République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 décembre 2004 à 10h15
55e législature - 4e année - 3e session - 13e séance -autres séances de la session
La séance est ouverte à 10h15, sous la présidence de Mme Marie-Françoise de Tassigny, présidente.
Assistent à la séance: Mmes et MM. Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat, Carlo Lamprecht, Laurent Moutinot, Robert Cramer, Micheline Spoerri, Pierre-François Unger et Charles Beer, conseillers d'Etat.
Exhortation
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, prenons la résolution de remplir consciencieusement notre mandat et de faire servir nos travaux au bien de la patrie qui nous a confié ses destinées.
Personnes excusées
La présidente. Ont fait excuser leur absence à cette séance: Mmes et MM. Bernard Annen, Marie-Paule Blanchard-Queloz, Blaise Bourrit, Thomas Büchi, Anita Cuénod, Antoine Droin, Jacques Follonier, Pierre Froidevaux, Christian Grobet, Nicole Lavanchy, Christian Luscher, Jacques Pagan, André Reymond et Pierre Schifferli, députés.
Annonces et dépôts
Néant.
La présidente. Mesdames et Messieurs les députés, nous reprenons notre débat sur le budget 2005.
Suite du deuxième débat
La présidente. Je vais reformuler, de la manière la plus didactique possible, la procédure concernant ce projet de loi. La commission a, dans un premier temps, déposé le rapport 9370-A. Puis, en date du 8 décembre, cette même commission des finances a déposé un deuxième rapport, le PL 9370-A-1. Nous ne pouvons pas modifier les travaux de la commission. Nous allons donc procéder à un deuxième débat sur ce PL 9370-A-1. D'accord ? (La présidente est interpellée.)Vous êtes d'accord, c'est très bien. J'en suis heureuse !
Nous traitons donc le PL 9370-A-1 en deuxième débat.
Mis aux voix, le titre et le préambule sont adoptés, de même que les articles 20, al. 3 (nouveau), 21, al. 1 (nouvelle teneur), 23, al. 2 et 5 (nouvelle teneur) et al. 7 (nouveau) et 28 «Changement de situation (alinéas 1 à 3 nouveaux, alinéas 1 à 3 actuels devenant 4 à 6; avec modification de la note)».
La présidente. Madame Haller, vous avez la parole.
Mme Jocelyne Haller (AdG). Il y a une question que je voudrais poser à M. Unger parce que je comprends finalement mal la portée de cet amendement. Le subside SAM se référait à la période fiscale et c'était cet élément qui était déterminant. Le droit était ouvert du 1er janvier au 31 décembre de l'année en cours. Il est bien fait référence à la période fiscale. En revanche, il est introduit ici, une notion qui, de mon point de vue, modifie considérablement la portée du subside à l'assurance-maladie, puisqu'il est dit que la personne doit informer le service de toute modification de situation et que d'éventuels subsides indûment perçus pourraient devoir être remboursés.
Cela signifie que le droit n'est plus ouvert du 1er janvier au 31 décembre de l'année en cours, sur la base de la référence fiscale du revenu imposable, mais bien qu'il y a une condition de revenus et de modification de revenus qui interviennent. J'aimerais une explication de M. Unger, parce que je pense que cela change considérablement la donne.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Vous avez raison, Madame la députée, de poser cette question. Il s'agit, en effet, de considérer que, pour les étudiants et/ou les apprentis - qui sont des ayants droits jusqu'à 25 ans - il n'est pas exceptionnel que le début d'une activité rémunérée ne se situe pas un 1er janvier. En d'autres termes, que l'on commence à gagner sa vie au 1er avril ou au 1er septembre. A ce moment-là, il faudrait le signaler, de telle manière que l'on puisse voir si, passant de l'absence de revenus ou de revenus extraordinairement modestes donnant droit aux subsides, le revenu issu d'une activité régulière - car il ne s'agit évidemment pas de pénaliser une activité de vacances, ce serait une absurdité complète - peut être pris en compte pour ne plus octroyer le subside, parce que, à l'évidence, le salaire régulier ferait que la personne sort des montants prévus pour l'octroi de subsides.
Mis aux voix, l'article 51, al. 4 «Disposition transitoire (nouvel alinéa) Modification du 17 décembre 2004» est adopté.
Mis aux voix, l'article 1 (souligné) est adopté, de même que l'article 2 (souligné).
La présidente. Le troisième débat est demandé. Madame la députée Schenk-Gottret...
Mme Françoise Schenk-Gottret (S). Je dois dire que nous avons beaucoup apprécié l'attitude du Bureau, qui a préféré recourir à la solution sage, par laquelle vous avez procédé.
Il s'agit là, de façon exemplaire, de l'effet préventif du droit de recours. Nos collègues au National feraient bien de s'en inspirer quand ils menacent le droit de recours des écologistes.
Troisième débat
La présidente. Merci Madame la députée. Nous sommes en troisième débat. Nous allons procéder au vote de ce projet de loi.
La loi 9370 est adoptée article par article en troisième débat.
Mise aux voix, la loi 9370 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 44 oui contre 35 non.
Premier débat
La présidente. Vous pouvez prendre en compte, dans la discussion, l'article 19 alinéa 3 du PL 9388-A. Je vous passe la parole, Monsieur le rapporteur, pour savoir si vous avez quelque chose à ajouter à votre rapport.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur. Je crois que le rapport est très clair. Il n'a pas fait l'objet de grandes discussions en commission des finances. Vous avez pu constater que le rejet de cette proposition a été accepté par 13 voix et 2 abstentions. Je crois qu'il n'y a pas lieu de prolonger la discussion ici, nous aurons amplement l'occasion d'y revenir lors de la discussion qui, je le pense, ne manquera pas d'avoir lieu lorsque nous examinerons le projet de budget et que nous passerons à l'article 19 alinéa 3.
M. Jacques Baud (UDC). Alors, ce projet de loi me fait grand souci car il touche les plus démunis d'entre nous.
Une voix. C'est pas ça.
M. Jacques Baud. C'est pas le... ? Ah bon, je parlerai donc plus tard.
Mme Laurence Fehlmann Rielle (S). Ce projet de loi et la discussion qui s'en est ensuivie à son sujet présentent une bonne illustration des contorsions que font l'Entente et l'UDC pour sortir de l'impasse budgétaire dans laquelle elles se sont elles-mêmes enfermées, ainsi que le Conseil d'Etat. M. Mettan l'a quand même relevé dans son rapport, il était effectivement inacceptable de contraindre les communes à passer à la caisse sans concertation préalable, au mépris des règles budgétaires que l'Etat leur impose, puisque les communes avaient déjà voté leur budget, on l'a déjà dit à plusieurs reprises. Le point d'accord avec M. Mettan s'arrête ici.
En effet, dans son rapport de majorité, il en profite pour illustrer, une fois encore, les savantes propositions de son parti concernant la FAS'e... (Applaudissements.) ...concernant le GIAP, pour pouvoir vanter des propositions prétendument «innovatrices et dynamiques». Voilà, une fois de plus, une façon de s'autoproclamer et de se faire de la publicité. Je crains que les électeurs ne s'en souviennent au moment venu, c'est-à-dire l'année prochaine, donc dans un avenir assez proche. Ce que les membres du PDC qualifient de «dynamique» n'était qu'en fait une scandaleuse déstabilisation du personnel socio-éducatif, aussi bien qu'un mépris des accords qui ont été passés et qui sont le fruit d'une discussion ayant pris des années pour arriver à un véritable partenariat entre l'Etat, la FAS'e, les communes et les centres de loisirs.
Cela dit, cela ne nous dispense pas de mener une réflexion de fond sur la question de la péréquation financière entre les communes, car on sait, de manière effective, que certaines d'entre elles pourraient faire des efforts supplémentaires, et que ce sont toujours les mêmes qui passent à la caisse. Pour l'heure, nous suivons le rapport de majorité, nous refuserons ce projet de loi.
La présidente. Merci, Madame la députée. Votre «vedettariat» a été quelque peu pris par l'arrivée de notre collègue députée Ester Alder accompagnée de ses deux bébés. Je crois que nous pouvons lui faire une ovation. (Applaudissements.)Mais pas trop parce qu'il faut que ces bébés restent au calme - C'est la professionnelle qui vous parle...!
M. David Hiler (Ve). Je vais essayer, Madame la présidente, de ne pas perturber ces charmants enfants. J'aimerais dire deux ou trois choses sur ce projet. De manière générale, la question des communes est une affaire que nous prenons au sérieux. Vous vous rappelez peut-être que, l'année dernière, nous avions proposé de ne pas remplir le fonds d'équipement tant qu'il était «plein», si je puis dire. La question consiste à savoir comment le transfert doit-il s'effectuer. Le premier principe qu'il me semble falloir adopter est qu'il ne saurait y avoir un transfert de charges sans qu'il y ait un transfert de compétences. Or le projet de loi que nous discutons, comme l'article 19 dont nous parlerons tout à l'heure, ne remplissent pas cette condition.
Le deuxième aspect concerne le rythme: ce projet était à moitié à charge de la Ville de Genève. Cet exemple est intéressant parce que le budget représente 40 millions sur 1 milliard. C'est bien ça le problème: j'aimerais bien voir la tête que feraient les membres de ce parlement si quelqu'un était venu nous dire: «Vous devez augmenter vos charges de 4% en une année», alors que nous avons toutes les peines du monde à gérer des augmentations de 1 à 2%. C'est dans la conception de la méthode que nous divergeons totalement avec ce qui est pratiqué tant par le Conseil d'Etat que par la majorité.
Si l'on veut arriver à quelque chose avec les communes, il faut s'entendre sur un plan de cinq ans, à peu près. Il faut fixer une somme maximale qui puisse être reprise, avant l'établissement du budget, et, très franchement, je ne vois pas comment on pourrait dépenser les 20 millions par année, si l'on veut que ça soit possible, que cela se fasse sans entraîner la destruction d'autres prestations des communes, sans non plus forcer les communes à retourner devant les électeurs - et notamment celles qui ont des centimes additionnels élevés et, je ne parle pas de la Ville de Genève, je parle d'autres communes, vous vous en doutez bien.
On l'a vu avec le projet de la FAS'e, il n'est pas si facile de faire un transfert de charges et de compétences; ce sont des discussions qui ne peuvent être menées qu'au niveau des exécutifs. Elles ne peuvent être menées que sur la base d'un deuxième principe: lorsqu'il y a transfert, globalement il y a économie; c'est-à-dire qu'il y a des enchevêtrements - parce qu'on ne voit autrement pas très bien le sens de tout cela. Si c'est simplement pour que l'Etat soit un tout petit peu moins pauvre et les communes, plus pauvres, ce n'est pas très utile. Or cela prend du temps: le temps des négociations. J'ai toujours entendu l'Association des communes genevoises et la Ville de Genève dire: «Nous entrons en matière sur des projets précis, une répartition des tâches», mais je ne conçois pas que les collectivités publiques se laissent imposer, en fin d'année, des sommes, tout de même importantes, qu'elles devraient assumer sur-le-champ.
