République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 décembre 2004 à 14h
55e législature - 4e année - 3e session - 14e séance
PL 9391-A
Premier débat
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. Je crois que ce rapport n'est pas excellent, mais il est dans la moyenne et il se suffit à lui-même. (Exclamations. Commentaires.)Je dirai à M. Velasco, tirez le premier, si je survis à vos salves, je vous répondrai ! (Commentaires.)
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Ce projet de loi concerne le revenu des jeux de casinos. Le Conseil d'Etat avait eu la bonne idée et la vision d'affecter, à la prévention de la dépendance des joueurs compulsifs, dans le projet de budget, la somme de 900 000 F, sur les 8 millions que l'Etat recevra sur la fiscalisation de ces jeux. Cette affectation avait pour but d'aider les familles qui se trouvent dans des situations très difficiles lorsque l'un de leur membre s'adonne au jeu de manière excessive ou contracte des dettes de jeu.
Lorsque j'étais administrateur envoyé par une autorité publique, j'ai approché ces jeux et j'ai pu constater que leur présence engendre des situations extrêmement difficiles. En ce qui me concerne, je suis contre la présence de ces jeux. Mais, puisqu'ils existent et qu'ils rapportent à la collectivité, il est du devoir de cette dernière de se donner les moyens de mettre en place une politique de prévention et d'assistance.
L'assistance à ce problème ne concerne pas seulement les casinos. Pour un autre projet de loi, nous avions reçu, en commission, des personnes membres d'une association qui, en l'occurrence, investissent dans ce domaine, et qui nous avaient dit que la loterie, les cartes et toutes sortes d'autres jeux sont susceptibles d'engendrer une addiction.
La somme de 900 000 F nous semble être plus qu'honnête. Cela ne veut pas dire que ces 900 000 F auraient été dépensés. Cela dépendait du bon vouloir du Conseil d'Etat, à savoir si, parmi les projets soumis, il fallait investir cet argent ou pas. Cela dit, si le Conseil d'Etat a mis 900 000 F, c'est qu'il avait une raison. Je pense que le Conseil d'Etat a provisionné ce montant parce qu'il a fait une évaluation de la situation actuelle et de ce qu'il était logique de prévoir. La commission, pour sa part, a cru bon d'aller jusqu'à zéro. Elle a carrément coupé ces 900 000 F. Il y a ensuite eu des amendements et on est revenu à quelque chose de plus logique et de plus acceptable - je crois que l'on est arrivé à 200 000 F. En ce qui me concerne, Madame la présidente, je suis revenu avec un amendement dans mon rapport pour rétablir la somme de 900 000 F.
Je vous prie donc, Mesdames et Messieurs les députés, vu l'importance de ce projet de loi, vu l'obligation que nous avons de nous occuper de cette population - qui nous rapporte quand même 8 millions - de ne pas accepter le projet de loi tel qu'il est formulé et d'accepter mon amendement. Nous voterons tout de même l'entrée en matière, puisque nous avons tout avantage à ce qu'il y ait quelque chose dans ce domaine.
La présidente. Monsieur le rapporteur, si j'ai bien compris, vous dites que vous avez déposé un amendement pour revenir à une somme de 900 000 F ?
Une voix. Mais oui ! C'est dans le rapport !
La présidente. D'accord. Je ne suis saisie que de l'amendement de M. Mettan.
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Nous sommes frappés de la légèreté avec laquelle la majorité a bricolé ce budget et de ses rapports de majorité et, en l'occurrence, de celui-ci. Ici, c'est significatif, l'amendement voulu par la droite ne figure pas dans le projet de loi et la majorité, incohérente, oublie que le vote du projet de loi 8545 a voulu que l'Etat aide financièrement les associations mettant en place des programmes de prévention des pathologies liées au jeu. Pourquoi vouloir passer le montant dévolu à la prévention de 900 000 F à 200 000 F, alors que l'on sait que la pathologie du jeu affecte et risque d'affecter 2,5% de la population, ce qui est énorme ? On sait que cette pathologie augmente avec l'accroissement de l'offre. Genève est entourée de casinos et l'ouverture de nouveaux projets de maisons de jeux est programmée.
