République et canton de Genève
Grand Conseil
Séance du vendredi 17 décembre 2004 à 8h
55e législature - 4e année - 3e session - 12e séance
PL 9370-A
Premier débat
La présidente. Vous êtes rapporteur de majorité donc je vous passe la parole en premier, pour l'ouverture, c'est normal. Avez-vous quelque chose à ajouter à votre rapport ?
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Ce n'est pas moi qui ai quelque chose à ajouter, Madame la présidente, c'est le Conseil d'Etat qui, le jour même du dépôt du rapport, nous a fait part d'amendements qui ont, par la suite, été discutés en commission des finances. Ces amendements font l'objet d'une annexe qui se trouvera, dans le Mémorial, jointe au rapport déposé par les rapporteurs.
Pour l'essentiel, l'amendement du département de l'action sociale et de la santé, présenté au nom du Conseil d'Etat, prévoit que, en cas de modification de la situation du bénéficiaire des subsides au titre de l'assurance maladie, il y ait une prise en considération de l'amélioration de la condition financière dudit bénéficiaire. Voilà pour la précision que je tenais à apporter sur le fond de ce projet de loi.
J'aimerais rappeler, Madame la présidente, à vous-même peut-être, qui êtes attentive, comme toujours, mais aussi au reste de cette assemblée, qui a à coeur l'adoption de notre budget, qu'il s'agit d'un projet de loi à 8 millions, ayant pour but que les étudiants, enfants de familles aisées, ne bénéficient plus automatiquement de subsides au titre de l'assurance-maladie. Il s'agit, en d'autres termes, de passer d'une politique de type «arrosoir» à une politique ciblée sur les étudiants de moins de 25 ans qui ont des besoins financiers prouvés.
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur de première minorité. Ce projet de loi pose, à notre avis, un problème. Non pas sur le principe ni sur le résultat, tel qu'ils viennent d'être exposés par le rapporteur de majorité, mais parce que nous considérons que le résultat qui découlera du vote de ce projet de loi sera différent. Il existe, dans notre collectivité, de nombreuses familles qui assument les charges de leur enfant, lorsqu'il est étudiant, jusqu'à 25 ans.
Cependant, si vous supprimez ce mécanisme, vous allez mettre en place un autre mécanisme, celui qui consiste dans le fait que le jeune, au lieu de continuer à vivre dans le milieu familial, pourra très bien quitter ce milieu et s'installer. Il aura droit à la subvention sur le logement, à des prestations sur le chômage et sur le revenu, et à toute une autre série de prestations auxquelles il ne pense peut-être même pas au départ mais qui sont inscrites dans la loi. En forçant les jeunes à modifier leurs habitudes et à donner des renseignements sur les revenus qui ne sont pas les leurs mais ceux de leurs familles, vous allez les inciter à quitter le milieu familial et à profiter de toutes les possibilités que la loi offre aujourd'hui.
Dire que nous allons faire des économies en supprimant les subsides à quelques jeunes, c'est une erreur, à mon avis. Vous allez peut-être gagner quelques centaines de francs avec ce principe, mais vous allez ouvrir la porte à des modifications importantes.
Il y a, dans la collectivité genevoise, beaucoup de difficultés en matière de logement, je ne suis pas sûr qu'il serait intelligent de promouvoir l'éclatement familial et de favoriser le départ des jeunes, qui disposeront alors des revenus prévus et des prestations qui leur sont offertes.
Je crois que c'est le choix que vous faites aujourd'hui, et je vous donne rendez-vous ultérieurement pour faire le bilan du résultat de cette loi bâclée et ne prenant pas en compte les problèmes sociaux des jeunes étudiants, que vous allez voter maintenant.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Je suis étonné de la pseudo-justice sociale que prône mon collègue Weiss. En réalité, il n'est pas du tout question de justice sociale. Sur le fond, je comprends le projet de loi que nous soumet M. Unger. Mais je pense qu'il a des effets pervers. Si on admet que les riches, comme les pauvres, contribuent, proportionnellement par l'impôt républicain, aux tâches de cette collectivité, je pense que chacun - riche comme pauvre - doit avoir droit aux mêmes prestations. Je pense qu'il faut une certaine «laïcité économique», du moment que ces classes ont participé correctement. Mais il est vrai que l'on s'attaque à la progression proportionnelle de l'impôt, et les classes aisées ne contribuent plus à la mesure de leurs moyens, ce qui, dans le cadre de notre budget et des recettes de l'Etat escomptées correspond au «ciblage» social. C'est ce que mon collègue Weiss appelle une «justice sociale». Je ne suis pas d'accord, je préférerais que ces jeunes conservent leur subside, comme tout le monde, puisque, à partir de vingt ans, ils peuvent quitter leur famille pour habiter ailleurs.