C'est pour cette raison que nous rejetterons ce projet, comme nous l'avons fait en commission, et que nous n'accepterons pas plus le suivant. Nous craignons, à vrai dire, que le suivant - le fameux article 19 - ait des conséquences plutôt négatives, à moyen terme, sur les finances de l'Etat de Genève. Car je doute que les communes veuillent encore discuter avec vous, Mesdames et Messieurs les conseillers d'Etat, à la suite de ce camouflet qui leur est donné en fin d'année. Ce n'est pas, à mon avis, la bonne manière de discuter.
Puisqu'on a beaucoup parlé - pourquoi pas ! - de propositions, et si le Conseil d'Etat avait la gentillesse, de temps en temps, de consulter les partis gouvernementaux - ce que je dis, au passage, à M. Lescaze, par rapport à la discussion que nous avons eue hier soir, qui ne le fait jamais - nous aurions pu, dans le cadre d'une discussion civilisée en politique, arriver à nous mettre d'accord sur un certain montant de transfert, en même temps qu'un certain montant d'économies sur le fonctionnement administratif de notre Etat - ce serait la moindre des choses, d'ailleurs. Il vaut évidemment mieux donner l'exemple, dans ces cas-là, que de simplement aller piquer dans la caisse du voisin. Ce n'est pas ce qui a été fait. Nous nous trouvons dans une situation conflictuelle. Le référendum contre l'article 19 est annoncé - on en reparlera - et il aura lieu. Je ne vois pas ce que nous avons à y gagner, sinon, une fois de plus, à faire semblant d'atteindre les objectifs du plan financier quadriennal.
Nous sommes dans la mauvaise voie, cette mesure n'est pas juste et l'article 19 n'est pas plus juste. Nous regrettons, une fois de plus, la tournure que prennent les événements en matière budgétaire, concernant les transferts de charges. Nous annonçons, à cette occasion, que nous serons solidaires d'un tel référendum, s'il devait être lancé.
M. Jean Spielmann (AdG). En plus de son opposition féroce, le rapporteur nous explique que sa suggestion est «ingénieuse» et «visionnaire», puisqu'elle offre des solutions à la fois à court et à long termes. Si vos propositions sont si «visionnaires» et «ingénieuses», pourquoi avez-vous suspendu les projets que vous aviez mis en route ? En fait, il ne s'agit pas d'optique ingénieuse et visionnaire, il s'agit plus exactement de bricolage. Je l'ai déjà dit, mais je pense qu'il n'est pas inutile de le répéter - puisqu'on se permet de parler de la férocité de ceux qui s'opposent à ces projets de lois, qui seraient visionnaires -: les projets de lois déposés sur le transfert aux communes ont été déposés le lendemain du jour où la loi cantonale fait obligation aux communes de boucler leur budget. Le 15 novembre est le dernier délai, pour les communes, sauf pour la Ville de Genève, pour boucler les budgets et, le 16 novembre, vous déposez les projets de lois en prenant des points au budget - et je vous défie, ici, de dire le contraire - sans même savoir ce que vous touchez.
Vous avez simplement regardé les subventions et dit: «Là, il y a 17 millions de subventions, on les enlève; là, on enlève aussi» et ensuite vous avez bricolé des projets de lois, sans en avoir discuté avec les communes, sans même savoir de quoi il retournait. Il a fallu trente ans pour que certains de ces projets de lois soient élaborés, mettant d'accord tant les communes que le canton sur la mise en place de certains dispositifs, notamment les maisons de quartier ou le parascolaire. Et vous venez ici avec des dispositions, qui prévoyaient le financement 50-50, avec des tranches de 5% par année. Il a fallu plus de dix ans pour qu'on y arrive - et cette année sera, pour certaines communes, la dernière année pendant laquelle ces tranches de 5% s'appliqueront. Par conséquent, il a fallu plus de dix ans pour se mettre d'accord et que les choses soient mises en route, et vous, sans même aller discuter avec les communes - car je rappelle que la plupart des membres de l'Entente ont des représentants dans les communes et que la grande majorité des communes sont composées de représentants de vos partis - vous n'avez eu de discussion avec aucun représentant des communes, et vous venez présenter cela comme un transfert de charges ! Ce ne sont pas des transferts de charges, ce sont des coupes dans le budget.
Vous avez voulu supprimer de nombreux autres éléments et vous avez retiré ces propositions de vous-mêmes pour avoir l'air un peu moins ridicule aujourd'hui. En fait, bien que vous soyez tellement «visionnaires», vous n'avez pas retiré le projet de loi sur la FAS'e, il est toujours suspendu. Vous menacez donc toujours l'ensemble des maisons de quartier, des jeunes et le parascolaire de coupes budgétaires.
Le problème de fond posé depuis le début des débats consiste dans le fait que vous ne proposez pas de faire des économies; vous voulez tout simplement transférer des dépenses que vous êtes incapables de gérer, sur d'autres que vous, sans que ces derniers puissent se défendre, argumenter ou mettre ces transferts dans leur budget. Comment voulez-vous, alors, que les communes puissent verser les subsides aux personnes âgées, alors que vous leur transférez 40 millions, qu'elles seront hors budget et qu'elles n'auront pas pu prévoir ces dépenses ? Comment pouvez-vous justifier ces pratiques comme étant le fait d'une politique «ingénieuse» et «visionnaire» ?
Ce n'est pas mal, comme idée, de transférer ça à la fin de l'année, alors que les communes ne peuvent même pas se retourner, même pas prévoir ces éléments dans leur budget ! Vous savez très bien que c'est un point extrêmement sensible parce que la politique ainsi que la couverture sociale n'étant pas suffisantes, énormément de personnes ont recours à l'OCPA et aux subsides aux frais de l'assistance. Et vous voulez couper cela ?! C'est le fruit de votre politique de non-prévoyance sociale qui débouche sur des frais d'assistance que vous ne voulez par la suite pas couvrir.
Depuis le début de ces «ingénieuses» propositions, je n'en ai pas vu une seule qui vise à conduire une réforme de l'Etat, qui vise à une meilleure gestion des affaires publiques, à des réponses aux questions de la population sur l'enseignement, la santé et la politique sociale, pour améliorer le fonctionnement ainsi que diminuer les coûts et les charges. On continue à gonfler le budget de fonctionnement; on continue à transférer des charges sur les générations futures; on continue avec une mauvaise politique et la seule chose que vous êtes capables de faire, c'est de transférer l'acquittement des dépenses sur d'autres ou alors d'aller piquer les bénéfices de ceux qui gèrent mieux que vous, comme les Services industriels de Genève. Opération loupée, puisque cela ne fonctionne pas. Tant pis, le dernier soir où la commission des finances a siégé, on bricole tout le projet de loi et on en reprend les principes par d'autres biais. C'est du bricolage.
Ce n'est pas de la politique sérieuse, Mesdames et Messieurs les députés. Vous avez beau avoir des qualités de journalistes, pour présenter les choses comme elles ne sont pas, ce que vous faites est tout simplement malhonnête et irrationnel. Dans le fond, vous allez couper 40 millions de francs de dépenses. C'est un peu à l'image de ce que la presse fait aujourd'hui du débat politique: de temps en temps, avant, certains journalistes étaient capables de rapporter ce qui se passait. Aujourd'hui, c'est un peu moins le cas, malheureusement. On vit avec, et on voit bien la qualité de vos écrits et votre ligne politique: c'est tout à fait dans la ligne de ce qui se passe ces derniers temps.
Le problème de fond consiste dans le fait que vous ne proposez aucune solution. Vous coupez les subsides aux personnes âgées, sans avoir l'assurance que les communes les reprendront parce que vous n'avez pas discuté avec elles. Vous n'avez présenté aucune solution positive, aucune solution intelligente ni aucune solution incluant une vision d'avenir. Jusqu'à présent, vous avez dû retirer tous vos projets. Vous n'avez pas le courage de retirer celui-là. C'est donc le peuple qui apportera la sanction nécessaire à votre politique. En liant les projets de lois au budget, vous dites: «Nous voulons respecter le plan financier quadriennal». Vous savez très bien que vous ne le respectez pas. Vous chibrez des dépenses sur d'autres. En votation populaire, vous le savez très bien, ces projets seront refusés. Vous aggravez le déficit de l'Etat. Voilà la situation dans laquelle vous mettez notre collectivité; et vous appelez cela une option «visionnaire» de la politique ! J'ai une autre conception de la vie politique que vous.
Mme Véronique Pürro (S). Je crois que la médiocrité de ce rapport - je n'en veux pas à la plume de M. Mettan, je sais qu'elle est belle, en général - reflète la médiocrité de ce débat fondamental, qui devrait pourtant nous occuper bien plus longtemps qu'il ne va effectivement nous occuper aujourd'hui. Je ne reviendrai pas sur les questions de méthode, je partage entièrement les propos de M. Hiler. J'aimerais toutefois ajouter quelques éléments.
S'il y a bien un domaine dans lequel nous avons réussi à nous entendre sur le partage des compétences entre communes et canton, c'est celui de l'action sociale. Je l'ai dit l'autre jour, dans le cadre de la loi sur les centres d'action sociale et de santé qui nous a beaucoup occupés - c'est vrai, ce n'était pas sous M. Unger, c'est M. Segond qui l'a menée - la question de la répartition des compétences entre communes et Etat a été difficile à faire passer en commission. Nous sommes tout de même arrivés à un résultat qui visait à confier l'action individuelle au canton, pour des questions d'égalité de traitement, en disant: «Tout ce qui concerne l'action financière individuelle, pour garantir l'universalité et l'égalité de traitement, il faut que ce soit le canton qui en soit responsable». Donc, action individuelle au canton et action communautaire, de type animation, maisons de quartier ou une action communautaire comme la Ville de Genève est en train de le développer, aux communes.
C'est donc avec beaucoup d'étonnement et de déception que nous avons pris connaissance du domaine dans lequel le canton entend remettre en question cet acquis, qui, même s'il date de peu de temps et qu'il est en voie de construction, est en train d'être démoli avec ce projet de loi.
L'égalité de traitement est un souci qui devrait toutes et tous nous animer. Avec ce projet de loi, si vous l'adoptez, l'égalité ne sera plus garantie, puisque les communes, en payant, j'imagine, auront accès à des fichiers. Et j'imagine aussi que, avec ces fichiers, certaines de ces communes seront amenées à vouloir développer des choses supplémentaires ou à vouloir en réduire d'autres. L'égalité de traitement, que nous souhaitions tous à l'époque, risque de disparaître par ce biais.