Diminuer la somme de 900 000 F à 200 000 F de façon aussi drastique, vu la modestie du montant initialement prévu, est significatif d'un aveuglement voulu par une attitude doctrinaire. On sait que la prévention est bien plus efficace, parce qu'intervenant en amont, et coûte bien moins cher à la société. Voilà un argument financier qui devrait convaincre tout le monde et tous vous inciter à voter le montant de 900 000 F à l'alinéa 4 de l'article 2.
M. Jacques François (AdG). Juste quelques mots pour demander que l'on n'oublie pas, en s'occupant de cette loi, qu'il y a actuellement, en commission fiscale, un projet de loi tendant à supprimer les taxes qui vont aux droits des pauvres sur ces loteries et dans les jeux. Par conséquent, en ce moment, on est en train de bricoler une loi et, par derrière, à la fiscale, il y a une autre loi qui tend à supprimer une partie énorme de l'impôt qui va au droit des pauvres. Je ne sais alors pas de quoi nous sommes en train de parler.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur de majorité. La majorité de la commission des finances est évidemment très sensible à la problématique de la pathologie des joueurs et elle est tout à fait d'accord que l'on s'attaque à ce problème. Simplement, comme cela est dit dans mon rapport, pour le moment, l'ensemble de ce budget dévolu à la lutte contre la pathologie du jeu s'élève à 180 000 F. Nous sommes tout à fait d'accord de le reconduire, nous proposons même d'apporter une augmentation de 20 000 F, pour obtenir ainsi la somme de 200 000 F, mais nous ne voyons pas la nécessité, pour l'instant, de dépenser 900 000 F à cet effet.
C'est pourquoi je vous demande - comme, en plus, il y a une petite erreur dans le projet de loi qui a repris le projet de loi original sans la mention des 200 000 amendée par la commission - Madame la présidente, de voter sur mon amendement pour que ça corresponde à la décision de la majorité de la commission. Après quoi, nous pourrons adopter le projet de loi définitif.
M. Jean Spielmann (AdG). C'est vrai, il y a un problème lié au jeu et il est nécessaire d'intervenir. Lorsque nous avons mis en place l'ensemble des dispositifs légaux qui permettent aux jeux de se développer - je pense aux bandits manchots et à tous les instruments qui permettent de jouer - nous savions que cela poserait des problèmes importants à une partie de la population qui s'adonne à ces jeux et qui connaît l'endettement et la misère sociale créée par cette activité. Nous sommes d'avis que ce sont les bénéfices de cette activité qui devraient payer les dégâts qu'elle cause, et non pas la fiscalisation, en augmentant les dépenses des autres contribuables. Il y a donc un problème de fond.
Pour le moment, c'est vrai, nous sommes en train de discuter, à la commission fiscale, de la suppression de la taxation du droit des pauvres sur ce type d'activité. Cela pose d'ailleurs un problème parce que l'on pourrait très bien imaginer que la taxation puisse être destinée à prévenir ce type de pathologies et leurs dégâts et que ceux qui engendrent les coûts soient aussi appelés à y participer - d'autant plus qu'ils font des bénéfices assez colossaux dans ce type d'activité, sans rien apporter à la société - cela me semblerait donc logique.
Aujourd'hui, on nous demande d'augmenter la participation, on nous demande même d'aller beaucoup plus loin; nous ne partageons pas cet avis. Le problème existe, mais on doit faire payer le contrepoids et le coût social qu'ils engendrent à ceux qui sont responsables et qui tirent bénéfice de cette activité.
Nous nous opposerons à la commission fiscale à la suppression du droit des pauvres, et nous présenterons, si nécessaire, un projet de loi qui vise à faire participer ceux qui tirent des bénéfices de ces activités pour qu'ils paient aussi les dégâts qu'ils provoquent.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Pour une question de procédure, le projet de loi dont nous sommes aujourd'hui en train de débattre a trait à une somme de 200 000 F. C'est exactement ce que la commission des finances du Grand Conseil a sorti de ses travaux. C'est la raison pour laquelle, Madame la présidente, je l'ai amendé à 900 000 F.
