République et canton de Genève

Grand Conseil

PL 9419-A
Rapport de la commission des finances chargée d'étudier le projet de loi du Conseil d'Etat ouvrant un crédit de fonctionnement de 1'000'000F en 2005 et 2006 au titre de subvention cantonale annuelle pour la Fondation de droit public du musée d'art moderne et contemporain - Fondamco

Premier débat

M. Pierre Weiss (L), rapporteur. Dans la saga du Mamco, j'aimerais aujourd'hui me réjouir du fait que, par ce projet de loi, nous consacrons l'existence d'un partenariat entre la ville, le canton et les mécènes privés. J'en suis personnellement très heureux. C'est pour cette raison que j'espère que ce projet de loi sera adopté par notre parlement.

M. Christian Brunier (S). Ce n'est pas tous les jours que le parti socialiste le fait: j'aimerais féliciter et remercier les banquiers privés genevois.

Une voix. Ah ! (Commentaires satisfaits. Applaudissements.)

M. Christian Brunier. Vous vous demandez certainement pourquoi les socialistes remercient-ils les banquiers genevois. Tout simplement parce que ces derniers ont fait évoluer la droite par rapport au Mamco. Il y a une année, en sortie de commission, M. Weiss essayait de couper la subvention...

Une voix. C'est faux !

M. Christian Brunier. ...du Mamco. Ensuite... (Exclamations. Protestations.)...il y avait eu des pressions, bien sûr, sur le parti... (Brouhaha.)...et cela avait permis de voter la subvention. (La présidente agite la cloche.)

La présidente. Voulez-vous faire silence, s'il vous plaît ! Voulez-vous faire silence, s'il vous plaît ! Monsieur Brunier, attendez, s'il vous plaît !

M. Christian Brunier. Je continue. Dès que le rapporteur de majorité se sera calmé, je continuerai. (Rires.)

M. Pierre Weiss. Je ne suis pas rapporteur de majorité, je suis rapporteur.

M. Christian Brunier. Tout à fait !

M. Pierre Weiss. Vous avez de la peine à savoir lire.

La présidente. Monsieur le rapporteur, laissez parler M. le député Christian Brunier. Vous reprendrez la parole après.

M. Christian Brunier. Je me réjouis quand même de cette position, puisque le Mamco est un musée d'art moderne qui marche vraiment bien. Proportionnellement au bassin de population, c'est un musée qui marche mieux que le Musée d'art moderne de Lyon - qui est pourtant très réputé. Je pense qu'il faut féliciter les gens qui gèrent ce musée du dynamisme qu'ils sont en train d'«impulser» au niveau de l'art moderne, à Genève. Cette année, ils ont franchi l'objectif des trente mille visiteurs. Je crois que nous pouvons tous nous en féliciter.

L'année passée, certains remettaient en cause la participation au Mamco, prétextant justement qu'il n'était pas assez visité. Pour un musée d'art moderne et contemporain, c'est un musée qui atteint tous les objectifs.

Néanmoins, le risque de coupe existe encore; pas pour cette année, mais pour les années à venir. En commission, certains ont voulu couper drastiquement la subvention. Il y a eu, entre autres, un amendement qui voulait faire passer la somme de 1 million à 100 000 F. Heureusement, une majorité s'est mobilisée et a pu sauver cette subvention qui reste néanmoins modeste, par rapport à l'influence qu'exerce ce musée sur l'art contemporain, au niveau régional. Nous nous en réjouissons et nous espérons que ce large soutien - tant mieux, Monsieur Weiss - pourra continuer les années prochaines.

M. Christian Bavarel (Ve). J'aimerais juste, dans le cadre des débats ayant trait au budget, souligner l'importance de la pérennisation. Nous faisons quelque chose d'important, en permettant à cette institution genevoise d'assurer sa pérennité. Cette formule, que nous sommes en train de mettre en place, consistant à soutenir cette institution - pour un tiers par l'Etat, pour un tiers par la Ville et pour un tiers par les privés - me semble intéressante.

Vous avez certainement pu constater la qualité des expositions, en ce moment. Je vous conseille en tout cas d'aller voir l'exposition de l'oeuvre de Fabrice Gygi, un artiste genevois qui présente quelque chose de remarquable. Son travail est spécialement remarquable pour nous, députés, qui devons établir la norme. Des artistes contemporains nous permettent de réfléchir sur notre travail. Cette manière différente de nous parler et de nous demander de nous interroger sur la vie de la cité et sur notre travail me semble essentielle pour continuer notre travail à Genève.

J'ai l'impression que nous avons enfin trouvé une solution à l'intérieur de ce parlement. Je vous en remercie et vous demande à tous de réserver un bon accueil à ce projet de loi.