Si vous voulez un exemple d'effet pervers de ce projet de loi, un jeune pourrait très bien habiter seul, avoir une lettre justificative de ses parents et ainsi toucher le subside ! Il faudrait alors, pour s'assurer de la véracité de chaque situation, une armée de contrôleurs qui nous coûteraient bien plus cher que les quelques millions que nous retirerons par le biais de cette mesure.
Par conséquent, je considère que ce projet de loi n'est pas bienvenu. Il introduit une discrimination parmi les jeunes et parmi les contribuables. Je pense que nous ne devrions pas entrer en matière. C'est en tout cas ce que nous ferons au parti socialiste.
Mme Michèle Künzler (Ve). Il y a une inégalité de traitement entre contribuables, c'est vrai. En fait, voilà des contribuables qui, entre 18 et 25 ans, sont «contribuables mais pas trop». En réalité, on leur dénie le fait d'être des contributeurs comme n'importe qui.
18 000 jeunes, entre 18 et 25 ans, ne payent pas d'impôts. Pourtant, parmi ces 18 000 jeunes, certains sont mariés - environ un millier d'entre eux - certains travaillent, certains se trouvent dans des situations difficiles et certains d'entre eux sont, c'est vrai, chez papa-maman, jouissant d'une situation relativement bonne. Voyons maintenant la situation des familles.
Il y a 50 000 foyers contributeurs composés de familles avec un ou plusieurs enfants. Parmi ces familles, 75% n'ont pas plus de 150 000 F de revenus bruts par année. En réalité, ceux que vous visez, c'est-à-dire les quelques familles plus aisées qui disposent de revenus annuels supérieurs à 150 000 F, constituent 25% des familles. La mesure concerne donc environ 1000 jeunes, ce qui équivaut à un million de francs. Comme le conclut le deuxième rapporteur de minorité, c'est une économie toute théorique. Est-ce que cela vaut la peine de faire des contrôles ?
Par ailleurs, pour quelques personnes qui recevraient indûment des prestations, on prive d'autres personnes qui en auraient réellement besoin. Parmi les personnes défavorisées, il faut le savoir, une grande partie d'entre elles ne demanderont pas de prestations. C'est peut-être sur cela que l'on compte pour faire des économies. En effet, on sait que ces personnes n'ouvrent pas leur courrier, ne répondent pas dans les temps, ne font aucune demande. Ce sont ces personnes-là qui seront désavantagées car même si elles ont un droit théorique, elles ne l'utiliseront pas. Si les 9 millions de francs d'économie prévus sont faits sur ces personnes-là, je trouve que c'est un scandale bien plus grand que de verser un peu trop à des familles qui, même si elles sont aisées, sont quand même, en Suisse, moins bien traitées qu'ailleurs.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Je ne sais pas si l'impôt est républicain ou régalien, ce qui est certain c'est que des économies théoriques valent mieux que des dépenses réelles.
Deuxièmement, il n'est pas absolument inique de prévoir un traitement différent pour les jeunes jusqu'à 25 ans. Je rappellerai que, en droit pénal, la situation qui est faite aux moins de 25 ans peut leur procurer des condamnations moins lourdes qu'à ceux qui ont plus de 25 ans.
Troisièmement, je n'emploierai pas les termes latins de mon collègue Gautier, mais, avec le sourire, le cours de triche appliquée qui a été donné tout à l'heure par l'un des rapporteurs qui a simplement oublié que la crise du logement rendait les conseils pour l'utilisation perverse des nouvelles dispositions pour le moins virtuelles.
M. Souhail Mouhanna (AdG). M. Weiss vient de qualifier de «leçon de triche» ce que M. Spielmann a évoqué comme possibilité, lorsqu'on prend de telles décisions.