On n'a pas parlé de la gestion de cette mesure. J'espère que M. Unger nous en dira davantage, parce que le rapport ne fait pas mention de cette question aussi importante: qui va gérer cette décision ? Faudra-t-il des collaborateurs supplémentaires au canton, pour pouvoir gérer ce dont les communes devront s'acquitter, ou bien chaque commune devra-t-elle mettre en place - puisqu'elle devra s'adresser à ses bénéficiaires - un système de recouvrement, un système de contrôle. Alors, merci de nous dire quelques mots à ce sujet, Monsieur Unger, parce que, jusqu'à présent, on ne sait pas comment vous comptez concrètement gérer cette mesure. Tout comme... (L'oratrice est interpellée.)Je me réjouis que vous le disiez, Monsieur Lescaze, parce que, pour l'instant, ni dans la presse, ni dans les rapports, ni dans les discussions, on ne trouve davantage d'informations.
Le PS sera solidaire du référendum, si référendum il y a. Le PS sera à côté de ses magistrats et aussi à côté de vos magistrats, Mesdames et Messieurs les députés, parce que je crois que les magistrats de vos communes ne sont pas spécialement favorables à la mesure que vous vous apprêtez à prendre. (Applaudissements.)
M. Souhail Mouhanna (AdG). Lorsque, en commission des finances, nous avons discuté de ce projet de loi et que l'entrée en matière a été refusée... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)...un rapporteur de la commission a été désigné. Nous étions tous d'accord pour que M. Mettan soit désigné en tant que rapporteur de la commission. Or, à la lecture de ce document, je n'ai pu m'empêcher de penser que vous aviez trahi l'esprit dans lequel votre désignation a été faite. Ce n'est pas le rapport de la commission, c'est votre rapport. C'est un rapport totalement irresponsable et inacceptable parce que vous y mettez tout autre chose que le sujet sur lequel il devrait porter. Vous parlez de toutes sortes de choses, mais du projet de loi en question, vous n'en dites pas les 10%, sauf pour attaquer l'Alternative, la gauche et pour prétendre «vouloir enfin lutter contres les égoïsmes». Je vais faire un petit geste qui montre ce que vous essayez de nous faire croire. Vous savez que cela, c'est la main gauche, cela, c'est la main droite... (M. Mouhanna montre sa main gauche puis sa main droite.)Vous faites comme cela... (M. Mouhanna tourne ses deux mains.) ...et vous croyez qu'on ne saura plus laquelle est la main droite et laquelle est la main gauche. (Rires. Applaudissements.)Nous savons, Monsieur, que vous êtes dans le parti de droite le plus antisocial. Pour nous prouver que vous «luttez» contre les égoïsmes, vous vous en prenez aux plus mal lotis des Genevois parce qu'il y aurait plus mal lotis qu'eux, ailleurs. Arrêtez de faire ce cinéma, nous savons qui vous êtes, ce que vous cherchez et ce que le Conseil d'Etat essaie de faire !
Hier, j'ai parlé du Conseil d'Etat en le comparant à «Harry Potter à l'école des sorciers» avec les maladresses qui étaient les siennes, au départ de son apprentissage. Le Conseil d'Etat essaie de faire de la sorcellerie, en faisant croire qu'il y aura des recettes de-ci de-là, par le biais des choses qu'il transfert aux communes. Il veut renforcer la qualité des prestations à l'Etat, maintenir des postes en les finançant par le biais des salaires des autres travailleurs, en s'en prenant au personnel. Le Conseil d'Etat pratique une politique du fait accompli, une politique unilatérale sans aucune concertation. Les communes n'ont pas été consultées, les partenaires, le personnel non plus. Et les principaux intéressés ne savent même pas ce qui va leur arriver: il n'y a jamais eu la moindre étude d'impact concernant les conséquences de ce transfert de charges.
Nous ne sommes pas dupes: derrière cela, il y a également la volonté délibérée de vous en prendre, non pas à la commune de Cologny, Monsieur Mettan, mais à la Ville de Genève, qui n'a pas voulu de vous au Conseil administratif, nous le savons. Ce qui vous gêne, c'est que la Ville de Genève pratique une politique sociale, que vous combattez, dont vous ne voulez pas et dont vous essayez, par tous les moyens, de faire échouer l'application, tant sur le plan de la Ville de Genève, sur celui des communes urbaines, qu'au niveau du canton.
Nous ne sommes pas dupes, nous refusons l'entrée en matière de ce projet de loi et nous serons partie prenante d'un référendum éventuel.
M. Bernard Lescaze (R). On entend beaucoup de choses. De quoi parle-t-on ? A la fois d'un premier projet de loi du Conseil d'Etat, 88,7 millions; et d'un amendement - présenté, il est vrai, à la demande de la majorité parlementaire mais par le Conseil d'Etat - de 45 millions, pour mettre, à la charge des communes, pendant une année, sous réserve de négociations, le transfert de certaines prestations sociales. Je tiens d'abord à dire que les bénéficiaires ne seront absolument pas touchés puisqu'ils continueront à recevoir l'intégralité de leurs prestations. (Exclamations.)
Une voix. C'est pas sûr !
M. Bernard Lescaze. Le problème est de savoir dans quelle mesure les communes peuvent, ou non, assumer cette charge. On vient nous parler, ici, d'égalité de traitement. Et la personne qui nous en parle est particulièrement bien placée pour le faire, puisqu'elle appartient précisément à l'action sociale d'une municipalité fort aisée qui donne des prestations supplémentaires et qui a toujours refusé de s'aligner sur les prestations de l'Etat et des communes qui n'avaient pas les moyens de les donner. Ce sont plusieurs millions, chaque année, que la Ville de Genève verse à des bénéficiaires. Tant mieux pour eux ! Mais la vie est-elle vraiment plus chère en ville qu'à Vernier, qu'à Lancy, qu'à Onex ?
Une voix. Oui !
M. Bernard Lescaze. Non ! Cela n'est pas vrai. Je dois dire qu'il est choquant d'entendre le contraire.
Deuxièmement, les communes tomberaient des nues et n'auraient pas été au courant. Je vais simplement vous lire ce que disait M. Jean Murith, conseiller administratif de Cologny. (Exclamations.)Il résume les débats du Conseil municipal du 28 octobre - j'insiste, le 28 octobre - 2004. Ce Conseil municipal demande expressément au Conseil administratif de ne pas tenir compte de ce transfert de charges, dans le projet de budget 2005 de Cologny. La chose est claire: les communes étaient au courant et elles ne veulent pas de ce transfert. La lettre de la Ville de Genève prétend qu'elle a fait de nombreuses prestations pour le canton - c'est d'ailleurs certainement pour cela qu'elle nous demande de collaborer beaucoup plus activement à certaines prestations culturelles et nous le verrons tout à l'heure en acceptant de voter notamment des subventions pour un musée qu'elle a elle-même laissé créer, auquel elle a fourni des locaux. Alors il faut savoir ! Nous souhaitons tous que le Conseil d'Etat entame, avec les exécutifs des communes, des négociations. Mais l'Association des communes, lorsqu'elle est venue, accompagnée par un conseiller administratif de la Ville de Genève, nous a effectivement dit, en paroles, qu'ils voulaient négocier. Mais ils nous ont rappelé que dans le projet de la FAS'e, les négociations avaient duré plus de dix ans - on parlait même de quatorze ans - et, à l'évidence, pour eux, toute négociation ultérieure avait le même échéancier. Alors, non: nous ne pouvons pas, si nous avons à coeur les intérêts de l'ensemble du canton - et pas seulement le petit coin de terre où on habite - accepter un échéancier de quatorze ans.
Cette mesure n'est certainement pas agréable mais, comme le disait si bien M. Murith: «Gouverner, ce n'est pas plaire». Cette mesure n'est pas plaisante mais elle doit tout de même être prise, en tout cas pour une année, avec l'adoucissement que propose le Conseil d'Etat maintenant. (Applaudissements.)
Mme Véronique Pürro (S). Je ne me suis pas sentie mise en cause, Monsieur Lescaze, rassurez-vous. J'aimerais simplement faire quelques commentaires à la suite de votre intervention. En matière de négociation, sans vouloir vous faire de leçon - n'étant pas moi-même négociatrice - vous avez de drôles de méthodes. Vous voulez taper avant d'engager la discussion: «Allez, on vous fait porter des charges supplémentaires, et puis, après, on verra si on discute !» Heureusement que les négociateurs professionnels n'adoptent généralement pas les mêmes méthodes que celles que vous prônez.
Si j'ai voulu répondre, c'est d'abord par rapport à la Ville de Genève. Il est vrai que la Ville de Genève verse, à ses aînés, des prestations complémentaires. Tant mieux pour eux ! Ne vous en déplaise, tant mieux pour eux, Monsieur Lescaze ! (L'oratrice est interpellée.)
Ma crainte, Monsieur Lescaze, n'était pas à la hausse mais à la baisse. Vous verrez, nous verrons dans quelques années. C'est vrai que les aînés sont - tant mieux pour eux - un public relativement épargné par nos économies, depuis que les prestations financières ont été développées pour eux, puisqu'il y a peu, c'était le public le plus fragilisé de notre société. Cependant d'autres publics sont, malheureusement, apparus sur la scène de la précarité. Je parle des familles, des mères qui élèvent seules leurs enfants ou des jeunes. C'est vrai qu'on ne se donne pas autant de mal pour ce public qu'on ne s'en donne pour les aînés. Tant mieux pour les aînés, il ne s'agit pas de baisser leurs prestations, il s'agit plutôt d'augmenter celles des autres. Cela fera l'objet d'un tout autre débat, je crois aujourd'hui encore.
Par conséquent, n'en déplaise à M. Lescaze, il est vrai que la Ville ajoute une couche aux prestations financières individuelles de l'Etat. J'espère qu'elle continuera à le faire le plus longtemps possible.
Une voix. Très bien, bravo.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur. Je vois que, pour un rapport qualifié de «médiocre», on m'accorde énormément d'honneur et que le débat qui a suivi tendait à démontrer le contraire, c'est-à-dire à prouver l'excellence de ce rapport. (Manifestation dans la salle.)En effet, ce qui sème le désarroi à gauche, c'est que, à chaque moment de la discussion budgétaire, contrairement à tous vos espoirs, la majorité parlementaire a fait preuve d'une capacité de rapidité... (Rires.)...de réactivité, de créativité et d'innovation, c'est vrai, qui vous ont stupéfiés parce que vous en êtes bien incapables. (Exclamations.)
Une voix. Bravo !
M. Guy Mettan. J'aimerais maintenant en venir au fond. Lorsque nous avons lancé l'idée de la FAS'e, il ne s'agissait pas du tout d'un quelconque démantèlement...
Une partie de l'assemblée. Nooon !