Mme Salika Wenger (AdG). C'est définitivement une habitude des députés de s'autocongratuler. On est en train de dire: «On a fait un travail merveilleux.» On a donné ce misérable million au Mamco, en oubliant tout simplement que nous avons coupé les 250 000 F de la cellule pédagogique qui était la particularité du Musée d'art moderne et contemporain de Genève. Je suis un peu consternée que l'on ait oublié cet aspect des choses.

Il se peut que le Musée d'art moderne et contemporain vous semble suffisant tel qu'il est. La cellule pédagogique avait une fonction importante, qui était de rendre accessible la compréhension de l'art contemporain, de manière transversale à toutes les matières de l'enseignement. Vous n'avez pas jugé bon de rétablir les 250 000 F de cette cellule pédagogique, cela me désole.

Je reviens maintenant sur la loi que nous avons votée tout à l'heure. J'ai refusé de la voter parce que nous avons décidé de faire du Musée d'art moderne et contemporain une fondation de droit public, mais personne n'a discuté du fait que nous engagions le personnel avec des contrats de droit privé. Or je connais les difficultés d'un certain nombre de personnes travaillant déjà dans ce musée et je regrette que personne ne se soit élevé contre cela.

Cela dit, je vous remercie, pour ce misérable million, c'est très aimable. Néanmoins... (L'oratrice est interpellée.)Oui, parce que je crois que le degré de civilisation et l'importance d'un pays se mesurent à sa capacité d'investir dans la culture. On ne peut pas dire qu'il y ait eu de grands efforts faits à cet égard, dans le budget, cette année.

M. René Koechlin (L). Etant un des premiers adhérents à ce qui fut - et qui existe toujours, depuis des décennies - l'Amco, l'Association pour le musée d'art moderne, c'est bien en tant que soutien et partisan de l'art moderne en général, et en particulier dans notre société, que je prends la parole. (L'orateur est interpellé.)Oui, c'est ça, l'article 24 ! Je voudrais toutefois attirer votre attention, par le biais d'une anecdote, sur un phénomène auquel il m'a été donné d'assister quant au Mamco, le Musée d'art moderne de New York.

Une voix. C'est le MoMA.

M. René Koechlin. Le MoMA. J'ai assisté à une conversation entre mon patron de l'époque et Nelson Rockefeller qui étaient tous deux donateurs et représentaient un soutien efficace du Musée d'art moderne de New York. Mon patron se plaignait, disant: «J'en ai marre, chaque année, de devoir passer à la caisse.» Il le disait avec raison parce que ce musée était déficitaire. Nelson Rockefeller, dont le frère David était le patron de la Chase Manhattan Bank, lui a répondu: «David a eu une bonne idée.» Cette bonne idée consistait à dire: dans ce musée, deux choses fonctionnent et rapportent de l'argent. Le restaurant, au dernier étage, et la boutique, qui était grande comme le quart de cette salle, au rez-de-chaussée. L'idée de Rockefeller était de dire: «Développons ce qui rapporte de l'argent et qui permettra peut-être de combler le déficit de ce musée.» C'est ce qui a été fait. Dix ans plus tard, un article du «New York Times» disait: «The MoMA, le seul musée...» - je vous le dis en français - «...le seul musée qui fait du bénéfice.» Depuis, il y a trois restaurants dans le MoMA. Je vous le dis juste pour l'anecdote: ces restaurants ont un taux d'occupation de 370%, c'est-à-dire qu'un siège est occupé 3,7 fois par jour. Par ailleurs, la boutique occupe un espace équivalent à dix fois l'espace de cette salle. Résultat: depuis, ce musée n'a plus besoin de subventions, il fonctionne tout seul, fait même du bénéfice et s'étend, s'agrandit.

Je pense que nous devrions en prendre graine, Mesdames et Messieurs les députés. Parce qu'on peut payer un million chaque année pour ce musée, même davantage; mais je pense que si on avait un musée qui tournait tout seul, et qui n'avait pas besoin de subventions, il ne s'en porterait que mieux. Je vous ferai d'ailleurs remarquer, en passant, que le musée du Louvre a suivi l'exemple et que sa pyramide n'est rien d'autre qu'un développement commercial de l'accès à ce musée, qui fait qu'il n'a plus besoin des subventions de la Ville de Paris, depuis lors.

Je vous invite donc, et j'invite surtout les dirigeants de notre Musée d'art moderne à s'en inspirer en développant tout ce qui peut faire en sorte que cet établissement n'ait plus besoin de subventions mais qu'il soit au contraire bénéficiaire. C'est le voeu que je formule à l'occasion de ce débat.

M. Souhail Mouhanna (AdG). Mon intervention fait suite à ce que Mme Wenger vient de déclarer. Ma collègue a dit que personne n'avait relevé le fait que le statut du personnel était de droit privé, alors que la Fondation est, elle, de droit public.

Je voudrais simplement signaler à cette honorable assemblée que, en commission des finances, j'ai fait l'amendement qui consistait à remplacer le statut de droit privé, et les contrats afférents, par un statut et des contrats de droit public. Mon amendement a été accepté par 5 oui - 2 AdG et 3 socialistes - et refusé par les 10 autres membres de la commission, je tenais à le préciser.