Lorsque la droite s'attaque aux prestations sociales, lorsqu'elle s'attaque aux chômeurs, elle le fait au nom d'abus et de triches, alors que tout le monde sait que cela concerne une infime minorité de gens. Alors, en matière de triche au niveau de l'évaluation des situations, vous êtes champion, Monsieur Weiss.
Comme il est attendrissant de vous entendre dire: «Il est normal de différencier les gens qui sont modestes des gens qui appartiennent à des familles aisées. C'est la raison pour laquelle il ne faut pas pratiquer de «politique de l'arrosoir», il ne faut pas favoriser les milieux aisés» ! M. Glatz s'enflammait, hier, demandant s'il était normal de donner des subsides à des enfants de familles aisées. Ce sont les mêmes qui font des cadeaux, non pas de quelques centaines de francs - comme c'est le cas pour les subsides - mais de centaines de milliers de francs à ces mêmes milieux et qui viennent nous gratifier de déclarations du type: «Il va falloir tenir compte du fait qu'il y a des gens plus favorisés que d'autres.»
Pour nous, l'égalité de traitement à l'égard des jeunes est fondamentale. Vous essayez de prendre un petit quelque chose, au niveau des gens que vous représentez, pour pouvoir leur redonner des centaines de fois ce que vous prétendez vouloir leur prendre. A cela, nous répondons: «Non !».
Nous défendons l'égalité de traitement pour tous les jeunes, comme nous avons défendu la gratuité des études pour tous les étudiants, tous les élèves, quel que soit leur milieu familial, parce que nous considérons que les jeunes sont utiles à l'ensemble de la collectivité, à toute la société et non pas seulement à leurs parents. Il appartient par conséquent à l'ensemble de la collectivité de financer leurs études. Ce financement se fait par l'impôt. Ceux qui ont le plus paient le plus, ceux qui ont le moins paient le moins. C'est cela, la justice sociale: la justice fiscale. Nous reviendrons là-dessus plus tard mais nous refusons, pour le moment, l'entrée en matière quant à cette mesure inique et tout à fait stupide, du point de vue des résultats financiers attendus.
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur de première minorité. Je me serais abstenu de prendre la parole si M. Weiss n'avait pas jugé utile de considérer que je facilitais la triche dans mon intervention. Je me suis exprimé sur le fond du projet de loi proposé. Que va provoquer ce projet de loi ? Mme Künzler l'a fort bien résumé: ce n'est qu'un millier de jeunes qui seront concernés par ce projet de loi. Alors qu'aujourd'hui ils touchent automatiquement un subside pour l'assurance-maladie, ils devront, si ce projet de loi est adopté, préparer un dossier, notamment sur les revenus de leurs parents, et chercher toutes les possibilités qui s'offrent à eux. Par conséquent, les jeunes issus de des milieux les plus favorisés pourront, plus facilement que les autres, trouver un logement, obtenir une indemnité pour ce logement, bénéficier d'allocations pour les études et obtenir tous les subsides qu'un jeune est susceptible d'obtenir s'il se désolidarise de sa famille.
Partant de là, le résultat escompté est ridicule - et bien à l'image de tous les projets de lois liés à ce budget. C'est du travail à la petite semaine. Il est tout à fait faux de dire que ce projet de loi va permettre de faire des économies. Il va provoquer la désolidarisation de certaines familles, entraîner que les gens, assumant la totalité des dépenses de leurs enfants qui étudient, vont se rendre compte qu'il existe des moyens de les faire indemniser. Cela va donc provoquer des dépenses beaucoup plus grandes que les quelques économies «bouts de chandelle» que vous êtes en train de mettre en place. Il ne s'agit pas de triche, Monsieur Weiss. M. Mouhanna vous l'a dit. On connaît les manières dont vos milieux pratiquent avec le fisc. Il s'agit du respect des lois. Je suis en faveur du respect des lois.
Je trouve que celle-là n'est pas une bonne loi parce qu'elle va favoriser la désolidarisation familiale et à l'obtention de subsides qui ne sont pas nécessaires. Choisissez ! Vous abordez les débats et traitez les sujets par le petit bout de la lorgnette.
Ce projet de loi provoquera plus de dépenses que d'économies.