M. Guy Mettan. ...il s'agissait simplement de transférer le solde du financement des centres de loisirs aux communes - qu'elles assurent déjà pour 30%. Vous avez immédiatement crié «Au loup !». Vous avez sorti la ritournelle du démantèlement, du licenciement, etc. On a vu des attaques fleurir, ici ou là. Malheureusement pour vous, ça n'est pas du tout le cas: vous avez réussi à inquiéter quelques dizaines de personnes par votre propagande... (Rires. Exclamations.)...mais vous vous êtes aperçus que ça n'avait pas d'objet du tout. En effet, même la direction de la FAS'e, lorsqu'on l'a auditionnée, a convenu qu'il était prématuré d'entrer en matière tout de suite - c'est pour ça que nous avons suspendu ce projet - mais que, à l'avenir, elle serait tout à fait ouverte à cette suggestion. On en a pris acte pour les années prochaines.
Concernant les communes dont vous dites qu'on ne les a pas consultées. Pour ce qui est, en tout cas, du parti démocrate-chrétien, nous avons consulté notre base, qui a fait part de ses critiques, assez justement, et c'est la raison pour laquelle, dans les partis de l'Entente, nous avons tout simplement renoncé au projet du Conseil d'Etat parce qu'il était hors de question, pour nous, de ponctionner 90 millions de francs aux communes - et nous sommes tous d'accord là-dessus.
Je comprends bien que cela pose des problèmes à M. Mouhanna lorsqu'il fait sa démonstration «main gauche, main droite». Je crois au désarroi de ses électeurs. Lorsqu'on voit M. Mouhanna réclamer l'imposition des millionnaires et nous dire ensuite qu'il va faire un référendum pour soutenir la commune de Cologny et la commune de Genthod... (Rires.)...qui a fait 11 millions de francs de bénéfices pour 6 millions de budget... (Rires. Applaudissements.)Lorsqu'on voit M. Mouhanna voler au secours des communes milliardaires, je comprends parfaitement que les électeurs de gauche soient désorientés dans cette campagne. (Rires.)
Vous nous avez ensuite dit, Monsieur Mouhanna, qu'il y aurait un démantèlement des prestations pour les personnes âgées - toujours la même ritournelle. Il y a, au contraire, une consolidation du financement de l'OCPA. Si on vous écoutait, les finances de l'Etat seraient complètement déstabilisées parce que vous voulez accroître le déficit. Or comme les communes sont, pour la plupart, bien gérées dans notre canton, il paraît légitime de diversifier les risques et de leur transférer 12,5% du financement de l'OCPA. Ainsi, les personnes âgées pourront être mieux assurées de percevoir les rentes auxquelles elles ont droit.
On a entendu M. Hiler dire: «Vous n'avez fait aucune proposition». Or, au dernier siège du Grand Conseil, au mois de novembre, le parti démocrate-chrétien, soutenu par l'Entente, avait déposé une motion pour demander que l'on réexamine la répartition des tâches, des charges et des compétences avec les communes. Qu'est-il arrivé ? Toute la gauche, qui aurait eu une magnifique opportunité de montrer qu'elle était intéressée à faire les choses concrètement, a dit «non». On voit donc que tous ces discours sont du pur vent, Mesdames et Messieurs les députés. Vous n'avez aucune intention d'entrer dans le fond du problème. Je m'excuse, Monsieur Hiler, vous aviez une occasion rêvée de dire «oui» et vous avez dit «non», voilà la réalité des choses. (Applaudissements nourris.)
M. Souhail Mouhanna (AdG). Je vais peut-être surprendre M. Mettan en lui disant: «Oui, Monsieur Mettan. Je suis tout à fait prêt à accorder plusieurs millions à la commune de Cologny, ainsi qu'à Genthod, à Chambésy et à Vandoeuvres.» Mais à une seule condition: celle de récupérer les 12% de réduction d'impôts qui ont été accordés à leurs millionnaires.
Une voix. Arrête !
M. Souhail Mouhanna. Le canton sera cent fois gagnant dans cette affaire. Moi, je suis cohérent, Monsieur Mettan. C'est exactement la même position que je défends lorsqu'il s'agit de la gratuité des études: oui, je voudrais une égalité de traitement. Mais ce que je veux aussi, c'est que l'ensemble des contribuables participe au financement des études, parce qu'il s'agit d'un investissement. L'égalité pour les jeunes, pour les élèves, pour les habitants, oui, mais également, la justice fiscale: ceux qui gagnent le plus, doivent payer le plus.
C'est dans ce sens-là que je défends effectivement la position que j'ai défendue contre ce projet de loi et je suis d'accord de laisser quelques millions à la commune de Cologny, à condition de récupérer les quelques centaines de millions qui ont été accordés comme un cadeau aux millionnaires qui habitent Cologny et d'autres communes de ce type.
M. Alberto Velasco (S). Je n'avais pas prévu d'intervenir mais j'ai trouvé que M. Mettan, lors de son intervention, a fait preuve d'un cynisme assez incroyable.
Une voix. Excellent, on l'a trouvé excellent !
M. Alberto Velasco. Vous êtes vraiment très cynique, Monsieur Mettan, lorsque vous prétendez que ces communes sont très bien gérées et que, puisqu'elles sont très bien gérées et que le canton n'est pas bien géré, on leur transmet, en guise de «reconnaissance de leurs qualités de bons gestionnaires», une partie de la charge de notre canton. J'ai su que M. Plojoux, député libéral maire de Russin, était assez catastrophé par cette mesure. On croirait que Russin est une commune riche. (L'orateur est interpellé.)J'ai été étonné d'apprendre que cette commune a 55 centimes additionnels et qu'elle a bouclé son budget avec moins un million de francs. (Brouhaha.)Notre collègue, M. Plojoux - Monsieur Mettan, vous verrez que toutes les communes ne sont pas aussi bien gérées que cela ou du moins n'ont pas les recettes le permettant - se posait la question de savoir comment ferait-il, si ce transfert avait lieu, pour dire, le 1er, le 2 janvier ou le 2 février, à ses administrés: «Je n'ai pas d'argent. Il y a un transfert concernant l'OCPA. Je dois vous verser à vous, les anciens citoyens de ma commune, cette allocation. Malheureusement, nous avons bouclé notre budget. Par ailleurs, notre commune est déficitaire. Par conséquent je ne peux pas vous verser l'allocation de l'OCPA.» Que ferait-on, dans ce cas-là, Monsieur Mettan ? Et Russin n'est pas l'unique commune qui sera dans ce cas, d'autres communes se trouvent dans cette situation. Cela signifierait que ces personnes âgées ne bénéficieraient pas de l'OCPA. Même si ce transfert est comptable - contrairement à la FAS'e qui, elle, impliquait un transfert d'infrastructures beaucoup plus lourd - je constate que ce transfert a des répercussions que vous ne pouvez pas mesurer. En disant que les communes sont bien gérées, par exemple. En l'occurrence, on constate que ces communes n'ont pas eu les 12% de baisse que vous avez appliqués au canton, et c'est la raison pour laquelle elles se trouvent dans une meilleure situation concernant leurs recettes et leur gestion. Ce n'est donc pas parce que les communes sont de meilleures gestionnaires que le canton, mais parce que la baisse fiscale ne leur a pas été appliquée.
Je disais hier que notre situation cantonale - et les communes le prouvent - est telle en raison de cette baisse fiscale et c'est pour cette raison que ces transferts iniques - c'est moi qui emploie ce terme, cette fois-ci, et non pas le maire de la Ville de Genève - auront des conséquences sur les prestations des communes. C'est un transfert inique envers des communes qui n'ont pas les moyens de l'assumer. C'est vrai que, pour Cologny, c'est autre chose. Mais la commune de Cologny n'est même pas d'accord d'accepter cela ! C'est ce que l'on appelle la solidarité entre riches et pauvres.
M. David Hiler (Ve). Le rapport, «excellent», j'ai bien compris... (Rires.)
M. Guy Mettan. Merci, merci !
M. David Hiler. Non, je répétais vos propos. (Rires.)Encore que, généralement, lorsqu'on a fait un rapport et qu'on est le seul à dire qu'il est excellent, on se fait d'habitude un peu de souci, mais bon. Pour le moment, dans ce rapport, il y a une chose que je n'ai, au fond, pas bien comprise. Dans votre esprit, Monsieur Mettan, comment va-t-on gérer le problème des communes qui ont des centimes additionnels élevés et qui ont des ressources relativement faibles, comme les communes de Vernier, Onex ou Versoix. Je n'ai pas bien compris, à ce stade-là. Je ne me fais aucun souci pour la commune de Cologny. Je continue à me faire du souci à propos du fait qu'un parlement pourra décider de faire payer d'autres collectivités publiques, pour des tâches qui jusqu'à présent, ont été les siennes, dans l'ensemble de la construction des systèmes. Voilà la problématique de base.
Maintenant, si nous devons un jour discuter plus sereinement, il faudra quand même, si un jour transfert agréé il devait y avoir, que l'on sache ce que l'on fera pour les communes qui sont d'ores et déjà en difficulté. Elles ne représentent pas la majorité mais elles existent. On n'a jamais su ni de la part du Conseil d'Etat ni, d'ailleurs, de celle de la majorité, comment cela se ferait.
Quant à votre motion, Monsieur Mettan, les choses se passent généralement comme cela, en politique: soit on est dans une logique où l'on recherche des solutions à l'amiable - et la première étape de cette solution serait que le Conseil d'Etat discute avec les communes - soit on est dans une logique d'affrontement - et c'est le cas. Tant que l'affaire ne sera pas purgée, au niveau du peuple, par le biais du référendum, il n'y aura pas lieu de relancer des discussions. Il faut savoir où l'on en est une fois pour toutes. Les collectivités publiques, les communes, auraient été d'accord de discuter s'il y avait eu retrait de ce projet; il n'y a pas eu retrait de ce projet, c'est ce que j'ai essayé d'indiquer.
Pour terminer, Monsieur Mettan, je ne vous ai jamais reproché de ne pas faire de propositions. C'est vous qui dites cela depuis deux ou trois semaines. Je vous reproche de faire des propositions qui sont tantôt inopportunes, tantôt illégales et généralement les deux. (Rires.)Le fait de «manifester une folle activité et une créativité», si le but, à la fin, est de faire du mal aux autres et de se faire du mal à soi-même, ne me convainc pas. C'est bien d'être créatif, mais ce n'est pas un but en soi non plus, Monsieur Mettan.
M. Guy Mettan (PDC), rapporteur. Je voudrais répondre à l'excellent David Hiler - qui est, entre autre, le meilleur d'entre nous, si l'on en croit la presse, et je l'en félicite - que nous avons le souci des communes puisque dans le budget, que vous allez certainement nous aider à faire passer dans la journée ou demain matin, vous constaterez que l'on rajoute 10 millions de francs à l'équipement communal. C'est donc dire que nous avons les communes très à coeur. (Rires. Exclamations.)Ensuite, concernant le problème des communes pauvres... (Brouhaha. La présidente agite la cloche.)Je m'excuse M. Hiler, mais vous n'avez pas entendu ce qu'a dit M. Cramer, ancien président du Conseil d'Etat...