La présidente. J'entends bien, Monsieur le rapporteur.
M. Alberto Velasco. Cela est important parce que si nous votons d'abord l'amendement de mon collègue...
La présidente. Monsieur le rapporteur, je vous propose la solution suivante: puisque le texte qui est sur le pupitre de chaque député n'est pas juste, on va d'abord voter l'amendement de M. Guy Mettan, et s'il est accepté, nous voterons encore votre amendement de 900 000 F. Je ne peux pas faire autrement, parce qu'il y a une erreur de montant dans le texte.
M. Alberto Velasco. D'accord. Merci, Madame la présidente. Je poursuis quand même ? Oui. J'aimerais dire à mon collègue M. Spielmann que les 8 millions que l'Etat perçoit de ces jeux représentent tout de même une certaine fiscalisation. Cet argent est retiré du bénéfice des jeux, il n'est pas prélevé par le biais d'une taxe sur les joueurs. C'est sur le bénéfice total que réalise le casino que l'on retire 8 millions de francs. Vous dites que vous n'êtes pas d'accord de revenir à la somme de 900 000 F parce que, selon vous, il faut faire payer ceux qui empochent les bénéfices. Mais ces 900 000 F viennent justement des bénéfices issus des jeux. Je vous propose donc de voter la somme de 900 000 F à disposition - je dis bien à disposition - du Conseil d'Etat pour les besoins présents dans le cadre de la pathologie des jeux.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Nous avons déjà eu une partie de ce débat au mois d'avril de cette année et j'avais eu l'occasion de vous faire part de la préoccupation du Conseil d'Etat à l'égard des pathologies liées à l'addiction au jeu. A titre personnel - et là, je n'aimerais pas engager le Conseil d'Etat - j'avais eu l'occasion de vous faire part de mon aversion pour les jeux tout court et ces grands jeux d'argent qui sont des miroirs aux alouettes. (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Des miroirs aux alouettes parce que l'on n'y gagne jamais, sauf par exception. Mais comme on y devient addict, si j'ose dire, l'exception du gain ne vous pousse qu'à rejouer et donc, tôt ou tard, à tout perdre. Le tout, quels que soient les contrôles qui sont autour - contrôles qui sont financés par le canton, je vous le rappelle - parce que la police doit aussi s'occuper des casinos et que ce n'est pas une tâche tout à fait anodine, ni sans dépense de temps et d'énergie.
C'est évidemment la Confédération qui, pour l'essentiel, touche l'impôt. A cet égard, le Conseil d'Etat peut vivre avec l'amendement tel qu'il a été adopté par la commission des finances. Mais il n'est pas exclu que, s'il n'y avait pas un moyen d'identifier - soit de manière volontaire auprès des «casinotiers», soit par une voie un peu plus contraignante - la possibilité qu'au fond ils financent eux-mêmes la prévention du jeu pathologique, alors nous nous permettrions de revenir. Parce que le jeu pathologique est en augmentation constante. Des chiffres tout à fait clairs le démontrent soit de manière directe - c'est le cas de l'enquête Kunzi -; soit de manière indirecte - c'est le nombre d'appels destinés au 143, qui concernent le jeu pathologique -; soit d'une manière, plus indirecte encore, qui à trait à la volonté de nos voisins transfrontaliers - je pense au maire de Saint-Julien ou au maire d'Annemasse - d'inscrire cette problématique dans le cadre des travaux du CRFG pour sa commission sociale.
Alors, oui, à ce stade-là, nous pouvons vivre avec ce budget, puisqu'il correspond, avec une majoration de 10%, à celui qui a été dépensé l'année dernière. Mais nous nous autoriserons, au fur et à mesure que la construction des savoirs sera un peu plus performante autour de cette problématique, de revenir devant votre Conseil ou de l'informer de la spontanée et bienveillante attention que tel ou tel «casinotier» consacrerait à la prévention du jeu pathologique.