M. Alberto Velasco (S), rapporteur de deuxième minorité. Je voudrais répondre au rapporteur de majorité notamment lorsqu'il dit qu'il préfère des économies théoriques aux dépenses réelles. Si l'on appliquait votre raisonnement jusqu'au bout, cela entraînerait un budget totalement théorique sans les dépenses réelles. C'est ce que vous voulez, mais ce serait tromper la population. Nous sommes ici pour faire un budget transparent. L'année passée, des dizaines de millions de francs n'avaient pas été pris en compte par rapport au chômage, et notre budget ne reflétait pas la réalité. Ensuite, lors de l'étude des comptes, on se retrouve avec des chiffres en total décalage avec ceux du budget. C'est vous-mêmes qui nous avez interpellés, nous socialistes, en disant: «Votre conseillère d'Etat, à l'époque, n'avait pas reflété la réalité des véritables coûts des dépenses.» Vous nous dites aujourd'hui que vous préférez des économies théoriques à des dépenses réelles: c'est incongru. Nous disons que les dépenses réelles doivent être reflétées dans ce budget.
Dans ce projet de loi, il y aura, je suis d'accord avec vous, une économie totalement théorique et une dépense réelle. Car, en fin de compte, vous verrez qu'il faudra venir en aide à ces étudiants. La majorité des étudiants aisés ne vivent pas avec leurs parents. Je le répète: la justice sociale consiste dans le fait que les plus aisés contribuent aux dépenses de notre société selon leurs moyens. Ensuite ils ont droit aux mêmes prestations que un chacun. Nous sommes pour la «laïcité économique».
M. Christian Brunier (S). J'aimerais réagir aux deux points que M. Weiss a soulevés. M. Weiss a donné l'exemple du jeune dont les parents seraient très riches et qui toucherait des subventions de l'Etat et il a trouvé cela choquant. Il me semble que M. Weiss est habituellement moins choqué lorsqu'il y a des excès de la part des nantis, quand cela l'arrange. On voit qu'il adopte une politique à géométrie variable.
Deuxième chose, Monsieur Weiss, vous ne pouvez pas accuser M. Spielmann de pousser à la triche, alors que M. Spielmann n'a fait qu'évaluer les effets d'une loi. C'est normal, lorsque l'on est en passe de voter un projet de loi, d'en évaluer les effets positifs mais aussi les effets négatifs, c'est ce que M. Spielmann a fait. En outre, traiter de «tricheurs» des gens qui utiliseraient les droits de lois que vous avez vous-même votées me semble limite pour un élu et c'est indigne de notre parlement.
On a beaucoup parlé des enfants de riches qui toucheraient éventuellement des subsides de manière abusive, selon M. Weiss. Il faudrait aussi que nous parlions des jeunes qui ont des petits revenus, dont les parents touchent des subsides, et qui seront obligés d'aller demander la «charité». En effet, ce projet de loi empêche l'attribution automatique de ces subventions aux plus défavorisés de la société. Cela veut dire qu'on les pousse, dès le départ, à chercher l'aumône et cela n'est pas normal. Ce qui n'est pas normal non plus, c'est de se retrancher derrière le système informatique. On a en effet entendu que, d'un point de vue informatique, il ne serait pas possible de leur donner de subvention automatiquement. C'est faux. Même si le système informatique de l'Etat est défaillant, il n'y a pas de miracle, l'Etat détient le fichier des parents qui touchent des subsides. L'Etat a aussi, dans ses fichiers, la liste des jeunes à charge de leurs parents. Mais oui, Monsieur Unger, au niveau fiscal, lorsque des parents ont des jeunes à charge, ils le déclarent dans leur déclaration d'impôts et cette information figure dans le système informatique de l'Etat. Vous me direz - j'entends d'ici votre réponse - que le système d'information du DASS n'est pas consolidé avec le système d'information des finances publiques. Cependant, même le plus mauvais informaticien sera en mesure de consolider les fichiers pour vous, s'il existe une volonté politique que cela se fasse. Visiblement, il est plus facile de se retrancher derrière des déficits informatiques que de faire preuve de volontarisme politique dans ce domaine.