La présidente. Monsieur le rapporteur, veuillez vous adresser à l'ensemble des députés.
M. Guy Mettan. ...ancien président du Conseil d'Etat et magistrat tout ce qu'il y a de plus Vert, a décrété que le problème des communes, notamment en matière d'élaboration du budget - je l'ai lu dans la presse et il n'a pas demandé de droit de réponse - ne représentait pas de problème, qu'il allait trouver des aménagements pour les communes et que le problème de l'OCPA n'en était pas un. Ce n'est pas un magistrat de l'Entente, c'est M. Cramer lui-même qui a dit cela. Je le crois, je connais les compétences de M. Cramer et je n'ai donc pas de raisons de m'inquiéter pour ces communes.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. Après ce débat nourri, j'aimerais rappeler la position du Conseil d'Etat, qui est celle que votre Conseil va refuser, à l'instigation d'un rapporteur de majorité que je connais pourtant bien. La position du Conseil d'Etat est basée sur un certain nombre de constats. Le premier de ces constats est que nous ne pouvons pas, dans un pays comme le nôtre, réfléchir collectivité publique par collectivité publique, indépendamment les unes des autres. J'en veux pour preuve que, quand bien même nous ne sommes pas toujours ravis de certains transferts de charges qui nous sont imposés par la Confédération, nous les prenons en charge, nous les métabolisons et nous réglons le problème des citoyens de ce canton. Ce constat d'une communauté de collectivités publiques montre que l'Etat, au cours de ces cinq dernières années - suite à deux très belles années, j'en conviens - retombe dans les déficits, dans le temps même où les communes - elles sont bien gérées, c'est tant mieux - réalisent un bénéfice cumulé de plus de 500 millions. Cela pose indiscutablement le problème de la répartition des charges et des compétences. Là-dessus, je crois que le constat est unanime.
On nous a reproché le moment où cette proposition a été faite, bien entendu. Mais avez-vous déjà entrevu la possibilité d'un bon moment pour que, d'une manière ou d'une autre - et quelles que soient les formes que l'on y met - on annonce à quelqu'un que l'on envisage de lui faire prendre en charge des choses parce que l'on repartage les frais et les compétences ? On voit bien que cela est difficile. Il ne faut pas croire que le Conseil d'Etat a commencé à parler de ces choses-là le 30 septembre. Il en parle depuis des années à travers des voies diverses, parce que ces partages de charges et de compétences sont un objet de préoccupation quotidien à l'intérieur de deux types de collectivités publiques. J'en veux pour preuve - et ça n'est pas l'ancien président de l'Association des communes genevoises qui me contredira... (Exclamations. L'orateur est interpellé.) ...j'en suis confus. Mais admettons qu'il revienne, s'il estime que mon propos... Monsieur Velasco, ce serait bien que vous écoutiez aussi. (Exclamations.)Ce n'est pas l'ancien président de l'Association des communes genevoises qui me contredira, voilà plus de deux ans que nous travaillons sur une reformulation des CASS comme outil de proximité mais comme outil garant de l'égalité de traitement, qui sont deux préoccupations que vous avez énoncées. Les choses n'avancent pas très vite et il y a un moment où vous constatez qu'une partie des collectivités publiques accumule des bénéfices - certes parce qu'elles sont bien gérées - et qu'une autre partie des collectivités publiques...
Une voix. C'est la loi !
M. Pierre-François Unger. ...a de la peine à assumer les dispositions légales qu'elle entend vouloir honorer - et particulièrement celles s'agissant des prestations complémentaires pour les personnes âgées. Moins de 24 heures après que le Conseil d'Etat eut pris ses décisions budgétaires finales, le président du Conseil d'Etat et le magistrat du DASS - parce que les prestations complémentaires sont au DASS - sont allés, ensemble, rencontrer l'Association des communes genevoises. Alors, plus vite - on s'excuse - on ne pouvait pas faire. On l'a fait moins de 24 heures après que les arbitrages finaux en matière de budget eurent été faits.
Et pourquoi le choix du Conseil d'Etat s'est-il porté sur les prestations complémentaires ? Il avait d'emblée identifié que ce n'était pas le domaine le plus facile pour envisager parallèlement un transfert de compétences. Mais soucieux qu'il était, précisément, d'un dialogue en matière de transfert de compétences, il avait évoqué des tas d'autres choses - qui ont d'ailleurs été évoquées après, comme pouvant faire l'objet, à terme, de transferts négociés - mais ne voulait pas en précipiter la réalisation. Le choix s'est donc porté sur l'OCPA, pour une raison simple. C'est un service qui marche, dont les comptes sont exacts, qui honore les personnes âgées non seulement du dispositif de prestations complémentaires fédérales mais également cantonales et qui rentre donc dans un schéma que l'on peut comparer avec d'autres cantons. C'est une comparaison que je me permets de détailler parce que je ne suis pas absolument persuadé que l'ensemble des députés ait compris ce qu'était le dispositif des prestations complémentaires.
Il y a des dispositions fédérales, imposées par une loi fédérale, dans lequel le financement, en général, est partagé entre la Confédération, le canton et les communes. Et dans le régime des prestations fédérales, le canton de Genève est un Sonderfall,en ceci que ses communes ne participent pas à un franc et que la Confédération qui, habituellement, participe à hauteur de 35% dans la très grande majorité des cantons, ne contribue qu'à 10%, compte tenu de notre capacité financière. On voit donc d'ores et déjà que dans le régime fédéral, le coût assumé par le canton est de 90%. En plus, Genève est fière d'avoir un dispositif complémentaire cantonal. Les autres cantons suisses, qui ne sont au nombre que de deux qui ont dispositif complémentaire cantonal, le partagent très naturellement entre le canton et les communes. Genève est le seul canton qui a un dispositif cantonal auquel les communes ne participent pas. Alors, cette évidence de similitudes ou, en tout cas, de comparabilité, par rapport au reste des cantons suisses, a convaincu le Conseil d'Etat que, quand bien même la destination n'était pas idéale - à cause de la difficulté du transfert de compétences - c'était celle qui était, de loin, la plus juste en l'état. J'ai compris que la commission des finances, je crois à l'unanimité, ait refusé d'entrer en matière, mais je tenais à rappeler la position du Conseil d'Etat et sur laquelle, à cause du refus d'entrée en matière, les amendements qui viennent sont, évidemment, plus ceux de la commission des finances que ceux du Conseil d'Etat.
La présidente. Nous allons procéder au vote de prise en considération de ce projet de loi.
Mis aux voix, ce projet de loi est rejeté par 65 non contre 1 oui et 5 abstentions.
Premier débat
M. Robert Iselin (UDC), rapporteur de majorité. Je n'ai pas grand-chose à ajouter sinon que c'est un peu facile de jouer les hypocrites et les vertueux, alors que tout le monde, même les handicapés, doivent contribuer, pour un peu, à redresser la situation de Genève. Comment peut-on dire être écoeuré, quand on sait que les aides, assurées par le canton, restent les plus hautes de Suisse ?
La présidente. C'est tout, Monsieur le rapporteur ?
M. Robert Iselin. C'est tout, Madame. (Rires.)
La présidente. Ah, c'est fini !
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de deuxième minorité. Ce que je viens d'entendre de la part de M. Iselin est incroyable. Je m'attendais à tout sauf à cela. (Rires.)Tout à l'heure, je pensais que M. Baud allait intervenir pour défendre les plus démunis, il ne l'a pas fait. Et tout de suite après, M. Iselin trouve que les handicapés de chez nous sont trop riches parce qu'ils bénéficient des conditions les plus hautes de Suisse.
Ce projet de loi inique est le condensé de la politique pratiquée par le Conseil d'Etat et l'Entente, soutenue par l'UDC. Les mal lotis de chez nous sont «trop riches» parce qu'il y a plus mal lotis qu'eux, ailleurs. C'est ce que vous dites. Tandis que les millionnaires de chez nous ne sont pas assez riches parce qu'il y a plus millionnaires qu'eux, ailleurs. C'est en cela, pour vous, que consiste le rétablissement des finances cantonales ?
Monsieur Iselin, vous vous en prenez à quelques milliers de personnes qui sont d'ailleurs, pour beaucoup, comme c'est écrit dans le rapport, victimes de ce système du culte du profit, de la loi du marché, de la concurrence et de l'écrasement du plus faible par le plus fort - puisqu'on nous a dit qu'il y avait un accroissement considérable de l'invalidité psychologique. Vous voulez prendre à ces personnes 200 francs par mois. Vous allez redresser les finances publiques avec ça ? Sur 5000 ou 10 000 personnes, combien cela fait ? 2 millions de francs ? En même temps, vous faites des abattements de centaines de millions de francs aux millionnaires. C'est inadmissible, scandaleux. Nous sommes révoltés - et je ne parle pas seulement au nom de l'Alliance de gauche - par cette manière de voir les choses.
M. Glatz, hier, s'étranglait d'indignation parce que les handicapés de Genève touchent 200 francs de plus que les handicapés d'autres cantons. C'est véritablement scandaleux, révoltant, inacceptable ! Cela, tout simplement parce que l'on ne tient pas compte de plusieurs choses: à Genève, la vie est plus chère. Par ailleurs, Mesdames et Messieurs les députés de la droite, vous savez bien que les handicapés, qui vivent avec le minimum qu'ils ont à disposition, connaissent déjà des situations précaires et sont extrêmement mal lotis et malheureux. Vous voulez leur rendre la vie encore plus difficile. C'est scandaleux, inadmissible et révoltant !
Nous voterons contre ce projet de loi inique, soutenu par la droite, initié par le Conseil d'Etat.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. Voilà un nouveau projet de loi qui s'inscrit dans le plan financier quadriennal. Je pense, Monsieur Unger, que le précédent projet de loi que nous avons discuté, tout comme celui-ci et comme ceux qui viendront peut-être après, s'il y en a d'autres, n'ont pas été déposés après mûre réflexion. Ce n'est pas que vous ne fassiez pas le travail comme il le faut, mais ces projets de lois ont été déposés parce qu'on vous a intimé l'ordre de faire des économies pour satisfaire au plan financier quadriennal selon lequel le déficit de 290 millions de francs ne devrait pas être dépassé. C'est la raison pour laquelle, Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez cherché à apporter une contribution dans votre département. Malheureusement, nous devons discuter aujourd'hui de cette «contribution», comme la nomme M. Iselin, de la part des handicapés. M. Iselin nous dit qu'il est normal que tout le monde contribue même les invalides, les chômeurs et les pauvres. D'accord, Monsieur Iselin. D'accord. Mais proportionnellement.
