, nous ne l'avons pas vu ! De sorte que nous gardons l'idée d'une personne qui non seulement s'exprimait bien mais connaissait bien ses dossiers.
On a déjà parlé de cette capacité d'expression orale; quant à moi. je reste persuadé que le plus beau chez M. Lescaze, c'est sa plume ! Parce que ses rapports restent des modèles pour nous tous et que la manière dont il sait tourner les phrases et faire tourner ses adversaires en bourriques sur une feuille de papier doit être soulignée ici.
Bernard et moi, nous nous connaissons très bien. Outre le fait que nous avons siégé ensemble au Conseil municipal, de 1987 à 1991, et, dans ce Grand Conseil, de 1993 à 2005 - en somme, nous aurons eu une très longue période commune, même si je suis arrivé un peu plus tard et s'il part un peu plus tôt - nous nous connaissons fort bien, parce que nous avons enquiquiné un grand nombre de gens dans notre capacité à ralentir l'écriture d'un livre d'histoire collectif... (Rires.) ... puisque, évidemment, les politiciens sont occupés, qu'il n'y a en réalité rien de plus antinomique que le travail de politicien, qui est immédiat et rapide, où il faut réagir et répondre tout de suite, et celui d'historien, où il faut pratiquer l'immersion et jouer les éponges - assez longuement ! De sorte que, finalement, si nous n'avons pas saboté beaucoup d'ouvrages, nous avons donné beaucoup de cheveux blancs à leurs commanditaires !
C'est donc avec une certaine émotion, personnelle cette fois, que je me remémore l'un peu plus jeune et un peu plus fringant jeune capitaine de Guy-Olivier Segond, que j'ai rencontré au Municipal après avoir aussi partagé quelques agapes de jeunes - historiens toujours - et qu'en mon nom personnel - mais je n'aurais pas fini tout à l'heure - je lui dis: bonne chance et bravo !
Et au nom du groupe des Verts ? Je veux dire à Bernard que l'on a parlé monnaie, hier, c'est vrai. Parlons médaille. Toute médaille a son revers. Je n'aimerais pas qu'on limite l'image de Bernard à celle d'un premier de classe. Bernard, on le sait tous, est aussi un enfant, quelque part: il en a les colères, la bienveillance et la curiosité. C'est agréable. C'est un être sensible, et cette sensibilité est parfois exacerbée... Alors, qu'il nous pardonne, puisqu'il sait que nous l'aimons, de garder, en dehors de quelques belles prises de parole et de quelques blessures d'ego - que nous avons pu subir quand, précisément, il nous a fait tourner en bourrique - quelques images, où M. Lescaze, fou de rage, se précipitait vers la présidence pour lui dire son fait, sous les cris amusés du groupe des Verts: «Ber-nard, Ber-nard» ! (Rires.)
Et ceci, cette touche humaine, fait que vous n'êtes pas seulement un bon politicien, un brillant sujet, mais un vrai personnage de cette République. Continuez, il vous en reste un bout à faire, et soyez un juge débonnaire ! Bravo et merci ! (Applaudissements.)
M. Mark Muller (L). Mesdames et Messieurs les députés, c'est avec beaucoup de plaisir que le groupe libéral s'associe à l'hommage et aux louanges adressées ce soir à Bernard Lescaze. J'ai eu le privilège et le plaisir de siéger avec toi, Bernard, non seulement dans cette enceinte, mais également au sein du Conseil municipal, et je puis dire que les libéraux, pendant toutes ces années, ont pu avoir en toi un interlocuteur extrêmement valable, très proche, avec lequel il a souvent été très facile de discuter et de trouver des points de convergence. Je tenais, ici, au nom du groupe libéral, à t'en remercier très chaleureusement.
Bernard Lescaze nous quitte ce soir par la grande porte, mais rassurez-vous, il va nous rejoindre dans quelques minutes, par la fenêtre, si j'ose dire, puisqu'il va prêter serment pour ses nouvelles fonctions d'assesseur à la Chambre d'accusation, pour rejoindre le troisième pouvoir. Peut-être, Bernard, aurons-nous l'occasion de nous y retrouver, à titre professionnel, cette fois ! Je m'en réjouis déjà. Merci Bernard ! (Applaudissements.)
M. Bernard Lescaze (R). Madame la présidente, Mesdames et Messieurs, chers collègues, je suis tout à fait surpris de ces hommages. Je ne vais faillir à la réputation que vous voulez bien m'avoir prêtée en vous disant simplement merci: tout cela donnant le gosier sec, j'invite ceux qui le veulent à se rendre à côté pour boire à ma santé ! (Applaudissements.)
Des voix. Ber-nard ! Ber-nard ! (Bravos.)
La présidente. Je vous remercie de votre invitation, Monsieur le député !