Voilà en quoi consiste le scandale: pousser des jeunes pas forcément très favorisés à aller demander, dès leur plus jeune âge, «l'aumône» à l'Etat. Vous créerez donc quelque chose d'inacceptable. En plus, quelques-uns l'ont déjà dit, vous créerez une bureaucratie excessive. Par conséquent vous allez réaliser une toute petite économie et créer une bureaucratie excessive. Alors que vous êtes les premiers à dire qu'il ne faut plus engager de fonctionnaires, là vous allez créer de nouveaux emplois. Vous devez mesurer cela, ce que vous n'avez bien sûr pas fait puisque, de nouveau, ce projet de loi a été fait un peu à la va-vite, sur un coin de table. (Applaudissements.)
M. Pierre-François Unger, conseiller d'Etat. L'intervention de M. Brunier me permet d'entrer directement en la matière, et je vous en remercie. Vous avez souligné que, dans l'intervention d'un des rapporteurs de minorité, il était fait état d'effets pervers potentiels et que tout cela nécessitait une évaluation. Eh bien, bravo ! Ce projet de loi est issu d'une évaluation: celle de la CEPP, la commission d'évaluation des politiques publiques, dont la constitution avait été voulue par l'unanimité de ce parlement. Ainsi, il faudrait évaluer des lois qui n'existent pas encore mais renoncer à considérer l'évaluation des lois qui, elles, l'ont été. La CEPP disait des choses somme toute assez simples mais considérablement précises. Elle disait que dans la loi d'application de l'assurance-maladie et dans la politique de subsides qui était prévue, le législateur avait introduit ce que la CEPP appelle elle-même des «effets d'aubaine». Ces effets d'aubaine concernaient 406 millionnaires, en particulier, qui touchaient automatiquement un subside et que votre parlement, à la demande du Conseil d'Etat, a demandé de reconsidérer, non pas sous l'angle de la suppression du subside, mais dans l'impératif d'une vérification que le subside doive être accordé. Et dans la même évaluation, la CEPP faisait le même constat s'agissant des jeunes entre 18 et 25 ans.
Alors, oui, Monsieur le député, les évaluations doivent être faites. Cette loi sera certainement évaluée, mais elle part tout de même d'une évaluation préalable. Je suis un peu étonné que, ni dans le rapport de majorité, ni dans les rapports de minorité, on ait identifié l'enjeu de ce projet de loi qui est de préserver l'intégralité actuelle des subsides pour les assurés modestes, aussi bien s'agissant du périmètre - c'est-à-dire du nombre de gens qui puissent y avoir accès avec les barèmes actuels - que du maintien des barèmes. Parce qu'on peut, comme dans tel ou tel canton voisin, se dire que c'est un peu compliqué de supprimer l'automatisme et, partant, de diminuer pour tous le montant des subsides. On passe de 80 à 60, de 60 à 40 et de 30 à 10. C'est ce qui s'est passé dans d'autres cantons en Suisse romande. Le Conseil d'Etat, au contraire, a voulu préserver le périmètre et les montants destinés aux assurés modestes. C'est vrai qu'à ce prix on va supprimer, non pas des subsides, mais des automatismes de subsides. Est-ce bureaucratique que de passer un coup de téléphone et d'envoyer un justificatif au service d'assurance-maladie ? Pour certains, bien sûr, c'est un petit plus. Je vous garantis que les assurés modestes qui pourront bénéficier des huit millions de francs - qui ne sont pas tombés du ciel, mais qui sont issus de l'extrapolation de la commission d'évaluation des politiques publiques - se réjouiront qu'on ait préféré ne pas toucher aux subsides.
Encore une fois, rien n'est parfait et rien n'est tout à fait simple. Mais je préfère, à tout prendre, entendre le raisonnement qu'a tenu M. Mouhanna - que je ne partage pas mais que je respecte - qui consiste à dire que c'est l'ensemble de la société qui doit être différente et que, ce que vous avez dit très honnêtement, jusqu'à l'âge de 25 ans, les choses doivent être gratuites. C'est une forme de solidarité. Pour cela, il faut prendre beaucoup d'argent ailleurs - vous l'avez dit aussi, Monsieur Mouhanna. C'est un autre modèle de société, je respecte vos convictions sans pour autant les partager.
Mais attaquer ce projet-là, dans le monde dans lequel on vit, c'est s'en prendre très clairement aux assurés modestes, pour lesquels l'enveloppe ne pourra pas augmenter, et vous le savez bien - puisqu'elle est conditionnée par la manne fédérale représentant 106 millions de francs. La manne cantonale n'est pas simplement égale à la manne fédérale: le canton fait déjà un effort de plus de 20 millions supplémentaires à ce que serait son obligation légale, pour mieux servir les assurés modestes, compte tenu du coût des primes, extrêmement élevées à Genève.