Si je prends le différentiel entre ceux qui ont le plus et ceux qui ont le moins, qui, comme je l'ai dit, est de un pour dix mille - ce sont les extrêmes - si on prend 296 francs aux plus faibles, il faudrait prendre dix mille fois plus à ceux qui ont plus, dans le cadre de cette contribution. Un banquier ou des gens qui disposent de ressources considérables devraient donc payer 29 millions de francs, à ce même titre. Là, je serais alors d'accord avec vous, Monsieur Iselin. Seulement, dans le cadre de la contribution sollicitée aujourd'hui, on demande aux personnes handicapées - qui, par ailleurs, dans le cadre de la redistribution des 12% n'ont touché que 6,8 francs - une contribution de 296 francs. C'est une injustice à laquelle nous ne pouvons pas participer.
Un des arguments de M. Unger consistait à dire qu'il faut faire la différence entre impotents et non-impotents. Cet argument est cohérent, Monsieur le conseiller d'Etat, par rapport à l'histoire. Mais vous savez très bien que des gens, qui ne sont pas impotents physiquement, ont été placés à l'AI après avoir fait quatre ans de chômage, être allés à l'Hospice général et avoir touché le revenu minimum. J'ai lu les rapports de l'Hospice général. Cela est arrivé parce que ces personnes étaient incapables d'assumer même un emploi. Cela signifie que leur état psychique était tel, qu'elles étaient si psychiquement handicapées, qu'elles ne pouvaient même pas assumer un emploi. Je me suis entretenu avec ces personnes et, effectivement, elles se trouvaient dans un état assez préoccupant. Ces personnes ne sont peut-être pas impotentes, Monsieur le conseiller d'Etat, mais elles sont dans l'incapacité de gagner leur vie. Leur niveau de déstructuration intellectuelle est tel que ces personnes nécessitent une aide considérable. Cette population est extrêmement fragilisée. Lorsque l'on dira à ces personnes qu'elles n'auront plus droit à 296 francs, cela aura un impact psychologique sur elles. Avez-vous mesuré cela ? Cela entraînera la désécurisation d'une population qui est déjà suffisamment désécurisée. Si leurs revenus étaient très élevés, je comprendrais le bien-fondé de cette mesure.
Je ne crois pas que l'on devrait s'attaquer à cette prestation, Monsieur le conseiller d'Etat. Avant que le Conseil d'Etat ne vous sollicite pour une telle mesure, je pense que l'on aurait dû s'attaquer à d'autres mesures.
Une voix. Lesquelles ?
M. Alberto Velasco. D'autres ! La Suisse est le pays et Genève est le canton qui ont les plus grandes fortunes placées dans des banques s'occupant de gestion de fortunes. Les revenus sont considérables et les personnes titulaires de ces fortunes ne sont pratiquement pas imposées. Comme vous le dites, les finances seront rétablies «d'ici une année ou deux». Dans ce cas, un impôt de solidarité de un pour dix mille aurait suffit pour boucler cela. Mais vous pensez que l'on fragiliserait cette population composée de gens riches et fortunés ?! Votre argument est le suivant: il ne faut pas fragiliser les gens riches parce que sinon nous aggraverons l'état de nos rentrées fiscales. Mais nous pouvons fragiliser les personnes qui sont à l'AI. Puisque celles-là ne sont pas contributrices, nous ne fragilisons au contraire pas les rentrées fiscales...
La présidente. Il va vous falloir conclure, Monsieur le député.
M. Alberto Velasco. Comme le disait tout à l'heure mon collègue Weiss, «on améliore les dépenses de ce canton par la baisse.»
Voyez-vous, Mesdames et Messieurs les députés, Monsieur Unger, pour lequel j'ai une certaine estime, vous le savez très bien, en l'occurrence, je ne peux pas vous suivre sur ce projet de loi. Le groupe socialiste ne peut pas voter l'entrée en matière d'un projet que je ne qualifierai pas d'inique - je ne vais pas employer ce terme - mais dont je dirai qu'il est éminemment injuste.
M. René Ecuyer (AdG). Parmi les 17 projets qui accompagnent le budget - qui, par ailleurs, comme on l'a déjà dit, aurait été inacceptable sans eux tant il est antisocial, peu respectueux des citoyennes et des citoyens, peu respectueux des droits des travailleurs de la fonction publique - parmi les 17 projets d'austérité, d'abandon des tâches de l'Etat, celui qui porte le numéro 9372 est bien le plus scandaleux, le plus honteux et le plus injuste. On veut diminuer de 300 francs par mois le revenu des invalides, des handicapés, des plus vulnérables, c'est-à-dire ceux qui sont les plus modestes qui, sans l'apport des prestations complémentaires, ne pourraient pas nouer les deux bouts. On s'attaque enfin à ceux qui n'ont pas eu la chance d'être bien nés ou d'être nés, comme beaucoup d'entre vous, avec une cuillère d'argent dans la bouche ou qui n'ont pas la chance d'être nés avec une bonne santé.
Les arguments, qui ont convaincu le Grand Conseil en 1968, selon lesquels il était nécessaire d'ajouter à cette catégorie de citoyens un petit plus pour vivre, et encore un petit peu plus, lorsque le conjoint est aussi invalide, ne sont plus valables aujourd'hui. Oui, un handicap physique entraîne des dépenses auxquelles les gens en bonne santé n'ont pas à faire face. Non, on ne doit pas transformer les bénéficiaires des prestations complémentaires en assistés, lorsqu'ils sont contraints de partir dans d'autres cantons parce qu'aucun établissement ne peut les accueillir à Genève.
Le Grand Conseil de 1968 était majoritairement de droite. La droite de l'époque - et nos anciens camarades n'en croiraient pas leurs yeux - était moins ingrate, moins stupide que celle d'aujourd'hui. Je m'adresse à M. Iselin par votre intermédiaire, Madame la présidente. Monsieur Iselin, je suis étonné que vous vous soyez chargé de ce rapport, parce que vous avez souvent fait référence à votre passé de président d'une grande association en faveur des handicapés. Vous auriez pu laisser ce rapport à M. Weiss qui a l'habitude de traiter les mauvaises actions dans ce parlement. (Manifestation dans la salle. L'orateur est interpellé.)Oui, vous êtes mis en cause. Comment, Monsieur Iselin, pouvez-vous vous présenter devant les handicapés pour justifier une diminution de 300 francs de leurs revenus ? Tous ceux qui, prochainement, à l'occasion des fêtes de Noël, bien habillés, en «costard cravate», vont aller porter la bonne parole: comment vont-ils dire aux handicapés que 300 francs sont sabrés de leur budget mensuel ?
Je suis sidéré. J'ai aussi pu constater la manière dont on peut retourner sa veste. On a entendu M. Mettan, à propos des internationaux, qui a un discours avec eux et un discours ici. Considérant cette attitude, je n'arrive pas à m'empêcher de penser à l'émission sur l'Argentine et ses milliers de disparus, que l'on a pu voir l'autre soir sur la deuxième chaîne. Le sujet en était «La traîtrise des politiciens». Lorsque Videla a été chassé, on a vu Alfonsi, Rueda et Carlos Menem, qui a été porté par les pauvres. Peu de temps après, il retournait sa veste. En une seule séance du parlement, on a vendu les chemins de fer, le pétrole, l'eau et les télécommunications aux multinationales. Aujourd'hui, l'Argentine constitue un bel exemple de mondialisation: elle est beaucoup plus pauvre qu'avant; les pauvres sont plus pauvres et les riches, plus riches.
J'ai parlé de gens vulnérables. Mais ils ne sont pas si vulnérables que cela, parce qu'ils ne sont pas seuls. Il y a, dans ce canton, une constitution que le peuple s'est donnée. Ainsi, il est en mesure de lutter contre l'arrogance de ceux qui détiennent le pouvoir. Le peuple n'est pas le seul, parce qu'il y a aussi le parti du Travail avec ses militants qui iront, dans la rue, récolter des signatures avec les autres partenaires de l'Alternative. Voilà pourquoi, en tout cas dans un premier temps, nous vous invitons à refuser ce projet de loi honteux; dans un deuxième temps, s'il devait, par malheur, être accepté par ce parlement, nous vous inviterions à rejoindre tous ceux qui seront dans la rue pour récolter des signatures pour un référendum.
Mme Anne Mahrer (Ve). Pour les Verts, vouloir rétablir l'équilibre budgétaire en prenant, entre autres, des mesures d'économies au détriment des personnes les plus démunies - en diminuant leur revenu mensuel de 13% - est inacceptable. Des économies substantielles peuvent être trouvées en mettant enfin en oeuvre cette réforme de l'Etat dont on entend parler depuis plus de dix ans.
En conséquence, les Verts refuseront l'entrée en matière de ce projet de loi.
M. Philippe Glatz (PDC). M. Mouhanna m'interpellait tout à l'heure en disant que, hier, je m'étranglais d'indignation parce que les handicapés à Genève touchent des rentes plus élevées que les handicapés situés ailleurs en Suisse. Ce n'est pas du tout la raison de mon indignation. Au contraire, je me félicite que les handicapés puissent toucher plus et ils continueront à toucher plus à Genève. Je m'élevais contre la confiscation que vous faites du débat au profit de la propagande. (Exclamations.)En fait, Monsieur le rapporteur, je prends votre rapport de minorité et qu'y lis-je ? «Avec la bénédiction du Conseil d'Etat, la droite trouve parfaitement normal et nécessaire de faire d'énormes cadeaux fiscaux aux plus riches de chez nous [...].» Qu'est-ce que cela à avoir avec la loi que nous sommes en train d'examiner ? «La crise des finances publiques a été voulue et planifiée par la droite pour réduire fortement le rôle social de l'Etat [...].» C'est le «grand complot» ! Vous dénoncez le «grand complot» de la droite. Non.
Voilà, Monsieur Mouhanna, contre quoi je m'élevais: contre cette confiscation du débat, je le répète, au profit de la propagande; contre les slogans mensongers que vous lancez ici et là, pour faire croire que vous avez raison. Effectivement, il y aura une petite réduction appliquée aux handicapés, mais, je l'ai souligné hier, au profit... (L'orateur est interpellé.)Non, Monsieur Spielmann, ce n'est pas une somme de 300 francs. Le rapporteur de majorité vous détaillera le chiffre tout à l'heure. Dans son rapport, il s'agit d'une somme de 86 francs. Cette réduction, appliquée aux handicapés, sera faite au profit d'un autre axe. En effet, Genève a privilégié les subventions aux associations qui s'occupent des handicapés. Et ces dernières subventions ont crû de 71% dans les quatre dernières années. Il s'agit ainsi de privilégier aujourd'hui les associations qui s'occupent des handicapés, au détriment d'une petite baisse sur l'aide individuelle. Vous, qui êtes partisans du collectif, vous devriez pouvoir en être satisfaits.