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Monsieur Spielmann, c'est une erreur ou c'est pour demander un vote nominal ?
M. Jean Spielmann. C'est pour un complément d'information, Madame la présidente.
La présidente. Il n'est pas usuel de prendre la parole après l'intervention du conseiller d'Etat.
M. Jean Spielmann (AdG). Il me semble important que l'on prenne en compte la possibilité que la loi fédérale a offerte... (L'orateur est interpellé.)Non mais j'interviens pour dire pourquoi nous votons contre l'augmentation. Nous sommes d'accord avec les propositions. Je voudrais aussi dire que nous ne pouvons pas nous contenter de la situation telle qu'elle est. Il y a un problème de fond.
La loi fédérale, telle qu'elle a été votée et mise en place, permet au canton de prélever un impôt sur les maisons de jeu et j'explique bien que la Confédération prélève un impôt de 40% et qu'elle encaisse cet impôt. Si nous mettons un impôt sur les maisons de jeux, il sera déduit de l'impôt fédéral. Cela signifie que tout l'impôt cantonal qui est pris ne va pas à Berne. Cela m'incite à dire ici que ce Grand Conseil serait bien inspiré d'examiner la situation, de mettre en place une loi qui permette de prélever l'impôt pour mettre en place les dispositifs et permettre le financement de ce type d'activités.
C'est ce que nous proposons dans cette loi et il faut que nous fassions un pas de plus pour financer la totalité via ce biais et non pas via la fiscalité. C'est pour cela que nous voterons ce projet de loi.
La présidente. Merci, Monsieur le député. Monsieur Glatz, c'est aussi pour un complément d'information que vous voulez intervenir ?
M. Philippe Glatz (PDC). Oui, Madame la présidente, parce que je crois qu'il est maintenant devenu usuel que l'on prenne la parole après le Conseil d'Etat et puis que l'on refasse le débat...
La présidente. Ce n'est pas du tout le cas. Vous n'aviez qu'à parler avant, Monsieur le député.
M. Philippe Glatz. En conséquence, si l'on accorde à M. Spielmann de refaire le débat, je voudrais bien, moi aussi, le refaire. Mais par égard pour le Conseil d'Etat, je me tairai. (Rires. Commentaires.)
La présidente. C'est une question d'usage, Monsieur Spielmann. Nous allons procéder au vote de prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 67 oui et 3 abstentions.
La présidente. Je vous ai expliqué que nous voterions sur les deux amendements pour que ce soit tout à fait clair.
Deuxième débat
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que l'article 2 (alinéas 1, 2 et 3).
La présidente. Nous sommes saisis d'un amendement à l'article 2 alinéa 4: «Cet impôt est affecté pour un montant maximum de 200 000 F à la prévention des pathologies liées aux jeux.»
Mis aux voix, cet amendement est adopté par 40 oui contre 28 non et 1 abstention.
La présidente. Nous allons maintenant procéder au vote de l'amendement proposé par M. Velasco. Monsieur le rapporteur, je vous passe la parole.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de minorité. Le président du département estime que la somme de 200 000 F pourrait convenir.
J'estime, pour ma part, qu'une année entière s'écoulera avant que nous ayons l'occasion de discuter d'un nouveau budget. Je suis prêt à ramener mon amendement à la somme de 500 000 F.
La présidente. Vous modifiez donc votre amendement, Monsieur le rapporteur. Je vais mettre aux voix l'amendement proposé par M. Velasco. Je vous le relis... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)...si vous voulez écouter l'explication, faites un peu de silence ! Donc article 2 alinéa 4 (nouvelle teneur) proposé par M. Velasco: «Cet impôt est affecté pour un montant maximum de 500 000 F à la prévention des pathologies liées aux jeux.»
Mis aux voix, cet amendement est rejeté par 43 non contre 31 oui.
Mis aux voix, l'article 2 ainsi amendé est adopté, de même que l'article 4.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que les articles 2 et 3 (soulignés).
Troisième débat
La loi 9391 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9391 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 56 oui contre 5 non et 13 abstentions.