Il me semble que ce projet, à n'en pas douter, induira quelques désagréments. Je vous signale au passage que les coûts qu'il induira, parce que la question m'avait été posée par le président de la commission des finances, sont des coûts qui ne seront pas engendrés par une armée administrative mais par des gens qui auront un travail temporaire pendant les deux mois durant lesquels on demande les subsides et qui, accessoirement, seront des étudiants à qui on offrira la possibilité de remplir cette mission, en ayant la sensibilité de ce que sont leurs congénères. (Applaudissements.)
La présidente. Merci, Monsieur le conseiller d'Etat. Il n'est pas usuel de passer la parole après le...
Des voix. Non, non !
La présidente. Mais, attendez ! Il n'est pas usuel de passer la parole après le conseiller d'Etat, mais le Bureau a décidé de clore la liste et de passer la parole à M. le rapporteur Jean Spielmann.
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur de première minorité. Le conseiller d'Etat a dit que les rapports de minorité ne contenaient pas de dossiers ni de documents. Il est assez rare que nous travaillions de manière si rapide et que, une fois que les rapports de minorité sont déposés, et que les documents parviennent aux députés, nous recevions des amendements du Conseil d'Etat - c'est son propre projet de loi - qui remodifient quasiment tous les textes. Cela n'arrive pas très souvent.
Vous êtes en présence d'un projet de loi que nous avons examiné en commission. Les rapporteurs de minorité se sont exprimés sur le projet de loi tel qu'il leur avait été présenté, je n'ai rien à ajouter à mes modifications. Aujourd'hui, il y a cinq articles qui sont ajoutés, et modifiés, à la loi que nous avons faite en commission. Evidemment, nous n'en avons pas parlé beaucoup dans les rapports, puisque nous ne savions pas qu'ils existaient. J'imaginais que le Conseil d'Etat avait bien étudié la question et présenté un projet de loi complet. Il faut, aujourd'hui, modifier cinq articles supplémentaires aux trois articles qu'on nous avait proposé de modifier en commission.
M. Christian Brunier (S). Je pense qu'en termes de responsabilité, le Conseil d'Etat ne peut pas dire: «la commission d'évaluation des politiques publiques a fait des recommandations, nous les appliquons». En effet, dans biens des cas, des commissions d'experts ont fait des recommandations au gouvernement, et le gouvernement n'en a pas tenu compte. Si vous aviez appliqué toutes les recommandations d'experts sur l'office des poursuites et des faillites, je pense que nous aurions évité pas mal de problèmes.
Une voix. Très bien !
Une voix. Bravo !
M. Christian Brunier. Deuxièmement, les experts donnent un certain nombre de recommandations à caractère purement technique, mais, vous savez, la limite entre le «purement technique» et le politique est parfois fragile. Je prendrai deux exemples. En l'occurrence, il est proposé de ne pas respecter l'équité entre les jeunes. Cela n'est pas le fait d'un avis d'expert mais d'un avis politique. Et c'est au gouvernement d'assumer, ensuite, la responsabilité de tenir compte, ou pas, de cette mesure. Je l'ai lu hier, dans «La Tribune de Genève», en tout cas un membre de la CEPP - sortant certes - recommande de privatiser l'office cantonal de l'emploi. Ce n'est pas un avis d'expert neutre, c'est un avis politique. Et c'est à vous, et non pas aux experts, d'assumer les responsabilités que le gouvernement a de la peine à prendre. (Applaudissements.)
La présidente. La parole n'étant plus demandée, nous allons procéder au vote de prise en considération de ce projet de loi. ( Un député demande l'appel nominal. Il est appuyé.)
L'appel nominal a été demandé, nous allons y procéder.
Mis aux voix à l'appel nominal, ce projet de loi est adopté en premier débat par 44 oui contre 31 non et 4 abstentions.
Deuxième débat
La loi 9370 est adoptée article par article en deuxième débat.
La présidente. Nous allons passer au troisième débat. (La présidente est interpellée.)Vous voulez dire quelque chose, Monsieur le rapporteur ? Nous sommes en procédure de vote ! Je vous passe la parole, Monsieur le rapporteur.