C'est ainsi que nous-mêmes accepterons ce projet de loi, puisque nous avons pu mesurer qu'un effort considérable avait été accompli par le présent Conseil d'Etat, au profit des handicapés, durant ces quatre dernières années, par le biais des subventions aux associations, qui, je le répète, ont augmenté de 71%.
M. Alain Charbonnier (S). Monsieur Glatz, vous nous reprochez de faire de la propagande. Vous venez d'en faire une qui nous émerveille. Vous donnez d'un côté, vous reprenez de l'autre et nous contestons formellement cela.
Si nous soutenons l'augmentation du subventionnement des associations comme cela a été fait ces dernières années - je pense à Foyer-Handicap, à Clair-Bois, Aigues-Vertes et à d'autres - nous contestons ce qui est en train de se préparer avec ce projet de loi et cette économie, réalisée directement sur le dos des personnes handicapées. On donne donc aux associations et on enlève aux personnes handicapées !
Quant aux chiffres du rapport de majorité, parlons-en ! Le rapporteur de majorité n'est pas capable d'en donner. Il cite un de vos collègues qui parle de la somme de 86 francs mais il cite aussi le chiffre donné par un membre de l'Alternative, qui est de 300 francs. Alors, où est la vérité ? Peut-être que le président du département nous la donnera. Toujours est-il que quel que soit le chiffre, il y aura une réduction que nous jugeons insupportable. Dans son rapport, M. le rapporteur de majorité, qui est, en passant, un ancien président d'une grande association pour personnes handicapées - je pense que les membres de cette association, les employés apprécieront son nouveau discours par rapport à la personne handicapée - M. Iselin nous dit que si la loi est acceptée, les montants octroyés aux personnes handicapées resteront les plus élevés de Suisse. Je veux bien. Dans ce cas, prenons les revenus les plus élevés à Genève et coupons ! Jusqu'à maintenant, chaque fois que nous l'avons proposée, d'une façon ou d'une autre - on en a beaucoup parlé dans ces débuts de débat par rapport à l'impôt - vous vous élevez évidemment contre cette proposition. Qu'est-ce que les médecins, les avocats, les gestionnaires de fortune diraient si on leur disait: «Vous allez donner une grande partie de vos revenus parce que vous avez les plus élevés de Suisse et cela est insupportable» ? Vous allez pourtant permettre cela pour les personnes handicapées, avec des rentes minimales, alors que vous l'avez toujours refusé pour des revenus plus élevés. Le tarif horaire de certains avocats, à Genève, doit s'échelonner entre 400 et 600 francs, aujourd'hui. Evidemment, par rapport aux 86 francs d'une personne handicapée, le calcul est vite fait.
M. Pierre Kunz (R). Je ne voulais pas intervenir dans les débats inutiles et un peu ridicules dont nous remplissons les écrans de Léman bleu depuis bien des heures, mais les interventions de certains de mes collègues de gauche, de MM. Velasco et Mouhanna en particulier, sont vraiment trop honteuses pour demeurer sans réponse.
D'abord, dire que le coût de la vie est plus élevé à Genève qu'ailleurs en Suisse est un mensonge. (Exclamations.)C'est un mensonge, et les statistiques de l'OCSTAT le montrent bien, puisqu'elles comparent le coût de la vie à Genève et celui du reste du pays. Pour ceux qui veulent bien se donner la peine, une fois, de renoncer à répéter toujours la même messe et d'aller voir dans ces bouquins, ils pourront constater que la différence entre l'évolution du coût de la vie, à Genève, et celle du coût de la vie en Suisse, en moyenne, est négligeable. Cela représente peut-être 2 ou 3% sur une vingtaine d'années. Alors, arrêtez de toujours justifier les subventions et les prestations genevoises par cet argument qui, je le répète, est mensonger.
Ensuite, et surtout, il est lamentable de hurler à la misère généralisée des invalides et des handicapés. Il existe des handicapés et des invalides heureux et à l'aise. J'en connais pour les employer à Balexert. Ces discours sont honteux. Ils sont tout simplement révoltants, parce qu'ils sont purement démagogiques... (Manifestation dans la salle.) ...et parce qu'ils s'adressent, de manière tout à fait consciente, à une partie de la population particulièrement exposée à ce discours. Mais, évidemment, depuis des décennies, ce type de discours s'inscrit dans le labour constant fait par les partis de gauche sur les plates-bandes politiques. Ces plates-bandes sont celles du misérabilisme honteux, lamentable, indigne. (Brouhaha.)
Mme Jocelyne Haller (AdG). M. Kunz vient d'évoquer des débats inutiles et ridicules. Il vient d'en donner la démonstration. Les arguments qu'il vient d'énoncer sont lamentables, excusez-moi de le dire, Monsieur Kunz. Il n'est pas dans mes habitudes de prendre les gens à parti, mais là, très sérieusement, vous avez poussé le bouchon un peu loin. Nier, comme vous le faites, le coût de la vie à Genève et les différences qu'il y a entre Genève et les autres cantons est scandaleux. Comparer les ressources d'une personne handicapée qui travaille à celles d'une personne handicapée qui bénéficie de subsides parce qu'elle ne peut pas faire autrement est quelque chose d'incorrect. S'il vous plaît, je pense qu'il faut garder un petit peu de mesure. (L'oratrice est interpellée.)Non. (Exclamations.)
Une voix. Tais-toi !
Mme Jocelyne Haller. L'inverse du misérabilisme, Monsieur, c'est l'utilisation que vous faites de ce type d'arguments. (La présidente agite la cloche.)Si vous permettez, régulièrement, je tiens à le dire, on fait à la gauche le procès de crier abusivement au démantèlement. Et pourtant, de quoi d'autre est-il question, aujourd'hui ? De rigueur budgétaire ? Allons, Mesdames et Messieurs les députés, ce n'est pas vraiment de ça dont il s'agit. Dites-le carrément ! C'est de votre réforme de l'Etat dont il est question, de rien d'autre. Cessez de vous parer de fausses vertus et de faire des reproches aux autres. Vous prétendez assainir et redresser les finances de l'Etat. Mais en fait, vous êtes en train de mettre autre chose en place: votre réforme de l'Etat. L'Etat dont vous souhaitez la mise en place. C'est un Etat qui affaiblit le statut du personnel de la fonction publique - plutôt que de corriger les défauts que vous avez largement contribué à créer. Une réforme de l'Etat qui organise et qui administre la précarité et la pauvreté, plutôt que de les combattre. Enfin, une réforme de l'Etat qui n'a pas de scrupules à demander aux plus démunis d'être plus démunis encore.
Mesdames et Messieurs les députés, baisser le montant des prestations aux personnes invalides bénéficiaires de l'OCPA est un piètre exploit. On vous attendait ailleurs. Mais, du côté des recettes, rien à dire, ou pas grand-chose. Non. Vous préférez diminuer de 13% les ressources des invalides. Cela est édifiant. D'ailleurs, comme le disait M. Glatz, ce n'est qu'une «petite réduction». Une paille, quoi. 13% de leurs ressources. Vous épargnez les riches et vous épinglez les pauvres.
Mais le plus navrant c'est que, pour y parvenir, vous n'hésitez pas à travestir la réalité. Vous déformez les faits. Vous faites passer les plus pauvres de ce canton pour des nantis. Vous occultez l'extrême modicité de leurs ressources et les charges auxquelles ils ne peuvent se soustraire. Vous niez leurs besoins particuliers. Dès lors, plus de vergogne: vous pouvez trancher. Et d'ailleurs, cela devient une habitude, la liste s'allonge. On peut se demander: «Et après, à qui le tour ?»
Non, Mesdames et Messieurs les députés, nous ne participerons pas à cette vilenie. Nous refusons ce projet de loi et nous nous rangerons aux côtés de ceux qui lanceront un référendum, si ce projet de loi venait à être accepté. (Applaudissements.)
M. Souhail Mouhanna (AdG), rapporteur de deuxième minorité. J'aimerais dire un mot à M. Kunz qui nous a habitués à intervenir à tort et à travers pour distiller sa haine de tout ce qui peut ressembler, de près ou de loin, à une politique sociale. M. Kunz constitue l'illustration de l'extinction quasi totale de tout humanisme au niveau du parti radical. Nous avons assisté, depuis un certain nombre d'années, à une dérive d'extrême droite, d'un certain nombre de personnes au parti radical, dont M. Kunz est à la tête. Je ne regrette qu'une seule chose: que les propos de M. Kunz ne soient pas entendus par un plus grand nombre de personnes, pour que la signification de ce genre d'interventions puisse être mesurée et pour que soit constatée la volonté de certains, ici, de nous faire revenir au temps de l'esclavage et de la féodalité.
J'aimerais dire à M. Glatz que je le remercie d'avoir fait de la propagande pour mon rapport, dans lequel, Monsieur Glatz, je ne fais que décrire ce que vous êtes en train de faire. L'exposé des motifs de l'Etat dit qu'il est tout à fait normal de s'en prendre aux handicapés parce qu'il y plus mal lotis qu'eux ailleurs - c'est-à-dire qu'ailleurs on touchera 50 ou 100 francs de moins. Quel argument fort, puissant, juste, extraordinaire !
Monsieur le conseiller d'Etat, la question à laquelle il faut répondre est la suivante: est-ce que, vraiment, les revenus sociaux qui sont accordés aux handicapés constituent des montants qui justifient qu'on leur coupe plusieurs centaines de francs par mois ? Ces gens roulent-ils sur l'or ? Thésaurisent-ils avec cela ? Cet argent n'est-il pas immédiatement réinvesti, réinjecté dans l'économie ? Les handicapés sont-ils vraiment privilégiés - alors que leur situation, comme vous le savez, est dramatique ?
Lorsque l'on veut s'en prendre aux mal lotis de chez nous, sous prétexte qu'il y a plus mal lotis ailleurs; lorsque la droite veut toujours faire plus de cadeaux aux millionnaires, parce que sinon ils partiraient d'ici car ils paieraient moins d'impôts ailleurs - comme si tous les millionnaires de chez nous étaient à côté de leur valise, attendant qu'on touche aux impôts pour partir avec - vous ne leur prêtez aucune conscience citoyenne. Tant pis pour vous et tant pis pour eux. Si ce projet de loi est accepté, c'en sera la démonstration irréfutable.
Genève, s'est enorgueillie, pendant très longtemps, d'être en tête, au niveau national, sur le plan social. Ce projet de loi est dramatique pour l'Etat social genevois. Nous n'allons pas laisser faire, nous allons engager toutes nos forces contre ce projet de loi, qui pourrait devenir une loi inique, parce que c'est inacceptable et scandaleux.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de première minorité. M. Kunz ne comprend pas la portée des mots qu'il est en train d'utiliser. (L'orateur est interpellé.)Je n'ai pas l'impression que votre niveau ne vous le permette. (Rires. Commentaires.)Au lieu de nous taxer, nous les gens de gauche, de «misérabilistes», vous devriez utiliser le terme «généreux». Nous sommes souvent généreux, c'est vrai. Parfois trop à votre goût, mais nous admettons et sommes fiers de faire preuve de générosité.