M. Philippe Glatz (PDC). L'intervention de M. Koechlin est soutenue, pour le Mémorial.

En ce qui concerne le «misérable million», évoqué par Mme Salika Wenger, j'aimerais lui rappeler que ce sont environ 200 collaborateurs de la fonction publique, qui paient 5 000 F d'impôts, qui sont concernés. Il n'y a pas de «misérable million». (Quelques applaudissements.)

M. Pierre Weiss (L), rapporteur. A Mme Wenger, toujours, j'aimerais rappeler - et je le fais depuis une année mais, manifestement, elle a de la peine à m'entendre, surtout quand elle parle avec quelqu'un de l'assemblée - qu'il n'y a eu, l'an passé, aucune coupe en ce qui concerne le projet de loi concernant la cellule pédagogique et que, dans le million qui avait été voté, le montant de 250 000 F avait été expressément prévu pour la cellule pédagogique. Si celle-là, cette année, n'a pas donné toute satisfaction, cela est probablement dû à des décisions propres à la direction du musée et non pas à des décisions relevant du département de l'instruction publique. D'ailleurs, Monsieur le président du département de l'instruction publique sera à même de le confirmer dans son intervention, qui ne manquera pas de suivre.

L'intervention de notre collègue Koechlin a confirmé que l'Association des amis du Mamco, et donc le cercle des mécènes, est plus large que celui qui a été imaginé par un député qui s'est précédemment exprimé. Ce dernier a une conception caricaturale du soutien à l'art moderne et contemporain, à Genève.

Enfin, je me réjouis de ce que nous puissions aller de l'avant avec ce projet de loi. Il s'agit de montrer que, à Genève, nous sommes capables de faire autre chose que ce qui a récemment été fait à Berne, en matière d'art contemporain.

M. Charles Beer, conseiller d'Etat. Je souhaiterais attirer votre attention sur le fait... (M Beer éteint le micro de Mme Spoerri, qui, s'étant enclenché automatiquement, abaissait le niveau sonore. Hilarité générale.). Si j'ai pu avoir un doute, le voilà dissipé: ma collègue Mme Spoerri s'occupe bel et bien du département de justice et police et sécurité. (Rires.)Plus sérieusement, j'aimerais vous remercier, toutes et tous, principalement les députées et députés de la commission des finances, dans la mesure où nous avons pu travailler sereinement autour de ce projet qui visait à pérenniser la subvention au Mamco. J'aimerais relever que si, il y a encore quelques mois, il y a pu y avoir quelques dissensions quant à la manière d'intervenir, il y a, aujourd'hui, une large unité autour de la pérennisation de la subvention pour le Mamco.

En ce qui concerne la cellule pédagogique - n'est-ce pas, Monsieur Weiss, puisque vous m'avez interpellé sur ce point - vous avez raison: la disparition de la cellule pédagogique du Mamco est liée à deux éléments différents. Le premier concerne la subvention d'un million - dont 750 000 F pour le Mamco et 250 000 F pour la cellule pédagogique - votée l'année dernière, qui a valu, pendant la deuxième partie de l'année 2004, que le musée prenne la décision de renoncer à une partie de la subvention et à la cellule elle-même. Nous attendons des propositions de la part de la fondation, quant à l'avenir d'un certain nombre d'initiatives pédagogiques pour le musée, car l'on n'entre pas dans un musée d'art contemporain comme cela et il y a un besoin d'initiatives en la matière.

Cela dit, le département de l'instruction publique réfléchit, quant à lui, à la manière de pérenniser les cellules et les interventions pédagogiques dans l'ensemble des musées. Cela est donc également valable pour le Mamco. J'aimerais, à cet égard, rendre un hommage tout particulier à celles et ceux qui se sont occupés de cette cellule pédagogique qui a constitué une expérience unique en la matière. Il convient donc d'en assurer la trace et l'évaluation et nous serons probablement à même, au cours du premier semestre de l'année prochaine, de vous transmettre des informations détaillées sur le fonctionnement de ladite cellule pédagogique pour tirer les éléments essentiels afin d'intervenir de façon adéquate, par la suite.

En tous les cas, cela a été une expérience particulièrement riche, qui est arrivée au terme de son existence. Il convient aujourd'hui de la transformer.

Enfin, par rapport à celles et ceux qui se sont consacrés à cette mission particulièrement noble, il va de soi qu'un avenir, en termes contractuels, doit leur être trouvé au sein de l'Etat de Genève.

La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. La parole n'étant plus demandée, nous allons voter la prise en considération de ce projet de loi.

Mis aux voix, ce projet de loi est adopté en premier débat par 52 oui contre 9 non et 7 abstentions.

La loi 9419 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.

Mise aux voix, la loi 9419 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 53 oui contre 13 non et 4 abstentions.