M. Jean Spielmann (AdG), rapporteur de première minorité. Madame la présidente, vous et nous, les députés, avons tous reçu un rapport qui portait sur une loi. Il y a maintenant des amendements...
Une voix. On vient de les adopter !
M. Jean Spielmann. Non, nous n'avons pas voté d'amendements, vous avez dit «projet de loi adopté», mais personne n'a dit qu'il y avait des amendements et que le projet de loi était donc modifié. Nous avons voté un projet de loi... (Manifestation dans la salle.)Nous avons été saisis d'un projet de loi avec trois articles de loi, nous avons écrit des rapports les concernant et nous avons, maintenant, voté une loi qui comporte huit articles. Personne n'a dit que le projet de loi se trouvant dans le rapport déposé par les rapporteurs avait été amendé. Vous avez reçu des modifications proposées par le Conseil d'Etat, que le rapporteur de majorité a reprises, mais ce sont des amendements, et il faut donc les voter en tant qu'amendements à la loi.
La présidente. Monsieur le rapporteur, vous avez reçu un document qui s'appelait «Complément au PL 9370-A», daté du 8 décembre, de la commission des finances. C'est sur cette base que nous avons voté; les amendements sont intégrés. Vous l'avez en main. Il était joint. Il se trouvait sur chacun de vos bureaux.
Nous allons voter sur le troisième débat. (Vive émotion dans l'assistance. Exclamations.)
Une voix. Il y a un problème !
La présidente. Il n'y a pas de problème. C'est la version issue des travaux de la commission. Il n'y a pas de problème... Je passe la parole au président de la commission des finances, M. David Hiler.
M. David Hiler (Ve). Madame la présidente, c'est une simple question de forme. Nous avons reçu les amendements du département alors que notre commission avait déjà terminé ses travaux, de sorte que nous avons décidé que le rapporteur de majorité, au nom de la majorité, proposerait que soient soutenus les amendements du Conseil d'Etat de sorte que légalement, Madame la présidente, ces amendements ne font pas encore partie du projet de loi, puisqu'ils ne faisaient pas partie du rapport de majorité. Il faut les voter pour que le texte soit complet. Mme Martine Brunschwig Graf opine du chef ,parce qu'elle a vu exactement ce qui s'est passé. J'imagine que M. le rapporteur de majorité confirmera que c'est bien dans ce sens que nous devons agir, pour être sûrs qu'il n'y aura pas un recours contre la décision que nous sommes en train de prendre. Il ne s'agit pas là de politique mais d'oeuvrer en vue d'avoir un texte correct.
La présidente. Je passe la parole à M. le rapporteur Pierre Weiss.
M. Pierre Weiss (L), rapporteur de majorité. Madame la présidente, je confirme l'interprétation que vient de faire M. Hiler en tant que président de la commission des finances. Vous avez certainement été attentive, ainsi que d'autres participants de cette assemblée...
La présidente. Oui, vous en avez parlé.
M. Pierre Weiss. ...que ma première remarque, en introduction de mon commentaire, a été d'indiquer qu'en date du 29 novembre, le jour même du dépôt de mon rapport, un complément avait été déposé par le département de l'action sociale et de la santé, à la signature de M. Unger, qu'il comportait différents amendements. J'ai rappelé la teneur de l'amendement principal qui fait partie de la liste de ce courrier du 29 novembre. Mme la présidente du Grand Conseil, dans sa lecture, en deuxième débat, a intégré les amendements du Conseil d'Etat dans la suite de ceux qui se trouvent sur le projet de loi 9370.
La présidente. Monsieur le rapporteur, je me souviens très bien de votre bande-annonce, qui était très précise.
Nous allons procéder au vote. (Exclamations. Brouhaha.)Le vote est lancé. (Virulentes exclamations.)
Une voix. Il faut les présenter comme des amendements !
La présidente. Je passe la parole à Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat.
Mme Martine Brunschwig Graf, présidente du Conseil d'Etat. Ils ont peut-être été lus mais, sauf à contrarier tous les juristes du Grand Conseil, je pense qu'il serait plus habile de les présenter séparément au vote... (Manifestation dans la salle.)...ce qui permettrait de boucler le vote correctement et d'arrêter ce bras de fer inutile. (Vif brouhaha. La présidente agite la cloche.)