C'est vous, Monsieur Kunz, qui faites preuve de misérabilisme: vous vous attaquez à des personnes qui ont peu de ressources, avec lesquelles la vie a été peu indulgente. «Les Misérables», c'est vous, Messieurs, avec un tel projet de loi.
M. Glatz nous a dit, tout à l'heure, qu'il y avait 71 associations pour handicapés et que, de ce fait, si je comprends bien son raisonnement, il fallait répartir, puisqu'il y a plus d'associations qui s'occupent de ces personnes. Seulement, cher collègue, cher Monsieur Glatz, vous prenez le même gâteau et vous moyennez, c'est-à-dire que vous répartissez le gâteau entre tout le monde, sans l'augmenter. En l'occurrence, les tranches sont changées: vous diminuez la petite tranche de gâteau au handicapé pour donner aux autres. Je ne crois pas que cela soit la preuve d'une grande générosité.
La présidente. Monsieur le rapporteur, veuillez vous adresser à l'ensemble des députés.
M. Alberto Velasco. Veuillez m'excuser, Madame la présidente ? En l'occurrence, je crois, Monsieur Glatz, que s'il y a 71% d'associations en plus dans ce domaine - et je tire mon chapeau au Conseil d'Etat, parce qu'il a pris en charge cette augmentation, signe de difficultés supplémentaires et véritable constat de la société - ce n'est pas une raison pour dire, puisque la société produit, par ses dysfonctionnements, par son injustice, et que nous ne voulons pas faire participer à la solidarité de ce canton d'autres, alors nous prenons le même gâteau et nous le répartissons. Non, je ne crois pas, Monsieur Glatz, que ce soit une juste mesure.
Il ne s'agit pas, ici, d'une attitude misérabiliste, car il s'agit quand même de 20 millions de francs. Je ne vais pas rentrer dans des considérations concernant le montant correct qui pourra être retiré aux rentes des personnes handicapées, mais il s'agit quand même... (L'orateur est interpellé.)Monsieur, moi je dis que ce sont 300 F. Cette somme est le chiffre auquel je suis arrivé dans mon rapport de commission. Ces chiffres nous ont été donnés par le département. Je peux sortir les rapports, si vous voulez. C'est comme ça, Messieurs. Ce sont 20 millions que l'on soustrait à l'AI. Ces 20 millions figurent dans mon rapport. Vous minimisez ce chiffre: c'est bien cela, faire preuve de misérabilisme. Minimiser ce chiffre est misérable.
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur. Comme votre intervention a presque entièrement été adressée à l'encontre de M. Glatz, je passe la parole à M. Glatz pour qu'il réponde, mais très rapidement. Ensuite, je passerai la parole à M. Iselin, puis à M. le conseiller d'Etat et nous voterons avant la soupe.
M. Philippe Glatz (PDC). Je serai bref, Madame la présidente. Je vous remercie. Je ne peux pas laisser dire autant de contre-vérités.
J'ai dit qu'il y avait une augmentation très importante des subventions accordées aux institutions qui s'occupent de handicapés. A titre d'exemple, nous citerons la Fondation Aigues-Vertes dont la subvention est passée de 4 millions à 5,5 millions de francs, soit une augmentation de près de 33% en deux ans. Cela est une réalité.
(Exclamations. Manifestation dans la salle.)Une autre augmentation à Foyer-Handicap, dont la subvention a augmenté de 15% sur les deux dernières années. Encore une autre, pour une fondation: celle de Clair Bois à Pinchat, Chambésy et Lancy, qui passe de 11,8 millions à 15,8 millions de francs de subvention, soit une augmentation de 30%, dont 17,5%, l'année dernière. Voilà la réalité, Mesdames et Messieurs les députés.
Nous augmentons les subventions pour les associations et les institutions qui s'occupent de handicapés parce que celles-là font bien leur travail. (Applaudissements.)
M. Robert Iselin (UDC), rapporteur de majorité. Je ne peux pas cacher que ce débat m'est particulièrement pénible. Il est un peu facile de jouer les vertueux. Je remercie M. Glatz et M. Kunz de leurs propos et, plus particulièrement, pour avoir relevé que les allocations pour les handicapés ont augmenté de 71% en trois ou quatre ans.
Quant aux propositions de M. Velasco, si j'ai bien compris la première - auquel cas elle m'est incompréhensible - s'il pense aux déposants dans les banques de Suisse, je trouve cela un peu extraordinaire parce que ces gens ne sont pas contribuables. Quant aux locaux, pour l'instant, ils paient des sommes considérables. C'est se tromper que de croire que ce sont uniquement des fortunes héritées. Beaucoup d'entre eux - dont je fais partie - ont gagné leur vie à la sueur de leur front, et on leur ôte une part considérable de leurs revenus. (Un temps.)
La présidente. Merci, Monsieur le rapporteur.
M. Robert Iselin. Je n'ai pas terminé, Madame la présidente. (Rires.)Je ne vois pas, pour terminer, où il y a une diminution d'humanisme, quand on revient très faiblement à une diminution pour un groupe qui a reçu des augmentations considérables, ces dernières années. (Exclamations.)Tout le monde doit être solidaire, dans cette histoire. Et pour tous ceux qui ont mentionné la Fondation Clair Bois, je tiens à ce que vous sachiez qu'alors j'aurais dû me taire, puisque je ne suis plus que président d'honneur. Mais je ne me suis pas tu. J'ai répété à la Fondation que l'heure était grave et que ce n'était pas le moment de jeter l'argent par les fenêtres. En quinze mois, la dette du canton a augmenté de deux milliards de francs.
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. J'aimerais recentrer le débat sur les objectifs que poursuit ce projet. Le premier rapporteur de minorité a fait part de son impression selon laquelle ce projet avait été déposé dans une certaine précipitation. Je suis surpris par cette affirmation. Lorsque l'on sait qu'un projet, bien plus dur encore, avait été concocté par les partis gouvernementaux - dont le parti socialiste fait partie - à une époque où le département des finances était piloté par une magistrate pour laquelle j'ai le plus profond des respects, dans un mécanisme de table ronde, qui prévoyait de baisser tout cela dans une certaine précipitation.
Pourquoi, cinq ans après, ne sommes-nous pas dans un processus tel que celui que vous décrivez ? Pas un mot, dans ce débat, n'a été prononcé sur l'entrée en vigueur de la quatrième révision de la LAI. C'est tout de même inouï ! Cette révision de la LAI qui, enfin, comprend qu'il faut honorer, de manière différente, des invalides qui méritent, bien entendu, et la considération et le salaire qui leur sont dus, mais qu'on les honore de manière différente, suivant que l'on soit impotent de manière grave, moyenne, légère ou nulle. Venir donc, dans ce débat, mélanger des personnes gravement handicapées et des personnes invalides pour les mille raisons pour lesquelles elles touchent l'assurance-invalidité, et sur lesquelles je n'ai pas à contester le fait qu'elles la touchent, je trouve que c'est tout simplement indécent. Lorsqu'une personne tétraplégique, à l'heure actuelle, n'a pas d'autre choix que de se faire institutionnaliser parce que rien ne sera jamais en mesure de lui permettre d'assumer une vie digne et autonome, à domicile, et quand, enfin, une révision de la LAI le permet, et que l'on ne s'en rend pas compte, que l'on ne se rend pas compte que les allocations que le canton versera seront de 25 000, 60 000 ou 90 000 F par année, pour ces personnes qui font le choix d'une vie à domicile et qui ont besoin d'aide, mais qu'à ce prix-là, on ne peut pas donner tout à tout le monde, alors je pense que nous ne sommes pas en phase avec la réalité des choses et la réalité des gens. (Applaudissements.)
Par ailleurs, et cela a déjà été souligné, en quatre ans, non seulement à l'instigation du Conseil d'Etat mais aussi avec votre soutien toujours unanime, nous avons augmenté de 71% les subventions aux institutions pour personnes handicapées. Alors, Mesdames et Messieurs les députés, oui: gouverner, c'est prévoir. Mais prévoir c'est choisir et on ne peut pas faire 10 000 choix simultanés. Votre parlement et notre gouvernement, à travers ce projet de loi, vous proposent de faire un choix pour poursuivre le respect et le développement de la prise en charge des personnes handicapées dans les institutions, de poursuivre le développement de l'intégration des personnes handicapées dans le cadre de leur autonomie et de leur autodétermination à pouvoir vivre à la maison en profitant de ce que la loi sur l'assurance-invalidité nous autorise à leur octroyer. Mais on ne peut pas, en même temps, maintenir des dépenses supplémentaires qui, encore une fois, se comprennent très bien d'un point de vue historique.
Ce parlement, votre parlement, qui était de droite ou du centre en 1968, avait pris ces mesures à une époque où la quasi-totalité des invalides était simultanément des handicapés impotents. Les choses ont évolué. On peut s'en réjouir, on peut le déplorer, toujours est-il que le nombre d'impotents parmi les invalides ne cesse de diminuer, car les autres invalides - les nouveaux invalides - émargent à d'autres phénomènes. Ce sont des phénomènes qui ne dépendent pas directement de l'argent qu'ils vont recevoir, mais de phénomènes d'amont: des pressions qui sont mises dans le monde du travail, de la manière dont certains - et j'attaque un peu la droite à cet égard - mettent une telle pression sur les gens qu'ils ne trouvent de solution qu'à l'invalidité. Ou encore, alors qu'ils prêchent simultanément une élévation de l'âge de la retraite, font tout pour que leurs cadres de cinquante ans, qui leur coûtent cher, finissent à l'assurance-invalidité. Bref, ce sont des problèmes qui relèvent d'un tout autre ordre. Nous devrions réellement centrer notre débat sur celui qui vous est proposé: celui de gouverner, de prévoir et, donc, celui de faire des choix. (Applaudissements.)
La présidente. Nous allons voter sur la prise en considération de ce projet de loi. L'appel nominal a été demandé et soutenu.
Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet de loi est adopté par 44 oui contre 27 non.
La loi 9372 est adoptée article par article en deuxième débat et en troisième débat.
La présidente. L'appel nominal a également été demandé pour le vote d'ensemble du troisième débat, et il est appuyé.
Mise aux voix à l'appel nominal, la loi 9372 est adoptée en troisième débat dans son ensemble par 43 oui contre 26 non.
La présidente. Je vous rappelle que nous avons reçu l'invitation à venir partager la soupe de l'Escalade, servie dans la cour de l'Hôtel-de-Ville par l'Union maraîchère de Genève, que nous remercions de réitérer cette invitation depuis plusieurs années. Je souhaite que plusieurs députés y participent. Nous reprendrons nos débats à 14h. Je vous souhaite un bon appétit.
La séance est levée à 12h15.